samedi 27 août 2016

«Daesh et sa force de frappe, c'est assez flippant...»














Comment Daesh s'appuie
sur un imaginaire
largement répandu
dans les communautés
musulmanes.
Un petit témoignage (1) 
valant parfois mieux 
qu'un long discours,
retenons ici celui d'un Nantais.
Simple quidam, sans doute.
Mais brillamment clairvoyant.




«Daesh et sa force de frappe, c'est assez flippant...

J'ai téléchargé et lu le dernier numéro de la revue du dénommé "Etat islamique" (Dar al islam n° 10), et je partage rapidement quelques impressions. 
La revue est élaborée selon les canons de la mise en page avec, malheureusement, un design qui accroche bien l'oeil, surtout pour un public jeune habitué à certains personnages guerriers.

Aussi, force est de constater que cette revue est loin d'être écrite par des rigolos: dans un français parfait avec juste ce qu'il faut de langage familier, les rédacteurs exploitent un univers de sens parfaitement connu des musulmans, en tout cas tel que diffusé par les leaders religieux. 
Toutes les dernières informations françaises sont connues et maîtrisées: les débats sur le terrorisme, les prises de positions des politiques et des responsables musulmans, et j'en passe.

Dans la revue, les rédacteurs mettent au défi ouvertement les autorités musulmanes françaises, qualifiées en gros de larbins incultes, d'invalider les arguments de l'Etat islamique, avec une rhétorique très claire et des sources juridiques musulmanes complètement traçables. 
Je passerai sur toute la mise en scène du martyre, l'instrumentalisation de faits historiques connus, de l'histoire des premiers musulmans, etc.: ce serait assez indécent.

Franchement, je dois avouer que ce dernier numéro me laisse un goût amer: lorsque j'étais jeune militant islamiste, je reprenais à peu près la même rhétorique eschatologique et millénariste (pour ceux qui ne connaissent pas ces mots prière d'aller chercher dans le dictionnaire) pour désigner les nations qui s'en prenaient à la "communauté musulmane" et qui périront de la main de Dieu via la mains des pieux guerriers musulmans.

Au cours des années 1990, dans des cercles d'études j'assistais à des discussions où l'on validait la notion d'"opérations martyres" en Israël, en considérant que non seulement c'était l'arme du pauvre face au géant militaire, mais que ces opérations avaient des bases juridiques musulmanes parfaitement légales et des textes parfaitement clairs. 
Je me souviens de personnes, dans ces cercles, qui faisaient l'apologie des opérations suicides et des meurtres de civils en Russie commis par les résistants Tchétchènes. 
Ces mêmes personnes, après avoir conforté le départ de jeunes en Bosnie pour faire de l'humanitaire, durant l'invasion serbe dans les années 1990, seront pris au dépourvu quand ces jeunes formeront le fameux gang de Roubaix et qu'ils retourneront les arguments contre ces "responsables musulmans qui disent mais qui ne font pas".

Oui, c'est dur à dire mais quand je lis dans ce magazine de Daesh les fameux vers de poésie attribués au compagnon Abdallah ibn Rawâhah... 
"J'ai juré, Ô mon âme, que je t'amènerai au combat, même si je vois ta répugnance à y aller.
Si tu n'es pas tuée au combat, tu mourras bien un jour...".
Eh, bien! Quand je lis ces vers aujourd'hui, je me remémore avec des frissons de remords tous ces moments où moi-même, dans ma vingtaine, je les chantais à tue-tête en écoutant une cassette audio de Abu Ratib (les anciens comprendront) en me réjouissant de l'odeur de la mort...

C'est pour cela que je combattrai cette idéologie mortifère, mais je mettrai dans le même temps au pied du mur ceux qui prétendent combattre Daesh tout en demeurant, finalement, dans le même univers de sens et la même sémantique.» (1)


Omero Marongiu-Perria


(1) Merci à Omero Marongiu-Perria d'avoir produit ce témoignage. Merci aussi à Michaël Privotislamologue bien connu de l'Université de Liège (ULg), de nous l'avoir fait découvrir.   




dimanche 21 août 2016

Faire de nos âmes divisées une âme entière...
























«Où trouver l'air                       
qui fera                          
de l'homme obscur                            
un homme lumière                              
et de nos âmes divisées                                
une âme entière?»                                  
Se demande Michel Jonasz (1).                                    
En question subsidiaire                                      
de son interrogation principale:                                        
«Où est la source?» (2)                                           




          














«Des sentiers bleus de lavande
          jusque sous les pins des Landes,
          où le vent m'a caressé,
          j'ai cherché.

        Le long de l'Hérault tranquille,
        dans les rues grises des grandes villes,
         sous la voûte céleste étoilée,
         j'ai cherché.

        Aux merveilleuses fins d'automne,
        quand la couleur des feuilles donne
        aux arbres leur merveilleuse clarté,
        j'ai cherché.

       Terre humide sous mes épaules,
       à l'ombre des larmes d'un saule,
       sur l'herbe tendre allongé,
       j'ai cherché.

      Les jours passés me reviennent,
      parfum d'une forêt vosgienne,
      rivière où j'allais pêcher,
      j'ai cherché.

     C'est ma soeur âme, ma frangine:
     la neige, oh! la neige divine,
     chantait sous mes pas d'écolier,
     j'ai cherché.

    Hier enfant dans ma chambre,
    à l'aurore aux couleurs d'ambre,
    pressentant le grand mystère,
    j'ai cherché.

   Plus tard aux premières conquêtes,
   à l'heure des premiers baisers,
   si troublante qu'il ne m'en reste
   rien d'autre que le besoin d'aimer.
   Quand tout le reste s'arrête,
   j'ai cherché.

  Où est la source?
  C'est une étoile sous la mer.
  C'est la Grande Ourse.
  Un voilier blanc sous l'azur
  qui poursuit sa course.
  Où est l'eau pure?

 Où trouver l'air
 qui fera de l'homme obscur
 un homme lumière,
 de nos âmes divisées
 une âme entière?
 Où est l'eau qui désaltère?

Dans la garrigue en Provence,
en Inde sous le ciel immense,
au soleil de février,
j'ai cherché.

La nuit langoureuse lascive,
enveloppant toute âme qui vive
d'une éternelle infinité,
j'ai cherché.

La nuit lumière indicible,
où l'on perçoit l'invisible,
où se dévoile enfin
l'éternité.

Dans les rêves où tout arrive,
où l'on peut voir l'autre rive
et s'envoler de l'autre côté,
j'ai cherché.

Terre humide après l'averse,
par les chemins de traverse,
au cœur des vastes Cévennes,
en été.

Respirant aux heures propices
le souffle des muses inspiratrices,
dans mes chansons sur la scène,
j'ai cherché.

Le berceau originel,
le foyer universel,
partout sur la Terre,
j'ai cherché.

Et c'est ma dernière conquête,
c'est mon ultime volonté,
dans mon corps et dans ma tête,
rien d'autre
que le besoin d'aimer,
dans l'infini bonheur d'être,
j'ai cherché.

Où est la source?
C'est une étoile sous la mer.
C'est la Grande Ourse.
Un voilier blanc sous l'azur
qui poursuit sa course.
Où est l'eau pure?
Où trouver l'air
qui fera de l'homme obscur
un homme lumière,
de nos âmes divisées
une âme entière?
Où est l'eau qui désaltère?

C'est elle en moi, ce feu qui brûle.
C'est elle, ce besoin d'aimer.
Elle en moi qui coule, et chaque cellule
contient l'infinie liberté.
C'est elle en moi, ce feu qui brûle.
C'est elle, ce besoin d'aimer.
C'est elle en moi, ce feu qui brûle.
C'est elle, ce besoin d'aimer.
» (2)


Michel Jonasz (1) 


(1) Le chanteur/compositeur français Michel Jonasz a commencé comme pianiste. Il a participé à plusieurs groupes («Kenty et les Skylarks», «Lemons») avant de fonder sa propre formation («King Set»). Il connaît alors ses premiers succès radiophoniques avec les titres «Apesanteur» et «Jezebel». Mais c'est en 1974 que sa carrière décolle réellement grâce à deux tubes: «Dites-moi» et «Super Nana». Depuis lors, le musicien a enchaîné les succès, avec des albums comme «La Nouvelle Vie», «Unis vers l’uni» et le retentissant «La Boîte de jazz», «La Fabuleuse Histoire de Mr Swing» et «Où vont les rêves?».
(2) Jonasz Michel, Où Est La Source?, Musique Des Anges, 2007.




lundi 15 août 2016

Beni. Encore et encore...



