jeudi 25 février 2010

Jacky Morael : "Demandez le programme..."


De façon plus que compréhensible, plusieurs d'entre vous ont baissé pavillon devant les importants problèmes consécutifs, pour nombre d'utilisateurs, à l'apparition de la nouvelle mise en page de Yahoo.
Je constate cependant avec plaisir que certains ne se sont pas découragés puisque leurs commentaires attendaient dans ma boîte à messages personnelle. Celle-là même dont, après plus de six journées de blocage à peu près ininterrompu, Yahoo vient enfin de me rendre l'accès.

Ainsi, Vincent, qui fait référence à un ""blog" personnel, fort bien présenté, tout comme celui de Christian Arnsperger."
Et d'ajouter : "Je me réjouis de recevoir dans les prochaines semaines la série de "cogitations" à intervalles plus ou moins réguliers que tu annonces."

Quant à Philippe, il semble tout aussi satisfait, non sans y aller de sa suggestion sémantique...
"Quelle bonne interprétation "concise" d'une foule d'idées qui se mettent à traverser un cerveau en pensée. Merci cher Christophe pour cela. Un petit point seulement a suspendu ma réflexion, celui de ton appel à tous les "déficitaires". En effet, dans mon esprit, le déficit est un constat qui porte peu de dynamique de "changement". C'est pourquoi, porté par ton initiative, oserais-je une proposition toute "personnaliste" et néologique en remplaçant "déficitaire" par "justicitaire". L'utilisation de ce terme devrait s'inscrire dans l'affirmation d'une volonté de recherche continue de meilleure équité dans tous les rapports et sous toutes leurs formes. Ceci ne constituerait qu'un premier pas dans une démarche qui se voudrait volontariste dans une recherche et une volonté de mise en place de tous les mécanismes des mieux vivre partagés. Ceci exigerait bien sûr de très longs et larges développements. Très cordialement."

Reste Jacky Morael. Qui, lui, est... infiniment plus réservé !
"Comme beaucoup de détracteurs de l'écologie politique telle qu'actuellement représentée en Belgique, vous semblez n'avoir pas lu la moindre ligne du programme Ecolo. La simple lecture de votre deuxième paragraphe en est la meilleure preuve. Les travaux du Docteur Arnsperger font partie de notre corpus de réflexion, comme bien d'autres travaux scientifiques. Alors, vous même, renseignez vous avant de diffuser des contre-vérités. Cordialement."

On y reviendra.

Merci, quoi qu'il en soit, à ces adeptes de la persévérance qui ont courageusement triomphé des... impondérables aléas de la technique.

Christophe Engels

vendredi 19 février 2010

Vert, j'espère... (Pour une humanisation du capitalisme vert)


Pour la personne que je suis, l’environnement, c’est la végétation et l’air pur, certes, mais c’est aussi toi, lui, vous, eux. C’est la nature, donc, mais c’est également l’humain. Un texte de Christian Arnsperger (1), consacré aux transitions écologique et économique qui s'annoncent, offre une excellente occasion d’approfondir cette idée. En voici une présentation raccourcie et «convivialisée». Qui cherche, autant que possible, à rencontrer les moins «intellos ». Et à mettre l’eau à la bouche de tous les autres. (2)





