samedi 19 avril 2014

Courants de pensée et modes de vie émergents (28) Mutant: «Réflexion faite...»










Troisième acteur 
des courants de pensée et modes de vie émergents: 
le «mutant».
Qui combat l'égocentrisme.
Qui refuse l'égoïsme.
Qui dépasse l'égotisme.
Exit, donc, le monopole de l'ego individuel.
Dorénavant, la convivialité personnelle 
revendique sa part du gâteau.
Courageusement. 
En toute fragilité.
Et après mûre réflexion.
  

Les courants de pensée et modes de vie émergents ne se composent pas que des «militants» et des «méditants» (1).
Ils englobent également ceux que le philosophe français René Macaire désigne du nom de «mutants» (2).
Soit ceux qui, animés par le souci d'une croissance en intériorité, y ajoutent celui d'une société équitable.
Une préoccupation qui n'est pas seulement centrée sur l'autre proche, donc.
Ni uniquement sur la société pour ce qu'elle a à m'apporter à moi
 

Ni militant ni méditant 
ni préméditant ni non-méditant 

Le mutant n'est donc pas de ces militants pur jus qui ne songent qu'à lutter, qui ne pensent qu'à combattre pour le triomphe d'une cause, qui se servent d'une organisation comme d'une arme sur le champ de bataille de leurs revendications.
Mais il ne se confond pas davantage avec le «simple» méditant, égotiste, c'est-à-dire en recherche de plénitude individuelle.
A quoi on ajoutera qu'il n'est pas non plus un préméditant, égoïste.
Et encore moins un non-méditant, égocentrique. 

Le mutant n'est pas individualiste

Le mutant n'est donc ni égocentrique ni égoïste ni égotiste.
Soit les trois modalités de l'individualisme du quotidien...
. Celui que nous écrirons ici avec un «i» minuscule.
. Celui qui, on le verra, n'a pas grand chose à voir avec l'Individualisme philosophique.
. Celui renvoyant plutôt à une conception qui,  plus fréquemment retenue dans la vie de tous les jours, fait référence à l’idée qu’il convient de vivre pour soi-même.

Le mutant n'est pas égocentrique

L'individualisme égocentrique, c'est ce qui sous-tend la notion de non-méditant et piège d'autant plus aisément un certain type de militant (impulsif et instinctif) que celui-ci peut se retrancher derrière l'excuse, voire l'alibi du collectif.
C'est le «moi seulement» du «tout  petit  individualisme».
Qui recouvre l’état  d’esprit  égocentrique du
• «Je pense à moi» (égocentrisme de la pensée),
• «J’agis en fonction de moi» (égocentrisme de l’action).
Sur le plan affectif, cet individualisme va de pair avec le narcissisme («je n’aime que celui que je crois être»).
C'est le royaume du moi inconscient.
Sans même m’en rendre compte, l’autre est -autant que possible- considéré et traité exclusivement comme un moyen au service de mes besoins et de mes envies.
Je me situe au centre d’un monde qui n’est donc qu’un prolongement  de  moi-même.
Je  pense tout en fonction de moi.
Puisque je suis bon, c’est l’autre qui est mauvais.
D’où cette irritabilité qui m’habite si souvent.
Tout ce qui m’intéresse, c’est  la justice.
Non  pas  comme  valeur.
Encore moins comme vertu.
Simplement, et au mieux, comme règle de droit.
Celle-là même qui me (3) met à l’abri des autres.
C’est l’amour de la justice dont parle La Rochefoucauld: celui  qui n’est «que la crainte de souffrir de l’injustice» .

Le mutant n'est pas égoïste

L'individualisme égoïste, c'est ce qui sous-tend la notion de préméditant, chère à l'«homo oeconomicus» et contaminant plus souvent qu'à son tour un autre type de militant (plus lucide et plus cynique) qui, pour arriver à ses fins, mise sur l'effet de surprise, la manipulation, le rapport de force,  l'intimidation et/ou un quelconque instrument faisant écho à ses valeurs dites «masculines» (4).
C'est le «moi d’abord» du «petit individualisme».
Qui renvoie à l’égoïsme du
•  «je pense pour moi» (égoïsme de la pensée),
•  «j’agis pour moi» (égoïsme de l’action).
Et qui se prolonge, dans le domaine affectif, par l’amour égoïste du «je n’aime que moi».
C’est le domaine du moi conscient à visée tactique.
Je suis plus habile que l’égocentriste.
Plus habile car plus conscient de moi-même et de mes limites.
Moi l’égoïste, je suis tout à fait capable de me mettre à la place de mon interlocuteur.
Mais ce savoir-faire, je ne le mets pas au service de son épanouissement.
Je m'en sers au contraire comme d'un outil ayant pour fonction de tout détourner à mon propre profit (5).
Pour moi, l’autre n’est qu’un instrument à utiliser, un «pigeon» à plumer, un concurrent à soumettre, sinon un ennemi à vaincre.
Objectif: prise de pouvoir.
Mes désirs priment sur les tiens.
Place, donc, au règne du calcul, de l’opportunisme, voire du règlement de compte.

