mercredi 28 septembre 2011

Psychologie positive. La vie en plus.




La planète «psy» aurait-elle initié
sa révolution copernicienne?
Thérapeutes «qui savent» et sombres pathologies
occupent, en tout cas, de moins en moins
le devant de la scène.
Et laissent de plus en plus de place
à d'autres types d'approches.
Centrées sur une personne
auto-porteuse de son propre potentiel d'optimisation.
Exemple parmi d'autres: la psychologie positive.
Qui fait toujours davantage parler d'elle.
Et que nous présente ici un orfèvre en la matière:
le Français Jacques Lecomte (1)...

Jacques Lecomte

Le monde de la psychologie et de la psychothérapie est peut-être en train d’amorcer une évolution radicale: le passage d’une forte focalisation sur la pathologie vers la prise en compte des aptitudes et de l’accomplissement personnel et collectif.
Il est de plus en plus question aujourd’hui de psychologie positive.
Celle-là même qui se définit comme «l’étude des conditions et processus qui contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des individus, des groupes et des institutions».

La revanche de Monsieur Tout le monde

Selon Martin Seligman, professeur de psychologie à l’Université de Pennsylvanie et principal initiateur de la psychologie positive, «nous connaissons peu ce qui donne de la valeur à la vie. (…)
Ceci vient de ce que, depuis la Seconde Guerre mondiale, la psychologie est devenue en grande partie une science de la guérison.
Elle se concentre sur la réparation des dommages au sein d’un modèle du fonctionnement humain axé sur la maladie.
Cette attention presque exclusive sur la pathologie néglige l’individu épanoui et la communauté prospère».
Cet auteur reconnaît certes les victoires thérapeutiques de la psychologie, mais estime que celles-ci ont été obtenues au détriment d’autres considérations tout aussi essentielles: «Quand nous sommes devenus seulement une profession de guérison, nous avons oublié notre mission plus large: celle d’améliorer la vie de tous les gens».

Côté jardin

S’intéresser à la psychologie positive ne consiste pas à se percevoir ou à observer le monde qui nous entoure d’une manière idéalisée, comme au travers de lunettes roses.
Il ne s’agit pas non plus de mettre de côté les connaissances acquises sur la souffrance psychique et sur les moyens d’y remédier.
Le courant de la psychologie positive considère simplement qu’à côté des problèmes individuels et collectifs s’exprime toute une vie riche de sens et de potentialités.
Elle est donc un complément logique aux recherches sur la psychologie clinique et la psychopathologie.

Au-delà de l'individu...

Par ailleurs, comme la définition ci-dessus l’indique, la psychologie positive ne relève pas d’une conception égocentrique, caractérisée par la quête quasi exclusive de l’épanouissement et du développement personnel.
Elle concerne également les relations interpersonnelles et les questions sociales, voire politiques.
Les différents thèmes abordés par la psychologie positive correspondent à ces trois niveaux de l’être humain, comme le montrent les quelques exemples suivants...
- Au niveau individuel: bien-être et bonheur, créativité, sentiment d’efficacité personnelle, estime de soi, humour, sens de la vie, optimisme...
- Au niveau interpersonnel: altruisme, amitié et amour, coopération, empathie, pardon...
- Au niveau social: courage, engagement militant, médiation internationale...
La psychologie positive peut donc tout aussi bien concerner l’épanouissement d’un enfant que les bonnes relations au sein d’une équipe de travail ou encore le mode de communication entre diplomates élaborant un traité de paix.

Essor considérable

Le courant de la psychologie positive connaît un essor considérable, particulièrement aux États-Unis, mais pas uniquement.
Plus de cinquante groupes de recherche impliquant plus de cent cinquante universitaires dans diverses régions du monde s’intéressent à ces thématiques.
Plusieurs dizaines d’universités américaines et européennes dispensent des cours sur la psychologie positive.

Jacques Lecomte

(1) Psychologue français né en 1955, Jacques Lecomte (photo de gauche) est un l'un des principaux experts francophones de la psychologie positive.
Docteur en psychologie, il est chargé de cours à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense (sciences de l’éducation) et à la Faculté des sciences sociales de l’Institut catholique de Paris. Après avoir été responsable pendant six ans, de 1992 à 1998, de la rubrique «Psychologie» du magazine Sciences humaines, il a soutenu une thèse de psychologie sur la résilience après maltraitance, intitulée Briser le cycle de la violence. Quand d’anciens enfants maltraités deviennent des parents non-maltraitants.
Il est le président fondateur de l’Association française et francophone de psychologie positive (APP) qui, depuis octobre 2009, rassemble des enseignants-chercheurs, des praticiens et des acteurs divers, qui se reconnaissent dans cette approche de l'être humain.
(2) Le message ci-dessus a aimablement été mis à notre disposition par l'auteur, que nous remercions. Les titre, chapeau et intertitres sont de la rédaction. Le texte original est disponible sur le site de l'intéressé: www.psychologie-positive.net.
(3) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à une approche du bonheur par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du sens de la vie par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels,
. à l’Approche Centrée sur la Personne (d'après Carl Rogers, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme (par Vincent Triest,...)...

mardi 20 septembre 2011

Coulisses. Alain Touraine avait raison...


Vous êtes au moins deux à trois fois plus nombreux
que l'année passée - à la même période –
à venir nous faire un petit coucou de temps en temps:
1.215 en juillet 2011 pour 386 en juillet 2010
et 1.463 en août dernier pour 563 douze mois plus tôt.
Pour une initiative comme Projet relationnel,
qui n’avait évidemment pas vocation
à devenir un… blogbuster,
une telle «montée en puissance»
est extrêmement encourageante.
Elle doit pourtant être relativisée.
Car
en coulisses, elle ne débouche sur aucune synergie.
Alain Touraine avait donc raison…

La société n’existe plus!
Ainsi s’exprimait Alain Touraine dans son intervention du 15 octobre 2010, à Rennes, au colloque «Penser la crise avec Emmanuel Mounier» (1).
Une intervention au terme de laquelle votre serviteur y était allé d’une question portant sur une analyse qui ne lui semblait pas suffisamment tenir compte d’un paramètre émergent: la remise en cause de plus en plus manifeste de cette «pensée unique» individualiste à laquelle l’orateur venait de faire allusion.
Le sociologue des mouvements sociaux s’était alors fendu d’une réponse qui, pour ne pas sembler convaincre immédiatement la salle, n’en avait pas moins incité certains membres de l’assistance à se (re)plonger dans son œuvre.
Et notamment dans son dernier ouvrage, «Après la crise». (2).
«Les différences et les rapports entre groupes ne permettent plus d’apercevoir ces grands ensembles qu’on appelait jusqu’alors des classes sociales, et qui correspondaient à des modes de vie et de relations sociales spécifiques» y écrit le Français (3).
Qui constate notamment que les pauvres en sont arrivés à se désolidariser des très pauvres ou des travailleurs immigrés.
Et, plus généralement, que le monde des dominés est devenu si divers et si fragmenté qu’il n’est plus à même, désormais, de déboucher sur une volonté d’action collective.
Car, développe le directeur d'études de l’EHESS (4), les moins nantis n’échappent pas à la règle générale : «Les acteurs ne peuvent plus être sociaux, et ne le veulent plus.» (5)
C’est que, expliquent par ailleurs les Belges Joseph Licata et Marc Vandewynckele (6), «Le sentiment d’appartenance à un groupe social s’est dilué en un rapport de force entre des intérêts privés.» (7)
«Comme si le monde n’était plus qu’un assemblage d’entités uniques avec pour objectif l’affirmation de soi par la consommation de biens.» (8)
Mea culpa, mea maxima culpa?
Au terme de plusieurs tentatives de rapprochement avortées avec les représentants de divers courants de pensée émergents, l’initiateur de ce blog se doit en tout cas de «confesser» son ralliement aux thèses de Touraine et son renoncement au moins provisoire à toute démarche visant à initier l'une ou l'autre forme de convergence qui dépasserait cette simple plate-forme électronique. (9)

Association sans but… collectif !