Ecolos inconditionnels et susceptibles, s’abstenir ! Le document dont nous contribuons à la diffusion repose sur le socle d’une idée potentiellement dérangeante. A savoir que l’écologie politique risque toujours de pécher par omission. De faire passer le facteur humain à l’arrière-plan. De se focaliser sur la seule composante «verte» des dommages collatéraux du capitalisme. Et, par le fait même, de ne pas (suffisamment) prendre en compte d’autres effets pervers. Moins visibles sans doute. Mais aussi plus fondamentaux. Car liés au fonctionnement même d’un système directement destructeur de potentiels humains.
Obnubilé par les premiers enjeux (qualifiés de «bio-environnementaux»), on en viendrait à sous-estimer, voire à ignorer l’importance cruciale des seconds (baptisés «anthropo-environnementaux»).
Réconcilier l’économie et la nature ne suffit donc pas. Il faut également débarrasser la première nommée de sa propension aux vertiges du «toujours plus» et aux étourdissements du «jamais assez». La déconnecter, donc, d’un objectif si souvent considéré comme incontournable : la maximalisation absolue du profit.
Mission impossible ?
Gageure en tout cas…
Car les acteurs les plus capables de relever efficacement un tel défi sont précisément ceux qui, privilégiés par le système, y ont le moins intérêt.
«Les victimes des effets internes – c’est-à-dire essentiellement les travailleurs les plus fragiles – pourront bien vociférer : personne ou presque, en externe, n’aura intérêt à les entendre afin de prendre en compte leurs appels.» (p.3)
A cette difficulté-là, primordiale pourtant, le capitalisme vert n’apporte aucune solution.
Pas question, donc, d’éluder la nécessité d’en «revenir à la racine» (p.3) du problème. Pas question d’en rester aux lieux communs d’un certain environnementalisme. Pas question de faire l’impasse sur l’approfondissement qui s’impose…


Proximité, le retour

Au sein de nos «pseudo-démocraties capitalistes» (p.4), l’essentiel des revendications «citoyennes» renvoie plus ou moins directement à notre compte en banque. Celui-là même qui, à condition d’être suffisamment fourni, constitue l’indispensable moyen d’accès à la vaste «tuyauterie» (p.4) des échanges économiques mondiaux.
«L’expérience de ne pas trouver, dans le rayon habituel de notre supermarché ou de notre épicerie, l’inévitable paquet de pâtes s’apparente à celle de l’Inca se réveillant pour constater que le soleil, ce matin, ne s’est pas levé. C’est comme la fin du monde.» (p.4)
Du coup, nos responsables politiques s’emploient d’abord et avant tout à «canaliser vers l’électeur un maximum de pouvoir d’achat» (p.4).
Les penseurs libéraux du «doux commerce» ont-ils tout à fait tort quand ils présentent la mondialisation comme un remède aux conflits et guerres européens qui secouaient les nations d’ancien régime ? Non, sans doute. Mais l’arbre de cette relative réussite ne doit surtout pas occulter la forêt de tous ces peuples qui restent dépourvus de nos «facilités» occidentales. Si «marché libre il y a, il ne l’est que pour les privilégiés qui ont les moyens effectifs d’y accéder. Une asymétrie profonde et institutionnalisée qui a tous les atours d’un implacable constat d’échec.
Défaillance provisoire ? C’est l’avis d’un certain nombre d’économistes qui, «soucieux de justice et d’égalité, croient encore aujourd’hui dans les vertus libératrices d’une intégration de tous au marché mondial.» (p.6).
Oui, mais…
Un tel optimisme n’acquérra aucune crédibilité réelle tant que ne verra pas le jour un changement radical de ce qui sous-tend plus que jamais notre activité commerciale : «la compulsion rapace d’extraction, d’appropriation et de consommation.» (p.6)
Conséquence : «Au lieu d’intensifier des échanges mondiaux qui ne sont soutenables à court terme que par une destruction de notre planète à moyen terme, et au lieu de rêver pour tous une participation égale et « équitable » à cette intensification insoutenable, il faut d’urgence repenser et restructurer les mécanismes clés de notre système économique (…).» (p.6)
De toute façon, certains changements s’annoncent inéluctables. Ainsi, la fin de l’Âge du pétrole imposera une plus grande parcellisation des communautés de vie. Une espèce de «protectionnisme , si l’on veut. Mais un «protectionnisme» qui n’aurait rien d’idéologique. Un «protectionnisme» contraint et forcé. Un «protectionnisme» qui déboucherait non seulement sur une relocalisation de la production, mais aussi sur une autolimitation de la consommation.
Mieux vaut donc renoncer à ce terme pour parler, avec les écologistes, de «bio-régionalisme».