Le mutant n'est pas égotique

L’individualisme égotique, c'est ce qui sous-tend la notion de méditant.
C'est le «moi vraiment» de l'«individualisme moyen».
Car nous avons tous des tendances égocentriques et égoïstes qui s’apparentent à autant de zones de «bêtise» émotionnelle et de souffrance affective.
L’égotisme cherche à les dépasser.
Il s’apparente à un individualisme conscient à visée stratégique.
Sauf improbable dysfonctionnement, cette focalisation sur moi-même relève de l’étape transitoire.
Elle n’est qu’un moyen au service d’un objectif plus ambitieux.
L’autre est simplement mis entre parenthèses.
Si je prends du recul aujourd’hui, c’est pour mieux sauter vers lui ultérieurement.
En attendant, je me referme dans mon cocon individuel ou familial pour me consacrer pleinement à la construction de mon individualité.
Isolement, lectures, conférences, développement personnel, thérapie, écriture ou autre: c’est selon...
Ce qui  est certain, c’est qu’après m’être différencié par l’égoïsme, je veux me trouver.
Ou me retrouver.
Honnêtement, sincèrement, authentiquement.

Le mutant est Individualiste

Reste que le terme «INDIVIDUALISME» peut aussi désigner une acception philosophique.
C'est le «moi sujet» du «grand individualisme».
Celui-là même qui sous-tend les notions de «personne» ou de «convivialiste».
Mais aussi l'idée de mutant.
Nous évoquerons alors l'Individualisme, avec une majuscule.
Histoire d'évoquer une manière de voir plus intellectuelle renvoyant à une approche humaniste qui consiste à penser non plus pour, mais par soi-même.
Sans aucunement s'interdire de conférer à l’homme une composante émotionnelle et une responsabilité par rapport à autrui.
Ce que l'Individualisme fait d’ailleurs le plus souvent.
Il peut même aller jusqu'à considérer que si je me construis, c'est aussi (convivialiste), voire surtout (personne) grâce à l'autre. (6)(7)

(A suivre)

Christophe Engels

(1) Appellation Thierry Verhelst. Cfr. notamment Verhelst Thierry, Des racines pour l’avenir. Cultures et spiritualités dans un monde en feu, L’Harmatan, Paris, 2008.
(2) Le philosophe français René Macaire (1916-1993) est l'auteur d'une oeuvre qui n'a céssé d’irriguer maints mouvements non-violents, à commencer par les Réseaux Espérance, et antipublicitaire, dont l'association Résistance à l’agression publicitaire. Plutôt que la militance, il prônait la «mutance». C'est-à-dire une croissance en intériorité du plus grand nombre en vue d’une efficacité dans l’action sociale et politique. Pas question, donc, de changer le monde sans se changer soi-même.
(3) Moi mais aussi, le cas échéant, mes alliés du moment. 
(4) On reviendra sur cette idée de valeurs «masculines» et «féminines», dont on se contentera de préciser ici qu'elles ne sont pas l'apanage respectif des seuls hommes et femmes. 
(5)  Mon profit mais aussi, le cas échéant, celui de mes alliés du moment.
(6) Ce message s'inspire d'un texte plus complet, auquel, en cas d'intérêt, on se référera utilement pour aller plus loin: Engels Christophe, Hors je ou de l'autisme à l'autrisme, in Perso/Regards personnalistes n°9,mai, 2006, p.4.
(7) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
. la suite d'une longue série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de voie émergents,
. (d'ici plusieurs semaines,) des analyses sur la social-démocratie, l'écologie politique, l'immigration...



mardi 15 avril 2014

Courants de pensée et modes de vie émergents (27) Militants et méditants: improbables passerelles

