lundi 30 janvier 2012

Actu. Sortir de l'absurdité.

Voilà des années
que l’on dépouille la collectivité

et que l’on ruine la démocratie.
Le romancier Ingo Schulze (1)
ne mâche pas ses mots.
Dans Süddeutsche Zeitung,
l'Allemand dénonce rageusement
ce double phénomè
ne
.
Auquel, dit-il,
nous nous sommes
inexplicablement
accoutumés
... (2)

«Il y avait à peu près trois ans que je n’avais plus écrit d’article.
Pour la simple raison que je ne savais plus quoi écrire.
Tout est à ce point manifeste: le délabrement de la démocratie, l'accroissement de la polarisation économique et sociale entre pauvres et nantis, la ruine de l’Etat social, la privatisation et, de là, la marchandisation de tous les domaines de la vie, etc., etc. etc.
Quand, jour après jour, on nous présente le non-sens comme quelque chose de naturel, il est normal que, tôt ou tard, on finisse par se sentir soi-même malade et déviant.
Voici, résumées ici, quelques considérations qui me paraissent importantes...
1. Parler d’atteinte à la démocratie est un euphémisme.
Quand la minorité d’une minorité peut en toute légalité porter gravement préjudice à l’intérêt général au nom de l’enrichissement personnel, cette situation est post-démocratique.
Et le coupable est tout désigné: c’est la collectivité elle-même, qui s'avère incapable d’élire des représentants qui soient à même de défendre ses intérêts.
2. On nous serine quotidiennement que les gouvernements doivent "regagner la confiance des marchés".
Et par "marchés", on entend principalement les bourses et les marchés financiers.
Soit ces acteurs de la finance qui spéculent pour le compte d’autrui ou pour leur propre intérêt, dans le but de dégager un maximum de profit.
Ceux-là mêmes qui ont dépossédé la collectivité de sommes exorbitantes.
Et les représentants suprêmes du peuple devraient se battre pour regagner leur confiance?
3. Nous nous indignons à juste titre de la conception de démocratie "dirigée" proposée par Vladimir Poutine.
Mais alors pourquoi Angela Merkel n’a-t-elle pas été poussée à la démission à l’époque où elle parlait de "démocratie conforme aux marchés"?
4. A la faveur de l’effondrement du bloc de l’Est, certaines idéologies se sont transformées en hégémonies.
Et ont acquis une telle emprise qu’elles ont fini par apparaître naturelles.

Exemple: le privatisation, qui fut longtemps considérée comme un phénomène en tous points positif.
Tout ce qui restait aux mains de la collectivité était jugé inefficace et contraire aux intérêts du client.
Ainsi, on a pu voir émerger un état d'esprit qui devait conduire, tôt ou tard, à déposséder la collectivité de son pouvoir.
5. Autre idéologie à avoir connu un succès retentissant: la croissance.
"Sans croissance, il n’y a rien", a un jour décrété un jour la chancelière, il y a plusieurs années.
On ne peut parler de la crise de l’euro sans citer ces deux idéologies.
6. La langue dont usent les responsables politiques qui sont censés nous représenter n’est plus du tout en phase avec la réalité (j’ai déjà vécu une situation similaire en RDA).
C’est le langage des certitudes, déconnecté de la vie réelle.
La politique n’est plus rien d’autre aujourd’hui qu’un véhicule de croissance, un soufflet dont la seule raison d’être est d’attiser ce sacro-saint concept.
Au point de réduire le citoyen au rôle de consommateur.
Or, la croissance ne signifie rien en soi.
L’idéal de la société serait le play-boy qui consommerait un maximum de choses en un minimum de temps.
Une guerre déclencherait un joli sursaut de croissance.
7. Les questions simples : "A qui cela sert-il?", "A qui cela profite-t-il?" sont aujourd’hui jugées déplacées.
«Ne sommes-nous pas tous dans le même bateau?
Quiconque est en proie au doute devient un apôtre de la lutte des classes».
La polarisation sociale et économique de la société émane d’un concert d’incantations renvoyant à l'idée que nous aurions tous les mêmes intérêts.
Il suffit de traverser Berlin.
En règle générale, les rares bâtiments des beaux quartiers à ne pas avoir fait l'objet d'une rénovation sont les écoles, les crèches, les maisons de retraite, les piscines ou les hôpitaux.
Dans les quartiers dits "à problèmes", les bâtiments publics non rénovés se voient moins.
C’est aux trous dans la dentition que l’on juge le niveau de pauvreté.
Aujourd’hui, on entend souvent le discours démagogique selon lequel nous aurions tous vécu au-dessus de nos moyens, que tous, nous sommes gourmands.
8. Nos élus ont précipité et précipitent encore systématiquement la collectivité dans le mur en la privant de revenus.
Le taux maximum d’imposition allemand a été ramené de 53 à 42% par le gouvernement Schröder.
Et l’impôt sur les sociétés a été quasiment divisé par deux entre 1997 et 2009 pour s’établir à 29,4 %.
Personne ne devrait donc s’étonner d’entendre que les caisses sont vides, alors que notre produit intérieur brut augmente d’année en année. (...)
10. Nous serions en démocratie si la politique, par le jeu des impôts, du droit et des contrôles, modelait la structure économique existante en contraignant les acteurs des marchés à suivre une route compatible avec les intérêts de la collectivité.
Les questions qu’il convient de poser sont simples...
A qui cela sert-il?
A qui cela profite-t-il?
Est-ce bon pour la collectivité?
Ce qui revient, au bout du compte, à se poser la question suivante: quelle est la société que nous appelons de nos voeux?
Voilà ce que serait pour moi la démocratie.
Mais j'en termine ici.
Je pourrais vous parler du reste...
De ce professeur qui avouait sa tendance à renouer avec la vision du monde qu’il avait eue à 15 ans.
Ou de cette étude de l’Ecole polytechnique fédérale de Zürich qui traite de l’interpénétration des entreprises et qui débouche sur le chiffre 147: 147 groupes qui se partagent le monde, dont les 50 plus puissants sont des banques et des assureurs...
Je vous dirais bien aussi qu’il convient de renouer avec le bon sens.
Qu'il s'agit de trouver des personnes qui partagent le même point de vue que vous (parce qu’on ne peut pas se retrouver seul à parler une langue).
Et que j’ai retrouvé l’envie d’ouvrir ma grande gu.....»