Une écologie de… l’humain

Cette idée de bio-régionalisme, Christian Arnsperger ne s’y réfère que pour mieux la déborder. Il suggère en effet de recourir à un nouvel outil conceptuel : le «bio-anthropo-régionalisme». Histoire de réveiller «ce qui reste dormant sous la surface, étouffé par les urgences (au demeurant bien légitimes) du moment» : «le gigantesque chantier de la transition économique et sociale – «notre » transition vers le post-capitalisme.» (p. 8)
Car «Le capitalisme est intrinsèquement gaspilleur non seulement de ressources naturelles, mais aussi de ressources humaines. La prétendue «efficacité» du modèle de croissance capitaliste est en réalité une inefficacité profonde, non seulement écologiquement mais aussi humainement.» (p.8-9)
L’écologie de la nature ne suffit donc pas. Place à une écologie de… l’humain.
«Un capitalisme vert va-t-il remédier à ces mécanismes profonds simplement parce qu’on produira des éoliennes, des sacs en maïs ou des moteurs de cogénération ? Tant que l’enjeu sera la rentabilité maximale (…), nous ne sortirons pas de la logique ambiante. Il n’est pas plus joyeux d’être exploité pour des éoliennes ou des saris en lin biologique que pour des automobiles ou des chaussures de sport. Raison principale du malentendu : le capitalisme vert insiste sur la centralité des ressources naturelles et de l’environnement, mais nettement moins (ou pas du tout) sur l’écologie humaine. Quand ses défenseurs nous disent que, par ailleurs, il faut se débarrasser de la mentalité du « toujours plus » pour aller vers le « toujours mieux », ils semblent oublier de nous dire comment nous allons nous y prendre, au sein d’une logique capitaliste mondialisée où, précisément, « toujours mieux » coïncide avec « toujours plus ».» (p.9)


Demain, c’est aujourd’hui…

Si l’écologie de la nature doit continuer à être encouragée, c’est donc en tant que marche-pied à une écologie de l’humain.
Utopie ? Non.
Rêve encore inaccessible ? Apparemment.
Mais à y regarder de plus près, y a-t-il nécessairement si loin de la coupe aux lèvres… ?
«Ce qui manque aujourd’hui, ce n’est pas tant une volonté de changement profond du côté des citoyens, c’est un soutien politique réel aux initiatives radicales.» (p.8)
Effet boomerang de cette inertie des partis en place : les citoyens sont toujours plus nombreux «à se déplacer en douce vers des mouvements politiques et culturels nouveaux, comme l’objection de croissance, la simplicité volontaire, les villes et communes en transition, les coopératives ou les écovillages.» (p.9)
Estimant que les promesses de sens n’ont pas été tenues par le capitalisme productiviste et consumériste, «ces citoyens éveillés se décident à devenir des militants existentiels.» (p.9)
Les décideurs publics seraient donc bien avisés de prendre la mesure des initiatives post-capitalistes qui ont commencé à voir le jour. Non pas pour tenter de les récupérer ou de les mettre sous tutelle. Mais pour les accompagner. Pour les financer. Pour les encourager. Pour les amplifier.
En la matière, Arnsperger y va de ses suggestions concrètes...
. Elaboration d’un «Revenu de transition économique» qui «pemettrait à ceux qui y aspirent de se déconnecter de la logique dominante et de construire sur le long terme des exemples de vie alternative» (p.10).
. Création d’un «Ministère de la transmission économique» qui aurait pour mission «de financer (…), de coordonner et d’accompagner ces initiatives citoyennes économiquement novatrices» (p.10).
. Impulsion d’une dynamique multipartite de réflexion citoyenne sur les enjeux de la transition économique (p.13).
. Soutien public aux «associations de transition économique». Fut-ce au détriment des autres sous-secteurs de l’associatif, du non-marchand et de l’économie sociale. Et en ponctionnant les bénéfices des acteurs du capitalisme vert si (comme probable) il le faut. «Ainsi, au moins, le passage par le green capitalism ne servirait pas à affermir l’emprise de la logique dominante, mais à la dépasser.» (p.13).
. …