Aussi rares et peu empruntées soient-elles, 
des passerelles n'en existent pas moins
entre militants et méditants.
Les premiers, par leur comportement, 
rappellent à leurs vis-à-vis 
de se méfier de la tentation solipsiste.
Les seconds disposent d'outils 
susceptibles de favoriser 
l'efficacité de l'action militante. 
Au point d'en arriver 


Le méditant est en phase avec Gandhi quand il conseille d'«être», plus que de faire, le changement que l'on veut voir éclore
Sous cet angle, l'avènement d'un monde plus juste, solidaire et altruiste passe d'abord par la construction de ces qualités à l'intérieur de soi-même. (1) 
Quid d'un tel préalable identitaire? 
Farfelu, a priori, pour le militant qui tend à l'appréhender comme une démarche purement et simplement égocentrique.
Nécessaire, en revanche, pour le méditant qui, au mieux, voit cette phase égotique comme une prise d'élan vers le grand saut de la dimension collective.

Méditant: rechercher le côté jardin du militant

Le méditant cherche-t-il «à installer dans sa vie personnelle une capacité de percevoir ce qui est bon pour lui, ses besoins, ses limites, et à exprimer tout cela vers l'extérieur»? (2) 
Oui.
Dans un premier temps en tout cas.
Car, ajoute Vincent Commenne, cette construction de l’estime de soi n'est qu'un préalable.
Elle est inévitablement amenée à plafonner à un moment ou à un autre.
Et ne sera appelée à prendre son plein essor qu’avec une  implication dans le collectif.
«S’investir dans l’action collective met les valeurs (solidarité, écologie…) à l’épreuve du concret, précise le fer de lance des créatifs culturels en Belgique. 
Son implication envers la société l’aidera dans sa démarche personnelle.» (3)

Militant: se forcer à voir l'autre face du méditant

En l'espèce, le méditant a donc tout à gagner à s'inspirer du militant.
Ce qui ne signifie pas, loin de là, que lui-même n'a rien à apporter à son vis-à-vis. 
Qui, de son côté, aura à apprendre, par exemple, de cette «étrange» manière de considérer que, fût-ce inconciemment, le monde tend à être dirigé par la peur et la colère.
La sphère militante?
Elle ne fait pas exception à cette règle générale.
Car elle aussi est animée par la peur de certaines issues dramatiques.
Et elle aussi est motivée par la colère envers ceux  qui  en sont à  l'origine. 
Se pose alors la question de savoir si l'on peut court-circuiter les étapes. 
Si, donc, on peut passer à l'action avant d'avoir pleinement accepté et pris en charge les sentiments susmentionnés. (4)
Le monde méditant, il est vrai, dispose d'une multiplicité d'approches susceptibles d'aider à gérer ce type de situation. Autant d'outils qui pourraient tout aussi bien servir la cause du camp d'en face.
Non pas que le méditant doute des bonnes intentions qui sous-tendent les initiatives "anti-système" des militants.
«Mais il considère qu’elles font preuve d’une méconnaissance importante de l’être humain et de son fonctionnement.» (5)
C'est que, de son côté, «il a souvent adopté l’idée que vouloir changer l’autre (ou vouloir que l’autre change son comportement) accroît sa résistance au changement. 
En conséquence, vouloir changer l’autre est épuisant à la longue, et va finalement  conduire le militant  vers  un sentiment d’impuissance et d’échec.» (6)
«Ce n'est que lorsqu'une personne se sent reconnue dans son apport actuel qu'elle accepte de transiter vers autre chose.» (7) 
Dixit encore Commenne.
Qui, audacieusement, se risque à ajouter...
«Faudra-t-il en passer par remercier les multinationales et les banquiers? 
La question est posée tout en sachant qu'elle aura probablement le don d'irriter bon nombre de militants...» (8)(9)
 
(A suivre)

Christophe Engels (d'après Vincent Commenne)

(1) Cfr. Commenne Vincent, Evaluation des valeurs et descomportements. Un nouveau regard sur les acteurs de changement, Créatifs Culturels en Belgique, 2013, pp.62-63. Rappelons ici que nous nous inspirons librement de cet auteur dans la mesure où sa typologie des acteurs de changement se fonde sur un pôle binaire (militants et mutants) alors que la nôtre se construit sur une distinction ternaire (entre militants, méditants et mutants) qui nous semble à la fois plus susceptible de rendre justice au concept de mutance  proposé par le philosophe français René Macaire et plus à même de cerner la complexité des courants de pensée et modes de vie émergents.
(2) Commenne Vincent, idem, p.63.
(3) Commenne Vincent, idem, pp.63-64.
(4) Cfr. Commenne Vincent, idem, p.64. 
(5) D'après Commenne Vincent, idem, pp.62-63. 
(6) Commenne Vincent, idem, p.62.  
(7) Commenne Vincent, idem, p.62 
(8) Commenne Vincent, idem, pp.62-63.
(9) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
. la suite d'une longue série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de voie émergents,
. (d'ici plusieurs semaines,) une enquête sur l'immigration...


vendredi 11 avril 2014

Courants de pensée et modes de vie émergents (26) Militants et méditants: le feu et l'eau ?