Ingo Schulze (2)(3)

(1) Né en 1962 à Dresde, le romancier Ingo Schulze est très connu en Allemagne. Il a notamment écrit ce best seller qu'est Simple Storys ("Histoires sans gravité", éd. Fayard, Paris, 1998).
(2) La version originale (en allemand) de ce texte est parue le 27 janvier 2012 dans
Süddeutsche Zeitung (Munich). Elle a déjà été traduite en français (par Caroline Lee) pour le site Presseurope.
(3) Merci à Eric Watteau de nous avoir transmis cet article. Et à
Eglise-Wallonie de le lui avoir auparavant signalé.

vendredi 27 janvier 2012

Actu. Très chère Madame Merkel,...

Eric Watteau
persiste et signe.
Après avoir écrit
tout son mécontentement
au Président
de la Banque Centrale
Européenne,
il envoie
sa volée de bois vert
à la Chancelière allemande (1).
Car, insiste le Belge,
la B.C.E. doit pouvoir prêter directement aux Etats
afin de soulager leurs dépenses publiques
d'une partie de l'énorme charge d'intérêts
qui plombe le service de leurs dettes nationales.
Très chère Madame Merkel,...




Watteau Eric
Chemin du Grand Sart, 32
1325 Bonlez
Belgien



22. Januar 2012


Frau Angela Merkel
Bundeskanzlerin

Willy-Brandt-Straße 1
10557 Berlin

Sehr geehrte Frau Merkel

I have the honour to write you in regard of the duties of the European Central Bank (ECB). You will find 2 documents in attachment. I sent them to the President of the ECB.
1. My personal letter tells him that the credits of the ECB must be used for the purchase of public debt. Because the debt is heavy for the populations of Europe, they do not deserve to be obliged to take in charge the heavy budgetary adjustments of our economies. Interests are budgetary expenses. Budgetary adjustment falls too often on the shoulders of the weakest group of our societies.
2. A "carte blanche": an expressed opinion in the Belgian newspaper "Le Soir" where a former Prime Minister of France, Mr. Michel Rocard, and Mr. Pierre Larrouturou tell that we can now use the present European rules in regard of the ECB to lend money to the states. ECB may lend to the EIB at a very low interest rate and the EIB may lend to the States at a very low interest rate too.

Sehr geehrte Frau Merkel, we are now in a time of war between the cynical financial powers and the people of Europe. The populations of Europe suffer because the heavy indebtedness of the States and the usury qualifying the interest rates that are demanded to the States. Interests to pay mean public expenditures that run in competition with socio-economic needs. Please remember that European countries have ratified human rights treaties. They must respect these treaties. Your country has also ratified the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights. You may not put in place economic strategies that hinder other countries to realize the socio-economic good. By accepting the ratification of the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights, Germany has given a message to the world: Germany will do everything that is possible to develop these human rights. This pledge does not permit you to go backward. International cooperation is also required. The pledge has also a value in regard to the international institutions where you are involved. Germany is involved in the European Union: the German international pledge is there also of application. The COMMITTEE ON ECONOMIC, SOCIAL AND CULTURAL RIGHTS has told that the dispositions of the Pact are not only programmatic but are effective obligations. That means that actual results must be obtained. It means too that socio-economic expenses are a priority in regard to the interests to pay to the financial actors. By new rules for the ECB you can avoid that populations suffer from severe budgetary adjustment.

The main problem is that most of the financial actors have not been responsible in regard to their duties of a sane monetary creation. The economic problems of today are deeply interrelated with the mismanagement of these last years. The banks have misused their monetary power for maximizing their profit and the profit of their managers. They wanted to be big, multinational. They were deeply motivated by avidity and they have brought European countries in the very difficult economic conditions of today. Because the systemic risk they wear, countries have been obliged to use public funds to save the banks. And most of the managers have benefitted of the impunity for their actions contrary to the common good.

We need in consequence to evaluate severely the monetary creation by the banks.
We need to remember that the power of monetary creation belongs on the first place to the nations. By using the term "nations" we have in the mind the people constituting the nations.

Your country has not hesitated to use the monetary creation to facilitate the German reunification. Immense amounts of Ost Marken have been converted in DM and it has been a very important monetary creation. The amount of DM put in the European economy has produced some inflation in the neighbour countries. I remind that in regard of my salary of this time. Your country has so avoided to ask to the financial markets to create DM. This inflation was tolerable.
This right used by Germany may not be denied to other countries. It would be unfair. We are now in a dangerous situation for the people of the Union and need to use all possible mechanisms to avoid useless sufferance to the people. Because we also, "Wir sind das Volk".
So the other countries have also the right of monetary creation. And because this right has been conceded to the ECB, ECB must use monetary creation to help to resolve the indebtedness of the nations. UK has used the monetary creation of the central bank of England and they keep their AAA. Why not the countries of the Euro Zone ?

"Wir sind das Volk !" I ask you to change the treaty of the European Union to permit to the ECB to lend money to the member states of the Euro Zone, without any obligations to go through the banks.

I hope you will examine carefully my request. Since World War II and because of it, Germany has an infinite responsibility in building a prosperous Europe for all European citizens. Germany needs to assume this inheritance; there is no alternative.

Copy of this letter is sent to Mr. Herman Van Rompuy, President of the EU, Mr. Nicolas Sarkozy, President of France and other personalities and institutions.


