lundi 10 février 2014

Courants de pensées et modes de vie émergents (14) Préférences indignées: essais transformés !


Pourquoi les indignés n'ont-ils 
ni leader ni programme?   
Parce que leur mouvement 
viserait avant tout 
l’amplification 
des pratiques 
altermondialistes 
de démocratie 
délibérative.  
Dixit le sociologue 
espagnol 
Eduardo Romanos.
 
Les nouveaux mouvements sociaux (N.M.P.) avaient redonné vie, en l’actualisant, au concept de démocratie directe.
Les altermondialistes, eux, ont opté pour l'expérience et la culture organisationnelle de la démocratie délibérative.
Bientôt suivis par les indignés.  
Dont les pratiques et les discours révèlent en effet une profonde affinité avec ce modèle.
Même recours à l'assemblée.
Même quête d'objectif(s) commun(s).
Et surtout même souci d'égalité, de langage inclusif et de transparence.

Transformation des préférences

Egalité?
Langage inclusif?
Transparence?
Trois principes qui, de près ou de loin, étaient déjà au cœur du modèle de démocratie directe et participative déployé, dans les années 1970 et 1980, par les N.M.P.
La valeur ajoutée de la démocratie délibérative se situerait donc ailleurs.
Elle résiderait dans l’accent mis sur la transformation des préférences.
«De fait, la délibération est le mode d’interaction le plus favorable pour cette transformation. (1)
Pour reprendre le raisonnement de Julien Talpin, la théorie de la démocratie délibérative répond sur ce point au paradigme du choix rationnel associé au modèle libéral de démocratie, qui conçoit cette dernière comme un mécanisme d’agrégation de préférences individuelles à travers le vote, écrit le sociologue espagnol Eduardo Romanos. (2)
Dans le modèle libéral, les préférences individuelles sont sacrées et doivent être protégées de l’intervention de l’État.
La théorie de la démocratie délibérative critique cette vision. (...) 
Si chacun vote selon ses préférences individuelles et que celles-ci sont déterminées par des intérêts individuels, les décisions collectives ne peuvent pas tendre vers le bien commun.
En revanche, l’objectif de la délibération serait la formation ou la découverte des préférences (réflexives) de chacun, et leur éventuelle transformation en vue du bien commun, à travers l’accès à l’information et un processus conscientd’apprentissage.» (4)

Pensée collective et écoute active

Le mouvement indigné semble donc reprendre à son compte le principe de la transformation des préférences.
D'où sa réflexion autour de la «pensée collective» et de l’«écoute active».
«La pensée collective est totalement opposée au système actuel qui fonctionne sur une pensée individualiste…
Normalement, face à une décision, deux personnes ayant des idées opposées auront tendance à s’affronter et à défendre violemment leurs idées en ayant pour objectif de convaincre, de l’emporter ou, tout au plus, de parvenir à un compromis.
L’objectif de la pensée collective est de construire.
C’est-à-dire que deux personnes avec des idées différentes mettent leur énergie à construire quelque chose.
Il ne s’agit pas alors de mon idée ou de la tienne.
Ce sont les deux idées ensemble qui vont produire quelque chose de nouveau qu’a priori ni toi ni moi ne connaissions.
C’est pour cela que l’écoute active au cours de laquelle nous ne sommes pas seulement en train de préparer notre réplique est absolument nécessaire.» (4)

Communication dépassionnée, raisonnée et logique

La pensée collective?
Quelque chose qui découle de la synthèse des intelligences et des idées individuelles. 
Non pas une somme éclectique, donc.
Plutôt le résultat de la synthèse.
Les intelligences individuelles mises au service du bien commun.
La création à partir de la différence, celle-ci étant appréhendée comme source d'enrichissement à l’idée commune.
«Pour que la transformation des préférences se produise, le processus délibératif doit être basé sur une communication de qualité. 
La formation de nouvelles préférences visant le bien commun se réalise au travers du débat et de la délibération, comprise comme une forme "dépassionnée, raisonnée et logique" de communication. (3)» (4)

De l'enceinte confinée à la place publique

Les indignés n'auraient-ils donc rien inventé?
Se seraient-ils contentés, consciemment ou inconsciemment, de copier l'original altermondialiste (5)?

