jeudi 1 juillet 2010

Business social. Valeur humaine ajoutée.

En éludant le caractère multidimensionnel de la nature humaine, n'avons-nous pas créé un monde de maxi-profit?
Un monde exclusivement économique?
Un monde asocial et inhumain?
Autant de carences dénoncées par Muhammad Yunus
(1).
Qui invite à y remédier au plus vite.
Et propose un outil pour ce faire: le «business social»...


Le business social (2), c'est un nouveau type d’entreprise qui, pour ressembler à celles que nous connaissons, ne s’en distingue pas moins par ses objectifs...

Bénéfices... sociaux !

Le but ultime d'un business social est de générer des bénéfices... sociaux. Non pas que le profit individuel et matériel soit dorénavant considéré comme quantité négligeable. Mais il est relégué au rôle de moyen. Au point qu’un investisseur n’a plus à espérer retirer la moindre plus-value sonnante et trébuchante de son activité. Il se contentera en effet de récupérer sa mise initiale au terme d’une période préalablement convenue. Tout juste, à partir de là, restera-t-il propriétaire du business social concerné, conservant ainsi un droit de regard sur son fonctionnement.

Malin plaisir

Pourquoi, dans ces conditions, placer de l'argent dans un business social?
«De façon générale, les gens agiront de la sorte afin d’obtenir le même type de satisfaction personnelle que celle qu’apporte la philanthropie, répond avec assurance Muhammad Yunus. Leur satisfaction pourrait même être supérieure, car l’entreprise qu’ils auront créée continuera longtemps à apporter ses bienfaits à de plus en plus d’individus.» (3)

Ne pas confondre...

Business social n’est donc ni entreprenariat social, ni entreprise hybride, ni mouvement coopératif, ni association à but non lucratif, ni entreprise socialement responsable.
. Business social n’est pas entreprenariat social. Il ne doit pas être confondu avec ce concept qui, de plus en plus en vogue dans le monde des affaires et de moins en moins ignoré du grand public, s’est même payé le luxe d’ accéder au rang de discipline académique. Car un tel concept, beaucoup plus large, ne fait pas le tri entre initiative économique ou non, à but lucratif ou non.
. Business social n’est pas non plus entreprise hybride. En effet, ses objectifs à lui ne sont pas conflictuels.
«Les dirigeants de ces entreprises hybrides glisseront progressivement vers l'objectif de maximisation du profit, quel que soit la manière dont la mission de l'entreprise aura été conçue. (...) Sur quelle base sera-t-il jugé: celle de l'argent qu'il fait gagner aux investisseurs ou celle de l'objectif social qu'il remplit?» (4)
. Business social n’est pas davantage mouvement coopératif, celui-ci n’étant pas intrinsèquement destiné à aider les pauvres ou à produire des bénéfices sociaux.
. Par ailleurs, business social n’est pas organisation à but non lucratif, celle-ci ne parvenant généralement pas à couvrir la totalité de ses coûts parce qu’elle n’a pas fait le choix des investisseurs propriétaires et de leurs moyens financiers.
. Enfin, business social n’est pas entreprise socialement responsable, celle-ci ayant une nette propension à mettre ses objectifs sociaux de côté lorsqu’ils entrent en conflit avec l’objectif de maximisation de profit, ne serait-ce que parce que toutes les techniques de gestion ont été conçues dans cet esprit (alors même que l’évaluation des objectifs sociaux pose des difficultés conceptuelles).
Non, décidément! Business social n’est rien de tout cela. Pas plus qu’il n’est a.s.b.l., O.N.G. ou organisation charitable. Ses sources de financement ne sont ni les dons caritatifs ni les subventions accordées par les pouvoirs publics ni les soutiens alloués par les fondations. Entreprise au plein sens du terme, il facture bel et bien ses produits et ses services aux prix du marché. La réalisation de son objectif social passe en effet par une couverture autonome de l’ensemble de ses coûts.

Entreprise Canada Dry

Business social et entreprise classique, même combat?
Oui.
Sous bien des aspects, en tout cas:
. il est en concurrence avec elle, essaie de la surclasser, tente de lui prendre des parts de marché;
. il fonctionne avec des produits et des services, des fournisseurs et des clients, des charges et des recettes...
Seule mais essentielle spécificité: le principe de maximisation du profit est - rappelons-le - remplacé par celui de bénéfice social.
Un business social «peut ainsi être défini comme une entreprise qui ne réalise pas de perte et ne distribue pas de dividendes.» (5)
Telle est sa double singularité. Et son atout majeur.
Parce que les business sociaux seront avant tout des entreprises, ils «auront la motivation, les ressources et le pouvoir nécessaire pour diffuser leur message à une audience importante.» (6)
Ils «auront un avantage comparatif sur le marché des idées, car chacun saura qu’ils n’auront pas d’intérêt à mentir.» (7)
«Les efforts conjugués de milliers d’entreprises à vocation sociale produiront un changement incontestable dans le ton et le contenu des débats publics. Les valeurs autres que l’argent occuperont la place qui leur revient et seront reconnues pour ce qu’elles sont: des guides importants et des étapes vers une vie plus satisfaisante et riche de sens.» (8)(9)

Christophe Engels
(d'après Yunus Muhammad, Vers un nouveau capitalisme, J.-C. Lattès, coll. Le Livre de Poche, Paris, 2007)

(1) Ceux auxquels le nom de Muhammad Yunus ne dirait rien se référeront utilement au 41e message de ce blog: «Business social. Nouveau capitalisme?».
(2) Le traducteur en français de Yunus a choisi de conserver l'expression «social-business». Nous préférons recourir ici à l'appellation «business social».
(3) Yunus Muhammad, Vers un nouveau capitalisme, J.-C. Lattès, coll. Le Livre de Poche, Paris, 2007, p. 57.
(4) Ibidem, p. 52-74.
(5) Ibidem, p. 55.
(6) Ibidem, p. 329.
(7) Ibidem, p. 329.
(8) Ibidem, p. 329-330.
(9) En cas de difficulté technique, vos commentaires peuvent également être envoyés (avec ou sans signature nominale et/ou adresse électronique) à engels_chr@yahoo.fr. Ils seront publiés sur ce blog dès que possible.

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