jeudi 18 octobre 2018

Atelier Côté Cour. J'aurais voulu être un artiste...




































Qui travaille avec ses mains
est-il un ouvrier?
Avec ses mains et sa tête
un artisan?
Avec ses mains,
sa tête et son coeur
un artiste?
Dans ce cas,
les participant-e-s
de l'Atelier Côté Cour
sont sans conteste
des artistes.
Et leur G.O. 
Viviane Wansart 
tout autant. 



Ils ne paient pas de mine, les locaux de l'Atelier Côté Cour.
Une petite pièce d'accueil.
Un escalier qui mène à l'un ou l'autre bureau.
Et, au rez de chaussée un dégagement.
Qui, pour l'essentiel, donne accès à une cuisine, à un... indispensable garage sans voiture (!) et, dans le fond, -tiens, tiens!- à une petite cour.

Un lien vaut mieux que deux tu l'auras

Qu'importe la relative étroitesse de l'endroit!
L'essentiel est ailleurs.
Dans l'esprit.
Celui qui anime un Centre d'Expression et de Créativité se donnant vocation «à tisser et à retisser des liens dans la durée, la solidarité, la diversité, la fragilité et le partage d’aventures collectives autour de projets de théâtre, d'écriture et de peinture».
«Au départ, il y eut la volonté d’offrir un lieu d’accueil à ceux qui, après avoir trouvé à l’hôpital un espace de rencontre et de création, se trouvaient renvoyés à la solitude de la ville anonyme», se souvient le Dr Denis Hers, chef du service de psychiatrie des Cliniques de l’Europe (Saint-Michel) et du centre de santé mentale Chapelle-aux-Champs.
A l'Atelier Côté Cour, Monsieur le Président, c'est lui.
Même si sur le terrain, ce sont d'autres acteurs que l'on rencontre le plus souvent.
Roxana l'intervenante chilienne de l'atelier peinture, Carolina l'animatrice vénézuélienne de l'atelier citoyenneté, Giorgos le co-animateur grec de l'atelier théâtre et migrations, Christian le chargé belge de l'atelier écriture, Michel le compositeur et musicien, Virginie la stagiaire psychologue...
Mais la fer de lance du quotidien, c'est la cofondatrice et directrice Viviane Wansart.
Car, croyez le bien, cette VW-là ne carbure pas au diesel!

Dynamic Viviane


Ne cherchez pas! 
Plus dynamiquissime que cette animatrice, ça n'existe qu'à Hollywood. 
A l'écran, il y a Wonder Woman
Dans la vie et sur les planches, il y a Wonder Viviane.
Que la morphologie et les convictions féministes (affichées) suffisent clairement à dédouaner de toute suspicion de recours aux anabolisants.
Ouf! 
Sans ces brevets de bonne conduite, pas de doute: les contrôleurs antidopage n'auraient de cesse de l'importuner.
Et pour cause.

Celle que formations et expérience ont contribué à coiffer d'une double casquette de comédienne et d'infirmière dynamise.
Incite.
Suscite.
I
nsuffle.
Motive.
Entraîne.
Mobilise. 
Planifie.
Crée (des spectacles).
Anime (notamment des ateliers de théâtre)... 
Et n'en finit pas d'étudier.
Car si elle est issue de l'Institut des Arts de Diffusion de Louvain-la-Neuve, Dynamic Viviane (appellation non contrôlée!) n'en est pas moins diplômée en «Santé mentale en contexte social: précarité et multiculturalité», à l'Université Catholique de Louvain.
Pour faire bonne mesure, elle a aussi suivi le cursus de «Migrations, Diversité ethnique et Relations interculturelles», à l'Université Libre de Bruxelles.
Et désormais, sans doute parce qu'elle pensait perdre son temps à dormir plus de deux heures par nuit, elle est inscrite comme étudiante en Sciences politiques aux Facultés Universitaires Saint-Louis.
Le tout en plus de ses autres activités, évidemment...
Dont celles, professionnelles, qui lui permettent de concilier idéalement ses profils artistique et paramédical.

