mardi 18 décembre 2012

Actu. Adieu, monde fatal...


L'assassin de l'humanité habite-t-il au 21 ?
Non, évidemment.
De fin du monde, 
il ne sera pas question, de facto,
en ce très prochain jour du mois de décembre.
Mais pourquoi ne pas profiter des circonstances
pour faire de cette date un symbole ?
Celui de la fin d'un monde.
Adieu, donc, monde fatal ?
Adieu, monde connecté au petit je
d'un individualisme outrancier ?
Adieu, monde branché 
sur le petit jeu 
d'un matérialisme excessif ?
Etranges je(ux), d'ailleurs,
où la seule manière de gagner 
consiste à ne pas jouer... 

Goût du mystère?
Sensationnalisme? 
Mercantilisme?...
La sphère médiatique, en tout cas, ne se tient plus. 
On ne parle plus que de ce fameux 21 décembre 2012, annoncé par d'aucuns comme le jour J.
Celui d'un cataclysme sans précédent.
Celui de l'apocalypse.
Celui de la fin du monde.
L'Américaine Britney Spears y va de son "Till the World ends".
Et le Français Cauet de son eschatologique ritournelle
Même le mythique "Gangnam Style" du fantasque Coréen Psy est récupéré par l'un ou l'autre lecteur de Nostradamus.  
Grands Etats-Unis, moyenne France ou petite Belgique, même combat!

La fin... d'un monde est pour demain

Et si nous nous bottions en touche...
Et si nous options pour une approche métaphorique...
Et si, à défaut de fin du monde, nous envisagions la fin d'un monde.
Un monde excessivement matérialiste.
Un monde prioritairement hédoniste.
Un monde égoïstement individualiste.
Un monde de repli sur soi.
Un monde dont les acteurs se retranchent trop souvent dans la tour d’ivoire de leurs propres convictions préalables.
Un monde fondamentalement discriminant...  

Reliance à l’autre, par l’autre et pour l’autre

Un autre monde est possible, clament haut et fort les altermondialistes.
Acceptons en l'augure.
Et faisons le pari de l'enraciner dans une triple reliance (2)...
. Reliance à l’autre, tout d'abord.
C'est-à-dire ouverte dans l'espace et dans le temps.
. Reliance par l’autre, ensuite.
C'est-à-dire positive et réflexive.
. Reliance pour l'autre, enfin.
C'est-à-dire éthique et constructive.
Un triple objectif, donc, dans l’optique duquel il conviendrait d’aller
. d’une posture NIMBY (Never In My Back Yard (1)) à une attitude d’ouverture (reliance à l’autre);
. du négatif au positif (reliance par l’autre);
. du destructif au constructif (reliance pour l’autre)...

Une reliance ouverte à l’autre 

Reliance ouverte à l'autre, donc. 
L'autre du présent, bien sûr: allocation universelle, investissement solidaire ou commerce équitable, soyez les bienvenus!
Mais aussi l'autre du futur: développement durable, simplicité volontaire et autre objection de croissance, faites comme chez vous!