En fait, le porteur de ce Projet relationnel se retrouve confronté à un paradoxe.
D’un côté, l’intérêt suscité par le blog en question se fait de plus en plus manifeste, grâce notamment à la multiplicité et à la richesses des intervenants qui ont accepté d'apporter leur pierre à un édifice auquel s'apprêtent encore à contribuer directement ou indirectement dans les prochaines semaines des «pointures» comme Jacques Lecomte (psychologie positive, bonheur et sens de la vie), Jean-Marc Priels (Approche Centrée sur la Personne et empathie), Marcel Bolle de Bal (psycho-sociologie et reliance) ou Vincent Triest (personnalisme).
Mais de l’autre, la plupart des interlocuteurs rencontrés avec l’espoir d’établir une forme quelconque de synergie semblent plus décidés que jamais à se retrancher dans la tour d’ivoire de leurs propres convictions préalables.
Un constat (d’échec?) dans lequel l’intéressé entend prendre son (évidente) part de responsabilité.
Mais un constat qui lui semble aussi révélateur d’un phénomène de société.
Une lourde tendance au repli sur soi, renforcée par un contexte économique morose, semble en effet avoir «transformé durablement l’activité humaine désintéressée en activité humaine de loisir et de consommation, où l’hédonisme et l’individualisme sont considérés comme valeurs premières» (10), entraînant dans leur sillage les excès du matérialisme et les perversions de la discrimination.
Même la sphère associative s’est, en ce sens, dégradée.
Un processus qui participe du phénomène d’éclatement d’un contre-pouvoir déchiré par des conflits internes dont le sociologue français Pierre Bourdieu écrivait déjà qu’ils mobilisent «80% de son énergie» (11).

Reliance à l’autre, par l’autre et pour l’autre

Conséquence: le secteur associatif perd de son efficacité.
Comment, dans ces conditions, se serrer les coudes?
Comment, au niveau collectif, recourir aux actions de masse, seules susceptibles de s’opposer au tsunami de ce tout à l’ego qui étrique les personnes et les cultures, ouvrant ainsi le chemin d’une multiplication des laissés-pour-compte, souvent accusés, qui plus est, d’entraver la course au profit maximal?
Et comment, sur le plan associatif, inscrire des microprojets dans un projet de synthèse?
Ne s’agirait-il pas, pour ce faire, de mettre nos différences au service d’une convergence?
Une convergence qui, aussi loin que nous soyons du pays des Bisounours, n’en semble pas moins devoir passer par un accroissement de l’attention portée au souci d’une triple «reliance» (12)
. une reliance ouverte à l’autre,
. une reliance réflexive, par l’autre,
. une reliance constructive, pour l’autre.
Un triple objectif, donc, dans l’optique duquel il conviendrait d’aller
- d’une posture NIMBY (Never In My Back Yard) à une attitude d’ouverture (reliance à l’autre: l’autre du présent tout d’abord, l’autre du futur ensuite);
- du négatif au positif (reliance par l’autre);
- du destructif au constructif (reliance pour l’autre).

D’une posture NIMBY à une attitude d’ouverture:
une reliance ouverte à l’autre

L’activité humaine de nos sociétés s’organise désormais autour d’un certain nombre de sphères plus ou moins hermétiques.
Un phénomène qui, étonnamment peut-être, n’épargne pas la grande famille de l’associatif.
Ce milieu est en effet traversé par une tendance similaire à celle que l’on retrouve trop souvent dans la sphère du développement personnel.
A savoir une propension non négligeable à placer -inconsciemment parfois- l’objectif de la réalisation de soi au dessus de celui de la réalisation sociale.
D’où la nécessité d’une «reliance à l’autre».
Qui suppose, «quantitativement», d’aller du «je» au «tu», du «tu» au «nous deux» (intersubjectif), du «nous deux» au «il» (le «tiers» du philosophe français Emmanuel Levinas), du «il» au «nous autres» (celui, regrettable, des communautaristes, mais aussi celui, beaucoup moins étriqué, des communautariens), du «nous autres» au «eux» et du «eux» au «nous tous» (celui des universalistes). (13)
Et aussi, «qualitativement» et pour reprendre la belle idée de Thomas Lambrechts (14), de m’orienter vers un devenir plus juste, au-delà du subjectif individuel, «dans un espace de rencontre où le récit n’est pas pratiqué comme source de distraction et de consommation.» (15)

. Du local au global : une reliance ouverte à l’autre du présent.
Autant la mondialisation à prépondérance économique est épouvantable, autant la globalisation culturelle (au sens large) et sociale est magnifique.
A condition, du moins, qu’elle soit bien comprise…
Car il ne s’agit évidemment d’aller ni vers l’uniformisation ni vers le paternalisme.
Mais bien vers la singularité.
Une certaine singularité en tout cas.
Une singularité choisie, et pas une singularité imposée.
Une singularité pour tous, et pas une singularité pour moi.
Une singularité-curiosité, et pas une singularité-convoitise (16).
Non, donc, à la singularité «moi, je».
Non à l’égoïsme.
Non à l’égocentrisme.
Il y va d’une évidence éthique.
Mais aussi d’une conception plus particulière de celle-ci.
Qui veut que mes talents et mes capacités ne m’appartiennent pas en propre.
Car je n’ai rien fait pour en disposer, le fait d’être mieux doté en aptitudes relevant de la «loterie naturelle».
Mieux: pas plus que mes talents, l'efficience de mon réseau relationnel ou de mon cadre de vie ne me confère le moindre mérite moral.
C’est dans une telle perspective qu’un projet comme l’allocation universelle accède à une authentique légitimité.
Car il ne fait jamais que contribuer à redresser la barre au profit de ceux qui, moins «chanceux», ont eu à composer avec un déficit de ce que, par ailleurs, nous avons osé appeler «opportunités existentielles» (17).
Conséquence: «Ce que fait l’allocation universelle, ce n’est pas redistribuer par solidarité de ceux qui travaillent à ceux qui ne le peuvent pas, explique le philosophe belge Philippe Van Parijs. C’est donner d’abord à chacun, quels que soient ses choix, ce qui lui revient.» (18)
Ceci écrit, il existe beaucoup d’autres initiatives s’inscrivant dans une telle dynamique de promotion de la singularité de l’autre.
L’investissement solidaire par exemple, qui s’est construit en réaction à l'incapacité affichée par les pouvoirs publics de contrer une évidente «mauvaise volonté»: celle mise par les entreprises à prendre leurs responsabilités face aux effets secondaires de leurs opérations économiques, tant sur le plan social qu’en matière environnementale. (19)
Ou alors le commerce équitable qui, si perfectible soit-il, s’enracine dans le terreau d’une indignation: celle née de l’impossibilité manifeste de brider la croissance des inégalités entre acteurs du marché, les plus forts persistant à imposer des rapports d’échange toujours plus défavorables aux «petits ». (20)