Pas tout à fait.
Car à cet édifice, ils auraient apporté leur propre pierre.
Leur propre spécificité.
Leur propre contribution.

«Le 15-M a favorisé le transfert des pratiques délibératives depuis des enceintes plus ou moins limitées (par exemple, les campements, forums sociaux ou centres autogérés) vers les places, et c’est là que semble résider une différence importante.» (4)
Adiós, donc, à la discrétion de l'enceinte confinée. 
Et bienvenidos à la transparence de la place publique... (6)

(A suivre)

Christophe Engels

(1) Landwehr Claudia, Political Conflict and Political Preferences: Communicative Interaction Between Facts, Norms and Interests, Colchester: ECPR Press, 2009, p.118.
(2) Talpin Julien, Schools of Democracy: How Ordinary Citizens (Sometimes) Become Competent in Participatory Budgeting Institutions, Colchester: ECPR Press, 2011, p.16. Voir aussi, Offe, Claus, Crisis and Innovation of Liberal Democracy : Can Deliberation Be Institutionalised?, Czech Sociological Review, vol. 47, no. 3, 2011, p.447-472.
(3) Dryzek John S., Deliberative Democracy and Beyond, New York : Oxford University Press, 2000, p. 64.
(4) Romanos Eduardo, Les Indignés et la démocratie des mouvements sociaux, La Vie des Idées, le 18 novembre 2011, ISSN: 2105-3030. http://www.laviedesidees.fr/Les-Indignes-et-la-democratie-des.html (traduit de l’espagnol par Marie Cordoba).
(5) A moins qu'en l'espèce, cette nébuleuse elle-même ne doive d'ores et déjà être considérée comme un produit dérivé.
(6) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute): la suite d'une longue série de messages consacrés aux courants de pensée et modes de vie émergents.


5 commentaires:

  1. Chronique WEB de Victorine de OLIVEIRA.
    Après un premier volume consacré aux «leçons de la philosophie antique», Xavier Pavie s’intéresse à leur écho dans la philosophie contemporaine.
    http://www.philomag.com/les-livres/notre-selection/exercices-spirituels-lecons-de-la-philosophie-contemporaine-8874

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  2. Quand le Bhoutan interpelle l’entreprise – Conférence organisée par Solvay Schools Alumni avec Isabelle Cassiers et Laurent Ledoux

    Isabelle Cassiers est connue pour ses recherches en macro-économie sur les finalités du développement et sur des indicateurs alternatifs au PIB. Elle vous invite à une réflexion sur la transposition de ses angles d’approche au monde de l’entrepreneur. Le débat sera lancé et animé par Laurent Ledoux de « Philosophie & Management ».

    Le Bhoutan est ce petit royaume d’Asie qui a mis en avant le Bonheur National Brut (BNB) comme la notion devant orienter sa gouvernance, en lieu et place du PIB.

    Un indice homonyme proposé par l’International Institute of Management poursuit la même ambition de quantifier le bonheur, en englobant 7 facteurs : l’économique, l’environnement, la santé physique, la santé mentale, le bien-être au travail, le bien-être social, la santé politique. La commission Stiglitz-Sen-Fitoussi, créée à l’initiative du Président Sarkozy en France s’est également penchée sur la problématique. L’OCDE a lancé pour sa part un indicateur interactif « Vivre Mieux » dont le but est de permettre à chacun de mesurer et de comparer sa propre qualité de vie en dépassant le cadre classique des statistiques du Produit Intérieur Brut. L’ONU enfin s’intéresse de près aux recherches sur de nouveaux indicateurs du développement : elle a ainsi créé un « Working Group for a New Development Paradigm », dont Isabelle Cassiers est membre depuis 2013.

    Ce large mouvement pour envisager des dimensions résolument nouvelles au niveau de la gouvernance des nations ne doit-il pas inspirer aussi des réflexions sur la gouvernance d’entreprise ? Quels objectifs poursuivre en dehors de la seule rentabilité et comment les mesurer ?


    Isabelle CASSIERS est Professeur d’économie à l’UCL et chercheur qualifié du FNRS. Ses travaux sur les finalités du développement, repris dans un ouvrage intitulé « Redéfinir la Prospérité », ont été enrichis par un séjour récent au Bhoutan.


    Le débat sera lancé et animé par Laurent LEDOUX, directeur de « Philosophie & Management ». Cette association aborde dans son cycle de conférences 2013-2014 la question suivante : « Existe-t-il une alternative à la valeur actionnariale comme finalité de l’entreprise ? »

    Au programme:

    19h-19h15 : accueil
    19h15-19h20 : introduction des participants
    19h20-19h50 : présentation par Isabelle Cassiers
    19h50-20h30 : lancement et animation du débat par Laurent Ledoux
    20h30-21h : le verre de l’amitié

    Registration :


    Cet événement est gratuit pour les membres cotisants de Solvay Schools Alumni
    25 EUR pour les non-membres

    http://www.solvayschoolsalumni.net/alumni/events/event-detail?id=880586

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  3. Bonjour!

    Ce samedi 08 mars, toute l’équipe de l’AFEDE sera heureuse de compter sur votre présence avec vos amis, famille ou collègues pour clôturer en beauté cette année d’actions pour GOMA.

    Pour rappel, depuis 2004, l’Action des Femmes pour le Développement – AFEDE asbl lutte sur le plan international pour le respect, la dignité et l’intégrité physique et morale de la femme en République Démocratique du Congo (et ailleurs). La révolte que nous avons éprouvée en novembre 2012 devant les images des colonnes humaines à nouveau sur les routes, fuyant les combats, déplacés de force, sans abri ni nourriture…en proie à une énième agression ; nous a porté à organiser cette année d’actions – lancée le 08 mars 2013, afin de soutenir ces populations victimes du conflit meurtrier qui s’est déroulé à GOMA au Nord Kivu.

    Nous avons rassemblé quelques 3100 euros à l’heure actuelle grâce à un apéro mais aussi à notre participation aux 20kms de Bruxelles ; et nous souhaitons augmenter cet apport ce 08 mars et clôturer ainsi en beauté cette action AFEDE pour la CARITAS GOMA!

    En pièce jointe, vous trouverez l’affiche finalisée avec tous les détails relatifs à cette journée riche en évènements de tous genres. Si vous ne savez pas vous joindre à nous, pas de problème : sur le site de la Caritas vous trouverez tous les détails pour faire un don en ligne :

    http://caritas.ikwilhelpen.be/iwh/action.php?aid=1141&lang=fr

    Comme vous le savez, c’est déjà possible à partir de 43 euros ou tout autre geste que vous pourrez faire ! Le montant récolté durant cette année d’actions sera reversé à la CARITAS GOMA qui l’affectera à son programme au bénéfice des déplacés et ce pour un droit à une existence digne.

    Il va sans dire que nous serions heureuses de compter sur votre présence pour manger ensemble cette délicieuse mwambe... merci déjà pour eux et au plaisir de vous voir samedi 08 mars J

    Pour AFEDE asbl
    Maddy TIEMBE
    Femme de paix 2011 http://www.forcedesfemmes.net/index.php?id=84
    Membre fondateur & Présidente de l’AFEDE asbl http://www.afede.net/blogs.php?lng=fr

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  4. "Les Afghans en Belgique - quelles armes, citoyens ?

