vendredi 29 juin 2018

Honni soit qui mâle y pense

















«Oui, Sinjar est libéré.
Mais Sinjar n'existe plus.»
Sinjar ou Kobané, même impitoyable constat.
Irak ou Syrie, même inébranlable combat.
Les Super Nanas du Mouvement des Femmes Libres 
ou des Unités de défense féminines (1)
poursuivent leur résistance face à Daech. 
Vaillantes et militantes.
Kalachnikov à la main.
Et ce slogan aux lèvres: 
«Femmes! Vie! Liberté!»
Liberté face aux barbares djihadistes.
Liberté face à
 l'arrogance des mecs à frime.
Liberté face à un monde qui va de... mâle en pis.


«Dans ce monde qui se dessèche, 
si nous ne voulons pas mourir de soif, 
il nous faudra devenir source.» 
(Christiane Singer)




A Simone Veil





«Si toutes les femmes s'unissent, le terrorisme s'arrêtera.»
Ainsi pense-t-on dur comme fer au sein du Mouvement des Femmes Libres.
Soit une armée de résistance qui, exclusivement composée de représentantes d'un «sexe faible» plus mal nommé que jamais, a été créée il y a une quarantaine d'années en Turquie, autour d'une certaine Sakine (2).
Sakine?
Oui.
Sakine Cansiz.
Cofondatrice, en son temps, du Parti des Travailleurs du Kurdistanle fameux PKK, honni au-delà de tout par le président turc Recep Erdogan.
Icône de tout un peuple.
Et surtout, pour ce qui nous concerne ici, inspiratrice de générations de femmes qui, formées militairement et/ou politiquement, entendent porter bien haut l'idéal d'une société affranchie du patriarcat.

Comandante Guerillera

Pas vraiment la tête de l'emploi, la milicienne?
Peut-être.
Mais les apparences sont parfois trompeuses.
La preuve par l'installation de plusieurs communautés et camps d'entraînement dans les montagnes du Qandil, au nord de l'Irak.
Histoire de rassembler des femmes -kurdes, européennes et autres- autour d'un même projet: édifier des sociétés démocratiques, multiethniques et multiconfessionnelles pour tenter, peut-être, de changer l'histoire, à tout le moins celle du Proche-Orient.

Sakine, Fidan, Leyla et les autres

La machine est en route.
Et l'assassinat de la «guerillera», le 10 janvier 2013 à Paris avec deux autres militantes kurdes, ne changera rien à l'affaire.
Bien au contraire.
Sakine entre définitivement dans la légende.
Conséquence: des centaines de jeunes filles se donnent plus que jamais vocation à contrer la barbarie de Daesh.
Et, plus globalement, la mentalité masculine.
Soit un état d''esprit qui est vu comme voie royale à toutes les formes de domination.
Comme obstacle récurent à l'égalité entre hommes et femmes.
Comme métastase assassine d'un monde invivable.

Sois bon et tais-toi!

Place donc à des.. Académies de Rééducation des Hommes!
Qui distillent neuf mois de cours d'Histoire et de politique... d'un point de vue de femme.
Dans le viseur: l'Etat islamique, bien sûr, mais aussi, pour reprendre les termes du géographe français Yves Raibaud (3), «le modèle d'une masculinité hégémonique, et avec elle, les conduites viriles et leurs avatars, le sexisme et l'homophobie, lesquels sont en général moins prégnants dans des groupes mixtes.» (4)
Du côté du Mouvement des Femmes Libres ou des Unités de défense féminines en tout cas, la masculinité n'est rien d'autre qu'un système d'oppression qu'il s'agit d'interroger et d'analyser en profondeur pour mieux se donner les moyens d'en venir à bout.
«On cherche surtout à comprendre comment l'homme a pu à ce point rendre son univers irrespirable», confie un participant convaincu.
Qui, en quelque sorte, s'est fixé pour objectif d'expurger le mâle de son mal.
De le châtrer de ses velléités de prédateur.
De libérer de ses excès le monde en général et les femmes en particulier.

Contre Daesh, pour la parité

Respect, Messieurs, pour ces meufs de première ligne!
Jeunes recrues ou vieilles de la vieille, elles ont enfilé leur treillis pour lutter contre Daech.
Et aussi, dans le même mouvement, pour conquérir leur droit à l'égalité et à la parité.
Peu importe, donc, leur religion.
Car si kurde ou syriaque est leur prénom, féminisme est leur nom de famille.
Une famille vivifiante, époustouflante, sidérante.
Qui bouscule le Candile.
Qui chamboule le Rojava
Qui bouleverse le Sinjar.
En attendant, sans doute, d'ébranler tout le Moyen-Orient.
Et plus si affinités...

Quand la femme s'éveillera...

Et chacune de ces nouvelles Amazones, arme en bataille et sourire aux lèvres, de se prendre à rêver d'une autre temps.
Celui où rien ne bridera plus les femmes dans leur vocation à se constituer en moitié réjouissante de l'Humanité.



(1) Vidéo en lien: Sauloy Mylène, Kurdistan, la guerre des filles, Magnéto Presse, 2017.
(2) Prononcez Sakiné.
(3) Yves Raibaud est maître de conférences à l'Université Bordeaux Montaigne.
(4) Extrait de Raibaud Yves, La ville faite par et pour les hommes, Belin, Paris, 2015, cité in Ghali Soraya, La ville, territoire mâle, Le Vif/L'Express n°3495, du 28 juin au 4 juillet 2018, p.50. 



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