. Des générations du présent à celles de l’avenir : une reliance ouverte à l’autre du futur.
«Le projet du commerce équitable n’est pas initialement un projet qui vise à préserver l’environnement, analysent le Français Jérôme Ballet et la Québécoise Corinne Gendron.
Il se focalise sur l’équité spatiale et non sur l’équité temporelle.» (21)
D’où la montée en puissance du développement durable.
Qui s’inscrit dans l’esprit du «principe responsabilité» de Hans Jonas.
Le philosophe allemand a été le premier à prendre pour norme et point de référence éthiques une humanité appréhendée autant dans son actualité que dans sa postérité.
Avec l’idée d’une responsabilité tournée non pas du tout vers le passé, ni seulement vers l’avenir immédiat, mais bien vers le futur éloigné.
Le développement durable a donc suivi le même chemin, lui qui se définit classiquement comme une manière de satisfaire les besoins des générations présentes sans nuire à la capacité des générations futures de répondre aux leurs.
«Le développement durable peut se comprendre d’abord et avant tout comme une forme d’équité inter-générationnelle, font valoir Gendron et Ballet.
Il ouvre ainsi le champ de l’équité à une dimension qui n’est plus statique et interroge nos pratiques en termes d’impact sur l’environnement et de conséquences futures des choix présents.» (22)
La simplicité volontaire s’engouffrera dans la brèche.
Pour aller encore plus loin… (23)

Du négatif au positif:
une reliance empathique, par l’autre

C’est peut-être à ce niveau que se situe, dans le droit fil de l’humanisme de la personne, la substantifique moelle de notre Projet relationnel.
Faute de quoi tout ce qui précède a toutes les (mal)chances de rester platement velléitaire et purement incantatoire.
Mon cerveau n’est pas simplement un réceptacle «passif» face à la multitude de stimulations que me fournit le cours de ma vie: confrontée à un contexte donné, ma conscience procède à une lecture très singulière de l’environnement.
En sélectionnant certaines données.
En en ignorant d’autres.
En leur attribuant des significations particulières…
Les cognitions associées à une situation dépendent donc autant de la situation elle-même que de mon parcours de vie, de mes choix existentiels et de mes a priori.
Un constat qui est également de mise pour ce qui relève de mon rapport à autrui.
Le comportement que j’adopte ne découle pas seulement de l’autre.
Il provient aussi -sinon autant, voire même davantage- de ma façon de le voir.
Et de mes mécanismes d’appréhension.
Qui peuvent, pour faire simple, se ramener à deux: l’assimilation et l’accommodation.
L’assimilation est le processus qui, si un événement s’avère incompatible avec un de mes schémas cognitifs, m’incite soit à l’ignorer, soit à en effectuer la lecture distordue qui me permettra de le rendre (artificiellement) compatible avec mes représentations initiales.
L’accommodation, elle, agit à l’inverse. Elle tend à modifier en moi les convictions profondes et les schémas qui ne correspondent pas à la réalité observée.
D’où l’inconfort d’une indispensable remise en cause.
A la marge si possible.
Plus fondamentale si nécessaire.
L’idée, suggérée ici, de «reliance par l’autre» suppose de laisser plus de place à l’accommodation.
De veiller à ne pas déformer une information dérangeante, et encore moins à la rejeter.
D’accepter de et même de chercher à adapter ma structure cognitive pour intégrer cette information (24).
Et, pour ce faire, de ne pas regarder mon interlocuteur de haut (ce qui, au mieux, débouche sur l’apitoiement).
De le traiter comme un sujet égal (en dignité) à moi-même (ce qui requiert l’empathie) (25).
Bref, d’aller vers la hiérarchie des valeurs de l’autre (26).
Et même vers celle du «tout autre»: le fonctionnaire du travailleur indépendant, le patron du travailleur, le syndicaliste du patron, le politicien de l’électeur, l’immigré du sympathisant d’extrême droite… (27)
Objectif, donc: me demander réellement, honnêtement, authentiquement en quoi il a raison.
En quoi son objection renvoie à sa singularité plutôt qu’à son égoïsme ou à tout ces «vilains mots» si pratiques pour disqualifier celui qui me fait face: «aveuglement», «crédulité», «stupidité», «incompétence», «manque de culture», «malhonnêteté intellectuelle», «mauvaise foi», «scandale», «complot»…
Loin de ces impostures, le principe de «reliance par l’autre» appelle au contraire à attiser ma volonté de m’intéresser véritablement à lui.
De porter sur lui un regard de curiosité plutôt qu’un regard de convoitise (28).
De me demander aussi en quoi lui est «dans le bon» et moi dans le moins bon.
«D’apprendre à le connaître, écrivions en ouverture de ce blog.
A l’apprécier.
A accéder à une réflexion médiatisée par l’interprétation de sa pensée à lui.
A me «dépayser», dixit le philosophe français Paul Ricoeur, pour enrichir mes compréhensions initiales.
A me «désorienter» en présence d’un énoncé qui, a priori dissonant, déviant voire absurde, ne frustre en fait que provisoirement mes attentes de sens avant de déboucher sur la riposte interprétative qui permettra de me «réorienter».
A incorporer d’autres grilles de lecture à ma propre vision du monde afin d’en augmenter la lisibilité préalable.» (29)
Le tout sans me perdre moi-même.
Donc en veillant scrupuleusement à ne jamais tomber dans les excès de la confusion émotionnelle.
D’accord, bien sûr, pour un périple au plus profond de l’univers intérieur d’autrui afin d’en arriver, au-delà du rationnel, à ressentir ce qu’il éprouve.
Mais pas question, pour autant, de me perdre moi-même!
La distinction entre moi et l’autre ne peut jamais s’effacer.
Sus à l’inhibition, à l’envahissement, à l’inertie.
Autant de processus défensifs qui m’incitent à refouler un problème ou à me laisser submerger par lui.
Autant de «courts-circuits» sur le fil de mon authenticité.
Autant d’obstacles à lever, donc, sous peine de mettre à mal ma concordance intérieure.
Ici, le «regard positif inconditionnel» de Carl Rogers a beaucoup à nous apprendre.
Celui-là même qui est présenté par le psychologue américain comme une ouverture profondément vraie et inébranlablement chaleureuse à toutes les dimensions constitutives du vécu de l’autre.
«Comprendre, insistait déjà, au milieu du XXe siècle, ce porteur de projet personnaliste qu’était le philosophe français Emmanuel Mounier.
Cesser de me placer de mon propre point de vue pour me situer au point de vue d'autrui.
Non pas me chercher dans un autre choisi semblable à moi, non pas connaître autrui d'un savoir général (le goût de la psychologie n'est pas l'intérêt à autrui), mais embrasser sa singularité de ma singularité, dans un acte d'accueil et un effort de recentrement.
Être tout à tous sans cesser d'être, et d'être moi: car il est une manière de tout comprendre qui équivaut à ne rien aimer et à n'être plus rien; dissolution en autrui, non pas compréhension d'autrui.» (30)
Reste que, comme le rappelle Majo Hansotte, «Le citoyen sera impuissant tant qu’il est seul.
C’est dans l’action collective que l’on peut renouer avec la puissance qui manque à nos décideurs.
» (31)

