dimanche 23 juin 2013

Populisme et médias. Je t’aime, moi non plus…

Populisme et médias?
Une relation trouble, 
estime Dominique Reynié.
Car les leaders charismatiques 
génèrent spectacle, émotion... 
Et audience.


Au-delà des considérations préalablement développées dans ces colonnes, un autre facteur explicatif de l'ascension remarquée du populisme renvoie aux médias.
«Le monde médiatique entretient avec le populisme une relation trouble, estime Reynié
Le populisme est fustigé comme une perversion de la politique et, en même temps, adoré pour la performance spectaculaire qu’il accomplit.» (1)

Alliés de raison ?

Presse et populisme doivent-ils être qualifiés d’alliés de raison? 
Le politologue croit en tout cas pouvoir deviner entre eux une complicité construite sur le socle d’une promesse implicite de rendement médiatique.
«L’information spectacle et la politique spectacle se rejoignent et fusionnent dans le populisme.» 
Car «tous les chefs populistes sont des rhéteurs invincibles. 
Tous sont des "bêtes de scène" ayant capacité à nourrir les micros et les caméras de leur prodigieuse verbosité.» (2)  

Retour d'affection

Mieux: un autre point d’affinité existe, qui renvoie à l’émotion.
«Le populisme est une politique de l’émotion. 
Sans doute toute politique mobilise-t-elle une part d’émotion, mais la singularité de la politique populiste est de n’être qu’émotion.
C’est une politique médiatique jouant sur les ressorts affectifs: colère, peur, jalousie, envie, nostalgie, etc.» (3) 
Conséquence: téléspectateurs, auditeurs ou lecteurs sont au rendez-vous. 
Pour le plus grand bonheur de chacun.  
«Les acteurs populistes rassemblent de larges audiences et suscitent un intérêt qui dépasse de beaucoup le cercle de leurs électeurs. 
En se dégageant des cadres de la pensée extrémiste, de droite ou de gauche, pour opérer la métamorphose populiste, ils abandonnent les controverses idéologiques pour militants initiés au profit d’enjeux de société qui préoccupent les citoyens de base et qui sont cependant délaissés par les partis de gouvernement. 
Avant d’être populistes, ces enjeux sont populaires. 
Comme tels, presse, radios et télévisions peuvent d’autant moins ignorer ces enjeux qu’ils leur permettent de créer et de cultiver les liens qui les rattachent aux grandes audiences recherchées.» (4)

(A suivre)

Christophe Engels

(1) Reynié Dominique, op. cit., pp.243.
(2) Reynié Dominique, op. cit., pp.243.
(3) Reynié Dominique, op. cit., pp.243-244.
(4) Reynié Dominique, op. cit., pp.244-245.
(6) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
. Populisme. La gauche et la droite, c'est dépassé,
. L'homme grec est la mesure de toute chose...

L'homme cellulaire

«En tant que consommateur, l'homme redevient solitaire, ou cellulaire, tout au plus grégaire (la T.V. en famille, le public de stade ou de cinéma, etc.). 
Les structures de consommation sont à la fois très fluides et closes. 
Peut-on imaginer une coalition des automobilistes contre la vignette? 
Une contestation collective de la Télévision? 
Chacun des millions de téléspectateurs peut être opposé à la publicité télévisée, celle-ci se fera pourtant. 
C'est que la consommation est d'abord orchestrée comme un discours à soi-même, et tend à s'épuiser, avec ses satisfactions et ses déceptions, dans cet échange minimum. 
L'objet de la consommation isole. 
La sphère privée est sans négativité concrète, parce qu'elle se referme sur ses objets, qui n'en n'ont pas. (...)
En gros donc, les consommateurs sont, en tant que tels, inconscients et inorganisés, comme pouvaient l'être les ouvriers du début du XIXe siècle. 
C'est à ce titre qu'ils sont partout exaltés, flattés, chantés par les bons apôtres comme l'"Opinion Publique", réalité mystique, providentielle et "souveraine". 
Comme le Peuple est exalté par la Démocratie pourvu qu'il y reste (c'est-à-dire n'intervienne pas sur la scène politique et sociale), ainsi on reconnaît aux consommateurs la souveraineté ("Powerfull consumer", selon Katona), pourvu qu'ils ne cherchent pas à jouer comme tels sur la scène sociale. 
Le Peuple, ce sont les travailleurs, pourvus qu'ils soient inorganisés. 
Le Public, l'Opinion Publique, ce sont les consommateurs, pourvu qu'ils se contentent de consommer.»(1)

(1) Baudrillard Jean, La Société de consommation,, Denoël, 1970

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