    Le mercredi 19 février à l’Horloge du Sud, le Centre régional du Libre Examen vous invite à un moment de réflexion collective (et conviviale) autour de la lutte que mènent les Afghans pour le droit de vivre en Belgique. L’objectif sera de faire le point sur les arguments juridiques en présence et de réfléchir, ensemble, à de nouvelles actions concrètes, citoyennes et/ou juridiques...

    18h. Accueil et projection du film « Au Béguinage » (20′) de Adrien Lengrand et Lysiane Charry ; exposition de peintures de Lola Rastaquouère ; photographies de Michel Masquelier, Laurence Vray et Isabelle Marchal ; dessins de Bernard Fasol, Xavier Löwenthal et Blaise Dehon

    19-21h. Rencontre-débat « Les Afghans en Belgique : quelles armes, citoyens ? »
    Les intervenants :
    • Selma BENKHALIFA – avocate
    • Bernard DEVOS – délégué général aux droits de l’Enfant
    • Alexis DESWAEF – président Ligue des droits de l’Homme ; avocat
    • Anne-Marie DIEU – vice-présidente Ligue des familles
    • Oscar FLORES – responsable CRER (Coordination contre les rafles, les expulsions et pour la régularisation)
    • Samir HAMDAR – porte-parole des Afghans
    • Marwa MAHBUB – porte-parole des Afghans, femme de l’année
    • Fred MAWET directrice CIRE

    L’échange sera animé par Pierre-Arnaud PERROUTY – secrétaire général Ligue des droits de l’Homme

    Pour nous permettre de vous assurer une petite restauration, merci de vous inscrire à info@centrelibrex.be (0(032)2/ 535 06 79)
    >> Toutes les infos : http://www.centre-librex.be/activites/les-afghans-en-belgique-quelles-armes-citoyen/"

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  5. Pour la libération de Mamoudou, 23 ans, retenu à Vottem depuis le 4 janvier.

    Une requête en adoption a été déposée par une famille de Gembloux (Belgique) qui héberge Mamoudou depuis 5 ans. Il a reçu un ordre de quitter le territoire et se retrouve au Centre pour Illégaux de Vottem, depuis le 4 janvier dernier.

    Mamoudou, d’origine guinéenne, issu de la Communauté Peul, a démarré son trajet d’exil suite à l’assassinat de ses parents. Sa sœur de 15 ans l’a guidé jusqu’en Europe. C’est ainsi qu’à 11 ans, il débarque aux Pays-Bas. En 2006, sa sœur disparaît brutalement. Perdu, il décide de rejoindre la Belgique en avril 2007 où il est accueilli dans un centre d’accueil Fedasil. Il entreprend une scolarité en électromécanique automobile qu’il réussit brillamment. Il introduit une demande de régularisation 9bis en 2009.

    Vu ses compétences, il a reçu plusieurs propositions d’embauche, dans un secteur en pénurie de ce profil. Il ne peut y répondre favorablement puisque sans permis de travail.

    Son entourage scolaire et ses maîtres de stage, le qualifient d’intelligent et d’être d’exception. Il a un sens aigu d’adaptation, ce qui lui vaut des qualités de communication et d’empathie rares. Il s’est parfaitement intégré dans notre société. Il est quadrilingue français, néerlandais, anglais et portugais.

    Ayant quitté la Guinée depuis plus de 11 ans, quel sens peut-on donner à un retour dans ce pays troublé ? A 23 ans, sa nouvelle famille et ses amis sont en Belgique, aux Pays-Bas et en France.

    Mamoudou se sent "européen sans papier".


    http://www.avaaz.org/fr/petition/Mamoudou_Bah_entre_les_mains_de_la_justice_belge_Pour_la_liberation_de_Mamoudou_23_ans_retenu_a_Vottem_depuis_le_4_janvi_1/?tuAzlab

    (Via Eric Watteau)

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