Du destructif au constructif:
une reliance constructive, pour l’autre

D’un point de vue phénoménologique, il existe trois façons d’envisager l’avenir: destructive, déconstructive et constructive.
La manière de voir destructive, c’est celle qui, hélas, a peut-être trop tendu jusqu’à présent (et peut-être jusqu’à présent seulement) à affaiblir le mouvement des indignés en l’appuyant sur une posture de refus généralisé et d’accusation tous azimuts.
L’intelligence déconstructive, c’est celle, plus fondée intellectuellement, qui questionne et détricote en permanence les catégories et les codes qui nous sont imposés.
Mais il faut aussi imaginer une manière radicalement différente de vivre.
C’est le rôle de l’intelligence constructive qui, elle, se demande comment faire en sorte que se formulent des exigences précises de changement, produites et portées par de nombreux acteurs.
Comment transformer la plainte en action.
Et comment mettre cette dernière au service d’une exigence de transformation sociale.
«Parler, c’est agir, c’est poser un acte qui a des effets», écrit le philosophe allemand Jurgen Habermas.
Ce qui suppose qu’un objectif bien déterminé ait été fixé au préalable.
Voire, dans la mesure du possible, qu’une procédure ait été mise sur pied, qui permette de valider et de légitimer le résultat obtenu. (32)
L’objectif, en l’occurrence, se doit de répondre aux préoccupations de notre époque.
Celles-là mêmes que Hadelin Feront suggère de ramener à trois grandes catégories, socioéconomique, écologique et psychologique:
. injustice criante entre riches et pauvres à l’intérieur des pays riches, mais aussi entre les pays riches et les pays pauvres,
. impact destructeur du modèle capitaliste sur l’environnement,
. «insécurité latente profonde, qui renvoie l’individu à ce qu’il est sans les autres – c’est-à-dire une femme ou un homme seul(e).» (33)
Evaluer le mérite des démarches citoyennes ne peut se faire qu’en examinant la manière dont elles tentent de répondre à ces attentes.

Affaire à suivre…

En guise de conclusion, pourquoi ne pas faire déboucher cette triple convergence sur une quintette susceptible de faire lien entre les motifs de refus qui nous ont été implicitement ou explicitement opposés par certains de nos interlocuteurs et le programme que ce Projet relationnel s’apprête à développer dans les prochaines semaines?
. Pas de consensus mou, c’est entendu, mais pas non plus de rigidité susceptible: vive le consensus fort.
. Pas de Grand Messe, OK, mais pas davantage de querelles de clocher: vive la synthèse.
. Pas de perte de soi, d’accord, mais pas non plus de repli sur soi: vive l’empathie.
. Pas de reliance sans déliance, certes, mais pas non plus de déliance sans reliance: vive la complexité.
. Pas de lourdeur collectiviste, bien sûr, mais pas non plus de relativisme individualiste: vive la personne. (34)

Christophe Engels

(1) Cfr. projetrelationnel.blogspot.com/2010/07/actu-et-si-nous-pensions-la-crise.html
(2) Touraine Alain, Après la crise, Seuil, coll. La couleur des idées, Paris, 2010.
(3) Touraine Alain, Après la crise, ibidem, p.64
(4) Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, à Paris.
(5) Touraine Alain, Après la crise, ibidem, pp.138-139.
(6) De l’Association Conforte, auteurs de : Etre développeur de Territoire–mobiliser les acteurs, Chronique Sociale, Lyon, 2010.
(7) Licata Joseph et Vandewynckele Marc, Démocratie et engagement citoyen. Mobiliser les acteurs, in Echos n°73, p.6.
(8) Licata Joseph et Vandewynckele Marc, Démocratie et engagement citoyen. Mobiliser les acteurs, in Echos n°73, pp.5-6.
(9) A moins qu’il ne s’agisse de répondre à une éventuelle proposition venue de l’extérieur.
(10) Licata Joseph et Vandewynckele Marc, Démocratie et engagement citoyen. Mobiliser les acteurs, in Echos n°73, p.6
(11) D’après Blairon Jean, Des formes nouvelles de mobilisation pour l’éducation citoyenne?, in Echos n°73, p.19.
(12) Avant d’être repris par beaucoup d’autres comme les sociologues Edgar Morin et Michel Maffesoli, ce mot séduisant a été porté par le (psycho)sociologue belge et personnaliste Marcel Bolle de Bal, professeur émérite de l’Université Libre de Bruxelles, qui nous fera bientôt l'honneur de nous aider, ici même, à approfondir ce concept.
(13) Christian Arnsperger fait par exemple référence à deux types de simplicitaire : les "moi, je" et les "nous tous". «On peut en effet adopter cette attitude pour des raisons diverses, poursuit ce chercheur UCL, spécialiste de la philosophie économique et de la réflexion existentielle. Etre mieux dans sa peau, par exemple. Ou alors favoriser l’empreinte écologique. Mais même dans ce dernier cas, on agit encore quelque part pour soi-même. La cohérence nécessite d’aller plus loin. De prendre conscience qu’une démarche individuelle et isolée de simplicité volontaire ne sert strictement à rien. Et, à partir de là, d’en arriver à politiser notre démarche personnelle. Existe-t-il d’ailleurs un simplicitaire authentique qui soit totalement "moi, je"? Ne cherche-t-il pas toujours, quelque part, à être "contagieux"? A être militant. Attention! Le militant, tel que je l’entends, n’impose jamais. Pourquoi le ferait-il? Il n’en a pas les moyens. Non! Le militant se contente de proposer. Mais il le fait avec fermeté. En veillant, notamment, à ne jamais utiliser le respect de l’autre comme refuge contre les implications de ses choix personnels.» Voir, sur ce blog,
www.projetrelationnel.blogspot.com/2010/02/simplicite-volontaire-engagez-vous_28.html.
(14) Lambrechts Thomas, Le politique et le citoyen, puissance et impuissance, in Echos n°73.
(15) Lambrechts Thomas, Le politique et le citoyen, puissance et impuissance, in Echos n°73, p.44.
(16) Cfr. John Rawls.
(17) http://projetrelationnel.blogspot.com/2010/05/lallocation-universelle-en-question_22.html.
(18) Philippe Van Parijs et Yannick Vanderborght, L’allocation universelle, La Découverte, coll. Repères, Paris, 2005, p.77. Voir aussi, sur ce blog, www.projetrelationnel.blogspot.com/2010/05/lallocation-universelle-en-question_22.html.
(19) www.projetrelationnel.blogspot.com/2011/01/investissement-solidaire-et-commerce.html
(20) www.projetrelationnel.blogspot.com/2011/01/commerce-equitable-le-juste-prix.html.
(21) Ballet Jérôme et Gendron Corinne, Commerce équitable et équité: Quête de sens et sens pratiques, in Éthique et économique/Ethics and Economics, 8(2), 2011, www.papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/bitstream/1866/5120/1/Ballet%26gendron.pdf.
(22) Ballet Jérôme et Gendron Corinne, Commerce équitable et équité: Quête de sens et sens pratiques, in Éthique et économique/Ethics and Economics, 8(2), 2011, www.papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/bitstream/1866/5120/1/Ballet%26gendron.pdf.
(23) www.projetrelationnel.blogspot.com/2010/02/simplicite-volontaire-engagez-vous_28.html.
(24) Cfr. le psychologue français Jean Piaget.
(25) Cfr. le psychologue américain Carl Rogers.
(26) Cfr. Ricoeur Paul, Meurt le personnalisme, revient la personne, in Esprit, n°73, janvier 1983.
(27) Les inconditionnels d’Emmanuel Levinas me pardonneront de réduire ici, dans un souci de pragmatisme, la notion de «tout autre», dont on sait qu’elle est infiniment plus vaste pour le philosophe du visage.
(28) Cfr. le philosophe américain John Rawls.
(29)Voir le premier message de ce blog: www.projetrelationnel.blogspot.com/2010/02/appel-projet-relationnel_19.html
(30) Mounier Emmanuel, Le personnalisme, Presses Universitaires de France, coll. Que sais-je ?, Paris, 1949, p.37.
(31) Hansotte Majo, Le juste, l’injuste et les intelligences citoyennes, in Echos n°73, pp.8-11.
(32) Feront Hadelin, La citoyenneté et son double, in Echos n°73, pp.26-28.
(33) Feront Hadelin, La citoyenneté et son double, in Echos n°73, pp.26-28.
(34) Pour suivre (pas avant la fin ultime de ce mois de septembre -étant donnée la longueur exceptionnelle de cette publication-ci- et, comme de coutume, sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à une présentation de la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du bonheur par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du sens de la vie par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels,
. à l’Approche Centrée sur la Personne (d'après Carl Rogers, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme...