 















Les uns se focalisent sur l'extérieur d'eux-mêmes.
Ils pensent et sont censés viser 

ce qui leur semble bon pour le collectif.
Les autres se concentrent avant tout sur l'intériorité.
Sur ce qui convient à leur propre personne.
 
Militants et méditants: le feu et l'eau?

Jusqu'ici et en attendant d'aller plus loin, nous avons envisagé les courants de pensée et modes de vie émergents (C.P.M.V.E.) sous l'angle de deux des (trois) grandes familles qui nous paraissent les composer:
. les «militants»,
. les «méditants»
Restent donc les «mutants».
Soit, pour rappel, la catégorie centrale des C.P.M.V.E..
La... meilleure en quelque sorte!
Celle, en tout cas, qu'il n'est pas encore temps d'appréhender ici. 
Et que nous garderons donc pour la fin.
Histoire, dans l'intervalle, de nous pencher sur les rapports entre militants et méditants...

Militant: qu'il est mou, ce méditant! 

Chez les militants, on ne parle jamais de soi, de ses doutes, de ses craintes… 
Pour eux, tout va très bien, merci!
C’est le monde qui ne va pas bien.
Les intéressés recourent donc à un logiciel très différent de celui des méditants.
Qui, d'ailleurs, tiennent facilement des propos que ce créatif culturel qu'est Vincent Commenne décrit comme «incompréhensibles pour les gens qui n’ont pas longuement cheminé parmi les voies spirituelles.» (1)
Circonstance aggravante: les militants ne s'intéressent absolument pas aux méditants.
Pour plusieurs raisons...
. D'abord, ils constatent que leurs vis-à-vis font grand cas du ressenti et de l'intuition. 
Et qu'ils en appellent par là à une voix intérieure qui, pour beaucoup de militants, est vécue comme «culpabilisatrice ou perturbatrice.» (2)
. Ensuite, le militantisme se vit comme une démarche avant tout altruiste.
Rien à voir, semble-t-il, avec le méditant qui s'en tient à u
ne approche profondément égocentrée.
«Mes besoins»? 
«Mes limites»?
Autant de considérations qui, une fois tombée dans l'oreille des militants, les confortent plus que jamais dans leur impression de voir transparaître le règne du «moi, moi, moi».
Il est vrai que ceux-ci, dans la mesure où ils ont souvent opté pour des choix de vie qui rendent leur existence matérielle plus difficile, n'en perçoivent que plus facilement les méditants comme prisonniers de «leur petite vie sociale et familiale» (3), donc de «leur petit confort» (3), avec pour seule perspective de l'accroître toujours davantage.
. Enfin, le militant tend à reprocher au méditant un supposé déficit d'enthousiasme pour l'action. 
«La majorité des militants agissent sur base des valeurs masculines (entre autres "se battre contre", viser le "résultat à atteindre", proclamer "il faut que" (…)) qui sont les mêmes valeurs que celles qui mènent le système en place.»
Les méditants, eux, seraient «plutôt imprégnés des valeurs dites féminines: prendre soin, vision globale, ouverture, empathie, écoute, processus…, toutes choses qui semblent des pertes de temps à beaucoup de militants.» (4)

Méditant: quelle arrogance, ce militant!

Et les méditants?
Connaissent-ils les militants?
Et veulent-ils les connaître? 