Côté coeur

«Dans le vocabulaire du théâtre, le "côté cour" désigne le côté droit de la scène vu de la salle, par opposition au côté jardin, explique la plus directrice de toutes les animatrices.
Pour la troupe de la Comédie Française, c’était aussi, historiquement, le côté cour du Louvre par opposition au côté Jardin des Tuileries.
Ce prestigieux passé nous a servi de source d'inspiration. 
Quand on est au sommet de notre petite rue de Lantsheere, il y a, côté cour, le centre névralgique de notre association, notre petit "local garage" et sa cour minuscule où se sont déjà tenus, autour d’une cigarette ou non, tant et tant de débats philosophiques.
Et en face, de l’autre côté de la rue, côté jardin donc, il y a la Clinique de l’Europe, avec laquelle nous collaborons étroitement. 
C’est ainsi que nous avons choisi cette appellation pour notre association.
D'ailleurs, pour les acteurs en scène, sous les feux de la rampe et dans le feu de l’action, le "côté cour", n'est-ce pas aussi, quelque part le "côté cœur"?»

Les trois coups...

Vous situez-vous dans les environs de Bruxelles?
Voulez-vous entendre battre le coeur de l'Atelier Côté Cour
Bienvenue, alors, ces samedi 20 et/ou dimanche 21 octobre 2018.
Histoire de découvrir l'aboutissement des travaux des peintres et auteur.trice.s maison, ainsi que le nouveau recueil sur le thème «Révolte et Poésie».
Les trois coups, c'est à 13h.
Et le baisser de rideau à 17h.
Si vous ne trouvez pas: suivez la bonne humeur. 



Samedi 20 octobre 2018
13h: ouverture de l'exposition et des ventes de tableaux et de recueils; film du spectacle «D'Antigone à WeToo».
14h: atelier de peinture ouvert à tous et toutes avec Roxana Alvarado
15h: lectures de textes : «Quelque chose me brûle»
16h: goûter des participant.e.s, voisins et voisines. 

Dimanche 21 octobre 2018
13h: ouverture de l'exposition et des ventes de tableaux et de recueils; film du spectacle «D'Antigone à WeToo»
14h: atelier de théâtre ouvert à tous et toutes; travail choral à partir de l'Antigone de Sophocle. 







lundi 17 septembre 2018

Jours de doute







Et si seul le présent
appartenait aux défourailleurs 
de «parce que!»...
Et si l'avenir, quelque part, 
faisait les yeux doux 
aux porteurs de «pourquoi?»...
Ceux-ci mêmes qui, pourtant, 
se sentent coupables.
«Coupables 
d'avoir juste essayé
et de ne pas avoir réussi.
Coupables 
d'avoir fait de leur mieux 
et que ça n'ait pas suffi.»
Avec, pour sanction, 
le découragement,
la dépression, le traumatisme.
Et pour condamnation
la remise en question.
Celle de ces nuits sans sommeil 
et de ces rêves inaboutis,
si bien évoqués 
par Grand Corps Malade.
Qui, regardant dans le miroir,
y contemple ses erreurs.
«J'ai peut-être pris 
les mauvais pions: 
est ce que je dois 
vraiment faire face? (...) 
C'est peut être ça, 
un jour de doute: 
ce n'est pas une chute de moral,
c'est le besoin de vérifier 
qu'on a encore bien la dalle.»
A ce stade, 
le moment ne serait-il pas venu 
de compter nos faiblesses?
De mettre de la lumière 
sur certaines 
de nos zones d'ombres?
De mettre quelques mots 
sur nos silences 
les plus sombres?
Pour mieux comprendre.
Pour mieux reprendre 
notre route.
«Pour foncer, sans attendre 
le prochain jour de doute.» 

















«Il y a des jours inévitables où la confiance s'évanouit.
Toutes ces heures vulnérables, il y a des jours comme des nuits.
Les instants où je m'arrête au beau milieu de ma route.
Comme un lendemain de fête, c'est juste un jour de doute,
Les jours où même le temps dehors n'est pas sûr de lui,
où le ciel est trempé sans une seule goutte de pluie.
Je regarde autour de moi, fui par ma sérénité, 
victime d'un moment de flou ou d'un trop plein de lucidité.