vendredi 16 septembre 2011

Post-libéralisme. Dépassement de soi exigé.


Le post-libéralisme
est un humanisme,
clame Laurent de Briey
(1).
Mais cet humanisme
ne se réduit pas
à la simple volonté
de faire de la personne
la finalité de l’action politique.
Ni même à l’idéal philosophique
issu de la Renaissance.
Il s'entend dans un sens beaucoup plus précis.
Dépassement et éducation de soi exigés.
Communauté de projet
et communion de valeurs également.



Laurent de Briey


La volonté de qualifier un projet politique d’humaniste est souvent décriée sous prétexte que l’humanisme est une valeur partagée par l’ensemble des partis démocratiques.
L’objection peut être acceptée si on définit simplement l’humanisme comme la volonté de faire des hommes et des femmes la finalité de l’action politique.
Mais cette objection vaut alors pour tous les courants politiques: aucun n’a le monopole de la promotion de la liberté, des préoccupations sociales ou de la défense de l’environnement.

Humanisme? Oui, mais...

La référence à l’humanisme est ici entendue en un sens spécifique.
Elle renvoie à l’idéal philosophique humaniste tel qu’il s’est développé à partir de la Renaissance, et qui consacre la liberté de l’Homme par sa capacité à justifier par lui-même la légitimité des lois, scientifiques, morales et politiques, auxquels il est soumis.

Si d’Erasme à Maritain, l’humanisme chrétien a été une des traditions de la pensée humaniste, le passage d’une doctrine sociale chrétienne à l’humanisme démocratique reflète une volonté de s’ouvrir à tous ceux qui partagent une exigence de dépassement et d’éducation de soi.
Face à un certain «laisser-être» matérialiste et individualiste, il importe en définitive peu que la transcendance à laquelle on aspire corresponde aux principes du christianisme, de l’islam ou de l’athéisme rationaliste...
L’important est d’opposer au relativisme et à l’individualisme une même conviction de l’existence de valeurs universelles, doublée d’une conscience critique de la faillibilité de toute prétention à la vérité.

Le passage à l’humanisme démocratique s’accompagne cependant d’une modification du critère de légitimité de détermination des rôles sociaux et des valeurs collectives: il ne s’agit plus de la référence chrétienne, mais du débat démocratique, en tant que celui-ci institutionnalise l’exercice collectif de la raison.

Autonomie collective

L’humanisme démocratique se caractérise par un «constructivisme»: les valeurs que la société se donne ne sont jamais définies a priori par une tradition qui s’imposerait aux hommes, mais sont débattues et choisies volontairement.
Ce primat de l’autonomie collective fait de l’humanisme démocratique un projet résolument progressiste, là où la référence à une tradition religieuse pouvait favoriser un conservatisme.
L’humanisme démocratique s’inscrit donc dans l’héritage de la démocratie chrétienne, mais en s’en émancipant.
Au XXIe siècle, le clivage philosophique n’épouse plus la distinction chrétien–laïque, mais oppose ceux qui conçoivent une société comme devant être portée par la recherche d’un projet commun et des valeurs partagées, et ceux qui ne voient en elle qu’un lieu de coexistence entre des individus. (2)(3)


Laurent de Briey


(1) Laurent de Briey (voir photo en médaillon) a notamment écrit Le sens du politique (Mardaga, Wavre (Belgique), 2009). Il est directeur du Centre d’études politiques, économiques et sociales (CEPESS), proche de ce parti politique de Belgique francophone qu'est le Centre Démocrate Humaniste. Auquel, pour rappel, ni ce blog ni son initiateur ne sont liés de près ou de loin.
(2) Le contenu de ce message nous a été envoyé par son auteur, Laurent De Briey, que nous remercions. Il a déjà fait l'objet d'une première publication: De Briey Laurent, L'humanisme, un projet politique spécifique, in Politique-Revue de débats, numéro 66, septembre-octobre 2010, pp.71-74. Ci-dessus, les titre, chapeau et inter-titres sont de la rédaction.
(3) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à une présentation de la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du bonheur par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du sens de la vie par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels,
. à l’Approche Centrée sur la Personne (d'après Carl Rogers, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme...

lundi 12 septembre 2011

Post-libéralisme. Ecolo-humanisme ?

Le développement durable, oui.
Mais pas à tout prix.
Car priorité doit rester
à l'humain.
Dixit Laurent de Briey.
(1)
Dont, en un sens,
le post-libéralisme
pourrait être apparenté
à un écolo-humanisme doux...



