lundi 27 février 2012

Empathie. Voyage au centre de ton univers...


Grâce à l'empathie,

me voici pleinement
centré sur l'autre.
Suis-je amené,
ce faisant,
à renoncer
à une part de proximité
avec moi-même?
Certainement pas,
se rebiffe
ce psychologue humaniste
qu'est le Belge
Jean-Marc Priels.

Qui pourfend
l'idée de
décentrement.
Et entend parler
d' «authenticité
mise délicatement
au service d'autrui.»


Me recentrer, oui!
Me perdre, non!
Tel semble être le double mot d’ordre de l’empathie.
S’agirait-il à la fois de «devenir autre» et de rester pleinement moi-même?
Ou –pour l’écrire autrement– de devenir provisoirement autre avant de redevenir complètement moi-même?
Pas vraiment...
«Dans l'Approche Centrée sur la Personne et expérientielle qui m’est chère, il n'est jamais question de "se dépasser" ni de "devenir autre", corrige Jean-Marc Priels (1).
Car l'empathie est indissociable des deux autres conditions que sont la congruence et le regard positif inconditionnel. »

On demande traducteur...

Congruence?
Regard positif inconditionnel?
Euuuh…
La congruence, c’est cet accord avec moi-même qui suppose l’absence de toute forme d’inhibition, d’envahissement ou d’inertie.
Autant de processus défensifs qui m’incitent à refouler un problème ou à me laisser submerger par lui.
Autant de «courts-circuits» sur le fil de mon authenticité.
Autant d’obstacles à lever, donc, sous peine de mettre à mal ma concordance intérieure.
Quant au regard positif inconditionnel, il s’agit d’une ouverture profondément vraie et inébranlablement chaleureuse à toutes les dimensions constitutives du vécu de l’autre.
«Dans l'écoute empathique, je tente de rester ainsi pleinement moi-même et congruent, poursuit Priels.
Pleinement centré sur l'autre, je n’en renonce pas pour autant à une pleine proximité avec moi-même.
On ne parle donc pas de "décentrement" mais d'authenticité mise délicatement au service d'autrui. »

Ton intériorité, objectivement...

Initiateur de l’A.C.P., le psychologue humaniste américain Carl Rogers décrit l’empathie comme un voyage objectif dans l’univers subjectif d’autrui.
. Univers subjectif?
Oui, dans la mesure où «l’objet d’étude» renvoie à l’intériorité de l’autre.
. Voyage objectif?
Tout autant, parce qu’il m’incite à sortir provisoirement de ma propre subjectivité, à faire un moment –et un moment seulement– abstraction de mes propres valeurs.
Ce qui passe par un message de compréhension et d’acceptation dépourvu de tout jugement (1).
«Puis-je m'autoriser à pénétrer entièrement dans l'univers de ses sentiments et de ses points de vue personnels et à les voir comme lui les voit?, s’interroge Rogers.
Puis-je pénétrer dans son monde privé assez profondément pour perdre tout désir de l'évaluer et de le juger?
Puis-je y entrer avec suffisamment de délicatesse pour m'y déplacer librement sans piétiner tout ce qui à ses yeux est lourd d'un sens précieux?
Aurais-je assez de finesse pour comprendre non seulement ce qu'il comprend clairement, mais aussi son non-dit, ce qu'il ne perçoit lui-même que de manière trouble ou confuse?
Y a-t-il des limites à cette compréhension?» (2)(3)(4)(5)

(A suivre)

Christophe Engels

(1) Psychologue et psychothérapeute à la Clinique Sans Souci de Jette, en Région bruxelloise, Jean-Marc Priels est par ailleurs membre actif du Centre d’Action pour un Personnalisme Pluraliste (CAPP, à Louvain-la-Neuve, Belgique) et responsable belge de la revue francophone internationale ACP (Approche Centrée sur la Personne) Pratique et recherche (La Queue-lez-Yvelines, France).
(2) Rogers Carl et Kinget Godelieve Marian, Psychothérapies et relations humaines, Publications universitaires de Louvain, Louvain, 1973. Voir aussi : Rogers Carl, Psychothérapie et relations humaines. Théorie de la thérapie centrée sur la personne, ESF, Issy Les Moulinaux, 2009 (réédition de la partie du livre précédent, écrite par Rogers).
(3) Ce message est extrait de Engels Christophe, Empathie. De l’autre côté de ton regard..., in L'Observatoire de l'action sociale, n°70, Liège, octobre, 2011, pp.67-70. Avec l'aimable autorisation de la directrice, Colette Leclercq, que nous remercions.
(4) On notera, pour information, que l'auteur de ce message a également signé un texte sur l'empathie pour le Service International de Recherche, d'Education et d'Action Sociale (Analyses et Etudes 2011/5, Bruxelles, 2011).
(5) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à l'empathie (avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par et d'après Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme (par Vincent Triest,...)....

jeudi 23 février 2012

Empathie. Ne confondons pas...


Dans l'
empathie,
la distinction
entre moi
et l’autre

ne peut jamais
s’effacer.

Faute de quoi
elle
cédera
la place

à l’identification,
à la sympathie,
à la détresse
personnelle

et/ou
à l’hyper-empathie.
Attention!
Risques
de confusion…



L'empathie, telle que décrite dans les messages précédents, serait-elle identification?

Sympathie?
Détresse personnelle?
Hyper-empathie?
Non, non, non et non.
Voici pourquoi...

Empathie n’est pas identification

L’empathie renvoie à l’idée d’une perception correcte du cadre de référence d'autrui, avec les harmoniques subjectives et les valeurs personnelles qui s'y rattachent.
Percevoir de manière empathique, c'est donc appréhender le monde subjectif d'autrui, «comme si» on était cette personne.
Mais c’est aussi ne jamais perdre de vue que c’est de l’autre qu’il s’agit.
Et non pas de moi-même.
«La capacité empathique implique donc que, par exemple, on éprouve la peine ou le plaisir d’autrui comme il l’éprouve, et qu’on en perçoive la cause comme il la perçoit (c’est-à-dire qu’on explique ses sentiments ou ses perceptions comme il se les explique), sans jamais oublier qu’il s’agit des expériences et des perceptions de l’autre, précisent Carl Rogers et Godelieve Kinget.
Si cette dernière condition est absente, ou cesse de jouer, il ne s’agit plus d’empathie mais d’identification.» (1)

Empathie n’est pas sympathie

L’empathie se démarque de cette relation affective à autrui fondée, justement, sur une contagion des émotions.
En pensant «Il fait une tête bizarre, lui...», je m'abstiens à la fois de sympathie et d'empathie.
En songeant «Le pauvre, cela doit être lourd...», je fais preuve de sympathie.
En revanche, si j’explique que «Cela doit être lourd. Je vais l'aider...», je témoigne d’empathie.
Etre en sympathie avec quelqu’un, c’est se contenter de partager ses émotions, sans nécessairement en connaître la raison.
Le processus de connaissance empathique va au-delà de l’émotionnel: son mode de relation ne se conçoit pas sans une perspective plus globale, incluant notamment une composante cognitive.
«Du fait que la sympathie a trait essentiellement aux émotions, son champ est plus réduit que celui de l'empathie, explique Godelieve Kinget.
Empathie qui, elle, se réfère à l'appréhension des aspects tant cognitifs qu'émotionnels de l'expérience d'autrui.
» (1)
Que les émotions et les sentiments apportent leur quota de matières premières à ce mécanisme, rien de plus normal: il n’y a pas de cognition sans affect.
Mais l’empathie ne saurait se contenter de ce seul type de paramètre.
Elle porte sur l’expérience dans son ensemble.
Et elle n’est jamais identification ou fusion des sentiments.
En ce sens, elle est plus riche et plus complexe que la sympathie.

Empathie n’est pas détresse personnelle

De nombreux travaux en psychologie sociale ont montré que face à la souffrance d’autrui, deux réactions émotionnelles sont possibles.
L’une est dirigée vers autrui: c’est l’empathie.
L’autre est orientée vers moi: c’est la détresse personnelle.
Qui, elle, présente l’inconvénient majeur d’induire des sentiments d’anxiété et de malaise.
«La distinction entre ces deux réponses est importante, explique Jean Decety, professeur de neurosciences sociales à l’université de Chicago.
Car le sentiment d’empathie peut évoquer une motivation altruiste (pour le bénéfice d’autrui) alors que le sentiment de détresse émotionnelle évoque une motivation de type égoïste (soulager son propre état de détresse et d’anxiété).» (2)
L’empathie se doit donc d’être tournée vers autrui, et non pas vers moi.
Faute de quoi, je risque de perdre le contrôle de mes émotions.

Empathie n’est pas hyper-empathie

Si je souffre d’une basse estime de soi, je peux me montrer excessivement attentif à l’autre, au point de perdre de vue mes propres intérêts et de m’oublier moi-même.
Mon effacement, voire ma soumission, traduit alors mon besoin d’acheter l’approbation d’autrui (3).
C’est le phénomène de l’«hyper-empathie».
Qui nous éloigne, une fois encore, de l’empathie… (4)(5)(6)

(A suivre)

Christophe Engels

(1) Rogers Carl et Kinget Godelieve, Psychothérapie et relations humaines (volume 1), Béatrice Nauvelaerts, Louvain, 1962, p.197.
(2) Decety Jean, La douleur, source d’empathie, Cerveau et Psycho n°16, juillet-août 2006, p.64.
(3) André Christophe et Lelord François, L’estime de soi, Odile Jacob, Paris, 1999, p.246
(4) A l'une ou l'autre modification près, ce message est extrait de Engels Christophe, Empathie. De l’autre côté de ton regard..., in L'Observatoire de l'action sociale, n°70, Liège, octobre, 2011, pp.67-70. Avec l'aimable autorisation de la directrice, Colette Leclercq, que nous remercions.
(5) On notera, pour information, que l'auteur de ce message a également signé un texte sur l'empathie pour le Service International de Recherche, d'Education et d'Action Sociale (Analyses et Etudes 2011/5, Bruxelles, 2011).
(6) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à l'empathie (avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),

. à la reliance et à la sociologie existentielle (par et d'après Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme (par Vincent Triest,...)....

lundi 20 février 2012

Actu. Putain, deux ans !















Deux ans!

Deux ans déjà
qu'était publié
l'Appel à Projet relationnel
qui annonçait la suite
de ce blog.

Auquel, depuis lors, vous êtes toujours plus nombreux
à rendre visite, ponctuellement
ou régulièrement.

Une tendance qui s'est encore confirmée
ces derniers temps (1).
Vous voici donc sept fois plus assidus
qu'il y a vingt mois (2).
Soit 2.300 en janvier dernier.
Rien de particulièrement spectaculaire, certes.
Mais une progression qui n'a de cesse de se renforcer.
Soyez-en remerciés.
Et, en un sens,... félicités!
Car, plus encore que quantitativement,
votre présence nous paraît pouvoir
être appréciée qualitativement.
Elle nous semble en effet témoigner
d'une prise de conscience.
Celle des périls qui,
à la racine ou en marge des dangers
socio-économiques et environnementaux
si souvent dénoncés,
planent beaucoup plus subrepticement
sur notre société.
L'individualisation
et le populisme par exemples.
Ou alors l'extrémisme.
Qui guettent plus que jamais...

C'était en Belgique, il y a quelques semaines.
Une enquête sur les valeurs (2) paraissait, qui décrivait une société confrontée à la montée en puissance des valeurs individuelles, mais aussi à l’essor des sentiments populistes.

Individualisation générale

Spécificité du petit royaume: l’Eglise catholique qui, dans la hiérarchie de la confiance, obtenait encore le plus haut taux en 1981, aurait entre-temps dégringolé en... dernière position!
La faute en bonne partie, sans nul doute, aux affaires de pédophilie qui,
ces dernières années, ont trop souvent émaillé le quotidien du plat pays.
N'empêche: en gros et dans une (bien) moindre proportion, le constat est généralisable à l'Europe entière.
Révélant ainsi une tendance qui marque peu ou prou toutes les contrées occidentales.
C
elle d'une individualisation générale.
Qui débouche notamment sur une
distanciation croissante à l’égard de la plupart des institutions.
Et qui contribue à mettre
à mal la crédibilité dont jouissent dans l'opinion des partis politiques... relégués, eux aussi, en queue de classement (derniers ex aequo).
Au même titre que la sécularisation en est arrivée à éloigner les croyants de l’Eglise catholique, l’essor de la liberté individuelle aurait-elle donc conduit à distancier les citoyens des syndicats, du monde politique ou, en particulier, des partis?
Oui, estime la sociologue Liliane Voyé...
«Chacun revendique la liberté de choisir sa propre forme de vie.
L’individu s’affirme, en dehors des modèles dictés par les institutions.»

Et
ce professeur émérite de l'Université Catholique de Louvain de préciser par ailleurs...
«Sur le plan des valeurs, on ne peut pas parler de bouleversements majeurs au cours de la dernière décennie.
Par contre, il devient de plus
en plus évident que les cadres traditionnels ne cessent de perdre leur pouvoir d’intégration.
Les citoyens se façonnent de plus en plus leurs propres modes de vie à partir de nouveaux cadres et modèles normatifs distillés par les moyens de communication de masse qui inspirent et guident leur comportement.
»

Penchants antidémocratiques

Précision de cet autre auteur de l'étude (3) qu'est le sociologue Karel Dobbelaere (Katholieke Universiteit Leuven): «
Si 90% trouvent que la démocratie est la meilleure forme de gouvernement, 65% pensent que les démocraties sont indécises et trop bavardes, et 40% estiment qu’elles ne sont pas très performantes pour maintenir l’ordre».
Des penchants antidémocratiques dont on remarquera qu'ils font davantage écho du côté des jeunes, des moins scolarisés et/ou des ouvriers.

Et qu'ils ne valent évidemment pas que pour la seule Belgique...

Imprévoyance ou incapacité?

Les germes d’une extrême-droite en devenir?
Voyé s’étonne en tout cas de l'imprévoyance des élus et des décideurs.
A moins que, comme le suggère Dobbelaere, ceux-ci ne préfèrent «
fermer les yeux sur des phénomènes face auxquels ils n’ont rien à proposer»... (4)(5)

C.E.

(1) 1.620 en novembre, 1.691 en décembre et 2.301 en janvier.
(2) Avant juillet 2010, nous ne disposions d'aucune statistique.

(3) Voyé Liliane, Dobbelaere Karel et Abts Koen , Autres temps, autres mœurs, Fondation Roi Baudouin et Racine-Campus, Bruxelles, 2012 (dans le cadre d'une
European Values Study, plus générale).
(4) Les informations et propos renseignés dans ce message sont tirés de
. Voyé Liliane, Dobbelaere Karel et Abts Koen , ibid.;
. Gutiérrez Ricardo, Résultats de l’enquête décennale sur les convictions de la population. Les Belges plébiscitent l’Etat social, in Le Soir du 16 février 2012, p.6;
. Laporte Christian, Les valeurs restent très belges, 16 février 2012, www.lalibre.be.
(5) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à l'empathie (avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par et d'après Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme (par Vincent Triest,...)....

jeudi 16 février 2012

Empathie. Somme toute...

Simple addition
du cognitif
et de l'affectif,
l'empathie?
Oh, que non!,
regimbe
ce psychologue humaniste
qu'est
le Belge
Jean-Marc Priels.
Qui ne prend appui
sur l'appel
neuroscientifique
au dépassement

d'une compréhension simplement rationnelle
que pour mieux rebondir sur la nécessité
de recourir à une expérience
«bien plus globale»...

L’approche neuroscientifique de l'empathie (1) ne manque pas d'intérêt.
Elle laisse pourtant sur sa faim un Jean-Marc Priels, psychologue et psychothérapeute à la Clinique Sans Souci de Jette, en Région bruxelloise…
«Ramener l’empathie à de telles composantes, c’est perdre de vue que l'expérience de la rencontre de la personne est bien plus globale, considère ce membre actif du Centre d’Action pour un Personnalisme Pluraliste (CAPP, à Louvain-la-Neuve, en Belgique) qui est aussi responsable belge de la revue francophone internationale ACP (Approche Centrée sur la Personne) Pratique et recherche (La Queue-lez-Yvelines, France).
Elle ne se résume pas à une simple addition de l'affectif et du cognitif.
L’écoute compréhensive s’apparente à l’adoption plus ou moins spontanée d’un "cadre d’attitudes de référence" avec lequel le thérapeute empathique peut se mouvoir dans l’univers intérieur de la personne qu’il écoute.
L'expérience empathique met aussi en jeu, par exemples, l'intelligence de la personne, ses valeurs, sa subjectivité…
Il s'agit d'une totalité indissociable dont les multiples aspects ne peuvent être ni inventoriés ni définis isolément. »

Double dynamique

Démarche neuroscientifique et Approche Centrée sur la Personne (ACP) ne se recoupent donc pas parfaitement (2).
Toutes deux, cependant, font référence à une double dynamique…
. Il est question, certes, d’aller plus loin que le terrain sur lequel me porterait une compréhension simplement rationnelle.
. Mais dans le même temps, il s’agit aussi de veiller à ne pas aller trop loin dans cette direction (3).
Un double souci qui passe par la maîtrise de deux mouvements simultanés…
. D’un coté, j’entends élargir l’objet de mon attention à tous les états internes qui composent le monde subjectif de la personne que j’écoute: pas seulement à ses pensées, donc, mais également à ses émotions, à ses sentiments, à son raisonnement, à son intelligence, à ses attitudes, à ses valeurs, à ses motivations, à ses projets.
. De l’autre, je veille scrupuleusement à ne jamais tomber dans les excès de la confusion émotionnelle.
Car empathie n’est pas contagion des émotions.
D’accord, bien sûr, pour un périple au plus profond de l’univers intérieur d’autrui afin d’en arriver, au-delà du rationnel, à ressentir ce qu’il éprouve.
Mais pas question, pour autant, de me perdre moi-même! (4)(5)(6)

(A suivre)

Christophe Engels

(1) Voir le précédent message de ce blog.
(2) Pour plus détails, on se référera utilement à: Shlien J.M., L’empathie en psychothérapie. Mécanisme vital? Oui. Prétention du thérapeute? Bien trop souvent. Suffisante à elle seule? Non, in ACP Pratique et recherche n°12, 2010.
(3) Les mécanismes en jeu dans la relation thérapeutique font l’objet d’une recherche scientifique épistémologiquement nécessaire. La découverte récente des neurones miroirs, présentés comme substrat neurobiologique explicatif des mécanismes de l’empathie, fait débat. D’aucun y voient les prémices d’une neuropsychologie sociale.
(4) Ce message est extrait de Engels Christophe, Empathie. De l’autre côté de ton regard..., in L'Observatoire de l'action sociale, n°70, Liège, octobre, 2011, pp.67-70. Avec l'aimable autorisation de la directrice, Colette Leclercq, que nous remercions.
(5) On notera, pour information, que l'auteur de ce message a également signé un texte sur l'empathie pour le Service International de Recherche, d'Education et d'Action Sociale (Analyses et Etudes 2011/5, Bruxelles, 2011).
(6) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à l'empathie (avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par et d'après Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme (par Vincent Triest,...)....

lundi 13 février 2012

Empathie. Triptyque neuroscientifique.

Vu sous l'angle
neuroscientifique,
l’empathie se ramène
à trois caractéristiques:
affective,
cognitive
et régulatoire.
Un triptyque
dont chacune
des trois
composantes
est présentée comme absolument indispensable...

Vingt-cinq siècles après le philosophe chinois Tchouang-Tseu (1), l'analyse dont il se fendait à propos de l'empathie n’a rien perdu de sa pertinence.
Elle reste même d’une interpellante actualité.
Au point de servir de point d’appui à un psychologue comme Marshall Rosenberg, «grand prêtre» américain de la Communication Non Violente(2)
D’autres approches n’en existent pas moins.
Ainsi, le point de vue neuroscientifique préfère ramener l’empathie à trois caractéristiques (3).
. D’une part, elle est présentée comme une réponse affective à autrui, comme un partage de son état émotionnel.
Cette première composante est celle qui me fait éprouver ce que ressent l’autre ou, à tout le moins, ce que je peux raisonnablement estimer qu’il ressent dans une situation donnée.
. D’autre part, l’empathie apparaît comme une capacité cognitive d’adopter le point de vue de l’autre.
Elle permet de découvrir des «schémas cognitifs», c’est-à-dire les croyances et les convictions intimes que chacun entretient sur lui-même et sur le monde.
. Enfin, l’empathie opère sans confusion entre moi et autrui.
Sous cet angle, l’empathie repose donc sur l’interaction de trois éléments constitutifs:
. un partage affectif (c’est ce qu’on appelle l’«empathie affective»),
. une flexibilité mentale qui, au-delà du seul ressenti de l’autre, me permet, plus largement, d’adopter son point de vue (on parle souvent d'«empathie cognitive»),
. des mécanismes assurant une régulation de mes émotions.
Insistons bien: aucune de ces composantes, prise isolément, ne suffit à rendre compte de l’expérience empathique globale.
Qui ne pourrait donc se construire qu’à la condition qu’aucun des trois matériaux ne manque à l’appel. (4)(5)(6)

(A suivre)
Christophe Engels

(1) Tchouang-Tseu est un penseur chinois du IVe siècle avant Jésus-Christ, à qui l'on attribue la paternité d'un texte essentiel du taoïsme, appelé «Zhuangzi» et surnommé «Classique véritable du Sud de la Chine». Pour plus d'informations, voir le message précédent de ce blog.
(2) http://www.cnvbelgique.be/. http://www.cnvbelgique.be/.
(3) Voir par exemple Decety Jean, La douleur, source d’empathie, Cerveau et Psycho n°16, juillet-août 2006, p. 64.
(4) Ce message est extrait de Engels Christophe, Empathie. De l’autre côté de ton regard..., in L'Observatoire de l'action sociale, n°70, Liège, octobre, 2011, pp.67-70. Avec l'aimable autorisation de la directrice, Colette Leclercq, que nous remercions.
(5) On notera, pour information, que l'auteur de ce message a également signé un texte sur l'empathie pour le Service International de Recherche, d'Education et d'Action Sociale (Analyses et Etudes 2011/5, Bruxelles, 2011).
(6) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à l'empathie (avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par et d'après Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme (par Vincent Triest,...)....

vendredi 10 février 2012

Empathie. De l'autre côté de ton regard...

Superbe voyage
que celui
auquel me convie
l’empathie.
Voyage dépaysant.
Voyage enrichissant.
Mais, toujours,
voyage aller-retour.
Et si je m’invitais
délicatement dans ton vécu…

Dans la société individualiste qui est la nôtre, l’empathie est mal comprise.
Au point d’apparaître, parfois, comme le vestige un peu désuet d’un monde irrémédiablement disparu.
Sinon comme le témoignage d’un idéalisme illusoire à la connotation judéo-chrétienne et poussiéreuse.
Ringarde, l’empathie?
Voire…
Elle reste souvent une excellente route de contournement.
Contournement de l’obstacle du repli sur soi.
Contournement des séquelles d’un monde trop souvent centré sur l’impitoyable règle du rapport de force.
Contournement de tous ces conflits inextricablement liés aux nuisances d’une nauséabonde malhonnêteté, fût-elle même simplement intellectuelle.
Encore convient-il de savoir de quoi l’on parle.
Car si le mot empathie (1) est fréquemment réduit à l’idée d’un effort consenti pour me mettre «dans la peau» de l’autre, il renvoie en fait à une réalité plus précise…

Esprit, es-tu là ?

Le philosophe chinois Tchouang-Tseu (2) associait l’empathie à l’essence d’une qualité d’écoute pleinement authentique…
«L’écoute exclusivement auditive est une chose, expliquait-il.
L’écoute intellectuelle en est une autre.
Mais l’écoute de l’esprit ne se limite pas à une seule faculté –l’audition ou la compréhension intellectuelle.
Elle requiert un état de vacuité de toutes les facultés.
Lorsque cet état est atteint, l’être tout entier est à l’écoute.
On parvient alors à saisir directement ce qui est là, devant soi, ce qui ne peut jamais être entendu par l’oreille ou compris par l’intellect.» (3)(4)(5)

(A suivre)

Christophe Engels

(1) Du grec ancien εμ, à l'intérieur, et πάθoς, ce qu'on éprouve.
(2) Penseur chinois du IVe siècle avant Jésus-Christ, à qui l'on attribue la paternité d'un texte essentiel du taoïsme appelé
«Zhuangzi» et surnommé «Classique véritable du Sud de la Chine».
(3) Cité in Rosenberg Marshall, Les mots sont des fenêtres (ou des murs), Introduction à la Communication Non Violente, Jouvence, Thonon-les Bains (France), 1999-2005, pp.121-122.
(4) Ce message est extrait de Engels Christophe, Empathie. De l’autre côté de ton regard...
, in L'Observatoire de l'action sociale, n°70, Liège, octobre, 2011, pp.67-70. Avec l'aimable autorisation de la directrice, Colette Leclercq, que nous remercions.
(5)
Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à l'empathie (avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par et d'après Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme (par Vincent Triest,...)....

mardi 7 février 2012

A.C.P. Approche Centrée sur... ma Personne ?

L'Approche Centrée
sur la Personne

serait-elle
une Approche Centrée
sur ma Personne?

En un sens, oui.
Car elle requiert
moins de moi

une attention directe
à mon interlocuteur
qu'une forme
plus réflexive
de vigilance...
Vigilance
aux sentiments

que l'autre
provoque en moi.

Vigilance
à
ma propre perception
de ce vis-à-vis.

Vigilance aux émotions
engendrées
en moi-même
par cette relation à autrui.


D'abord appelée «Thérapie Centrée sur le Client», la démarche initiée par le psychologue américain Carl Rogers (1) n'allait pas longtemps rester fidèle à son nom de baptême...

Du client au thérapeute

«L’attitude non directive n’est pas une ascèse, une inhibition de soi, écrivait déjà en 1970 le psychothérapeute et chercheur en sciences humaines Max Pagès (2).
Elle est, au contraire, une acceptation de soi, mieux une "affection de soi", un plaisir d’être soi et nous ajouterons aussi le courage d’être soi.

Elle ne consiste pas à s’effacer, à abandonner sa place pour se mettre à la place d’autrui, mais au contraire, à accepter, à vouloir qu’autrui ait sa place propre, qui n’est pas et ne sera jamais celle du thérapeute.
Cette thérapie "centrée sur le client", on pourrait tout autant, et peut-être plus justement encore, l’appeler une thérapie "centrée sur soi" (c’est une des raisons pour lesquelles nous ne croyons pas très heureuse l’expression "centré sur le client").»
La «Thérapie Centrée sur le Client» était donc appelée à évoluer.
Elle allait d'abord se débarrasser de la connotation peu enthousiasmante du mot
«thérapie» en adoptant le nouveau nom d'«Approche Centrée sur le Client».
Une transformation qui, pourtant, allait bientôt s'avérer insuffisante...
D'où, très vite, un nouveau changement de dénomination.
Bienvenue, désormais, à l'
«Approche Centrée sur la Personne»...

De la thérapie à la relation interpersonnelle

«Approche Centrée sur la Personne», donc.
La personne?
Oui.
D'abord parce que, dans son acception personnaliste, ce terme fait la part belle à la relation.
Ensuite parce que, par son champ sémantique infiniment plus vaste, il a l'avantage d'englober bien davantage que la notion de client.
A commencer par celle de thérapeute.
«
Dans le travail thérapeutique, le thérapeute n’est pas tant attentif au client, objet derrière une vitre, qu’aux sentiments que provoque en lui le client, poursuit le Français.
Le travail thérapeutique n’est pas autre chose qu’une extrême, délicate, amoureuse attention, pourrait-on dire, portée par le thérapeute à ses propres perceptions du client, à ses émotions en relation avec le client.» (3)
Sous cet angle, l'Approche Centrée sur la Personne deviendrait-elle donc, en un sens, approche centrée sur ma personne?
«Ici ressort nettement un paradoxe, écrit en tout cas Pagès.
Ainsi cette attention et valorisation inconditionnelle d’autrui, c’est une attention et une valorisation inconditionnelle de soi-même.» (4)
C'est que, précise notre guide, «L’expérience de soi est nécessairement ambivalente sauf lorsqu’elle implique une acceptation, un affrontement de l’angoisse au niveau le plus profond: l’angoisse de la solitude, de la séparation, de la mort, de la différence avec autrui, de l’individualité, de l’incommunicabilité avec autrui, angoisses qui s’évoquent l’une l’autre et se symbolisent mutuellement.» (5)(6)

Christophe Engels (d'après Max Pagès et Carl Rogers)

(1) Docteur en psychologie, professeur à l'université de Chicago et fondateur (en 1964) d'un Institut des Sciences du Comportement, Carl Rogers (1902-1987) a créé l'Approche Centrée sur la Personne. Il laisse une oeuvre et une pensée qui continuent à exercer une influence profonde sur tout le courant de la psychologie humaniste.
(2) Né en 1926, Max Pagès préconise une approche dialogique de l'être humain, c'est-à-dire l'association du biologique, du psychisme et du social.
(3) Pagès Max, L’orientation non directive en psychologie et en psychologie sociale, Dunod, Paris, 1970, p.65.
(4) Pagès Max,
ibid., p.65.
(5) Pagès Max,
ibid., p.66.
(6)
Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à l’Approche Centrée sur la Personne (par ou d'après Carl Rogers, Max Pagès, Jean-Marc Priels, André de Peretti...),
. à l'empathie (avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par et d'après Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme (par Vincent Triest,...)....

jeudi 2 février 2012

A.C.P. Direction: accomplissement personnel.

En tant que personne,
je ne suis pas une créature réactionnelle,

explique le psychologue américain
Carl Rogers
(1).
Je suis, au contraire, un «être» directionnel.
Et plus sage que mon intellect.
Car capable de tirer parti de mon «expériance»
pour m'accomplir pleinement.
Décodage...
(2)

Centrer la relation d'aide sur la personne plutôt que sur le problème. (3)
Telle est la consigne que s'assigne Carl Rogers avant le milieu des années 1960.
Une approche qui, pour s'avérer intéressante, n'en reste pas moins, à ce stade, assez mal dégrossie.
Provisoirement.
Car l'histoire de l'Approche Centrée sur la Personne (4) est encore appelée à évoluer.
Ce que rappelle cet homme de lettres et de sciences humaines qu'est le Français André de Peretti (5)...
«Dans sa mise au point de 1965, Rogers établit ses idées sur une proposition encore plus radicale et plus opératoire: "l’homme est directionnel".
Ce que je traduirai par: l’homme est par nature auto-directionnel et non "réactionnel".

Il a, en lui-même, de quoi s’orienter de façon créatrice pour lui-même, indépendamment des poussées et guidages d’autrui; il n’est pas un "organisme vide" (6), qui réagirait sur des réponses automatiques et des excitations purement externes; il pèse sur l’environnement selon une direction qui lui est propre.
Et cette direction d’accomplissement ne provient pas d’une évaluation intellectuelle, toujours incertaine et sujette à erreur, mais d’une impulsion profonde, explicite quand l’individu fonctionne pleinement, de façon autonome et directe.» (7)
De quoi faire penser à Rogers que «L’homme est plus sage que son intellect.» (8).
Et que la personne est capable de tirer parti de ce que, ici, nous avons osé appeler «expériance».
C'est que, explique Peretti, «Dans le fonctionnement optimal, la forme du moi reste souple, changeante, consommant un minimum d’énergie pour se modeler aux résultats des expériences successives qui permettent à l’organisme d’agrandir le domaine d’accessibilité. (…)
Dans le "champ" de contemporanéité, le moi se développe et s’organise pour maintenir la stabilisation des changements par son intervention régulante: celle-ci fait basculer le choix de l’expérience admise.» (9)

Christophe Engels (d'après André de Peretti et Carl Rogers) (10)

(1) Docteur en psychologie, professeur à l'université de Chicago et fondateur (en 1964) d'un Institut des Sciences du Comportement, Carl Rogers (1902-1987) a créé l'Approche Centrée sur la Personne. Il laisse une oeuvre et une pensée qui continuent à exercer une influence profonde sur tout le courant de la psychologie humaniste.
(2) La photo d'ouverure de ce message est tiré du magazine Time:.
(3) «
Il y a centration sur l’individu et non sur le problème.» (Rogers Carl, La Relation d’aide et la Psychothérapie, tome 1, éd E.S.F., Paris, 1970 , p.42).
(4) Pour être précis, l'Approche Centrée sur la Personne n'a trouvé sa dénomination définitive qu'après s'être appelée Thérapie Centrée sur le Client, puis Approche Centrée sur le Client.
(5) André Peretti, polytechnicien, docteur ès lettres et sciences humaines, a cumulé les responsabilités: ingénieur, puis ingénieur en chef des manufactures de l'Etat; professeur de lettres en classe de mathématiques spéciales; parlementaire, comme membre de l'Assemblé de l'Union française; formateur à l'Institut national d'administration scolaire et universitaire; chercheur à l'INRR. Conseiller de plusieurs ministres de l'Education, il a présidé une commission ministérielle sur la formation des personnels de l'Education nationale et a assuré de nombreuses missions à l'étranger.
(6) Rogers Carl, La Relation d’aide et la Psychothérapie, tome 1, éd E.S.F., Paris, 1970 , p.188.
(7) Peretti André de, Pensée et vérité de Carl Rogers, coll. Nouvelle Recherche, Privat, Toulouse, 1974, p.160.

(8)Rogers Carl, An humanistic conception of man , in Science and human affairs, Richard Farson, 1965, p.18.
(9) Peretti André de, ibid., p.169.
(10) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à l’Approche Centrée sur la Personne (par ou d'après Carl Rogers, Max Pagès, Jean-Marc Priels, André de Peretti...),
. à l'empathie (avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par et d'après Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme (par Vincent Triest,...)....