Ce samedi 13 août 2016, 
les massacres ont débuté en fin d'après-midi 
et n’ont pris fin que le lendemain, à l’aube. 
Coûtant à nouveau la vie 
à des dizaines de femmes et d'hommes. 
Dans la périphérie de Beni
à l'est de la République Démocratique du Congo, 
des assaillants armés avaient surgi 
pour tuer et incendier. 
Et les rebelles ougandais 
des Forces démocratiques alliées 
d'être pointés du doigt.
Sans surprise.
 Car l'ADF n'en est pas 
à son coup d'essai dans la région. 
On se souvient notamment de Ngadi 
(une trentaine de morts, le 15 octobre 2014). 
Et de Mavivi 
(une cinquantaine d'autres, le 21 novembre suivant).
Cette fois, des manifestations de colère ont éclaté, 

la population réclamant qu'on la protège.
Et du côté des représentants de la «société civile», 
l'heure est autant aux questions 
qu'aux revendications.
 Ils demandent en effet 
qui (1) la démission du Premier ministre 
et du ministre de la Défense 
qui (2) le départ d'un président Kabila
accusé d'incapacité, de passivité, 
voire même de complicité
En attendant, 
un deuil national de trois jours a été décrété, 
à partir de ce lundi 15 août.
Projet relationnel s'y associe.


(1) Notamment les différentes composantes de la «société civile» (appellation dont on précisera/rappellera qu'elle  n'est pas toujours appréciée au sein des mouvements sociaux africains) du Nord Kivu qui se sont réunies ce lundi 15 août 2016.
(2) La question d'une complicité des plus hautes autorités de l'Etat congolais est explicitement posée, entre autres, par le Front Citoyen de Floribert Anzuluni (voir, pour information, le communiqué ci-dessous).


Communiqué du Front Citoyen 2016


Nouveaux massacres à Beni

Le Président Kabila, 
garant de l'intégrité territoriale, 
doit démissionner ou être poursuivi pour haute trahison!!!


Le Front Citoyen 2016 est, une fois de plus, consterné par les nouveaux massacres survenus à Beni dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 août 2016. 
C'est le résultat d'une énième incursion des présumés rebelles ougandais de l'ADF, au quartier Rwangoma, situé à l'extrême-est de la ville martyre de Beni, dans la province du Nord Kivu.

Ces crimes odieux, qui ont coûté la vie à des dizaines de compatriotes civils, parmi lesquels des femmes, surviennent seulement deux jours après que le Chef de l'État, Joseph Kabila, ait séjourné dans cette région. 
Il a à cette occasion rencontré à Kasese en Ouganda, son homologue Yoweri Museveni, et il a affirmé avoir pris des dispositions, en coopération avec les services de renseignements de ce pays voisin, afin que la population locale ne puisse plus revivre ce cauchemar.

Le Front Citoyen 2016 condamne, encore une fois, avec la dernière énergie, ces massacres inacceptables et exprime sa profonde solidarité avec les frères de Beni, tout en les rassurant d’un soutien indéfectible. 
Le Front Citoyen 2016 leur promet qu'il ne cédera pas à un silence coupable et ne baissera pas la garde jusqu'à ce qu'une réponse juste et responsable soit apportée et que leur droit le plus fondamental, celui de vivre paisiblement dans leur pays, soit intégralement recouvré.

Par ailleurs, le Front Citoyen 2016 note avec regret que le Président Kabila et son gouvernement, ont totalement échoué à ramener la paix dans cette région depuis plus d'une année, soit par mauvaise foi, soit par faiblesse, ou encore par complicité de leurs propres services de défense et de sécurité, au profit de l'ennemi, bien que le Gouvernement, à travers le ministre de la Communication et des Médias, vient de déclarer que ces massacres seraient le fait des groupes «djihadistes radicalisés ou islamistes» tout en sollicitant la solidarité de la communauté internationale. 
Cette intervention, peu convaincante, soulève les questions suivantes... 
Pourquoi ces attaques répétitives depuis plus d’une année n’ont-elles jamais été revendiquées par l’un de ces groupes? 
Qui sont-ils? 
Que revendiquent-ils en RDC? 
Qu’en est-il du refus par le Gouvernement de l’ingérence internationale dans les affaires internes de la RDC? 
Le Front Citoyen 2016 rappelle qu’il est à ce jour clairement établi que certains officiers supérieurs au sein de la chaîne du haut-commandement militaire de l’armée congolaise, tel que le général Mundos Akili qui est nommément cité dans le dernier rapport des Nations Unies, sont directement impliqués dans ces tueries qui ont coûté la vie à des centaines de compatriotes, ce qui expliquerait l’indifférence et le silence des institutions judiciaires et politiques congolaises. 
Ainsi, le Front Citoyen 2016 ne peut plus s'empêcher de conclure que le Président Kabila, commandant suprême des Forces Armées de la RDC et garant de l’intégrité du territoire, pourrait être le véritable responsable de l'insécurité dans cette région en vue notamment de pérenniser une terreur quasi-généralisée dans plusieurs coins du pays pendant cette période cruciale où les Citoyens congolais attendent avec impatience, la fin de son régime, et l'avènement de la première alternance démocratique au sommet de l'État.

Au vu de ces nouveaux massacres, le Front Citoyen 2016 va incessamment relancer Mme Fatou Bensouda, Procureure de la Cour Pénale Internationale, afin que cette dernière ouvre une enquête conformément aux critères du statut de Rome. 
En outre, au vu de la récurrence des faits ainsi que des soupçons de complicité, le Front Citoyen 2016 estime que le Président de la République doit soit démissionner, soit être poursuivi pour haute trahison conformément aux articles 165 et 166 de la Constitution.

Le Front Citoyen 2016 invite encore une fois, le peuple congolais tout entier, en particulier celui de l'Est du pays et les compatriotes de Beni, à se soulever contre toute démarche visant à pérenniser inconstitutionnellement le pouvoir actuel, qui a complètement échoué dans sa mission de sécurisation de la population, et qui a, par sa faiblesse politique, diplomatique et militaire, humilié notre pays aux yeux de la sous-région et du monde, alors que la RDC, par sa position, est appelée à jouer un rôle déterminant dans le développement de l'Afrique.

L’Alternance doit avoir lieu en 2016 !

CONGOLAIS TELEMA!!!


Pour les Citoyens rassemblés au sein du Front Citoyen 2016,
Floribert Anzuluni, Coordonnateur,
Jean Claude Katende, Porte-parole,
Carbone Béni Wa Beya, Coordonnateur/Coordination de Kinshasa.



vendredi 5 août 2016

Réduction du travail. N'en déplaise aux Shadoks...












Pour des millions 
de personnes, 
pas de travail du tout, 
ou pas assez 
pour en vivre. 
Pour des millions 
d’autres, 
trop de pression 
Comment sortir 
Un récent livre (1)
y va de ses solutions...


Comment combattre ce chômage endémique qui ronge la dignité, 
le présent, l’avenir, l’espoir?
En facilitant les licenciements? 
En assouplissant le Code du travail? 
Non. 
Il existe une autre voie. 
S’appuyant sur une analyse très documentée, 
tournent le dos 
à ces perspectives régressives 
pour en proposer une autre: 
provoquer un choc de solidarité 
en passant à la semaine 
de quatre jours. 
Ils montrent 
comment cette mesure est capable 
de créer massivement des emplois 
sans coût supplémentaire 
pour les entreprises 
qui s’engageraient dans cette voie. 
La seule qui soit en phase 
avec ce qu’Albert Einstein prédisait 
dès les années 1930. 
Et si Einstein avait raison?... (1)



(1) Larrouturou Pierre et Méda Dominique, Einstein avait raison. Il faut réduire le temps de travail, éditions de l’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2016.
(2) Pierre Larrouturou est ingénieur agronome et économiste. Fondateur avec Stéphane Hessel du Collectif Roosevelt, il quitte le Parti socialiste en 2013 pour créer Nouvelle Donne. Il est notamment l’auteur de La gauche n’a plus droit à l’erreur (avec Michel Rocard, Flammarion, 2013) et de Non-assistance à peuple en danger (Fayard, 2015).
(3) Dominique Méda est professeure de sociologie à l’Université Paris-Dauphine, directrice de l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales et titulaire de la chaire «Reconversion écologique, travail, emploi et politiques sociales» au Collège d’études mondiales. Elle est notamment l’auteure de Réinventer le travail (avec Patricia Vendramin, Presses Universitaire de France, 2013) et de La Mystique de la croissance. Comment s’en libérer (Champs-Flammarion, 2014).


lundi 1 août 2016

Tahar Ben Jelloun. «Face à Daesh, réagissons!»










Oui à l'islam radical! 
Celui qui va à la racine.
Donc à la paix.
Celui qui se pervertit 
dans la violence
et la brutalité.
Ainsi pense
Tahar Ben Jelloun 
(1)
Qui lance
un appel déchirant
aux musulmans...
«Réagissons!»