Main verte et doigt sur la (double) détente

On l’aura deviné : le but est de concilier court, moyen et long terme.
«A court terme, l’encouragement d’un capitalisme vert devrait se faire (puisque c’est un moindre mal par rapport à un « capitalisme gris »), mais jamais de telle sorte que les enjeux de la transition post-capitaliste soient étouffés.» (p.13)
« Il convient donc de mettre en place une dynamique de transition à double détente, qui seule donnerait son sens réel à un green deal :
1° Gérer la transition du capitalisme gris vers un capitalisme vert.
2° Utiliser les moyens dégagés pour gérer la transition du capitalisme vert vers un post-capitalisme vert, c’est-à-dire la transition radicale aussi bien bio-environnementale qu’anthropo-environnementale
(…) qui est requise par les problèmes désormais insurmontables que le capitalisme pose aux être humains.» (p.14)
Le militant existentiel ne se doit donc pas seulement d’avoir la main verte. Il doit aussi avoir le doigt sur la détente. Et même sur la double détente.
«L’idée d’une transition à double détente est de se servir des ressources financières actuelles engendrées par un système économique dont le fonctionnement (aussi aliénant soit-il) nous est familier – mais de s’en servir pour dégager les ressources d’une transition vers un au-delà de ce système.»
Cet au-delà semble porteur de perspectives prometteuses. A commencer par celles d’une nouvelle égalité des chances.
Une égalité des chances qui, désormais, ne soit plus virtuelle et artificielle.
Une égalité des chances qui, au contraire, s’avérerait bien réelle et authentique.
Une égalité des chances qui, loin de contraindre le citoyen à s’insérer coûte que coûte dans les rouages du capitalisme, lui offrirait dorénavant la possibilité d’élargir en toute conscience le panel de ses choix de vie potentiels.
Resterait alors, pour chacun, à opter pour celui des deux termes de l’alternative qui lui conviendrait.
Le capitalisme s’il le désire.
Le post-capitalisme s’il le préfère…

Christophe Engels (d'après Christian Arnsperger)

(1) Christian Arnsperger est docteur en sciences économiques, chercheur au Fond national belge de la recherche scientifique (FNRS) et professeur de l'UCL (rattaché à la Chaire Hoover d'éthique économique et sociale). Il a notamment écrit Critique de l'existence capitaliste / Pour une éthique existentielle de l'économie, Cerf, Paris, 2005 et Ethique de l’existence post-capitaliste : Pour un militantisme existentiel, Cerf, Paris, 2009 (voir photo).
(2) Ce compte-rendu a été rédigé par Christophe Engels. Par souci de rigueur et… par simple courtoisie (!), nous ne saurions assez conseiller, néanmoins, de faire l’effort de lecture du texte original de Christian Arnsperger, évidemment plus précis et plus complet : «Transition écologique et transition économique : Quels fondements pour la pensée ? Quelles tâches pour l’action ?», disponible sur le blog de Christian Arnsperger: «transitioneconomique.blogspot.com» (voir lien en rubrique «Un bon conseil...», en haut à gauche de cette page).

Une bouteille à la mer...


Les premières réactions à mon "Appel à projet relationnel" m'ont été adressées par courriel.
En voici la substantifique (bien que non exhaustive) moelle.
. En commençant par les commentaires les plus enthousiastes...
"Voilà un texte qui a du souffle et qui nous change d'air, se réjouit Thierry.
Tout ce qui fédère les quête de sens diverses est bienvenu.
Merci et bonne chance."
"Je reconnais le Christophe philosophe, lettré, cultivé, amis des hommes, me complimente avec indulgence Michel.
Bravo pour ton intuition et ton discernement.
Ce que tu proposes est +/- ce que je fais depuis 9 ans de façon informelle, et depuis 3 ans de façon structurée.
Avec comme but le "développement durable humain".
La métamorphose doit venir de l'intérieur des gens eux-mêmes.
Motorisé par un désir, une intuition forte, une volonté d'agir et d'expérimenter le vrai de soi et de la vie.
Malheureusement ces quatre qualités manquent cruellement chez la majorité des gens et ils rêvent tous d'un monde meilleur sans vouloir faire le chemin eux-mêmes.
Ils ont peur et préfèrent souffrir de leur état ancien que de se bouger le c...
Il va falloir de plus grands chocs pour que les gens se réveillent à eux-mêmes.
Ou bien, de projets bien précis, concrets, où chacun comprend, vibre et se donne envie d'agir pour soi, pour le bien commun.
C'est ce que je te souhaite.
Bien à toi et bonne chance avec tes initiatives !"
. D'autres encouragements témoignent d'une attente (encore?) partiellement insatisfaite.
"Rien à dire sur ta prose, m'écrit Laurent. Je partage tout à fait.
Mais quels sont les "next steps" concrets que tu proposes ?
En l'état actuel, ton message ressemble à une bouteille lancée à la mer."
"Texte remarquable s'il en est, estime pour sa part Hugues.
Bravo.
Après l'appel de Churchill qui prétendait n'avoir à offrir que "pleurs et larmes", l'appel du Grand Charles pour une "France (il aurait pu dire monde) plus libre", il yaura maintenant l'appel au grand large (pour transcender l'expression de la bouteille à la mer) de Christophe pour "un monde moins déficitaire".
Une date à marquer d'une pierre blanche que cet envoi.
Je m'associe donc pleinement autant aux félicitations qu'au regret d'un semblant manque de concret actuel.
Ce qui était la remarque que, de toutes manières en toute amitié, je m'apprêtais à te faire après avoir lu l'Appel et avant d'avoir appris avec grand plaisir le répondant enthousiaste d'un intérêt significatif mérité. Déficitairement vôtre."
. Enfin, il y a les propos plus mitigés.
Venant de Sophie par exemple, qui n'est pas convaincue sur le fond.
"Je trouve cet appel trop vague, si je puis me permettre...
Idéologique, politique, sprirituel, économique...
Tu brasses un peu toutes les utopies de beaucoup d'intellectuels.
Cfr jeudi, Libération, l'ex prix Nobel de la paix en 2006 (fondateur du micro-crédit) - N.d.l.r. Muhammad Yunus - qui fait la une avec le titre "la crise est une chance" et qui montre que tout est à réinventer à tous niveaux.
La théorie n'est pas très aboutie à mon avis, mais ton appel est super."
Et Michel de renchérir, plutôt sur la forme.
"C'est déprimant le déficit.
Pour mobiliser les gens, il faut les passionner, les faire vibrer.
Leur témoigner joie et amour, le manifester, et rendre le truc positivement contagieux...
Il faut "une grande idée" aussi - voir loin, une promesse...
Et puis, du concret, ancré dans la vie des gens.
Les mots vibrent certes... mais les gens ont besoin d'être rassurés dans leur vie de tous les jours.Il faut les inviter à créer de la valeur ajoutée humaine à ce qu'ils font eux."
Merci de ces opinions qui, comme celles que je ne reprends pas ici, semblent se recouper assez bien sur un point : vive la persévérance !
Qu'elles soient enthousiastes ou simplement constructives, toutes doivent, je crois, m'inciter à poursuivre. Dans une optique plus "visionnaire" (!) peut-être.
Avec plus d'optimisme sans doute.
Et plus concrètement certainement.
Bonne nouvelle: cet appel était justement appelé à déboucher sur une suite plus tangible.
Première étape : au cours des prochaines semaines, à intervalles plus ou moins réguliers, vous pourrez prendre connaissance sur ce blog des résultats d'une série de "cogitations".
«Post-capitalisme», «revenu de transition économique», «simplicité volontaire», «reliance», «sociologie existentielle», «université de paix», «personnalisme», «post-libéralisme», «allocation universelle», «consommation éthique», «finance responsable», «responsabilité sociale des entreprises», «économie sociale», «business social», «créativité culturelle» seront notamment abordés.
Ces réflexions permettront-elles d'enrichir le vivier des multiples projets existentiels qui, en ces temps de crise économique et existentielle, bouillonnent un peu partout ?
Tel est en tout cas l'objectif.
Il s'agira en effet de susciter au minimum l'intérêt et au mieux l'enthousiasme de tous ceux qui, parmi vous, se sentent concernés par l'un et/ou l'autre des ces multiples mouvements de pensée susceptibles, au delà des excès d'un certain individualisme et d'un certain matérialisme, d'être réunis sous la bannière d’une quête de dépassement.
Quête de dépassement "positive", si possible.
Quête de dépassement "visionnaire", autant que faire se peut.
Quête de dépassement crédible et rigoureuse en tout cas.
Qu'aucun d'entre vous n'hésite donc à me proposer sa contribution.
Un texte de Christian Arnsperger sera mis à votre disposition incessamment.
Pour la suite, ... je fais appel à l’équipe !
Et - pourquoi pas ? - aux fers de lance belges des "courants" ci-devant cités.
Dans la mesure du possible et sans aucune obligation, bien entendu.
Pour le reste, je mettrai évidemment moi-même la main à la pâte.
Qu’aucun d'entre vous n’hésite, non plus, à faire passer le(s) message(s) dans son réseau relationnel.
Qu’aucun d'entre vous n’hésite, surtout, à réagir aux documents proposés sur ce blog.
Rappelons-le: les échanges d'idées qui en découleront constitueront une première étape. Une... rampe de lancement, en quelque sorte.
Celle d'un processus qui, dans la foulée et en fonction tant de la qualité que de la quantité de vos interventions, devrait déboucher sur la mise en orbite d'autres propositions.
Mais n'anticipons pas...

Christophe Engels

Appel à projet relationnel



 Lewis Caroll
 
«Le monde appartient 
Grand Corps malade

«La sagesse, c'est d'avoir des rêves assez grands
pour ne pas les perdre de vue lorsqu'on les poursuit.»
Oscar Wilde 

«C'est la personne humaine, libre et créatrice, 
qui façonne le beau et le sublime, 
alors que les masses restent enfermées 
dans une ronde infernale 
d'imbécilité et d'abrutissement.»
Albert Einstein

«L'essentiel d'une vie
est fait de relations humaines
qu'on a su rendre constructives.»
Anonyme (renseigné par Hugues Richard)

«Heureux les fêlés! 
Ils laisseront passer la lumière.» 
(Michel Audiard) 

 

En ces temps de crise, nous sommes nombreux à considérer que le fait d’apprécier le monde dans lequel nous vivons ne doit pas nous empêcher d’en dénoncer les incontestables travers. A regretter, aussi, qu’au-delà de l’incontournable vocabulaire économique, on parle si rarement
. d’investissement… sur la personne,
. d’entrepreneur… citoyen,
. d’augmentation de capital… confiance,
. d’enrichissement… non matériel,
. de valeur… humaine ajoutée
. ou de manque à… penser.

Nombreux, donc. Et même plus nombreux que jamais. A preuve : le foisonnement des courants de pensée et modes de vie qui renvoient aux termes (de moins en moins) mystérieux
. d’«altermondialisme»,
. d’«allocation universelle»,
. de «revenu de transition économique»,
. de «simplicité volontaire»,
. de «consommation éthique»,
. de «finance responsable»,
. de «responsabilité sociale des entreprises»,
. d’«économie sociale»,
. de «business social»,
. de «post-capitalisme»,
. de «post-libéralisme»,
. de « créativité culturelle»,
. de «reliance»,
. de «sociologie existentielle»,
. de «communication non violente»,
. d’«université de paix»…
Sans compter, évidemment, l’omniprésent «développement durable».