J'ai trop d'attentes et trop de souvenirs qui font des têtes à queue.
Il y a beaucoup trop de "pourquoi?" et pas assez de "parce que!". 
Je choisis souvent le silence pour que les gens regardent ailleurs. 
Je suis stoïque en apparence mais en tempête à l'intérieur. 
Il y a des envies qui me chuchotent et des regrets qui grondent. 
Ce sont les jours où tu te sens seul, même entouré de plein de monde. 
On connait tous ces passages. Un dernier vers pour la déroute... 
Les certitudes prises en otage, c'est juste un jour de doute. 

C'est juste un jour de doute, c'est un réveil sans appétit.
Comme une nuit sans sommeil et comme un rêve inabouti. 
C'est la vie qui hésite et qui m'octroie une pause, 
mais pour mieux me laisser le temps de bien me remettre en cause. 
Alors, je regarde dans le miroir et je contemple mes erreurs, 
et tous ces regards sans espoir dans mon rétroviseur.
Ces quelques mains qui se tendaient, que je n'ai jamais rattrapées. 
Dans tout ce que j'ai tenté, je ne revois que mes ratés. 

Alors, j'avance, mais à tâtons et puis en regardant derrière. 
Je me sens coupable encore une fois, et ce ne sera pas la dernière. 
Coupable d'avoir juste essayé et de pas avoir réussi. 
Coupable d'avoir fait de mon mieux et que ça n'ait pas suffi. 
Alors, je remets tout en question: est ce que je suis bien à ma place? 
J'ai peut-être pris les mauvais pions: 
                                est ce que je dois vraiment faire face? 
Je connais cette histoire par coeur. Un dernier vers pour la déroute...
Parfois, je ne suis pas à la hauteur: c'est juste un jour de doute. 

C'est juste un jour de doute: ça ne va pas durer longtemps. 
C'est juste un jour qui s'ajoute: il n'est même pas inquiétant.
Mais s'il me laisse un goût amer, je dois y faire attention.
Je connais son mystère: il est l'automne des sensations.
Quand sa lumière est faible, comme si elle luttait toute la journée,
la nuit revient comme si la terre était pressée de se retourner.
Et quand le soleil refait surface, il apparaît presque déçu.
Et une pluie fine le chasse, comme si la vie nous crachait dessus.
Alors, je me dis que j'ai trop dormi ou que je suis parti en contresens.
Je sens que j'ai besoin de retrouver toute les odeurs de l'urgence,
les odeurs de vertige, les odeurs de vérité...
Je sais bien que j'ai besoin de retrouver l'instabilité. 

Je ne crois pas que je manque de repères: en fait, je pense que j'en ai trop.
J'ai envie de me prouver que j'aurai toujours les crocs. 
C'est peut être ça, un jour de doute: ce n'est pas une chute de moral,
c'est le besoin de vérifier qu'on a encore bien la dalle.

En fait, ces journées à la con, ça te fait te sentir vivant. 
Et ça me fait écrire des textes bien écorchés, comme avant.
En fait, les jours de doute, ça donne des jours de lutte.
Des réveils, des coups de poings, des envies d'uppercuts
Alors, je tombe et je me redresse, alors je m'enfonce et j'encaisse.
Alors, je me trompe et je progresse, alors je compte mes faiblesses.
Alors, j'échoue comme tout le monde, mais je reste sincère. 
Comme la vie n'est pas longue, j'essaie juste de bien faire. 

Et si je mets de la lumière sur certaines de mes zones d'ombres,
si je mets quelques mots sur mes silences les plus sombres,
c'est pour mieux les comprendre et reprendre ma route,
c'est pour foncer, sans attendre le prochain jour de doute.» (1)


(Grand Corps Malade)




(1) Grand Corps Malade, Jour de doutealbum Troisième Temps, UMG, 2010.


lundi 10 septembre 2018

Les nettoyeurs du web




















«Ignorer. 
Supprimer. 
Ignorer. 
Supprimer.
Ignorer.
Supprimer. 
Supprimer...» 
Telle est 
la litanie 
qui rythme 
le quotidien 
de ces «petites mains» 
chargées 
d’inspecter 
les contenus 
signalés 
par les utilisateurs 
des réseaux sociaux. 
On les appelle 
«les nettoyeurs» (1).





