Mit freundlichen Grüßen


Eric Watteau (2)




Traduction (3), votre honneur...

Sehr geehrte Frau Merkel


J'ai l'honneur de vous écrire pour vous entretenir des fonctions de la Banque centrale européenne (BCE). Vous trouverez 2 documents en pièce jointe. Je les ai envoyés au président de la BCE.
1. Ma lettre personnelle lui rappelle que les crédits de la BCE doivent être utilisés pour l'achat de la dette publique. Dans la mesure où la dette est un fardeau pour les populations européennes, celles-ci ne méritent pas d'être obligées d'assumer les lourds ajustements budgétaires de nos économies. Les intérêts sont des charges budgétaires. Et les ajustements en question pèsent trop souvent sur les épaules des groupes les plus démunis de nos sociétés.
2. Une « carte blanche »: une opinion exprimée dans le journal belge " Le Soir " où un ancien Premier ministre français, M. Michel Rocard, ainsi que M. Pierre Larrouturou assurent que, pour ce qui concerne la BCE, nous pouvons dès à présent utiliser des règles européennes existantes pour prêter de l'argent aux Etats. La BCE peut prêter à la BEI à des taux d'intérêt très bas et la BEI peut, elle aussi, prêter aux Etats à des taux d'intérêt très bas.

Sehr geehrte Frau Merkel, nous sommes aujourd'hui en période de guerre. Une guerre opposant le cynisme des puissances financière
au malaise des populations européennes. Ces dernières souffrent du lourd endettement des États et des taux d'intérêt usuriers qui leur sont demandés. Les intérêts à payer débouchent sur des dépenses publiques qui rognent les besoins socio-économiques. Je vous prie de garder en mémoire que les pays européens ont ratifié les traités relatifs aux Droits de l'Homme. Et qu'ils doivent donc les respecter. Votre pays a également ratifié le Pacte international relatif aux Droits économiques, sociaux et culturels. Vous ne pouvez pas mettre en place des stratégies économiques qui entravent d'autres pays dans leur intention de mettre en oeuvre le bien socio-économique. En acceptant la ratification du Pacte international relatif aux Droits économiques, sociaux et culturels, l'Allemagne a fait passer au monde un message: elle fera tout ce qui est possible pour développer ces droits humains. Cette promesse vous interdit tout retour en arrière. La coopération internationale est également requise. L'engagement vaut notamment pour ce qui concerne les institutions internationales dont vous êtes partie prenante. L'Allemagne étant membre de l'Union européenne, les engagements internationaux de votre pays y sont aussi d'application. Le COMITE DES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS a bien spécifié que les dispositions du Pacte, loin d'être seulement programmatiques, doivent bel et bien être considérées comme des obligations effectives. Ce qui signifie que des résultats doivent être réellement obtenus. Et que les efforts socio-économiques doivent faire office de priorité par rapport aux intérêts dûs aux acteurs financiers. Par l'instauration de nouvelles règles à la BCE, vous pouvez éviter que les populations souffrent du sévère ajustement budgétaire.

Le principal problème renvoie au fait que la plupart des acteurs financiers n'ont pas assumé leurs responsabilités au regard de leurs devoirs de saine création monétaire. Les problèmes économiques d'aujourd'hui ont un rapport étroit avec la mauvaise gestion de ces dernières années. Les banques ont abusé de leur pouvoir monétaire pour maximiser leurs bénéfices propres et ceux de leurs gestionnaires. Elles voulaient se faire grandes, multinationales. Elles étaient profondément motivées par l'avidité et ont conduit les pays européens aux difficultés économiques que l'on connaît aujourd'hui. En raison du risque systémique dont elles sont porteuses, des pays ont été obligés d'utiliser des fonds publics pour sauver les banques. Et la plupart des managers ont bénéficié d'une impunité pour les actes contraires au bien commun qu'ils avaient posés.

E
n conséquence, nous nous devons d'évaluer sérieusement le fait de confier aux banques un pouvoir de création monétaire. Nous devons nous rappeler que ce pouvoir appartient prioritairement aux «nations». Un terme auquel nous recourons en ayant à l'esprit les gens qui constituent ces nations.

Votre pays n'a pas hésité à se servir de la création monétaire pour faciliter la réunification allemande. D'immenses quantités d'Ost Marken ont été convertis en DM, avec pour conséquence une création monétaire très importante. Le nombre de DM qui ont été injectés dans l'économie européenne n'a pas été sans produire de l'inflation dans les pays voisins. Je m'en rappelle encore eu égard à mon salaire de l'époque. Votre pays a ainsi évité de devoir s'adresser aux marchés financiers pour créer des DM. Cette inflation était tolérable.
Ce droit mis à profit par l'Allemagne ne peut être refusé à d'autres pays. Ce serait injuste. Désormais confrontés à une situation qui met la population de l'Union en danger, nous avons besoin d'utiliser tous les mécanismes possibles afin d'épargner une souffrance inutile à la population. Parce que nous aussi,
«Wir sind das Volk».
Les autres pays ont donc également un droit de création monétaire. Et puisque ce droit a été concédé à la BCE, celle-ci doit avoir recours à ce moyen pour aider à résoudre l'endettement des nations. Le Royaume-Uni, qui a mis la banque centrale d'Angleterre à contribution en la matière, garde son AAA. Pourquoi pas les pays de la zone euro?

«Wir sind das Volk!
». Je vous demande de modifier le traité de l'Union européenne pour permettre à la BCE de prêter de l'argent aux Etats membres de la zone euro, sans aucune obligation de passer par les banques.

J'espère que vous examinerez attentivement ma demande. Depuis la Seconde Guerre mondiale et pour cette raison, l'Allemagne a engagé une responsabilité infinie dans la construction d'une Europe porteuse de prospérité pour tous les citoyens européens. L'Allemagne a besoin d'assumer cet héritage; il n'y a aucune alternative.

Copie de cette lettre est envoyée à M. Herman Van Rompuy, président de l'Union européenne, à M. Nicolas Sarkozy, Président de France et à d'autres personnalités et institutions.


Mit freundlichen Grüssen


Eric Watteau (2)



(1) En anglais (et en allemand) dans le texte. Mais pour autant que de besoin, une traduction en français vous est ici offerte, dans la foulée.
(2) Le comité des droits économiques, sociaux et culturels a déjà rappelé à la Suisse qu’il ne partageait pas sa position selon laquelle les dispositions du Pacte représentent des principes et des objectifs de programme plutôt que des obligations juridiques. In "La responsabilité internationale des Etats pour les situations d’extrême pauvreté" par Laurence André et Julie Detry, page 65 - Coordination des ONG pour la dignité humaine et centre de droit international de l’Université Libre de Bruxelles. Dossier : Institutions financières internationales: l’exception aux droits de l’homme. Interventions juridiques. Colloque 17-19 décembre 1998 – extrait de la Revue belge de droit international 1999-1 Bruylant.

(3) Traduction en français de Christophe Engels. Seul le texte original fait foi.

mercredi 25 janvier 2012

A.C.P. Liberté, liberté chérie...

Me sentir libre ne suffit pas.
Car la liberté réelle ne peut se concevoir
sans choix authentiques.
Portant, notamment, sur les valeurs
que je désire adopter.
A chacun, donc, de prendre
la responsabilité de ses décisions personnelles.
Le déterminisme, oui.
Mais seulement comme point de départ...

Contrôler les sujets tout en faisant en sorte qu'ils se sentent libres.
Tel est l'objectif que préconise de poursuivre le comportementaliste Burrhus Frederic Skinner (1).
«
Ils feront ce qu'ils désirent, non ce qu'ils seront forcés de faire, se réjouit ce psychologue et penseur américain.
Pas de contrôle, pas de révolte.
Grâce à un plan culturel mûrement réfléchi, nous ne contrôlons pas les comportements finaux, mais l'envie de se comporter: les motifs, les désirs, les souhaits.
Chose curieuse à signaler: dans ce cas, la question de la liberté ne se pose jamais.» (2)

Paradoxal système...

Gulb, s'étrangle le psychologue américain Carl Rogers (3)!
Qui rejette sans surprise une démarche aussi cynique.
Et en profite pour mettre à plat sa propre approche de la science.
«
La science a sa signification en tant que poursuite objective d’un but qui a été choisi subjectivement par une ou plusieurs personnes, estime l'initiateur de l'Approche Centrée sur la Personne (A.C.P.) (…)
Si nous envisageons franchement le fait que la science part d’un ensemble de valeurs choisies subjectivement, nous sommes alors libres de choisir les valeurs que nous désirons poursuivre. (…)
Ma conception va dans le sens d'une "société ouverte", telle que ce terme a été défini par Popper, où les membres d'une société prennent la responsabilité de leurs décisions personnelles.
Ce concept se situe au pôle opposé de celui d’une société fermée dont
Walden Two (titre de l'ouvrage de Skinner auquel il est fait allusion N.D.L.R.) serait un exemple. (…)
Le comportement, lorsqu’il est examiné scientifiquement, est sûrement mieux compris dans une optique déterministe.
C’est là le grand fait de la science.
Mais le choix responsable et personnel (...) est également un fait de première importance dans notre vie.
Le fait que ces deux éléments importants de notre expérience semblent être en contradiction a peut-être la même signification que la contradiction entre la théorie ondulatoire et la théorie corpusculaire de la lumière; on peut démontrer la vérité de chacune d’elles, elles n’en sont pas moins incompatibles.
Il n’y a aucun profit à nier la liberté qui existe dans notre vie subjective, pas plus que nous ne pouvons nier le déterminisme qui est évident dans la description objective de cette vie.
Il faut donc vivre ce paradoxe.» (
4)(5)

Christophe Engels (d'après Carl Rogers)

(1) Fortement influencé par les travaux d'Ivan Pavlov et de John Watson, l'Américain Burrhus Frederic Skinner (1904-1990) a fondé le behaviorisme radical.
(2)
Skinner B.F., Walden Two, McMillan, New York, 1948, p.218.
(3)
Docteur en psychologie, professeur à l'université de Chicago et fondateur (en 1964) d'un Institut des Sciences du Comportement, Carl Rogers (1902-1987) a créé l'Approche Centrée sur la Personne. Il laisse une oeuvre et une pensée qui continuent à exercer une influence profonde sur tout le courant de la psychologie humaniste.

(4) Rogers Carl, Le développement de la personne, Dunod, Paris, 1968, in traduction française de Rogers Carl, On becoming a Person, Houghton Mifflin, Company, Boston, USA, 1961, pp.249-258.
(5) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à l’Approche Centrée sur la Personne (par ou d'après Carl Rogers, Max Pagès, Jean-Marc Priels, André de Peretti...),
. à l'empathie (avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par et d'après Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme (par Vincent Triest,...)....

jeudi 19 janvier 2012

A.C.P. Personne, ouvre-toi...











«L’émergence, dans l’action,
d’un produit relationnel nouveau

Ainsi le psychologue américain Carl Rogers (1)
définit-il le processus créatif.

Celui dont ne peut se passer la personne...

Pour Carl Rogers, la plupart des critiques fortes qui ciblent notre culture pourraient se ramener à trois mots: «manque de créativité» (2).
Encore les idées, pour pouvoir être considérées comme vraiment créatrices, devraient-elles
. mener à un résultat tangible,
. se traduire sous forme de mots, de poèmes ou d’oeuvres d’art,
. donner naissance à une invention.
«Le processus créateur se définit pour moi comme étant l’émergence, dans l’action, d’un produit relationnel nouveau, confie l'initiateur de l'Approche Centrée sur la Personne.
Un produit qui se détache de la nature unique de l’individu d’une part et des événements, des personnes ou des circonstances de sa vie d’autre part.
» (3)

Expériance, création, construction...

