jeudi 1 avril 2010

Clés altermondialistes pour le changement


Ne rien changer ? Procéder à un simple ravalement de façade ? Ou trouver des alternatives authentiques ? Entre ces trois options, le cœur de François Houtart ne balance absolument pas. Place au changement ! Et plutôt quatre fois qu’une… (1)

François Houtart (2)


Face à la crise financière qui affecte l’ensemble de l’économie mondiale et se combine avec une crise alimentaire, énergétique et climatique, pour déboucher sur un désastre social et humanitaire, diverses réactions se profilent à l’horizon. Certains proposent de punir et de changer les acteurs (les voleurs de poules, comme dit Michel Camdessus, l’ancien directeur du FMI) pour continuer comme avant. D’autres soulignent la nécessité de réguler le système, mais sans changer les paramètres, comme George Soros. Enfin, il y a ceux qui estiment que c’est la logique du système économique contemporain qui est en jeu et qu’il s’agit de trouver des alternatives.
L’urgence de solutions est le défi majeur. Il ne reste plus beaucoup de temps pour agir efficacement sur les changements climatiques.
Au cours des deux dernières années, selon la FAO, 100 millions de personnes ont basculé sous la ligne de pauvreté, le besoin impératif de changer de cycle énergétique est à nos portes. Une multitude de solutions alternatives existent, dans tous les domaines, mais elles exigent une cohérence pour garantir leur efficacité ; non pas un nouveau dogme, mais une articulation.

Du respect pour Dame nature !

La vision de long terme peut s’articuler autour de quelques axes majeurs.
En premier lieu, un usage renouvelable et rationnel des ressources naturelles, ce qui suppose une autre philosophie du rapport à la nature : non plus l’exploitation sans limite d’une matière, en l’occurrence objet de profit, mais le respect de ce qui forme la source de la vie. Les sociétés du socialisme dit réel, n’avaient guère innové dans ce domaine.

Valeur d’usage ajoutée

Ensuite, privilégier la valeur d’usage sur la valeur d’échange, ce qui signifie une autre définition de l’économie : non plus la production d’une valeur ajoutée, source d’accumulation privée, mais l’activité qui assure les bases de la vie, matérielle, culturelle et spirituelle de tous les êtres humains à travers le monde. Les conséquences logiques en sont considérables. A partir de ce moment, le marché sert de régulateur entre l’offre et la demande au lieu d’accroître le taux de profit d’une minorité. Le gaspillage des matières premières et de l’énergie, la destruction de la biodiversité et de l’atmosphère, sont combattus, par une prise en compte des «externalités» écologiques et sociales. Les priorités dans la production de biens et de services changent de logique.

Suffrages économiques

Un troisième axe est constitué par une généralisation de la démocratie, pas seulement appliquée au secteur politique, par une démocratie participative, mais aussi au sein du système économique, dans toutes les institutions et entre les hommes et les femmes. Une conception participative de l’État en découle nécessairement, de même qu’une revendication des droits humains dans toutes leurs dimensions, individuelles et collectives. La subjectivité retrouve une place.

Allez, savoirs…

Enfin, le principe de la multiculturalité vient compléter les trois autres. Il s’agit de permettre à tous les savoirs, même traditionnels, de participer à la construction des alternatives, à toutes les philosophies et les cultures, en brisant le monopole de l’occidentalisation, à toutes les forces morales et spirituelles capables de promouvoir l’éthique nécessaire. Parmi les religions, la sagesse de l’hindouisme dans le rapport à la nature, la compassion du bouddhisme dans les relations humaines, la soif de justice dans le courant prophétique de l’islam, la quête permanente de l’utopie dans le judaïsme, les forces émancipatrices d’une théologie de la libération dans le christianisme, le respect des sources de la vie dans le concept de la terre-mère des peuples autochtones de l’Amérique latine, le sens de la solidarité exprimé dans les religions de l’Afrique, sont des apports potentiels importants, dans le cadre évidemment d’une tolérance mutuelle garantie par l’impartialité de la société politique.

Courant alternatif

Utopies que tout cela ! Mais le monde a besoin d’utopies, à condition qu’elles se traduisent dans la pratique. Chacun des principes évoqués est susceptible d’applications concrètes. Qui ont déjà fait l’objet de propositions de la part de nombreux mouvements sociaux et d’organisations politiques. Et que je développerai ces prochains jours… (2)(3)

François Houtart


(1) Né à Bruxelles en 1925, le Belge François Houtart est prêtre, sociologue et militant de la cause du Tiers-Monde. Il a fondé la revue Alternatives Sud ainsi qu'un centre d'étude, de publication, de documentation et d'éducation permanente sur le développement et les rapports Nord-Sud : le Centre Tricontinental (CETRI) de Louvain-la-Neuve (www.cetri.be).
(2) Cette contribution est une reprise partielle de l’allocution prononcée le 17 avril 2009 à la Semaine Sociale du Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC) (www.moc.be). Les titre, chapeau et les intertitres sont de la rédaction.
(3) Pour suivre (sous réserve de l'arrivée, entre-temps, de nouveau(x) texte(s) ad hoc) :
. «Altermondialisme. Utopie appliquée.» (François Houtart),
. «Altermondialisme. Appel au Bien commun.» (François Houtart),
. «Altermondialisme. Ci-gît le capitalisme…» (Immanuel Wallerstein),
. «Altermondialisme. Feu le capitalisme…» (Immanuel Wallerstein),
. «Economie. Décroissance au petit déjeuner…» (Christophe Engels),
. «Economie. Changement de cap.» (Isabelle Cassiers),
. «Economie. Le tri de la croissance.» (Isabelle Cassiers),
. «Economie. Ce qui compte et ce que l'on compte.» (Isabelle Cassiers et Géraldine Thiry),
. «Economie. Dégrippons la boussole!» (Isabelle Cassiers)...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire