mercredi 29 août 2018

Liberté: zéro.








«Des
reporters 
croupissent 
en prison.
Ces cons 
avaient 
mal choisi 
leurs questions.»

zéro. (1)
Egalité:
zéro.
Fraternité: 
zéro.
Dignité: 
double zéro.»

Une fois 
n'est pas 
coutume:
Pierrot 
Perret 
chante et 
enchante...

Mon Pierre, 
ce héros.






Liberté: zéro


«À grands coups de ciseaux dans l'azur,
une hirondelle écrit ton nom, liberté?
Mais survolant Pékin sous le ciel pur,
sur la place Tian'anmen, le sang n'a pas séché.
Des reporters croupissent en prison.
Ces maladroits ont mal choisi leurs questions.
Pourquoi, ici, le mensonge a-t-il raison?
Pourquoi information rime-t-elle avec répression?
Alors, cette hirondelle en plein ciel
continua d'écrire de plus belle
que les quatre fleurs de la vérité
par ici n'étaient pas respectées.

Liberté: zéro.
Égalité: zéro.
Fraternité: zéro.
Et dignité: double zéro. 


À grands coups de ciseaux 
dans l'azur,
une hirondelle écrit ton nom, 
liberté. 
Mais d'Afrique en Russie 
jusqu'à Cuba, 
les cachots sont remplis 
de dangereux médias. 
Parce qu'ils étaient armés 
jusqu'aux dents 
de caméras 
  et de stylos acérés, 
ces journalistes apprirent 
à leurs dépens 
que les questions qui dérangent, 
on ne doit pas les poser.
Alors, cette hirondelle en plein ciel,
continua d'écrire de plus belle
que les quatre fleurs de la vérité
là n'étaient pas non plus respectées. 


Liberté: zéro.
Égalité: zéro.
Fraternité: zéro.
Et dignité: double zéro. 


Où es-tu, 
chère liberté d'expression?
Tant de pays 
ignorent encore tes bienfaits. 
Pauvre Shéhérazade, 
j'ai l'impression
que dans tout le Moyen-Orient, 
on t'a coupé le sifflet.
Partout les femmes 
y sont humiliées.
Intolérance et fanatisme 
y sont rois.
Lapidation, lynchage 
et mains coupées
sont les pétales des fleurs 
qu'ils font pousser là-bas. 

Mais y aura toujours une hirondelle 
pour dessiner du bout de son aile 
ces quatre fleurs de la vérité, 
partout où elles ne sont pas respectées. 

Liberté: zéro.
Égalité: zéro.
Fraternité: zéro.
Et dignité: double zéro.

Liberté: zéro.
Égalité: zéro.
Fraternité: zéro.
Et dignité: double zéro.
» (1)


(Pierre Perret)




(1) Perret Pierre, Liberté: zéro, in album Mes chansons engagées. production Naïve, 2006.


mercredi 15 août 2018

Le meilleur des mondes







«Plus les talents d’un homme 
sont grands, 
plus il a le pouvoir 
de fourvoyer les autres. 
Mieux vaut le sacrifice d’un seul 
que la corruption 
d’une quantité de gens. (...) 
L’assassinat ne tue que l’individu, 
et qu’est-ce, après tout, 
qu’un individu?» (1)
Ainsi le romancier américain 
Aldous Huxley.
nous dépeignait-il, dès 1931, 
une société qui, 
si inhumaine soit-elle, 
n'en ressort pas pour autant 
de la dictature.
Bien au contraire, elle est l'émanation 
de la volonté du peuple.
Morale de l'histoire:
si nous voulons éviter de tomber 
dans le piège du «Meilleur des Mondes»,
il s'agit moins 
de combattre
de grands 
méchants 
tyrans
que de venir
à bout de... 
nous-même.
De nos propres pulsions.
Et de notre propre paresse d'esprit.



«Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. 
Les méthodes à la Hitler sont dépassées. 
Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. 
L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. 
Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. 
Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. 
Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. 
Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. 
Surtout pas de philosophie. 
Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe: on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. 
On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. 
Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. 
On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. 
Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. 
En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté.
Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur -qu’il faudra entretenir– sera celle d’être exclu du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur. 
L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est: un veau.
Et il doit être surveillé à la façon d'un troupeau. 
Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. 
Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. 
On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif: il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir.» (2)


(1) Huxley Aldous, Le meilleur des mondes, édition du groupe Ebooks libres et gratuits, 1932, p.175.
(2) Anders Gunther, L’obsolescence de l’homme, Fario, Paris, 1955, p.126.