Pour accéder à ce potentiel, l'individu/personne devrait s'ouvrir à son expériance (4).
Par là, il pourrait rendre sa conduite créative.
Et, dans la foulée, constructive.
«S’il prend conscience
. de ses pulsions hostiles, comme de son désir d’amitié,
. de ce qu’il attend de la culture, mais également de ses buts personnels,
. de ses désirs égoïstes, mais aussi de son souci d’autrui,
alors sa conduite sera harmonieuse, intégrée, constructive.
Plus il est ouvert à son expérience, plus sa conduite démontre que la nature humaine tend vers un mode de vie social et constructif.» (5)
Mieux: «L’individu humain est capable, sans que l’on exerce de pression sur lui, de modifier son système de valeurs en fonction de son expérience même, à mesure que celle-ci se développe.» (6)
Ajoute le psychothérapeute et chercheur en sciences humaines Max Pagès (7).
Qui précise que, pour que le champ de l’expériance se modifie de la sorte, il faudrait que la personne conserve sa capacité à évaluer elle-même les objets de celle-ci.
Positivement, certes.
Mais aussi négativement.
«Sinon l’individu pour se défendre lui-même, défendre sa capacité de juger, sa personnalité elle-même, sera entraîné à maintenir en bloc inchangé l’ensemble de ses jugements sur le monde.» (8)

Evaluer et modifier l'expériance

La possibilité pour la personne de percevoir adéquatement sa propre expériance serait donc la condition même du changement.
Car elle restaurerait la possibilité d’évaluer cette expériance et de la modifier.
«Cherchant à analyser de plus près le mécanisme même du changement, Rogers et ses collaborateurs, Gendlin notamment, ont introduit (…) les concepts d’expérience immédiate (9) et de distance à l’expérience immédiate.
L’expérience immédiate s’éprouve dans l’instant, en elle ne s’interposent entre sujet et objet ni cadre temporel ni cadre intellectuel, la distinction même entre sujet et objet tend à s’abolir.» (10)
Dans l’expériance, tout est création, changement, fluidité.
«L’accent est donc mis sur "l’élément vécu" plutôt que sur l’aspect intellectuel, écrit le Français André de Peretti (11).
Et "sur la situation intellectuelle plutôt que sur le passé de l’individu" (12)(13)

Christophe Engels (d'après Carl Rogers, Max Pagès et André de Peretti)

(1) Docteur en psychologie, professeur à l'université de Chicago et fondateur (en 1964) d'un Institut des Sciences du Comportement, Carl Rogers (1902-1987) a créé l'Approche Centrée sur la Personne. Il laisse une oeuvre et une pensée qui continuent à exercer une influence profonde sur tout le courant de la psychologie humaniste.
(2) Rogers Carl,
Le développement de la personne, Dunod, Paris, 1968, in traduction française de Rogers Carl, On becoming a Person, Houghton Mifflin, Company, Boston, USA, 1961, p.230.
(3) Rogers Carl,
Le développement de la personne, Dunod, Paris, 1968, in traduction française de Rogers Carl, On becoming a Person, Houghton Mifflin, Company, Boston, USA, 1961, p.232.
(4) Voir le précédent message:
«Expériance exigée.»
(5)Rogers Carl, Le développement de la personne, Dunod, Paris, 1968, in traduction française de Rogers Carl, On becoming a Person, Houghton Mifflin, Company, Boston, USA, 1961, p.234.
(6) Pagès Max, L’orientation non directive en psychologie et en psychologie sociale, Dunod, Paris, 1970, p.21.
(7)Max Pagès préconise une approche dialogique de l'être humain, c'est-à-dire l'association du biologique, du psychisme et du social.
(8) Pagès Max, L’orientation non directive en psychologie et en psychologie sociale, Dunod, Paris, 1970, p.22.
(9) «Experiencing», que, pour rappel, nous nous autorisons, dans ce blog, à traduire par «expériance».
(10)
André Peretti, polytechnicien, docteur ès lettres et sciences humaines, a cumulé les responsabilités: ingénieur, puis ingénieur en chef des manufactures de l'Etat; professeur de lettres en classe de mathématiques spéciales; parlementaire, comme membre de l'Assemblé de l'Union française; formateur à l'Institut national d'administration scolaire et universitaire; chercheur à l'INRR. Conseiller de plusieurs ministres de l'Education, il a présidé une commission ministérielle sur la formation des personnels de l'Education nationale et a assuré de nombreuses missions à l'étranger.
(11)
Pagès Max, L’orientation non directive en psychologie et en psychologie sociale, Dunod, Paris, 1970, p.22.
(12) Rogers Carl, La Relation d’aide et la Psychothérapie, tome 1, éd E.S.F., Paris, 1970 , p.43.
(13) Peretti André de,
Pensée et vérité de Carl Rogers, coll. Nouvelle Recherche, Privat, Toulouse, 1974, p.62.

dimanche 15 janvier 2012

A.C.P. Expériance exigée.

Si la relation
d'aide authentique
atteint
le plus souvent
son but,
c'est parce qu'elle permet
d'accéder à l'«expé-
riance».
Explication
du psychologe américain
Carl Rogers (1)...