Une reliance empathique, par l’autre 

Rappelons brièvement ici ce que nous développions par ailleurs...
Le principe de «reliance par l’autre» appelle à m'intéresser véritablement à mon interlocuteur.
A porter sur lui un regard de curiosité plutôt qu’un regard de convoitise (3).
A me demander aussi en quoi lui est «dans le bon» et moi dans le moins bon.
A ce stade, le «regard positif inconditionnel» de Carl Rogers a beaucoup à nous apprendre.
Celui-là même qui est présenté par le psychologue U.S. comme une ouverture profondément vraie et inébranlablement chaleureuse à toutes les dimensions constitutives du vécu d’autrui. (4)
«Se pourrait-il que les humains ne soient pas mauvais par essence, ni intrinsèquement égoïstes et matérialistes, n'hésite pas, quant à lui, à se demander Jeremy Rifkin. 
Se pourrait-il qu'ils soient d'une nature très différente -empathique-, et que toutes les autres pulsions que nous avons crues primaires -agression, violence, égoïsme, soif d'acquérir- soient en réalité secondaires, dues à la répression ou au déni de notre instinct le plus fondamental?» (5)
L'Américain ne se contente pas de poser la question.
Il y répond.
Par l'affirmative...
«L'idée traditionnelle qui assimilait conscience de soi et autonomisation perd de son aura intellectuelle, insiste le penseur du pays de l'Oncle Sam. (...)
Le sentiment d'identité personnelle dépend de l'approfondissement des relations avec d'autres, il s'en nourrit.
Et le moyen de forger ces liens, c'est l'empathie. (...)
L'empathie est notre moyen psychologique de nous intégrer à la vie des autres et de partager de riches expériences.
L'idée même de transcendance a ce sens-là: atteindre ce qui nous dépasse, participer à des communautés plus larges, nous insérer dans des réseaux de sens plus complexes.
» (6)
C'est que «La rétroaction empathique permanente est le ciment qui rend viables des sociétés de plus en plus complexes. (...)
Pour qu'il y ait société, il faut être sociable et pour être sociable, il faut être empathique.» (7)
Mieux: «L'élan empathique ne se limite pas à conduire une personne à éprouver la situation d'un autre "comme si" c'était la sienne: son engagement crée aussi une boucle de rétroaction qui renforce et approfondit son propre sentiment d'identité personnelle.» (8)
Ainsi appréhendée, l'empathie se fait moins irréaliste.
Ce que confirmerait l'Histoire récente...
«Après le génocide de la Seconde Guerre mondiale, l'humanité a dit: "Jamais plus."
Nous avons étendu l'empathie à un grand nombre de nos semblables jugés jusque là moins humains que les autres -dont les femmes, les homosexuels, les handicapés, les gens de couleur et les minorités ethniques et religieuses-, et consacré juridiquement notre sensibilité par des droits sociaux, des mesures sociales, des lois sur les droits humains et même, tout récemment des dispositions sur la protection des animaux.
Nous avons engagé la lutte finale pour inclure l'"autre", l'"étranger", le "paria". 
Si nous n'en sommes qu'aux premières lueurs d'une nouvelle conscience biosphérique -les préjugés xénophobes traditionnels restent la norme-, le simple fait que notre élan empathique explore des domaines hier inaccessibles est un triomphe de l'évolution de l'espèce humaine.» (9)

Une reliance éthique et constructive, pour l’autre 

Parler, c’est agir.
Et agir, c’est poser un acte qui a des effets.
L'heure, ici, n'est pas à la destruction.
Pas même, ou pas seulement, à la déconstruction.
Place, au contraire, à l'inventivité.
A la création.
Et, de là, à la construction.
Celle d'un monde signifiant.
Alter-signifiant...
«Une vision radicalement neuve de la nature humaine émerge lentement, estime en effet Rifkin.
Elle se renforce et peut révolutionner notre façon de comprendre et d'organiser nos relations économiques, sociales et environnementales au cours des prochains siècles. 
Nous avons découvert l'Homo empathicus.» (10)

Christophe Engels

(1) Jamais dans mon jardin.
(2) Nos lecteurs les plus fidèles et attentifs se souviendront que cette idée a déjà été développée dans un précédent message: Coulisses. Alain Touraine avait raison...
(3) Cfr. le philosophe américain John Rawls.
(4) Pour plus de détails à ce sujet, on se référera au message: Coulisses. Alain Touraine avait raison...
(5) Rifkins Jeremy, Une nouvelle conscience pour un monde en crise. La civilisation de l'empathie, Les liens qui libèrent, coll. Babel, p. 31.
(6) Rifkins Jeremy, Une nouvelle conscience pour un monde en crise. La civilisation de l'empathie, idem, p.33-34.
(7) Rifkins Jeremy, Une nouvelle conscience pour un monde en crise. La civilisation de l'empathie, idem, p.60.
(8) Rifkins Jeremy, Une nouvelle conscience pour un monde en crise. La civilisation de l'empathie, idem, p.60.
(9) Rifkins Jeremy, Une nouvelle conscience pour un monde en crise. La civilisation de l'empathie, idem, p.41.
(10) Rifkins Jeremy, Une nouvelle conscience pour un monde en crise. La civilisation de l'empathie, idem, p.61.

1 commentaire:

  1. Le temps est venu d'arrêter de tricher.

    Décembre 2012 : le mois de tous les dangers. Nous y voilà arrivés. La première fois que j'ai entendu parler de cette date fatidique, c'était en 1999. Je venais de mettre un terme à ma carrière de chirurgien et j'avais le projet d'écrire un roman dont l'action se situait entre Paris, Londres, la Californie et la forêt guatémaltèque. Le synopsis mettait en scène une jeune femme inspecteur de police, séduisante et intrépide, confrontée à une secte millénariste qui prédisait la fin du monde pour le 20/12/2012. J'espérais à travers ce thriller esotérico-philosophique partager une réflexion à propos de l'évolution de notre civilisation. Malheureusement, en voulant exposer mes idées, je n'avais pas laissé suffisamment de place à mes personnages. De l'avis de plusieurs éditeurs, mon texte n'était pas assez romanesque. J'aurais mieux fait d'écrire un essai.

    Les recherches que j'effectuai alors m'amenèrent à consulter une série de documents selon lesquels le calendrier maya prophétisait la fin du monde pour le 20/12/2012. À l'époque, j'étais loin d'imaginer que cette information susciterait autant de passions et ferait la fortune de nombreux auteurs et cinéastes habitués à surfer sur la vague des angoisses collectives. L'Apocalypse fait recette et ceux qui s'enrichissent sur son dos se gardent bien de nous dire qu'en réalité ce mot vient du grec apokalupsis qui signifie « la révélation », qui vient du verbe apokaluptein : découvrir, dévoiler, révéler. Ainsi, contrairement à ce qu'annoncent ces prophètes et ces devins du malheur, il ne faut pas redouter la fin du monde mais plutôt espérer le commencement d'un monde. Un nouveau monde que, intuitivement, nous sentons poindre à l'horizon de l'histoire. Un monde que, secrètement, nous espérons voir émerger du chaos dans lequel nous avons l'impression de nous enfoncer un peu plus chaque jour.

    Avec le recul, je me dis que j'aurais peut-être dû faire l'effort de réécrire mon roman (un roman que j'avais intitulé Deux mille douze). Car j'y développais une idée qui me paraît importante tant pour l'épanouissement personnel de chacun d'entre nous que pour la survie collective de nos sociétés contemporaines : l'harmonie et le bonheur, la santé et la longévité impliquent de ne pas tricher. Il s'agit donc d'être cohérent, de dire ce que l'on pense et de faire ce que l'on dit. Cela demande de se dévoiler, de se révéler, de ne pas trahir la partie la plus essentielle de soi, d'être vrai avec soi-même et avec les autres, de vivre avec une intention apocalyptique. Lorsque j'écoute les patients qui me confient les drames de leur existence, lorsque j'examine mes propres difficultés, lorsque j'analyse les crises écologiques, sociales ou financières qui font les gros titres de nos journaux, je constate que, la plupart du temps, le chaos naît de la tricherie, de la trahison vis-à-vis de l'essentiel, des doubles discours, des intentions cachées, du manque de transparence, d'honnêteté et d'intégrité.

    Comment espérer retrouver un peu de sérénité en continuant à vivre de la sorte ? Je ne vois pas d'autre solution que celle d'arrêter de tricher et de mettre notre cohérence ainsi retrouvée au service de l'essentiel. Je me réjouis donc de cette Apocalypse annoncée. Même si, renseignements pris, les prophéties attribuées aux Mayas ne sont pas aussi claires que certains l'affirment. Je vous souhaite une bonne fin d'année. Une joyeuse fin du monde.

    Thierry Janssen
    www.thierryjanssen.com

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