Autant de courants de réflexion qui pourraient être bientôt rejoints par d’autres grilles d’interprétation du monde, d’origine américaine cette fois. La psychologie positive, par exemple, qui fait des relations humaines l’une des composantes majeures du bonheur[i]. Ou alors la tendance dite «socio-émotionnelle» de l’éducation aux émotions, qui nous apprend que la qualité d’une ambiance et d’une relation de confiance ne contribue pas moins que la drogue ou l’alcool à activer la sérotonine génératrice de… bonheur.

Le bonheur, encore le bonheur, toujours le bonheur. «Mais quel bonheur ?» interroge l’auteur d’un best seller d’outre-Atlantique, Eric Wilson[ii]. Qui assure que l’argent n’y contribue que partiellement et provisoirement. Et que le bien-fondé d’une quête de bonheur superficiel et absolu à l’américaine est de plus en plus contesté. Des voix, telles celles de Wilson et - avant lui - de Pascal Bruckner[iii], s’élèvent donc désormais pour préconiser l’envie active d’une vie plus féconde parce qu’incitant à l’introspection et à l’évolution personnelle.

Bien sûr, ce vivier inventif rassemble une multitude de composantes qui n’affichent pas la plus évidente des cohérences et ne font pas l’unanimité dans les milieux académiques[iv]. Mais au-delà de leurs singularités manifestes et de leurs inévitables approximations, tous ces courants pourraient être réunis sous la bannière d’une quête de dépassement : celui des excès de l’individualisme et du matérialisme.

Voilà qui rejoint très exactement les valeurs de l’humanisme de la personne, cher au président du Centre d’Action pour un Personnalisme Pluraliste (CAPP)[v] que j’ai l’honneur d’être récemment devenu.

Cet humanisme considère que la personne ne se réduit ni à un individu égocentré ni à une parcelle du collectif. Il refuse la séparation autant que la fusion. Il prône l’union entre des personnes qui conservent leurs identités spécifiques.
Non, donc, à l’indépendance du «Après moi le déluge» !
Mais non, tout autant, à la dépendance !
Celle d’une gauche dévoyée, qui tendrait soit à me déresponsabiliser radicalement par rapport à l’Etat soit à me mettre complètement à sa merci.
Ou alors celle d’une droite cynique, qui me livrerait sans le moindre garde-fou à la vindicte anarchique et impitoyable du marché.

La personne est interdépendante. Ce qui la constitue, c’est moins le moi, l’Etat ou le marché que l’authenticité d’une relation qui «nous invite à sortir de ces comportements utilitaires qui font la froideur de l’individualisme marchand.»[vi]

Cet individualisme marchand, la crise du moment contribue chaque jour davantage à élargir le cercle de ses détracteurs.

De quoi étayer la thèse de ceux qui, comme Thierry Verhelst, croient déceler dans l’air du temps les prémices d’un retournement intérieur, d’une «révolution» sans Grand Soir, d’un quadruple changement : culturel, spirituel, économique et social.

De quoi, aussi, renforcer le poids de ceux qui ont pour projet de faire la jonction entre la vague parfois un peu surfaite du «développement personnel» et l’authenticité d’une philosophie digne de ce nom[vii]. Histoire de puiser dans l’héritage de tous les philosophes, écrivains et autres hommes de culture qui, depuis deux siècles, ont réfléchi au problème de l’existence.

Pas besoin, en effet, d’être docteur en philo (et lettres) pour faire l’expérience de ce nouvel humanisme de la personne, qui veut non seulement se penser mais aussi et surtout se vivre à la fois comme un post-individualisme et comme un post-matérialisme à la puissance trois. Puissance d’approfondissement (dans l’intériorité du soi). Puissance d’élargissement (à autrui). Puissance de responsabilité «durable» (par rapport à la nature et à l’autre de demain).

Une «reliance» à soi, à l’autre et au monde [viii] qui, sans rejeter en bloc la référence au marché, entend porter résolument l’exigence d’un dépassement face au double déficit d’un individualisme primaire et d’un matérialisme excessif. Dépassement, donc, dont on pourrait avancer qu’en un sens, il contribue à rendre la personne du XXIe siècle… «visionnaire» !

«Visionnaire», tout d’abord, dans l'optique d'une société qui, au lieu de tendre à enfermer autrui dans un rôle purement utilitaire, aurait réussi à transformer cet individualisme de l’ego en un individualisme de l’enrichissement intérieur.

«Visionnaire», ensuite, dans la perspective d'une collectivité qui, en veillant à ne jamais réduire le monde à une matière objectivable et monnayable, en serait arrivée à assagir son matérialisme.

D’où cet appel, qui, espérons-le, pourra triompher des accusations de syncrétisme dont il fera immanquablement l’objet : «visionnaires» de tous ordres, rencontrons-nous !

Apprenons à nous connaître.
A nous apprécier.
A nous compléter.
A rebondir sur les incontestables atouts de l’introspection et de l’intuition pour mieux accéder à la voie encore plus féconde d’une réflexion médiatisée par l’interprétation de la pensée de l’autre.
A nous «dépayser», dixit le philosophe français Paul Ricoeur, pour enrichir nos compréhensions initiales.
A nous «désorienter» en présence d’un énoncé qui, a priori dissonant, déviant voire absurde, ne frustre en fait que provisoirement nos attentes de sens avant de déboucher sur la riposte interprétative qui permettra de nous «réorienter».

Incorporons d’autres grilles de lecture à notre propre vision du monde afin d’en augmenter la lisibilité préalable.

Transcendons la rigidité des clivages partisans, (non-)confessionnels, académiques et existentiels.

Abreuvons ensemble la personne contemporaine à des sources multiples.
Le néo-personnalisme sans doute.
Mais également la philosophie en général et les sciences humaines.
De même que les sagesses et les spiritualités, qu’elles soient laïques (c’est-à-dire soit agnostiques soit athées) ou religieuses.
L’art, la littérature et la culture aussi.
Puis la citoyenneté.
Sans compter une économie du profit comme moyen (et non comme finalité).
Et enfin cette multitude de courants de pensée et modes de vie (plus ou moins) émergents qui, par leurs complémentarités et leur puissance de renouvellement, semblent avoir tant à apporter au XXIe siècle.

«Visionnaires» de tous acabits, unissons-nous !


Christophe Engels


[i] Cfr. notamment Ben Shahar Tal, L’apprentissage du bonheur : principes, préceptes et rituels pour être heureux, Paris, Belfond, 2008.[ii] Wilson Eric G., Against happiness, In Praise of Melancholy, Sarah Crichton Books, 2008.[iii] Bruckner Pascal, L’euphorie perpétuelle, essai sur le devoir de bonheur, Grasset, Paris, 2000.[iv] Outre la «psychologie positive » ou la tendance « socio-émotionnelle» de l'éducation, d'autres voies aux arguments scientifiquement fondés trouvent depuis longtemps droit de cité chez nous dans le cadre de la «nouvelle psychologie» (Muchielli Alex, La nouvelle psychologie, PUF, Que sais-je ?, Paris, 1993) et notamment de la «psychologie humaniste, existentielle, centrée sur la personne et expérientielle». On ne saurait enfin oublier le réseau de «communication non violente» de Marshall Rosenberg.[v] Editeur de la revue Perso, le CAPP dispose également d’un site internet : www.personnalisme .org[vi] Verhelst Thierry, Des racines pour l’avenir. Cultures et spiritualités dans un monde en feu, L’Harmatan, Paris, 2008.[vii] Voir par exemple Lacroix Michel, Se réaliser. Petite philosophie de l’épanouissement personnel, Robert Laffont, coll. Réponses, Paris, 2008.
[viii] Avant d’être repris par beaucoup d’autres comme les sociologues Edgar Morin et Michel Maffesoli, ce mot séduisant a été initié par le (psycho)sociologue belge et personnaliste Marcel Bolle de Bal, professeur émérite de l’ULB .