Parce qu'elle trouve quelqu’un qui écoute et accepte ses sentiments, la personne qui bénéficie d'une relation d'aide authentique deviendrait peu à peu capable de s’écouter elle-même.
Elle accéderait à la possibilité de prêter l’oreille à des sentiments qu’auparavant, elle avait toujours niés et refoulés.
Elle en viendrait à mieux s’accepter.
Et elle en arriverait à évoluer elle-même vers une plus grande congruence.
Un processus qui impliquerait un changement dans sa manière d’éprouver ce que Rogers appelle «experiencing» et que nous oserons traduire librement ici par «expériance».
Soit l'expérience immédiate.
C'est à dire le fait, pour une personne, d’éprouver les données immédiatement vécues de sa propre expérience, sans que ne s'interpose aucun cadre médiat, qu'il soit temporel, intellectuel, normatif ou autre.
Conséquence: un assouplissement dans la capacité d’appréhension de ses cartes cognitives...
«Au début, le client est éloigné de son expérience immédiate, explique Rogers.
Prenons, par exemple, quelqu’un qui a tendance à intellectualiser et qui parle de lui-même et de ses sentiments dans l’abstraction, en vous laissant perplexe sur ce qui se passe réellement à l’intérieur de lui.
Partant de là, il accède à un état de rapport immédiat au vécu, où il vit ouvertement dans ce qu’il éprouve et sait qu’il peut se tourner vers cela pour en découvrir les significations réelles.
» (2)
Du coup, la fixité céderait la place à la fluidité.
Le détachement des sentiments et de l’expériance à leur prise en compte.
Leur refus à leur acceptation.
La rigidité du moi à la découverte d’un «soi» (3) changeant dans une expérience changeante.
La conception rigide de soi à l'aptitude au changement.
L’éloignement des hommes à la réalité et à la proximité de la relation.
L’impersonnalité du fonctionnement à une intégration de l'expériance donnant lieu à des tentatives de (re)construction.
La personne modifierait et réorganiserait donc la conception qu’elle a d'elle-même.
Au point d'opter une attitude beaucoup plus positive envers elle.

Christophe Engels (d'après Carl Rogers) (4)(5)

(1) Docteur en psychologie, professeur à l'université de Chicago et fondateur (en 1964) d'un Institut des Sciences du Comportement, Carl Rogers (1902-1987) a créé l'Approche Centrée sur la Personne. Il laisse une oeuvre et une pensée qui continuent à exercer une influence profonde sur tout le courant de la psychologie humaniste.
(2) Rogers Carl, Le développement de la personne, Dunod, Paris, 1968, in traduction française de Rogers Carl, On becoming a Person, Houghton Mifflin, Company, Boston, USA, 1961, p.47.
(3) Rogers parle de "moi", mais nous préférons utiliser le mot "soi" qui permet, comme l'explique si bien le philosophe français Paul Ricoeur, d'insister sur le caractère réflexif de la personne (voir, pour plus de précision, l'Appel à projet relationnel, qui ouvre ce blog).
(4) Rogers Carl, Le développement de la personne, Dunod, Paris, 1968, in traduction française de Rogers Carl, On becoming a Person, Houghton Mifflin, Company, Boston, USA, 1961, pp.46-48.
(5) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à l’Approche Centrée sur la Personne (par ou d'après Carl Rogers, Max Pagès, Jean-Marc Priels, André Peretti...),
. à l'empathie (avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par et d'après Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme (par Vincent Triest,...)....

vendredi 13 janvier 2012

A.C.P. Tiercé gagnant.

Congruence.
Considération
positive
inconditionnelle.

Compréhension
empathique.
Tel est
le tiercé gagnant

de l'Approche
Centrée
sur la Personne
.

Le psychologue
américain
Carl Rogers
y va

de ses bons
tuyaux...






«Congruence», «considération positive inconditionnelle» (1) et «compréhension empathique» (2): un triptyque présenté par Carl Rogers (3) comme faisant office de (triple) condition nécessaire et suffisante à toute relation d’aide digne de ce nom (4).
Un label de qualité, donc, dans l'optique de ce que cet homme de lettres et de sciences humaines qu'est le Français André de Peretti (5) présente comme un changement constructif de la personne.
Dispositions innées? Non.
Modalités techniques? Non plus.
Règles méthodologiques? Pas davantage.
Il s’agirait plutôt de «conditions attidudinelles» (6), d’«indications intériorisées, vécues existentiellement» (6)...

Congruence: consciencieuse_expérience.com

Congruence est le mot utilisé par Rogers «pour indiquer une correspondance exacte entre l’expérience et la prise de conscience» (7), voire, d’une façon plus large, pour désigner «l’accord de l’expérience, de la conscience et de la communication.» (7)

Considération positive inconditionnelle:
ce que tu es, pas ce que tu devrais être


A l'opposé de l'attitude paternaliste qui consiste a traiter un interlocuteur à partir de mon propre cadre de référence et de mes propres schémas de sentiments, de pensées ou de comportements, la considération positive inconditionnelle entend se (dé)centrer sur mon vis-à-vis.
Mon acceptation n'est donc tributaire
. ni de ton état émotionnel,
. ni de ton comportement,
. ni de l'attitude que tu adoptes envers moi,
. ni de ce que d'autres peuvent penser de toi.
Acceptation, donc, de ce qui est.
Et non attente de ce que tu devrais être.

Compréhension empathique:
ton monde intérieur, comme si j'y étais...


