vendredi 28 mai 2010

Développement durable. Quand croissance rime avec accoutumance...

Tim Jackson (1) en est sûr.
Fondamentalement, la crise que nous vivons ne résulte ni d’une surveillance laxiste ni de la cupidité individuelle.
Elle est bel et bien systémique.
Car dans ses modalités actuelles, l'économie est «accro»
à la croissance.
Une dépendance qui contribue à la rendre structurellement déficiente.

La logique de la croissance n’est pas seulement irréaliste dans le contexte des limites écologiques d’une planète finie (2). Elle est aussi inefficiente d’un point de vue socio-économique.
Non pas que notre économie, telle qu'elle est aujourd'hui déclinée, puisse se passer d’elle. Au contraire, la croissance est essentielle à la stabilité du système. Mais à un moment ou à un autre, cet impératif finit toujours par mener à l’impasse.
Car il requiert un gain d’efficacité permanent, seul susceptible de faire baisser les coûts pour stimuler la demande et contribuer à un cycle positif d’expansion. Or, ce remède doit composer avec un effet secondaire: la diminution du besoin de main d’œuvre. On a beau tourner le problème dans tous les sens: pour fabriquer la même quantité de produits, il faut de moins en moins de personnel.
Les entreprises ne se privent pas de jouer sur cette variable d'ajustement. Et le spectre du chômage de masse, du coup, de se renforcer toujours davantage. Avec ses conséquences néfastes. Sur le plan social, bien sûr. Mais aussi en matière économique: diminution du pouvoir d’achat, baisse de la confiance des ménages… Autant de facteurs tendant à tirer la demande de biens de consommation vers le bas.
La récession s’installe alors. Avec son impact ravageur sur les finances publiques.
De quoi, souvent, inciter les gouvernements à emprunter davantage.
Parviennent-ils ainsi à maintenir les dépenses publiques et à restimuler la demande? Parfois. Mais le cas échéant, ils accroissent inévitablement la dette publique.
Durant plus de vingt ans, les monétaristes ont réagi contre les niveaux d’endettement public qu'avaient entraînés les programmes keynésiens de dépenses dans les années 1970. Ils ont présenté la dérégulation des marchés financiers comme le meilleur moyen de stimuler la demande. Mais leur stratégie a fini par remplacer la dette publique par la dette privée. Avec les séquelles que l’on sait.

Défaillance systémique

La faute à la défaillance et au cynisme de quelques-uns? Non, proclame Jackson. Le mal est incommensurablement plus profond.
« L’âge de l’irresponsabilité" ne résulte ni d’une surveillance laxiste, ni de la cupidité individuelle. La crise économique n’est pas la conséquence de fautes professionnelles isolées commises dans certaines parties du secteur bancaire. Si irresponsabilité il y a eu, ce fut alors de façon autrement plus systémique, une irresponsabilité avalisée par le sommet avec à l’esprit un objectif clair: la poursuite et la préservation de la croissance économique.» (3)(4)(5)
(A suivre)


Christophe Engels
(d'après Jackson Tim, Prospérité sans croissance, La transition vers une économie durable, Etopia et De Boeck, Namur et Bruxelles, 2010)

1. Tim Jackson est professeur de développement durable au Centre for Environnemental Strategy (CES) de l'Université du Surrey. Ses recherches portent sur le comportement des consommateurs, les systèmes énergétiques durables, l'économie écologique et la philosophie de l'environnement. Au Royaume-Uni, il est l'un des pionniers du développement d'indicateurs alternatifs à la croissance économique. Depuis janvier 2003, il mène des recherches au sein du CES sur la psychologie sociale du consommateur.
2. Voir le message précédent de ce blog: Développement durable. Tout petit, ma planète....
3. Jackson Tim, Prospérité sans croissance, La transition vers une économie durable, Etopia et De Boeck, Namur et Bruxelles, 2010, p. 45-46.
4. Pour suivre: d'autres notes de lecture de l'ouvrage de Tim Jackson.
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