«J’ai vu des centaines de décapitations.»
Ainsi s'exprime l'un de ces hommes de l'ombre.
Qui, à Manille (Philippines), travaillent en sous-traitance pour Facebook, pour Google ou pour Twitter.
Au péril de leur santé psychique.
«C’est comme si un virus s'était infiltré dans mon cerveau», lâche une autre.
Dont une ancienne collègue ne s'exprimera plus jamais.
Spécialisée dans les vidéos d’automutilation en direct, elle a fini par se pendre.
Après s’être entendue refuser tout changement d'affectation.

Glauque foncé

La malheureuse avait-elle vu défiler toutes les couleurs de l'enfer?
Oui, sans aucun doute. 
Pire encore, fort probablement, que ses voisins de clavier.
Qui, pourtant, ne sont pas épargnés.
Le glauque, ils connaissent.
Et même le glauque foncé.
Celui, par exemple, dont se colore avec délectation l'esprit de cet activiste d’extrême droite qui, à Berkeley (Californie), fait montre d'un sens du dialogue assez... particulier.
Un petit extrait vaut-il mieux qu'un long discours?
Vos désirs sont des ordres...
   . Le militant: «Mais qu'est-ce que je fous là?
   J'ai une question...»
   . Son contradicteur: «D'abord, tu dois répondre à ce que t'a dit ton 
   interlocuteur.»
   . Le militant (excédé): «Je ne m'en souviens plus!»
   .  Son contradicteur:  «Qu'as tu compris de ce qu'il t'a dit?»
   . Le militant (passant outre): «Est-ce que je suis blanc?»
   . Son contradicteur: «Attends... 
   Attends... 
   Attends...
   Ecoute...»
   . Le militant (repassant outre): «Pourquoi me cries-tu dessus?
   Tu me fais ton sermon!»
   . Son contradicteur: «Et toi, tu n'écoutes pas.
   Dis-moi ce que je t'ai dit...
   Dis-moi ce que je t'ai dit...»
   . Le militant (agressif): «Je pense que tu es frustré!
   Ce qu'il te faut...»
   . Son contradicteur: «Oui.
   Et peux-tu me dire ce que je t'ai dit?...
   Et peux-tu me dire ce que je t'ai dit?...
   Et peux-tu me dire ce que je t'ai dit?...»
   . Le militant (dans un hurlement): «Arrête de me crier dessuuus!!!»
   . Son contradicteur: «Est-ce que tu m'entends?» (3)

Ta gueule! C'est moi qui pense...

Côté activiste, c'est très clair: la dignité y perd ce qu'y gagne la cohérence. 
Une certaine forme de cohérence du moins...
Brune.
Pestilentielle.
Et nauséabonde.
Bizarre autant qu'étrange: ce n'est pas le net dont on nous parle du côté de la Silicon Valley...  
Mais alors!
On nous aurait menti?


(1) Trailer de Block Hans et Riesewieck Moritz, Les Nettoyeurs du Web (The Cleaners), Allemagne, 2018. 
(2) Block Hans et Riesewieck Moritz, Les Nettoyeurs du Web (The Cleaners), Allemagne, 2018.
(3) L'extrait, repris intégralement ci-dessus, est repris du film: de 58'28" à 1:02'42".



mercredi 29 août 2018

Liberté: zéro.








«Des
reporters 
croupissent 
en prison.
Ces cons 
avaient 
mal choisi 
leurs questions.»

zéro. (1)
Egalité:
zéro.
Fraternité: 
zéro.
Dignité: 
double zéro.»

Une fois 
n'est pas 
coutume:
Pierrot 
Perret 
chante et 
enchante...

Mon Pierre, 
ce héros.