«Là où le regard inconditionnel introduisait une différence, sans commune mesure, et une distance dans le contact, l’empathie ajoute une similitude ou une assimilation assez poussée, et une immédiateté réflexive mais sans fusion, une altération vécue et réverbérante mais sans aliénation réciproque.»
Ainsi s'exprime le déjà cité Peretti. (8)
L’empathie, en effet, est une compréhension de l’intérieur, une façon de sentir ton monde intérieur et tes significations intimes comme s’ils étaient les miens... mais en n’oubliant jamais qu'ils ne le sont pas!
«La pointe du paradoxe est ici la plus acérée: être presque l’autre sans être l’autre et sans cesser d’être soi-même.
La distanciation est niée, elle est presque annulée, et pourtant, si minime soit-elle, la distance, la différence (suprêmement qualitative), demeurent irréductibles, fondamentales.» (9)(10)(11)

Christophe Engels (d'après Carl Rogers et André de Peretti)

(1) Ou «regard positif inconditionnel».
(2) Ou, plus simplement, «
empathie».
(3)
Docteur en psychologie, professeur à l'université de Chicago et fondateur (en 1964) d'un Institut des Sciences du Comportement, Carl Rogers (1902-1987) a créé l'Approche Centrée sur la Personne. Il laisse une oeuvre et une pensée qui continuent à exercer une influence profonde sur tout le courant de la psychologie humaniste.
(4) Cfr. par exemple Rogers Carl, Le développement de la personne, Dunod, Paris, 1968, in traduction française de Rogers Carl, On becoming a Person, Houghton Mifflin, Company, Boston, USA, 1961, p.45.
(5) André de Peretti, polytechnicien, docteur ès lettres et sciences humaines, a cumulé les responsabilités: ingénieur, puis ingénieur en chef des manufactures de l'Etat; professeur de lettres en classe de mathématiques spéciales; parlementaire, comme membre de l'Assemblée de l'Union française; formateur à l'Institut national d'administration scolaire et universitaire; chercheur à l'INRR. Conseiller de plusieurs ministres de l'Education, il a présidé une commission ministérielle sur la formation des personnels de l'Education nationale et a assuré de nombreuses missions à l'étranger.
(6) D’après Peretti André de, Pensée et vérité de Carl Rogers, coll. Nouvelle Recherche, Privat, Toulouse, 1974, p.185.(7) Rogers Carl, ibid., p.223.(8) Peretti André de, ibid., p.195.
(9) Peretti André de, ibid., p.195
.
(10) La notion d'empathie fera prochainement l'objet d'une série de messages sur ce blog.
(11)
Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à l’Approche Centrée sur la Personne (par ou d'après Carl Rogers, Max Pagès, Jean-Marc Priels, André Peretti...),
. à l'empathie (avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
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mardi 10 janvier 2012

A.C.P. Je t'aide, donc je suis.

Ce qui rend efficace
une relation d’aide,
ce sont
«d’une part,
les attitudes
de la personne "aidante",
d’autre part

la perception
qu’a de la relation
la personne "aidée".
» (1)
Le psychologue américain
Carl Rogers (2) est formel.
Et y va d'une présentation
de ses dix conditions de succès...

Comment créer une relation d’aide?
En veillant à la fois à déjouer le piège de la versatilité et à éluder le traquenard de la rigidité.
Histoire de laisser toute la place à une décuple rigueur...

Dix clés pour une relation d'aide

. Rigueur dans la mise en confiance
Il me faudra arriver à «être» d’une façon qui pourra être perçue par autrui comme digne de confiance, comme sûre et «conséquente» au sens le plus authentique.
. Rigueur dans la communication
Il conviendra de pouvoir lui communiquer sans ambiguïté la personne que je suis.
. Rigueur dans la considération
Il s'agira de me montrer capable d’éprouver des attitudes positives envers lui.
. Rigueur dans l'autonomie
L'objectif sera d'avoir une personnalité assez forte pour faire preuve d'indépendance par rapport à lui.
. Rigueur dans l'acceptation
Je devrai être capable de lui permettre d’être ce qu’il est: sincère ou hypocrite, infantile ou adulte, désespéré ou présomptueux...
. Rigueur dans l'empathie
Mon projet? Pouvoir pénétrer son univers intérieur assez profondément pour perdre tout désir de l’évaluer ou de le juger.
. Rigueur dans l'accueil
L'idée sera d'en arriver à l’accueillir inconditionnellement, en acceptant tous les aspects de ses sentiments.
. Rigueur dans la délicatesse
Je voudrai être capable d’agir dans la relation en question avec une sensibilité suffisante pour que mon comportement ne soit pas perçu comme une menace.
. Rigueur dans l'apaisement
J'entendrai pouvoir libérer mon interlocuteur de la crainte d’être jugé.
. Rigueur dans l'encouragement
Intention: être capable, sans être ligoté ni par son passé ni par le mien, de voir mon vis-à-vis comme une personne en devenir, à même de se développer intérieurement d’une manière créatrice. (3)

Maturité exigée

Dix conditions difficile à réunir?
Sans doute.
Car autant la relation d'aide préconisée par Rogers peut se concevoir comme accessible au non-spécialiste, autant elle s'avère exigeante.
La preuve par une phrase assez percutante de l'initiateur de l'Approche Centrée sur la Personne (A.C.P.)...
«Je soupçonne fortement que la relation personnelle d’aide optimale est celle qui est créée par une personne d’une grande maturité psychologique.» (4)

Christophe Engels (d'après Carl Rogers) (5)

(1) Rogers Carl, Le développement de la personne, Dunod, Paris, 1968, in traduction française de Rogers Carl, On becoming a Person, Houghton Mifflin, Company, Boston, USA, 1961, p.36.
(2) Docteur en psychologie, professeur à l'université de Chicago et fondateur (en 1964) d'un Institut des Sciences du Comportement, Carl Rogers (1902-1987) a créé l'Approche Centrée sur la Personne. Il laisse une oeuvre et une pensée qui continuent à exercer une influence profonde sur tout le courant de la psychologie humaniste.
(3) D’après Rogers Carl, Le développement de la personne, Dunod, Paris, 1968, in traduction française de Rogers Carl, On becoming a Person, Houghton Mifflin, Company, Boston, USA, 1961, pp.36-42.
(4) Rogers Carl, Le développement de la personne, Dunod, Paris, 1968, in traduction française de Rogers Carl, On becoming a Person, Houghton Mifflin, Company, Boston, USA, 1961, p.41.
(5) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à l’Approche Centrée sur la Personne (par ou d'après Carl Rogers, Max Pagès, Jean-Marc Priels, André Peretti...),
. à l'empathie (avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par et d'après Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme (par Vincent Triest,...)....

samedi 7 janvier 2012

Actu. Tous à la manip' ?