Laurent de Briey


L’humanisme ne peut que donner raison aux écologistes lorsqu’ils estiment que la crise économique illustre l’absurdité d’un modèle de développement basé sur une croissance infinie dans un monde fini.
Il les rejoint dans la dénonciation d’un développement économique qui semble aujourd’hui être devenu sa propre fin.
Un modèle de développement plus humain est incontestablement un modèle de développement plus durable, mais il ne s’y réduit pas.
Il est indispensable d’internaliser, notamment au moyen de la fiscalité, les coûts environnementaux qui aujourd’hui n’apparaissent pas dans la formation des prix.
Il est indispensable de repenser nos modes de production et de consommation d’énergie.
Mais il est également crucial d’évaluer l’apport social, sans commune mesure avec leur valeur marchande, des services aux personnes, souvent informels ou bénévoles, dont l’importance ne pourra que croître avec le vieillissement de la population.
On ne pourra pas non plus faire l’impasse d’une réflexion collective sur la finalité de notre consommation matérielle et sur la place qu’occupe dans notre mode de production la création de biens non matériels, notamment l’enseignement et la formation.

On se calme!

L’humanisme est, par contre, en contradiction directe avec les formes les plus radicales de l’écologie.

Il n’est pas possible de se revendiquer de l’humanisme et de renoncer aux idéaux de progrès et de développement.
Il n’est pas possible de se revendiquer de l’humanisme et de vouloir assigner à l’homme le respect d’un ordre écologique qui le dépasserait.
Les humanistes n’ont, à vrai dire, pas plus confiance dans la «main invisible» de la nature que dans celle du marché ou que dans la main de fer de l’État.

L’humanisme s’enracine dans le projet moderne d’une transformation de la nature afin de favoriser l’accomplissement de l’homme, mais exige de prendre conscience que toute transformation de la nature présuppose l’existence de celle-ci et implique le respect des conditions de sa reproduction.
Ce n’est pas au nom de la nature en tant que telle, mais des hommes et des femmes qui doivent vivre en son sein qu’il importe de se préoccuper du réchauffement climatique, de la prolifération nucléaire ou des développements de l’agriculture génétiquement modifiée.
La crise, d’ailleurs, illustre combien ce sont les personnes les plus fragilisées qui supportent le coût de la décroissance souhaitée par certains écologistes.
Ce que le défi environnemental démontre aujourd’hui, ce n’est pas la nécessité de renoncer à toute forme de croissance, mais celle de revoir notre mode de développement.

Un peu d'éducation...!

L’humanisme est, également, en désaccord avec le libéralisme moral promu par certains courants écologiques.
Ceux-ci prônent l’épanouissement de l’homme, compris comme un processus naturel qui se réalise spontanément s’il est préservé des contraintes extérieures.
Cette foi dans la nature humaine rejoint ici la conception libérale de la liberté, réduisant l’idéal d’émancipation à la seule déconstruction des normes (sociales, culturelles...) qui restreindraient l’épanouissement individuel.
Pour l’humanisme, l’émancipation recherchée est une émancipation par rapport à une nature humaine qui est perçue comme n’étant ni intrinsèquement positive ou négative, mais comme devant être éduquée par notre conscience afin d’en réaliser les potentialités que l’on juge les meilleures. (2)(3)

(A suivre)

Laurent de Briey

(1) Laurent de Briey a notamment écrit Le sens du politique (Mardaga, Wavre (Belgique), 2009). Il est directeur du Centre d’études politiques, économiques et sociales (CEPESS), proche de ce parti politique de Belgique francophone qu'est le Centre Démocrate Humaniste. Auquel, pour rappel, ni ce blog ni son initiateur ne sont liés de près ou de loin.
(2) Le contenu de ce message nous a été envoyé par son auteur, Laurent De Briey, que nous remercions. Il est extrait d'un texte global qui a déjà fait l'objet d'une première publication: De Briey Laurent, L'humanisme, un projet politique spécifique, in Politique-Revue de débats, numéro 66, septembre-octobre 2010, pp.71-74. Ci-dessus, les titre, chapeau et inter-titres sont de la rédaction.
(3) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. au (post-)libéralisme (par Laurent de Briey),
. à une présentation de la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du bonheur par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du sens de la vie par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels,
. à l’Approche Centrée sur la Personne (d'après Carl Rogers, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme...

jeudi 8 septembre 2011

Post-libéralisme et socialisme: ne pas confondre !


Dépasser le libéralisme
sans pour autant justifier
un retour au socialisme.
Tel est le projet que s'assigne
l'humanisme post-libéral
de Laurent de Briey (1).
Histoire, précise l'auteur,
de ne pas déresponsabiliser
des personnes
par nature interdépendantes.
Et de ne pas tomber
sous la coupe
d'une main de fer de l'Etat...



Laurent de Briey


La spécificité du projet politique humaniste est de vouloir procéder à un dépassement du libéralisme, sans pour autant justifier un retour au socialisme.
Il y a en effet au fondement du socialisme, chez Marx tout particulièrement, un déterminisme socio-économique qui déresponsabilise les personnes –toute inégalité étant ultimement le fait de déterminants socio-économiques, les personnes ne sont pas responsables de leurs actes– et entre en opposition avec l’idéal humaniste.
Ce sont d’ailleurs des éléments de la doctrine socialiste avec lesquelles les socialistes modernes s’efforcent de prendre des distances et qui expliquent pourquoi, privilégiant l’idéal émancipateur présent également chez Marx, ils paraissent s’être convertis à une forme de libéralisme de gauche dont ils partagent dès lors l’individualisme moral.

L'Etat, c'est vous...

C’est, cependant, avant tout la conception du rôle de l’État qui distingue l’humanisme du socialisme.
L’humanisme ne croit pas plus à la main de fer de l’État qu’à la main invisible du marché.
Le politique peut susciter un changement de société, mais seuls les citoyens peuvent le réaliser.
L’État n’a pas le monopole de la responsabilité de la gestion collective –à l’heure de la mondialisation, il n’en a d’ailleurs plus les moyens.
L’État doit être un stratège promouvant des objectifs de long terme, un régulateur agissant sur l’environnement physique, économique..., au sein duquel se développent les initiatives privées, qu’il doit aussi soutenir.
Il doit enfin favoriser la coordination entre les acteurs individuels afin de rendre possible une action collective, notamment en fournissant des services et des biens publics afin, entre autres, de casser les situations d’oligopoles, voire de quasi-monopoles, privés auxquelles conduisent naturellement les mécanismes de marché.
L’État doit aussi soutenir les initiatives privées.

Ce rôle de soutien, d’accompagnement, doit apparaître de manière privilégiée au niveau de la sécurité sociale.
Le rôle du système social ne se restreint pas à fournir des revenus de substitution aux personnes exclues des sphères d’activités.
Un système social principalement assistantiel ne favorise pas l’émancipation des allocataires sociaux et méconnaît le lien indéfectible entre solidarité et responsabilité.
Sur ce point, l’humanisme s’avère bien plus proche du libéralisme de gauche que du socialisme.
Toutefois, c’est encore dans la manière dont il va comprendre la notion de responsabilité que sa spécificité va s’affirmer.

Interdépendance responsable

Pour l’humanisme, le fondement de la responsabilité est l’irréductible interdépendance entre les personnes: c’est parce que nous sommes des personnes interagissant continuellement que nous devons agir de manière responsable.