Pas davantage... (5)
Nombre d'entre eux «ressentent» qu'il ne faut pas mettre la charue avant les boeufs.
Qu'ils ne sont pas prêts à s'investir dans le monde.
Qu'ils doivent d'abord (continuer à) travailler sur eux-mêmes. (6) 
Le méditant est donc la plupart du temps dans une démarche de (re)construction de son identité, avec une faible capacité à découvrir qui il est et où il veut aller… 
Il est par conséquent assez rebuté par l’assertivité du militant, qui lui semble déplacée car basée sur «tellement d’inconscience de lui-même et de la relation à l’autre et à la vie». (7)
L'«accusé», en effet, est «une personne qui possède un ego fort».
Sûr de ses valeurs, il affirme «connaître les causes de la situation» et savoir «vers où il faudrait aller et comment.» (8) 
Tout faux pour le méditant qui, fort d'une conception tout en nuances de la réalité, a appris à éviter de percevoir l’autre comme «coupable» et lui comme «innocent».
Rien de tel pour le militant qui, à l'opposé, revendique haut et fort ses raisonnements en noir et blanc.
Quitte à pécher par l'un ou l'autre amalgame. 
A commencer par celui de la confusion entre méditants et mutants. (9)


(A suivre)

Christophe Engels (d'après Vincent Commenne)


(1) Commenne Vincent, Evaluation des valeurs et des comportements. Un nouveau regard sur les acteurs de changement, Créatifs Culturels en Belgique, 2013, p.56. A noter que nous nous inspirons librement de cet auteur dans la mesure où sa typologie des acteurs de changement se fonde sur un pôle binaire (militants et mutants) alors que la nôtre se construit sur une distinction ternaire (entre militants, méditants et mutants) qui nous semble à la fois plus susceptible de rendre justice au concept de mutance  proposé par le philosophe français René Macaire et plus à même de cerner la complexité des courants de pensée et modes de vie émergents.
(2) Commenne Vincent, idem, p.56. 
(3) Commenne Vincent, idem, p.56.
(4) Commenne Vincent, idem, p.57.
(5) Cfr. Commenne Vincent, idem, p.64. 
(6) Cfr. Commenne Vincent, idem, p.58.
(7) Commenne Vincent, idem, p.58.
(8)  Commenne Vincent, idem, pp.58-59.
(9) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
. la suite d'une longue série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de voie émergents,
. (d'ici plusieurs semaines,) d'autres séries sur la social-démocratie, sur l'écologie politique,sur l'immigration...


jeudi 3 avril 2014

Courants de pensée et modes de vie émergents (25) Militants et méditants: l'impasse individualiste



Une lourde tendance au repli sur soi
renforcée par un contexte économique morose
semble avoir durablement transformé 
l’activité humaine.
Même le monde des a.s.b.l. n'est pas épargné.
Qui, non content de s'ouvrir à l’individualisme, 
paraît en avoir fait l'une de ses valeurs premières.
Associatif: miracle ou mirage?

La vie n'est pas un long fleuve tranquille.
Car le rapport à l'autre peut aussi, parfois, s'avérer destructeur.
L'univers des a.s.b.l. ferait-il exception à la règle?

Même pas.
L'associatif, en effet, n'est pas le pays des bisounours.
Ce que rappelle fort bien, pour les revues Citoyens et D-CAPP, le personnaliste Vincent Triest (1)...
«L'associatif serait-il le pays de la confiance?
Pas de capitalistes, pas de rapport de force, pas d'exploitation, rien que de l'engagement, du bénévolat, des idéaux partagés?
En fait, le monde associatif n'est pas moins marqué par les luttes pour le pouvoir et par les conflits.

S'il y a indubitablement de l'idéal et de la générosité à la pelle dans les associations, elles sont aussi l'arène des quêtes identitaires et des luttes pour la reconnaissance, qui sont parmi les plus terribles et les plus meurtrières.
Pour chacun, il faut s'interroger lucidement sur les motivations de sa militance.
Quelle est la part du besoin d'être reconnu?
Quel désir de pouvoir et de prestige?
Se poser la question, d'abord pour soi, ce n'est pas sombrer dans la version obsessionnelle, c'est éviter la naïveté et consolider la confiance.» (2)
Une analyse confirmée par cet autre Vincent belge qu'est le dénommé Commenne, créatif culturel de son état...
«Le monde associatif est aussi un espace où les égos prennent le pouvoir, souvent sous des formes sophistiquées ou cachées. 
Des groupes explosent ou implosent à cause des égos des militants. 
Des conflits larvés minent l’action collective.» (3)
Pour l'heure, en effet, les distances semblent plus marquées que jamais au sein des différents groupes et sous-groupes.
Entre «méditants» et «militants» par exemple.
Mais aussi entre «méditants psy» et «méditants spi», qui peuvent se regarder en chiens de faillance. 
Ou alors entre «militants altermondialistes» et «militants alterlocalistes», qui s'appréhendent souvent avec incompréhension, parfois avec condescendance. (4) 

«Ce que tu dis est inéteressant, mais...»

En ce sens, la sphère associative s’est donc, elle aussi, dégradée.
Un processus qui participe du phénomène d’éclatement d’un contre-pouvoir déchiré par des conflits internes dont le sociologue français Pierre Bourdieu écrivait déjà qu’ils mobilisent «80% de son énergie» (5).
Ce constat est révélateur d'un phénomène plus général qui caractérise les courants de pensée et modes de vie émergents.
«Il existe (…) de multiples sous-groupes qui, chacun à leur manière, oeuvrent pour un renouveau de la société, reprend Commenne. 
Certains sont organisés ou semi-organisés, d’autres sont juste "des personnes qui…". (…)  
Tous ces gens sont à l’origine de multiples transformations lentes de société. 
Lentes, et peut-être trop lentes face à l’urgence des enjeux.» (6)

Petit bout de la lorgnette 

«Le plus souvent, chacun regarde à travers sa lorgnette, poursuit l'auteur. 
Et effectivement, chaque sous-groupe à lui seul ne représente qu’une toute petite proportion de la population.» (7)
Et notre guide d'ajouter...
«Les gens intéressés à une évolution de société à la fois convergent et divergent.
Ils se rejoignent sur leurs valeurs mais s’éloignent dans les moyens qu’ils mettent en œuvre pour participer à faire évoluer notre société. (…) 
Cette divergence quant aux moyens crée des regards réciproques qui peuvent être en tension. (….) 
Des méfiances de part et d’autre donc, avec une implication réduite ou nulle dans le monde de l’autre qui ne permet donc aucunement de renverser par l’expérience son a priori sur l’autre partie.» (8)

On demande reliance

Conséquence: le secteur associatif perd de son efficacité.
Comment, dans ces conditions, se serrer les coudes?
Comment, au niveau collectif, recourir aux actions de masse, seules susceptibles de s’opposer au tsunami de ce tout à l’ego qui étrique les personnes et les cultures, ouvrant ainsi le chemin d’une multiplication des laissés-pour-compte, souvent accusés, qui plus est, d’entraver la course au profit maximal?
Et comment, à l'échelon proprement associatif, inscrire des microprojets dans un projet de synthèse?
Ne s’agirait-il pas, pour ce faire, de mettre les différences au service d’une convergence?
Une convergence qui, le cas échéant et aussi loin que nous nous tenions de l'utopie désincarnée, n’en devrait pas moins passer par un appui plus marqué au souci de la «reliance» (9)(10)

Christophe Engels 


(1) Vincent Triest est membre actif de La Vie Nouvelle (Paris) et président du Centre d'Action pour un Personnalisme Pluraliste (CAPP, à Louvain-la-Neuve).  
(2) Triest Vincent, La confiance, un élan vital!, Citoyens, n°345, octobre 2012, p.4. Ce passage a déjà été cité dans un précédent message. 
(3) Commenne Vincent, Evaluation des valeurs et des comportements. Un nouveau regard sur les acteurs de changement, Créatifs Culturels en Belgique, 2013, p.61.
(4) Cfr. Commenne Vincent, idem, pp.68-69.
(5) Cité dans Blairon Jean, Des formes nouvelles de mobilisation pour l’éducation citoyenne?, in Echos n°73, p.19. 
(6) Commenne Vincent, ibidem, pp.66-67.
(7) Commenne Vincent, ibidem, p.68.
(8) Commenne Vincent, ibidem, pp.68-69.
(9) Les lecteurs les plus assidus et attentifs de ce blog se souviendront peut-être que ce passage est extrait d'un précédent message, auquel on se référera utilement pour plus de précisions.   
(10) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
. la suite d'une longue série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de voie émergents, 
.  une enquête sur l'immigration...


dimanche 30 mars 2014

Courants de pensée et modes de vie émergents (24) Méditants spi. Esprit de corps



Moins désincarnée 
que branchée sur le corps.
Moins occidentale 
qu'orientale.
Moins traditionnelle
que recomposée.
Telle est la spiritualité 
du «méditant spi».
Qui prend  le risque  
de l'opportunisme. 
Et celui du syncrétisme.


«De même que le travail d'affirmation de soi occultait l'influence du milieu, de même le travail spirituel refuse l'allégeance à une tradition qui prétendrait fonder sa légitimité sur le seul fait qu'elle vient de nos ancêtres.
Les traditions de toutes les civilisations sont à notre disposition, insiste-t-on.
Il n'y a qu'à choisir parmi elles.» (1)
Ainsi s'exprime le philosophe français Michel Lacroix (2).
Qui attire l'attention sur le double danger d'une telle approche.
A savoir celui de l'opportunisme. 
Et aussi celui du syncrétisme.
Car les les traditions sont testées et passées aux crible de l'utilité, les éléments retenus étant réagencés artificiellement entre eux, sans souci de cohérence autre qu'apparente.
«Là encore, l'analogie entre la démarche spirituelle et l'affirmation de soi est frappante, analyse notre guide.
Dans l'un et l'autre cas, on recommande au sujet de discuter les croyances, on le presse de discuter celles qui ne conviennent pas.» (3)
Ce faisant, le développement personnel (D.P.) adopterait un point de vue plus oriental qu'occidental.
«En Occident, le rapport au surnaturel s'établit traditionnellement sur la base d'une révélation, laquelle résulte d'une intervention divine.
C'est sur cette révélation que se fonde la foi du croyant.
En Orient, on accorde la primauté à l'expérience et cette approche directe convient parfaitement au développement personnel, qui considère la réalité transcendante non comme un article de foi, mais comme quelque chose qu'il est possible de vivre en soi-même.» (4)

Déprogrammation/reprogrammation: le retour

Nous avons vu dans le message précédent que, pour le D.P., la démarche d'affirmation de soi reposerait sur un processus de déprogrammation/reprogrammation. 
Il en irait de même ici.
«Il convient d'abord de libérer le corps et ses entraves, et ce travail s'apparente à une déprogrammation; il faudra ensuite, par des exercices appropriés, le reprogrammer pour la spiritualité.» (5)
L'équivalent des croyances limitantes, ce sont, à ce stade, les postures limitantes.   
Les premières empêchaient-elles l'affirmation de soi?
Les secondes retarderaient l'éveil de la spiritualité.
«De même qu'on s'affranchit des chaînes mentales, des idées fausses, des raisonnements fallacieux par un travail cognitif, de même il faut dénouer les tensions, réduire les blocages.» (6)
En témoignerait la multiplication des consignes de relaxation délivrées dans les stages de D.P.

Exercices spirituels

Une fois terminé le travail de déprogrammation, place, donc, à des exercices de reprogrammation spirituelle.
Que Lacroix suggère de regrouper en trois catégories...
. Ce seraient d'abord les exercices d'immobilité qui conduisent à l'extase (assise en silence, yoga, méditation, contemplation...).
. Ce seraient ensuite ceux qui prennent appui sur le «geste juste», parfaitement contrôlé et ritualisé (arts martiaux, cérémonie du thé, taï-chi... voire même simples gestes de la vie quotidienne pourvu qu'on les pose en pleine conscience). 
. Ce seraient enfin les activités de groupe organisant l'agitation et la décharge émotionnelle dans une ambiance sonore et bruyante (danse, battements de tambours, chant, transe érotique...).

Sublime inversion

D'où ces exercices tiennent-ils le pouvoir spirituel qu'on leur attribue?
Pour répondre à cette question, Lacroix propose de recourir à deux métaphores...
. «La première est celle de l'inversion.
Le sujet pratiquera l'un de ces exercices jusqu'à un point de renversement, de basculement où, de l'aveu des formateurs, il se sentira brusquement envahi par la sensation non plus d'agir, mais d'"être agi".» (7)
Tout en continuant l'exercice, je deviens passif.
Mon moi entre en fusion avec l'univers.
Il est dissous dans le transpersonnel. 
. «La deuxième métaphore à laquelle nous pouvons recourir pour expliquer le passage du corporel au spirituel est celle de la sublimation.
En physique, on appelle sublimation le passage direct d'un corps de l'état solide à l'état gazeux.
C'est en un sens ce qui se produit dans les exercices d'extase, de transe et de geste juste, lorsque le sujet, oubliant qu'il est fait de chair, éprouve à un moment donné la confuse sensation d'être pure énergie.» (8)
Quand la sensation de dématérialisation touche-t-elle à son apothéose? 
Au moment où j'en arrive à vivre cette énergie comme une pure conscience.
«Tout se passe comme si la matérialisation spirituelle atteignait son apogée quand on a déroulé intégralement la triade matière -> énergie -> conscience.» (9)

Entrer dans le corps pour mieux s'en évader 

Nous sommes ainsi en mesure de comprendre la raison pour laquelle le D.P. recommande avec insistance la voie du corps.
«En vérité, il faut entrer dans le corps pour mieux s'en évader, pour prouver d'une façon plus éclatante qu'il n'est qu'énergie et conscience.» (10)(11)

C.E. (d'après Miche Lacroix)


(1) Lacroix Michel, Le développement personnel, Flammarion, coll. Dominos, Paris, pp.53-54.
(2)  Michel Lacroix est maître de conférences aux universités et auteur de plusieurs ouvrages.
(3) Lacroix Michel, ibidem, p.54.
(4) Lacroix Michel, ibidem, pp.55.
(5) Lacroix Michel, ibidem, p.58.
(6) Lacroix Michel, ibidem, p.60.
(7) Lacroix Michel, ibidem, p.63.
(8) Lacroix Michel, ibidem, p.64.
(9) Lacroix Michel, ibidem, p.65.
(10) Lacroix Michel, ibidem, p.65.
(11) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
. la suite d'une longue série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de vie émergents,
. (d'ici plusieurs semaines,) une enquête sur l'immigration...
 


mercredi 26 mars 2014

Courants de pensée et modes de vie émergents (23) Méditants psy. Mieux je crois, mieux je croîs...


Mieux je crois, 
mieux je... croîs!
Telle pourrait être
la devise 
du «méditant psy».
Celui, donc, 
qui s'en réfère 
à l'une ou l'autre forme 
de ce développement 
personnel
dont nous parle si bien 
le philosophe français 
Michel Lacroix (1)...

Quels sont les facteurs qui empêchent une personne d'actualiser son potentiel?
Pour répondre à cette question, le psychologue se retrouve à la croisée de deux explications antithétiques.
La première consiste à chercher la cause de cet inachèvement dans l'environnement familial et social.
La deuxième renvoie à des facteurs d'ordre psychologique.

Réformer les structures sociales...

Selon le premier point de vue, le milieu est déterminant.
C'est l'action répressive qu'il exerce sur l'individu qui empêche ce dernier de s'épanouir.
«Ainsi raisonnent les partisans de l'explication sociologique, pour qui la misère psychologique des individus est, en dernière analyse, le signe d'une société mal conçue et pathogène, explique Michel Lacroix. (...) 
Leur postulat commun est que, pour permettre aux individus de se réaliser, il faut préalablement réformer les structures sociales.» (2)

... Non! Travailler sur moi-même

L'autre approche considère que les obstacles à la réalisation de soi résident moins dans l'action exercée par le milieu social qu'en moi-même.
Si je ne parviens pas à mobiliser mes ressources, c'est, alors, en raison des peurs qui me travaillent.
Place, donc, à la nécessité d'un travail sur mes «croyances limitantes».
«L'important n'est pas ce qu'on a fait de moi, estimaient déjà les Stoïciens. 
C'est ce que je fais moi-même de ce qu'on a fait de moi.»
«Dès lors, l'individu doit répondre de son existence, embraye Lacroix.
Le développement personnel érige en dogme la responsabilité personnelle illimitée.
» (3)

Déprogrammer pour mieux reprogrammer

Par-delà leur diversité, les méthodes d'actualisation de soi obéiraient à un schéma invariable qui consiste à déprogrammer, puis à reprogrammer le psychisme.
Un processus qui se déroulerait en quatre étapes...
. D'abord, il s'agit de «prendre conscience» du fait que je suis maître de mes représentations et, partant, des effets affectifs qui en découlent.
. Par ailleurs, il convient
d'explorer la manière dont je me représente les mondes extérieur et intérieur.
. Ensuite, il y a lieu de procéder à un examen critique des pensées limitantes qui encombrent ma vie intérieure.
. Enfin, le moment vient d'installer en moi un certain nombre d'images et de pensées
«aidantes».
«Le développement personnel postule que les hommes possèdent les mêmes ressources, mais il concède que des différences les séparent, précise notre guide. 
Celles-ci résulteraient de leur plus ou moins grande capacité à mobiliser leurs ressources.
Or cette capacité dépend à son tour de la programmation de leur cerveau, de sorte que le dernier mot appartient à la pensée positive. (...)

C.E. (d'après Michel Lacroix)

(1) Michel Lacroix est maître de conférences aux universités et auteur de plusieurs ouvrages.
(2) Lacroix Michel, Le développement personnel, Flammarion, coll. Dominos, Paris, p.36.
(3) Lacroix Michel, idem, p.41.
(4) Lacroix Michel, idem, pp.51-52.
(5) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
. la suite d'une longue série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de vie émergents,
. (d'ici plusieurs semaines,) une enquête sur l'immigration...