Contraindre
ou orienter

mon interlo-
cuteur,
c'est construire
la relation
sur le sol aride
de la méfiance.
Ce que rappellent un Max Pagès
ou un Carl Rogers.
Qui mettent au service d'objectifs facilitateurs
la personne digne de ce nom.
La personne authentique.
La personne de confiance...


Exit la passivité de l’indifférence?
Place à l’activité de l'engagement?
Oui, répond le psychothérapeute et chercheur en sciences humaines français Max Pagès (1), sur les traces de son inspirateur américain Carl Rogers (2).
Encore faut-il veiller à ce que cette action ne se fasse pas oppressive.
Et, pour ce faire, m’abstenir et de contraindre et d’orienter mon interlocuteur...

Autorité et manipulation, non merci!

Non à la méthode autoritaire, donc, qui cherche à imposer mes buts, valeurs et/ou méthodes.
Mais non, également, à la manipulation.
Qui évite, au contraire, d’exprimer le but que je poursuis.
Et qui cherche à sélectionner l’information pour mieux orienter le ou les individu(s) dans le sens que je désire.
«La manipulation peut être cynique ou de bonne foi, explique Pagès.
Elle peut aussi être consciente ou inconsciente. (…)
De toute façon, on ne pense pas que le sujet soit capable, par le jeu de son activité spontanée, de s’informer adéquatement sur lui-même (hypothèse d’une régulation spontanée). La régulation est introduite de l’extérieur par un agent qui est seul capable de déchiffrer pour le sujet les lois de son fonctionnement.» (3)

Personne de confiance

Vive l'action, donc.

Mais une action qui, loin de relever de l'obligation ou de la manipulation, se veut au contraire facilitatrice. (4)
Et qui correspond à ce que Rogers qualifie d'«attitude non directive».
Nous y reviendrons...


Christophe Engels (d'après Max Pagès) (5)(6)


La manipulation, concrètement...

Dans son livre
«Les manipulateurs sont parmi nous» (7), la thérapeute, conférencière et auteure française Isabelle Nazare-Aga propose trente critères qui doivent servir à démasquer un manipulateur.
Selon elle, un individu qui répondrait à au moins quatorze d'entre eux devrait être considéré comme tel.
1. Il culpabilise les autres au nom du lien familial, de l'amitié, de l'amour, de la conscience professionnelle.
2. Il reporte sa responsabilité sur les autres, ou se démet des siennes.
3. Il ne communique pas clairement ses demandes, ses besoins, ses sentiments et opinions.
4. Il répond très souvent de façon floue.
5. Il change ses opinions, ses comportements, ses sentiments selon les personnes ou les situations.
6. Il invoque des raisons logiques pour déguiser ses demandes.
7. Il fait croire aux autres qu'ils doivent être parfaits, qu'ils ne doivent jamais changer d'avis, qu'ils doivent tout savoir et répondre immédiatement aux demandes et questions.
8. Il met en doute les qualités, la compétence, la personnalité des autres : il critique sans en avoir l'air, dévalorise et juge.
9. Il fait faire ses messages par autrui.
10. Il sème la zizanie et crée la suspicion, divise pour mieux régner.
11. Il sait se placer en victime pour qu'on le plaigne.
12. Il ignore les demandes même s'il dit s'en occuper.
13. Il utilise les principes moraux des autres pour assouvir ses besoins.
14. Il menace de façon déguisée, ou pratique un chantage ouvert.
15. Il change carrément de sujet au cours d'une conversation.
16. Il évite ou s'échappe de l'entretien, de la réunion.
17. Il mise sur l'ignorance des autres et fait croire en sa supériorité.
18. Il ment.
19. Il prêche le faux pour savoir le vrai.
20. Il est égocentrique.
21. Il peut être jaloux.
22. Il ne supporte pas la critique et nie les évidences.
23. Il ne tient pas compte des droits, des besoins et des désirs des autres.
24. Il utilise souvent le dernier moment pour ordonner ou faire agir autrui.
25. Son discours paraît logique ou cohérent alors que ses attitudes répondent au schéma opposé.
26. Il flatte pour vous plaire, fait des cadeaux, se met soudain aux petits soins pour vous.
27. Il produit un sentiment de malaise ou de non-liberté.
28. Il est parfaitement efficace pour atteindre ses propres buts mais aux dépens d'autrui.
29. Il nous fait faire des choses que nous n'aurions probablement pas fait de notre propre gré.
30. Il fait constamment l'objet des conversations, même lorsqu'il n'est pas là.


(1) Né en 1926, Max Pagès préconise une approche dialogique de l'être humain, c'est-à-dire l'association du biologique, du psychisme et du social.
(2)
Docteur en psychologie, professeur à l'université de Chicago et fondateur (en 1964) d'un Institut des Sciences du Comportement, Carl Rogers (1902-1987) a créé l'Approche Centrée sur la Personne. Il laisse une oeuvre et une pensée qui continuent à exercer une influence profonde sur tout le courant de la psychologie humaniste.
(3) Pagès Max, L’orientation non directive en psychologie et en psychologie sociale, Dunod, Paris, 1970, p.53.
(4) Voir, ci-dessous, le message du 29 décembre 2011:
«
Merry crisis and a happy new fear».
(5)
Pagès Max, ibid.
(6) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à l’Approche Centrée sur la Personne (par ou d'après Carl Rogers, Max Pagès, Jean-Marc Priels, André Peretti...),
. à l'empathie (avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par et d'après Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme (par Vincent Triest,...)....
(7)
Nazare-Aga Isabelle, Les manipulateurs sont parmi nous, éditions de l'Homme, Montréal/Paris, 1997/2004.