La solidarité n’est pas subordonnée à la responsabilité, elles naissent l’une et l’autre de notre appartenance à une même société et sont, à ce titre, inconditionnelles.
Placer le concept de responsabilité au centre du modèle social ne signifie pas, dès lors, conditionner la protection sociale à l’absence de possibilité d’imputer la cause d’une situation présente à des comportements passés, mais inciter chacun à agir en prenant conscience de l’incidence future de ses actes sur les autres.
La responsabilisation ne s’exprime pas par la menace ou la sanction, mais dans l’accompagnement et l’éducation. (2)

(A suivre)

Laurent de Briey

(1) Laurent de Briey a notamment écrit Le sens du politique (Mardaga, Wavre (Belgique), 2009). Il est directeur du Centre d’études politiques, économiques et sociales (CEPESS), proche de ce parti politique de Belgique francophone qu'est le Centre Démocrate Humaniste. Auquel, pour rappel, ni ce blog ni son initiateur ne sont liés de près ou de loin.
(2) Le contenu de ce message nous a été envoyé par son auteur, Laurent De Briey, que nous remercions. Il renvoie à un texte complet qui a déjà fait l'objet d'une première publication: Briey Laurent de, L'humanisme, un projet politique spécifique, in Politique-Revue de débats, numéro 66, septembre-octobre 2010, pp.71-74. Les titre, chapeau et inter-titres sont de la rédaction.

lundi 5 septembre 2011

Post-libéralisme. Mains invisibles, non merci !


Le libéralisme, le socialisme et l’écologie
ont un fond commun.
Chacune de ces doctrines
s’en remet à une «main invisible»:
celle du marché,
celle de l’État
ou celle de la nature.
Pour émanciper l’homme dans le dépassement de soi,
une seule parade:
le post-libéralisme,
qualifié d'«humanisme démocratique».
Ainsi pense Laurent de Briey.
A qui, jusqu'à nouvel ordre,
«Projet relationnel» laisse directement la parole... (1)


 
Laurent de Briey

 
La référence à l’humanisme peut-elle être constitutive d’un projet politique spécifique?
Cette question était sous-jacente au livre Le sens du politique. Essai sur l’humanisme démocratique que j’ai publié l’an dernier (2).
Situant l’humanisme démocratique dans le champ des débats contemporains en philosophie politique, j’y ai défendu la thèse selon laquelle l’humanisme démocratique devait, pour avoir une spécificité philosophique et politique, correspondre à la volonté de dépasser la conception du politique dominante aujourd’hui, à gauche comme à droite: le libéralisme politique. 
À partir du cas particulier de la crise économique, je voudrais illustrer en quoi l’humanisme rompt avec le libéralisme sans pour autant revenir au socialisme.
J’indiquerai également en quoi l’humanisme se différencie aussi de l’écologie politique et s’inscrit dans l’héritage de la démocratie chrétienne tout en s’en émancipant.
 
Humanisme et libéralisme

Le libéralisme politique est une conception philosophique considérant que le rôle du politique est la préservation de la liberté individuelle, comprise comme la possibilité d’agir selon ses préférences personnelles en étant préservé de toute interférence des autres personnes.
Cette liberté n’est restreinte que par une limite externe: l’égale liberté des autres individus.
L’État est l’instrument dont se dote la société afin d’assurer cette coexistence des libertés individuelles: il garantit que «la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres».
L’État libéral doit ainsi se préoccuper du juste, c’est-à-dire d’une équitable répartition des ressources (économiques, sociales, culturelles...), mais non du bien, c’est-à-dire des valeurs qui guident ce que les individus font de la part des ressources qui leur revient. 
Contrairement à une idée reçue, le libéralisme politique est compatible avec une régulation importante de l’économie par l’État.
Cette régulation se justifie principalement en raison des nombreuses «imperfections» des marchés économiques réels (déficit de concurrence, «externalités», environnementales notamment...), bien éloignés des conditions de la concurrence pure et parfaite de la théorie économique classique.
La référence au libéralisme politique ne concerne donc pas spécifiquement les partis politiques dits libéraux et défendant une économie de marché peu régulée.
John Rawls, figure centrale du libéralisme contemporain (3), se concevait d’ailleurs comme un penseur de gauche.
Le libéralisme de gauche se distinguera néanmoins du socialisme
. par son attachement à la propriété privée des moyens de production –les privatisations des deux dernières décennies réalisées souvent par des partis socialistes sont ainsi un des signes de leur conversion, au moins partielle, au libéralisme de gauche–,
. par sa volonté d’encadrer le marché plutôt que de s’y substituer –l’abandon du contrôle des prix est un autre signe de cette conversion (4)–,
. par le renoncement à la rhétorique de la lutte des classes au profit de celle de l’émancipation individuelle –d’où l’attention accordée à des discriminations comme celles liées à l’orientation sexuelle–,
. par sa conception de l’État social –le passage du modèle de l’État-providence à celui de l’État social actif est exemplaire sur ce point.
Ce libéralisme politique est porté par un idéal émancipateur que l’on ne peut que partager: vouloir permettre à chacun de poursuivre sa propre conception du bien.
Il a incontestablement été une source de progrès social indéniable dans une société dominée par la tradition et le conformisme social.
Mais il est également l’une des sources de la crise actuelle en raison d’un point commun à ses expressions de gauche comme de droite: la légitimation par l’individualisme libéral de la recherche de la seule satisfaction de leurs préférences personnelles.
La dérégulation est, en effet, un processus moral avant d’être économique et financier. 
La crise démontre que lorsque les individus agissent sur base de leurs seuls intérêts immédiats, le concert des intérêts particuliers ne peut être durablement conforme à l’intérêt général.
Le libéralisme de gauche se contente de souhaiter que le système économique et financier soit fortement régulé par l’État.
Cela revient à vouloir substituer la main de fer de l’État à la main invisible du marché sans remettre en cause la logique de l’individualisme libéral
Certes, l’État doit créer un cadre réglementaire et mettre en place des incitants pour modifier la gouvernance des banques et des entreprises, mais l’enjeu principal est dans la tête de chacun d’entre nous et dans nos comportements quotidiens.
Nous devons prendre conscience que la crise actuelle est aussi une crise de valeurs et que nous avons tous été, à un degré ou à un autre, contaminés par l’idéologie libérale.
Une lecture humaniste de la crise voit donc en celle-ci la démonstration de la faillite d’un système de valeurs qui invite les individus à agir sur base de leur seul intérêt immédiat.
Elle en déduit la nécessité de rompre avec l’individualisme libéral pour lequel la seule limite à la liberté individuelle est externe à celle-ci (la liberté des autres).
L’humanisme lui oppose une conception de la liberté comme autonomie, inspirée de Kant, selon laquelle la liberté, outre sa limite externe, reçoit également une limitation interne: la volonté d’agir conformément à ce que l’on estime bien en fonction d’une morale universelle et non seulement selon ses intérêts personnels.
Qu’il existe ou non une telle morale universelle, que les devoirs et obligations qui en découlent soient ou non connus, n’est pas ici pertinent.
Ce qui importe, c’est la volonté de l’individu de se conformer à l’idée d’une telle morale et d’adopter des comportements qu’il juge compatible avec celle-ci.
Le point de rupture avec l’individualisme réside donc dans l’indissociabilité de l’exercice de la liberté et du sentiment de responsabilité de l’individu vis-à-vis des autres membres de la société.
À la compréhension libérale de la responsabilité exigeant de l’individu qu’il assume les conséquences de ses actes et prenne en charge son bien-être individuel, est opposée une conception de la responsabilité sociale –celle des entreprises par exemple– consistant dans la volonté de contribuer au bien commun. (5)(6)