«L’islam nous a réunis dans une même maison, une nation. 
Que nous le voulions ou non, nous appartenons tous à cet esprit supérieur qui célèbre la paix et la fraternité. 
Dans le mot "islam", il y a la racine du mot "paix". 
Cet aspect a été gommé. 
C’est violence et brutalité qui apparaissent. 

Même si c’est le fait d’un seul individu, les musulmans sont embarqués dans l’ouragan de la barbarie. 
La notion de paix est trahie, déchirée et piétinée par des individus qui prétendent appartenir à notre maison et qu’ils ont décidé de la reconstruire sur des bases d’exclusion et de fanatisme. 
Pour cela, ils ont recours à l’assassinat d’innocents. 
Aucune religion ne permet un tel détournement, une telle cruauté. 

Aujourd’hui, une ligne rouge a été dépassée: entrer dans une église, dans une petite ville de Normandie, et s’en prendre à vieil homme, un prêtre, l’égorger comme un vulgaire mouton, puis essayer la même chose avec une deuxième personne, la laisser gisant dans son sang, entre la vie et la mort, crier le nom de Daech puis mourir, c’est une déclaration d’une guerre d’un genre nouveau, une guerre de religion. 
Nous savons combien ça dure et comment ça se termine. 
Mal, très mal. 

Alors, après les massacres du 13 novembre à Paris, ensuite le massacre de Nice et d’autres crimes individuels, voilà que la communauté musulmane, vous, moi, nos enfants, nos voisins, pratiquants ou pas, croyants ou pas, sommes sommés de réagir. 
Il ne suffit pas de s’insurger verbalement, de s’indigner encore une fois et dire "ça, ce n’est pas l’islam", non, cela n’est plus suffisant et de plus en plus de gens ne nous croient pas quand on dit que l’islam est une religion de paix et de tolérance. 

Nous ne pouvons plus sauver l’islam, ou plutôt si nous voulons le rétablir dans sa vérité, dans son histoire, si nous voulons démontrer que l’islam ne consiste pas à égorger un prêtre, alors il faut sortir en masse dans les rues et s’unir autour du même message: dégageons l’islam des griffes de Daech. 
Nous avons peur parce que nous sommes en colère. 
Mais notre colère est le début d’une résistance, voire d’un changement radical de ce qu’est l’islam en Europe. 

Si l’Europe nous a accueillis, c’est parce qu’elle avait besoin de notre force de travail. 
Si la France a décidé le regroupement familial en 1975, c’est pour donner à l’immigration un visage humain. 
Alors, il faudra nous adapter aux lois et droits de la république. 
Nous devons renoncer à tous les signes provocants d’appartenance à la religion de Mahomet. 
Nous n’avons pas besoin de couvrir nos femmes comme des fantômes noirs qui font peur aux enfants dans la rue. 
Nous n’avons pas le droit d’empêcher un médecin homme d’ausculter une musulmane. 
Nous n’avons pas le droit de réclamer des piscines rien que pour des femmes. 
Nous n’avons pas le droit de laisser faire des criminels qui ont décidé que leur vie n’a plus d’importance et qu’ils l’offrent à Daech. 

D’autre part, nous devons parler, mettre en garde ceux parmi nous qui sont tentés par l’aventure criminelle de Daech. 
Ce n’est pas de la délation. 
Au contraire, c’est un acte de courage pour assurer la sécurité de tous. 
Vous savez bien que dans chaque massacre, des musulmans innocents sont parmi les victimes. 
Notre vigilance doit être tout azimut. 
Alors que les instances religieuses bougent et fassent descendre dans la rue des millions de citoyens appartenant à la maison de l’islam, qu’ils soient croyants ou pas, et qu’ils disent haut et fort que cet ennemi qui égorge un prêtre fait couler le sang de l’innocent sur le visage de l’islam. 

Si nous continuons à regarder passivement ce qui se trame devant nous, nous serons tôt ou tard complices de ces assassins. 
Nous appartenons à la même nation, ce n’est pas pour autant que nous sommes "frères". 
Mais pour le moment, pour prouver que cela vaut la peine d’appartenir à la même maison, la même nation, réagissons, sinon il ne nous restera plus qu’à faire nos valises et retourner dans le pays natal.» (2)


Tahar Ben Jelloun (1)


(1) Né à Fès en 1944, Tahar Ben Jelloun est marocain. Poète et peintre, il est surtout connu comme écrivain. Il a obtenu le prix Goncourt en 1987 pour son roman La Nuit sacrée.
(2) Ben Jelloun Tahar, Dégageons l'islam des griffes de l'EIin Le Monde du 30 juillet 2016.