mardi 17 août 2010

Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) Cash-cash, cash ou filigrane ?

La Responsabilité Sociétale des Entreprises se décline à toutes les sauces.
Authentique évolution?
Simple opportunisme?
A voir au cas par cas?
Seule certitude en première approche: les entreprises ne doivent pas toutes être rangées dans le même sac...

«L’entreprise moderne était anonyme et disciplinaire, technocratique et mécaniste. L’entreprise post-moderne se veut porteuse de sens et de valeur.» (1)
Telle est l'analyse du sociologue français Gilles Lipovetsky.
Qui n’a probablement pas tort.
Mais ne serait-on pas fondé à préciser ce point de vue?
Et pourquoi, dans ce cas, ne considérerions-nous pas, en première approximation (2), qu’il existerait aujourd’hui trois types d’entreprise?
. «L’entreprise cash-cash» (l'ombre de la photo ci-dessus) d’une part.
. «L’entreprise cash» (l'as de pique de la photo) d’autre part.
. «L’entreprise filigrane» (l'as de coeur de la photo) enfin…

L’entreprise cash-cash

«L’entreprise cash-cash», ce serait celle, pure et dure, qui n’est sensibilisée par rien d’autre que les résultats chiffrés.
Celle au sein de laquelle le profit est considéré comme une finalité exclusive.
Pour elle, la fin justifie tous les moyens.
Aux noms du Pèze et du Bénéfice et du Saint Grisbi...

L’entreprise cash

«L’entreprise cash», ce serait celle qui compose avec les limites des lois: lois du marché bien sûr, mais aussi lois de l'Etat.
Restrictions consenties par vertu?
Pas le moins du monde.
Par prudence plutôt.
Si programme «citoyen» elle affiche, celui-ci n’est que cosmétique.
Ce que ses responsables nient au grand jour, bien entendu.
Il n’empêche : de facto, l’éthique les laissent de marbre.
Tout juste espèrent-ils que le marché leur laissera le bénéfice… du doute.
«La terre est peuplée de truqueurs et de bavards qui se servent des mots comme d’une monnaie qu’ils sauraient fausse», interpellait Françoise Sagan (3)...

L’entreprise filigrane

«L’entreprise filigrane», ce serait celle qui cherche à (faire) lire le mot «citoyenneté» en transparence de chacun des billets (réels ou fictifs) qui composent son bénéfice. Elle mise sincèrement sur l’éthique en faisant le choix d’une «œuvre commune» que le professeur émérite Paul-F. Smets (Université Libre de Bruxelles) décrit comme étant
. «éclairée»,
. non «récupératrice»,
. favorisant le développement de l’homme et de l’institution (4).
Sans le savoir, cette entreprise se conforme à l’adage de Henry Ford: «L’entreprise a besoin de faire du profit, mais si elle fonctionne uniquement sur le profit, alors elle n’en fera plus car elle n’aura plus de raison d’être».
Pour elle, le terme «valeur» ne renvoie pas seulement à ce qui vaut financièrement, mais aussi, fût-ce de plus loin, à ce qui vaut moralement.
«L’éthique distingue ceux qui servent de ceux qui se servent», dit un jour un personnage dont la réputation d'homme d'affaires n’est plus à démontrer: le Baron Daniel Janssen (Union Chimique Belge)... (5)

(A suivre)

Christophe Engels

(1) Lipovetsky Gilles, L’ère du vide. Essai sur l’individualisme contemporain, Gallimard, Paris, 1993.
(2) Ce message n'est que le premier d'une série consacrée à la Responsabilité soci(ét)ale des entreprises.
(3) Sagan Françoise, La Robe mauve de Valentine, Juliard, Paris, 1963.
(4) D’après Smets Paul-F., Ethique ou cosmétique ? Le retour des valeurs dans un monde paradoxal, Bruylandt, Bruxelles, 2002.
(5) Pour suivre: d'autres messages consacrés à la Responsabilité soci(ét)ale des entreprises, puis à la Responsabilité soci(ét)ale des acteurs économiques.

3 commentaires:

  1. Il est frappant de constater à quel point certains mouvements, tels que la simplicité volontaire, la décroissance, l’agriculture paysanne, etc, reprennent les idées et les positions des personnalistes chrétiens des années 30.

    Ils vont tout à fait dans le sens de Mounier, de Maritain et des nombreux autres qui, face à la montée du matérialisme, ont voulu remettre la personne humaine au centre du débat.



    Dépasser le capitalisme, construire l’après capitalisme, c’est ce que voulaient ces personnalistes d’hier et ce que veulent aussi les personnalistes d’aujourd’hui.

    La question reste de savoir comment y arriver démocratiquement et sans violence ?



    Le système capitaliste fait preuve d’une très grande capacité d’adaptation et de séduction. Au travers de la publicité, il contrôle toute la communication en ce compris le Tv show business. Le système s’appuie sur le comportement des consommateurs, certes conditionnés et manipulés, mais consentants et qui en redemandent toujours plus.



    Le système est loin de rendre le monde heureux mais, en l’absence de propositions d’alternatives nouvelles et crédibles, beaucoup craignent qu’au-delà du capitalisme il n’y ait rien d’autre qu’une régression vers l’économie planifiée et le capitalisme d’Etat régis par des régimes autoritaires voire totalitaires.



    Pour convaincre de la possibilité de changer le monde, il faut pouvoir proposer des mesures de transition réalistes qui permettent de faire exister, parallèlement au système capitaliste, des activités économiques et sociales sur base d’autres valeurs que le seul profit. C’est ce que font concrètement les promoteurs de l’agriculture paysanne, des « Sel », du co-voiturage et autres. Mais cela reste encore trop marginal.



    Dans une note intitulée « Transition écologique et transition économique » Christian Arnsperger, professeur à l’UCL, propose des pistes de réflexion pour mettre en œuvre des mesures de transition crédibles et applicables immédiatement, parallèlement au système capitaliste. Les mouvements altermondialistes devraient se mobiliser pour collaborer à l’élaboration de ces propositions de mesures qui pourraient être soutenues par une partie de l’opinion et des politiques.

    La critique du système est nécessaire mais pour convaincre il faut aussi proposer des moyens concrets pour en sortir.




    Robert HENDRICK

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  2. Cher Robert,

    Au même titre que bien d'autres personnalistes, je suis, comme toi, de ceux qui pensent que l'humanisme de la personne et la simplicité volontaire jouissent d'une très grande proximité dans leur lecture de l'existence et dans le projet de vie qui leur semble devoir en résulter.

    Mieux: je vois avant tout dans leurs différences une source de complémentarité.

    Je serais même tenté de recourir à des termes plus prosaïques pour écrire que... ces deux-là sont faits pour s'entendre !

    Mais je vais plus loin : à tort ou à raison, j'ai tendance à penser que ce qui est vrai pour le lien entre personnalisme et simplicité volontaire l'est également, de près ou de loin, pour le faisceau de relations qui unit tous les mouvements de pensée
    (ré)émergents inspirant ce blog.

    La transition économique (voir le message de février) et l'altermondialisme (mars/avril), auxquels tu fais judicieusement allusion, bien sûr.

    Mais aussi
    . la créativité culturelle (mars),
    . la décroissance (avril),
    . l'allocation universelle (mai),
    . le développement durable (mai/juin),
    . le business social (juin/juillet),
    . l'économie sociale (juillet)...

    Et également
    . la responsabilité sociétale des entreprises (en cours de publication),
    . la consommation éthique,
    . la finance responsable,
    . le post-capitalisme,
    . le post-libéralisme,
    . la reliance et la sociologie existentielle,
    . la communication non violente...

    Une liste qui n'a d'ailleurs - et évidemment - rien d'exhaustif.

    Pour l'heure, je persiste et je signe : au-delà de leurs singularités aussi manifestes que réjouissantes, tous ces courants pourraient à mon sens être réunis sous la bannière d’une quête de dépassement
    "refondatrice" : celui des excès - et j'insiste bien sur le mot "excès" - de l’individualisme et du matérialisme. (...)

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  3. (...) Attention, cependant ! Je me garde bien de tomber dans le piège de la naïveté.

    Au sein de la plupart des mouvements en question, diverses conceptions se côtoient, quand elles ne se confrontent pas.

    En cause, notamment : le degré d'ouverture qu'il convient d'adopter par rapport à un "autre" relativement proche mais incontestablement différent.

    Pour certains, il s'agit d'enrichir les valeurs et opinions du groupe en acceptant, d'une certaine façon, de les rendre perméables à celles du "groupe d'en face".

    Mais pour leurs contradicteurs, il convient avant tout de rester fidèle à des fondamentaux internes.

    Pour résoudre cette équation insoluble, je n'ai pas encore trouvé mieux, à ce stade, que le fragile et inconfortable cheminement proposé - dans le prolongement direct des options personnalistes d'un Emmanuel Mounier - par Paul Ricoeur.
    Pour rappel :
    . celui de cette réflexion "médiatisée" par une interprétation de la pensée de l’autre, qui ne se conçoit pas sans l'acceptation, dans un premier temps, d'un "dépaysement" provisoire;
    . celui, donc, de l'angoisse d'une
    "désorientation" débouchant sur l'effort d'une riposte interprétative, puis sur l'assouvissement d'une "réorientation" désormais revivifiée dans le terreau de conceptions entre-temps approfondies et élargies.

    Seulement voilà...

    Non seulement le choix d'un tel cheminement ne fait pas l'unanimité et ne résout donc rien quand l'interlocuteur ne consent pas au même type de démarche.

    Mais en plus, l'option dont question ne s'appuie sur aucun de ces critères qui permettraient de situer la frontière entre rigidité et ouverture d'une part, entre cette dernière et renoncement d'autre part.

    Pour bon nombre des participants à l'aventure du "Projet relationnel" que je propose, je me demande donc si les efforts à consentir ne devront pas être dirigés à la fois vers l'intérieur et vers l'extérieur du groupe propre.

    A vérifier.

    Ceci écrit, je crois qu'en tout état de cause, il serait regrettable de ne pas essayer.

    Car tant d'initiatives dispersées me navrent.

    Christophe

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