(A suivre)
 
 
Laurent de Briey


(1) Directeur du Centre d’études politiques, économiques et sociales (CEPESS), proche de ce parti politique de Belgique francophone qu'est le Centre Démocrate Humaniste. Auquel, pour rappel, ni ce blog ni son initiateur ne sont liés de près ou de loin.
(2) Briey Laurent de, Le sens du politique, Wavre, Mardaga, 2009.
(3) Rawls John, Théorie de la justice, trad. C. Audard, Paris, Seuil (La couleur des idées), 1987 et Libéralisme politique, trad. C. Audard, Paris, PUF (Philosophie morale), 1995.
(4) En Belgique francophone, le programme socialiste pour les élections législatives (2010) proposait de réinstaurer un contrôle des prix pour certains biens de base. C’est illustratif d’un retour, suite à la crise, à un positionnement et à une rhétorique dont certains accents sont plus classiquement socialistes.
(5) Paradoxalement, c’est le voile d’ignorance de Rawls qui permet de rendre intuitive cette notion de bien commun: le bien commun, c’est ce que nous jugerions souhaitable si nous étions sous un voile nous dissimulant la place que nous occuperions dans la société et les qualités particulières qui seraient les nôtres.
(6) Le contenu du message nous a été envoyé par l'auteur, que nous remercions. Il a déjà fait l'objet d'une première publication en Belgique francophone: Briey Laurent de, L'humanisme, un projet politique spécifique, in Politique-Revue de débats, numéro 66, septembre-octobre 2010, pp.71-74. Ci-dessus, seuls le titre et le chapeau sont de la rédaction.

jeudi 1 septembre 2011

Post-libéralisme. La route du Soi.





Quel sont
les fondements
anthropologiques
d'un humanisme
post-libéral?
Pour
Laurent
de Briey (1),
ils renvoient
à l'interdépendance,
au bonheur personnel
et au dépassement de soi...



L’humanisme de Laurent de Briey se présente comme une philosophie politique résolument post-libérale.
Il veut préserver les acquis sociétaux de ce «frère ennemi» idéologique qu'est le libéralisme tout en refusant l’individualisme, le matérialisme et le relativisme qui en sont les corollaires.
Car pour lui, si l’individuel n’est pas pleinement déterminé par le social, il n’en est pas non plus parfaitement indépendant...

L'interdépendance: constitutive de la personne

Il y a au fondement de l’humain une interdépendance qui ne se réduit pas à la nécessité pour les individus de partager un ensemble de ressources ou au fait de vivre vaguement en commun.
«Il faut, au contraire, penser une interdépendance bien plus profonde, estime le philosophe belge.
Une interdépendance originaire en ceci qu’elle est constitutive de l’individu –qu’il est plus adéquat de nommer personne. (…)
L’identité n’est pas sur le mode de l’être, de la permanence, mais sur celui du devenir.
Le processus de constitution des identités est un processus perpétuellement inachevé et qui résulte d’un échange constant entre l’individu qui se singularise et le milieu social au sein duquel il vit.» (2)
L’identité personnelle n’en finit donc pas de se reconstruire sur le terreau d’un processus de prise de position par rapport à des normes et des valeurs sociales en vigueur.
Le sujet se dote d’une identité «en se reconstruisant un modèle normatif assemblant les normes et les valeurs qu’il a plus ou moins fortement intériorisées.
Lorsqu’il est conscient, ce processus relève de l’usage pratique de la raison.» (2)

Bonheur personnel

Une telle identité dynamique a son tropisme.
Elle est constamment en recherche de bonheur.
De bonheur authentique.
De bonheur sensé…
«L’homme cherche à être heureux et il ne peut l’être que s’il perçoit sa vie comme sensée.
Une vie sensée est ainsi une condition nécessaire à défaut d’être suffisante du bonheur.
Or, du point de vue de l’humanisme démocratique, l’existence trouvera sons sens dans la recherche de la conformité à l’idéal d’une vie bonne.
Chaque individu définira son identité en construisant et en révisant continuellement cet idéal, dans une distance critique avec les conceptions du bien auxquelles il est socialement confronté. (…)
Par ailleurs, lorsqu’un individu prend position en affirmant ce qui constitue selon lui une vie digne d’estime, il incite les autres personnes à prendre position à leur tour par rapport à sa propre prise de position.
De la sorte, l’individu affecte le milieu et le transforme.» (2)
Bonheur personnel, donc.
Qui ne se réduit pas au bonheur individuel.
Car l’un se veut digne d’estime.
Là où l’autre s’accommode d’une nature purement pulsionnelle.
«Se nier comme sujet désirant, c’est se nier comme sujet humain.
C’est nier notre aspiration à l’infini.
(…)
Il importe de chercher non à se libérer de notre désir, mais à le sublimer.
L’économie capitaliste de consommation est aliénante parce qu’elle épuise le désir en le désublimant.
Le désir, n’ayant plus le temps d’être désirant, se réduit à (…) une pulsion devant être immédiatement satisfaite mais dont la satisfaction n’apporte pas de réelle jouissance.
L’économie capitaliste nous condamnerait ainsi à osciller entre la frustration classique de celui qui ne peut posséder et la frustration de celui qui possède sans en retirer la moindre jouissance.
Elle nous condamnerait à une éjaculation précoce symbolique en nous rendant incapable d’imaginer un projet capable de sublimer notre désir, c’est-à-dire de le maîtriser et de l’investir dans un objet porteur de sens et jugé estimable.» (2)

Dépassement de soi

Conséquence: la personne libre n’est pas celle qui cherche à maximaliser son utilité personnelle, mais celle qui souhaite agir bien.
Car son épanouissement passe par la recherche du dépassement de soi.
Non, donc, à la liberté comme indépendance.
Oui à la liberté comme autonomie.
Non à l’individu focalisé sur ses propres intérêts.
Oui à la personne comme être de relation.
A la personne accomplie.
A la personne en quête d’excellence.
«Il s’agit d’inciter chacun à faire de son mieux, non à faire mieux que les autres.
La recherche de l’excellence n’est donc pas la sélection du plus fort, mais la volonté d’élévation de tous.» (2)(3)(4)

(A suivre)

Christophe Engels (d'après Laurent de Briey)(2)

(1) Directeur du Centre d’études politiques, économiques et sociales (CEPESS), proche de ce parti politique de Belgique francophone qu'est le Centre Démocrate Humaniste.
(2) Briey Laurent de, Le sens du politique. Essai sur l’humanisme démocratique, introduction, Mardaga, Wavre, 2009.
(3) Ce message s'inspire étroitement d'une partie du texte: Engels Christophe, Le projet post-libéral, in Perso, Regards personnalistes, n°18, mai 2009, pp.17-18. www.personnalisme.org/files/Perso%2018.pdf
(4) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. au (post-)libéralisme (par Laurent de Briey),
. à une présentation de la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du bonheur par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du sens de la vie par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels,
. à l’Approche Centrée sur la Personne (d'après Carl Rogers, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme...