vendredi 27 mai 2016

«Pute du djihad !»















Elle a posté une vidéo sur internet.
Humaniste.
Solidaire.
Antiraciste.
Une sorte de déclaration d'amour.
Qui a suscité une pluie de... «commentaires».
Un monde change.













«Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai jamais eu besoin de courage pour porter mes valeurs.
Je n'ai même jamais senti le besoin de les exprimer dans mon travail d'artiste, tellement je les sentais partagées par le plus grand nombre.
Je suis née blanche, blonde, les yeux bleus.
J'ai grandi dans un village.
Bonne famille.
Bonne élève.
Baptisée.
Je n'ai jamais été un outrage pour personne.
Je me suis longtemps vécue comme un pur consensus.
A l'école primaire, je me souviens avoir collé des stickers "Touche pas à mon pote!" sur mes protège-cahier.
L'antiracisme m'a été transmis comme une évidence.
L'égalité entre les êtres humains comme une vérité.
On nous l'a enseigné.
D'autres théories avaient préexisté.
Elles avaient mené à des massacres, des guerres, des tortures.
Aujourd'hui, on savait.
Les scientifiques l'avaient démontré.
Et parce que l'on savait, cela n'arriverait plus.
Il y a deux mois, j'ai posté une vidéo sur ma ville d'adoption: Roubaix.
Une déclaration d'amour, comme certains l'ont appelée.
Et une pluie de commentaires...»

. «Pute du djihad!»

. «S'il n'y avait qu'une seule race, tout le monde serait semblable.
Il n'y aurait plus de différence.»

. «Quand la France sera un Etat islamique, tu ne pourras plus vivre ta vie de bobo.»

. «J'espère qu'une chose: c'est qu'une guerre civile éclate en France pour qu'on puisse régler tous nos comptes.» 

. «Une nation, c'est un peuple homogène ayant en commun la langue, l'histoire, la culture, la race... vivant sur un même territoire.»

. «On rasera cette ville sous les bombes après en avoir exfiltré les derniers Français non reniés.»

. «Vidéo tellement ridicule que j'ai envie de te coller une sérieuse baffe dans la gueule.
Si cette France te fait tant mouiller, va donc habiter en HLM à Trappes ou dans les quartiers nord de Marseille.»

. «Déjà soumise, elle se lance dans la collaboration.»

. «Les bobos sont atteints de sida mental.
La place de ces gens est à l'asile.»

. «Le métissage avec l'Africain n'est pas bénéfique pour l'Européen qui reviendrait 200.000 ans en arrière.» (1)

Lyne K.


(1) Ce texte est extrait d'un court métrage réalisé par Lyne K. pour le concours «Infracourt»de France 2 sur le thème «Sauf votre respect».



mardi 24 mai 2016

Près des yeux, près du coeur



Afra la Syrienne et Hania la Polonaise (photo ci-dessus).
Karim le Syrien et Randy l'Allemand. 
Grazyna la Polonaise et Fatima la Somalienne. 
Musa le Syrien et Annabelle la Belge. 
Mariam la Syrienne et Lee le Britannique.
Samira la Syrienne et Sanuta la Polonaise...
Autant de binômes.
Très temporaires parfois. 
Appelés à perdurer  dans certains cas.
Les yeux dans les yeux toujours.
Car, explique le psychologue Arthur Aron, 
«Quatre minutes d'échange visuel, 
il n'y a pas mieux pour rapprocher deux êtres.»


Elle: «Etes-vous arrivé récemment à Berlin?»
Lui: «Oui. 
Il y a huit mois.»
Elle: «Et êtes-vous seul ici, ou avec votre famille?»
Lui: «Seul.
Parfois, la vie est belle.
Parfois, elle ne l'est pas...»
Cet échange, poignant, est tiré d'une campagne à l'avenant.
La dernière en date de Amnesty International
Dont, le message de conclusion, outre les convaincus (d'avance), interpellera tout qui consentira à baisser la garde idéologique...
«L'année dernière, plus d'un million de réfugiés sont arrivés en Europe.
Comme n'importe qui, ils ont leur propre histoire à raconter.
Regardez au-delà les frontières.»



mardi 3 mai 2016

Burkina Faso. Balai citoyen vs politiciens poussiéreux



Du balai, 
les 
politiciens 
qui 
s'accrochent
à leur poste!
Au 

Burkina 
Faso,
ils doivent 
désormais 
composer. 
Avec un homme 
qui connaît la chanson.
Et avec un mouvement d'envergure,
qui entend emmener 

dans son sillage 
tous les Burkinabè.
Soit dix-huit millions 
de citoyens.
Et des poussières...


























Ici au Burkina Faso, son nom d'état civil ne dit rien à personne.
Son nom d'artiste en revanche...
«Serge Bambara»?
Qui c'est, ça?
Ah, ouiiii!
«Smockey».
Le «Smockey»!
Avec sa double casquette...


Dr Rapper...

«Smockey», c'est d'abord un rappeur. 

Un premier album, «Epitaphe», en 2001.
Le lancement d'un label aussi, «Amazon», qui produit des artistes underground.
Puis, un autre album en 2010, «CCP» (Cravate, Costard et Pourriture), qui assoit une identité musicale alliant rythmes traditionnel et modernes.
Les textes?
Aussi engagés que celui qui les porte.
La preuve par la multitude de conférences-débats auxquelles il participe activement dans tout le pays, y compris au fin fond des hameaux les plus reculés.
L'homme chante, bien sûr.
Mais pas seulement.
Il parle.
Il répond.
Il rétorque.
Et dans les bons jours, il met les rieurs de son côté.

«En fait, nos concerts sont de véritables meetings, estime l'intéressé
On fait venir beaucoup de monde là où les gens ne se dérangent pas pour des conférences.
L'art est donc un vecteur absolument fondamental.
D'autant qu'il est un catalyseur de non-violence.
»

... and Mister Sweeper

Car «Smockey», c'est aussi un activiste.
Au point d'en arriver, courant 2013, à mettre un mouvement sur les fonts baptismaux.
Place au «Balai citoyen»!
Créé avec l'animateur radio et chanteur reggae «Sam's K Le Jah».
Sus donc, plus que jamais, à la poussière trouvée sous le tapis de tous ces politiciens qui tendent à s'incruster au pouvoir!
Sus, également, à la saleté éthique du «J'y suis, j'y reste»!
Face aux intentions de modifications constitutionnelles, les deux hommes mobilisent tous azimuts. 
C'est l'ouverture de la chasse.
La chasse aux... «Cibal».
Soit des «citoyens balayeurs».
Ceux-là mêmes qui, en octobre 2014, auront raison des velléités de prolongation d'un président Blaise Campaoré, pourtant au pouvoir depuis vingt-sept ans.
«S'organiser, c'est gagner.
On se réunit au moins une fois par semaine.
On est représentés partout dans le pays et à l'étranger.
On a des "
ambassades Cibal".
On arrive à s'autofinancer au quotidien (ventes de t-shirts, cotisations, recours à la bonne volonté qui se traduit par des prestations gratuites...)
Là où on a besoin d'aides, c'est pour des opérations spéciales, ponctuelles.
»

Opération Sentinelle

«Smockey» donne l'impression de n'être pas un homme d'argent.
Un peu comme s'il s'en méfiait.
Comme s'il en redoutait les effets néfastes.
Comme s'il voyait moins en lui un potentiel de construction qu'un danger de destruction. 

«Si vous prenez l'homme le plus honnête du monde et que vous le mettez à côté d'un trésor, il finira toujours, à un moment ou à un autre, par se servir.
C'est normal.
C'est la nature humaine.
Voilà pourquoi il faut des sentinelles.
A nous, donc, d'exercer ce rôle.
Sans oublier, dans le même temps, de veiller à préparer l'avenir en donnant aux jeunes l'envie de s'impliquer en politique.
»
La politique, cependant, c'est un peu comme le cholestérol.
Il y a la bonne et il y a la mauvaise.
D'où la nécessité de soutenir la première tout en combattant la seconde.
La politique qui porte la noble cause du citoyen lambda, c'est oui!
Mais celle qui exalte les ambitions de puissance individuelle ou corporatiste, c'est non!
Non, non et non!
«
Pour commencer, il faut bannir une fois pour toutes l'usage des titres ronflants et autres appellations à rallonge!
Ce sont les politiciens qui sont nos serviteurs.
Pas l'inverse...
»

Viva la post-révolucion!

2015.
«Smockey» sort son cinquième album.
Son titre: «Pré'volution».
Soit une fusion des termes «Prémonition», «Révolution» et «Evolution».
L'opus, dont la plupart des titres ont été enregistrés deux ou trois ans avant les événements insurrectionnels d'octobre 2014, a des accents prémonitoires.

Il proclame le besoin urgent d'une «post-révolution».
Pour achever le processus de libération du peuple...



Christophe Engels


(1) Ce message s'inspire largement d'une soirée/discussion («Nouvelles mobilisations citoyennes en Afrique: Y'en a marre, Balai citoyen, Filimbi») organisée le lundi 11 avril 2016 à l'Université Libre de Bruxelles (ULB) par le professeur Marie-Soleil Frère et animée par elle ainsi que par Olivier Rogez (Radio France International), en présence du Sénégalais Aliou Sané («Y'en a marre»), du Burkinabé Smockey («Balai citoyen»), du Congolais Floribert Anzuluni («Filimbi») et du Tchadien Didier Lahaye, dit Croquemort Iyina»).