Liberté: zéro


«À grands coups de ciseaux dans l'azur,
une hirondelle écrit ton nom, liberté?
Mais survolant Pékin sous le ciel pur,
sur la place Tian'anmen, le sang n'a pas séché.
Des reporters croupissent en prison.
Ces maladroits ont mal choisi leurs questions.
Pourquoi, ici, le mensonge a-t-il raison?
Pourquoi information rime-t-elle avec répression?
Alors, cette hirondelle en plein ciel
continua d'écrire de plus belle
que les quatre fleurs de la vérité
par ici n'étaient pas respectées.

Liberté: zéro.
Égalité: zéro.
Fraternité: zéro.
Et dignité: double zéro. 


À grands coups de ciseaux 
dans l'azur,
une hirondelle écrit ton nom, 
liberté. 
Mais d'Afrique en Russie 
jusqu'à Cuba, 
les cachots sont remplis 
de dangereux médias. 
Parce qu'ils étaient armés 
jusqu'aux dents 
de caméras 
  et de stylos acérés, 
ces journalistes apprirent 
à leurs dépens 
que les questions qui dérangent, 
on ne doit pas les poser.
Alors, cette hirondelle en plein ciel,
continua d'écrire de plus belle
que les quatre fleurs de la vérité
là n'étaient pas non plus respectées. 


Liberté: zéro.
Égalité: zéro.
Fraternité: zéro.
Et dignité: double zéro. 


Où es-tu, 
chère liberté d'expression?
Tant de pays 
ignorent encore tes bienfaits. 
Pauvre Shéhérazade, 
j'ai l'impression
que dans tout le Moyen-Orient, 
on t'a coupé le sifflet.
Partout les femmes 
y sont humiliées.
Intolérance et fanatisme 
y sont rois.
Lapidation, lynchage 
et mains coupées
sont les pétales des fleurs 
qu'ils font pousser là-bas. 

Mais y aura toujours une hirondelle 
pour dessiner du bout de son aile 
ces quatre fleurs de la vérité, 
partout où elles ne sont pas respectées. 

Liberté: zéro.
Égalité: zéro.
Fraternité: zéro.
Et dignité: double zéro.

Liberté: zéro.
Égalité: zéro.
Fraternité: zéro.
Et dignité: double zéro.
» (1)


(Pierre Perret)




(1) Perret Pierre, Liberté: zéro, in album Mes chansons engagées. production Naïve, 2006.


mercredi 15 août 2018

Le meilleur des mondes







«Plus les talents d’un homme 
sont grands, 
plus il a le pouvoir 
de fourvoyer les autres. 
Mieux vaut le sacrifice d’un seul 
que la corruption 
d’une quantité de gens. (...) 
L’assassinat ne tue que l’individu, 
et qu’est-ce, après tout, 
qu’un individu?» (1)
Ainsi le romancier américain 
Aldous Huxley.
nous dépeignait-il, dès 1931, 
une société qui, 
si inhumaine soit-elle, 
n'en ressort pas pour autant 
de la dictature.
Bien au contraire, elle est l'émanation 
de la volonté du peuple.
Morale de l'histoire:
si nous voulons éviter de tomber 
dans le piège du «Meilleur des Mondes»,
il s'agit moins 
de combattre
de grands 
méchants 
tyrans
que de venir
à bout de... 
nous-même.
De nos propres pulsions.
Et de notre propre paresse d'esprit.



«Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. 
Les méthodes à la Hitler sont dépassées. 
Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. 
L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. 
Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. 
Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. 
Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. 
Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. 
Surtout pas de philosophie. 
Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe: on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. 
On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. 
Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. 
On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. 
Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. 
En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté.
Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur -qu’il faudra entretenir– sera celle d’être exclu du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur. 
L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est: un veau.
Et il doit être surveillé à la façon d'un troupeau. 
Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. 
Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. 
On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif: il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir.» (2)


(1) Huxley Aldous, Le meilleur des mondes, édition du groupe Ebooks libres et gratuits, 1932, p.175.
(2) Anders Gunther, L’obsolescence de l’homme, Fario, Paris, 1955, p.126.