mardi 31 décembre 2013

2014. Malgré tout, pourquoi pas...?




 



Affronter la vacuité maligne de l'indifférence.
     Lutter contre les vents mauvais
          de l'argent roi 
              et de ces modalités du tout à l'ego
                  que sont l'outrance égoïste,
                      l'alibi égocentrique
                         ou le faux-semblant égotiste.
                            Pas seulement rester en mouvement, donc.
                               Mais aussi garder le cap relationnel. 
                                  Mais aussi marcher devant.
                                     Mais aussi prendre de la hauteur.
                                       Autant de voeux dont je ne doute pas 
                                         que vous chercherez 
                                           à les réaliser mieux encore en 2014.
                                             Année au cours de laquelle 
                                               je vous souhaite de parvenir 
                                                 à dépasser le stade du «Pourquoi?»
                                                   pour mieux en arriver 
                                                     à vous demander «Pourquoi pas?».
                                                       Le tout en réussissant, si possible,
                                                        à déjouer les pièges de l'illusion
                                                         Et, le cas échéant,
                                                          à assumer ceux de la désillusion...



Quels sont les défis à relever par notre société contemporaine? 
Et comment y faire face?
Des questions qui viennent d’être posées à un panel de citoyens.
Et qui sous-tendent une enquête (1) (belge) sur laquelle il semble particulièrement bienvenu de s'appuyer à l’heure d’aborder la nouvelle année.
Une façon d’ajouter de la substance aux vœux que je vous présente pour 2014.
Chaleureusement. 

Outrances du matérialisme: 
boulevard à deux bandes

La crise n’en est pas une.
Nous sommes bel et bien en présence d’un dysfonctionnement à la fois écologique et économico-social.
A qui la faute?
. Aux milieux financiers certes dans la mesure où «des acteurs dominants maintiennent d’autres groupes dans la vulnérabilité.»
. Aux responsables politiques sans doute puisque «les richesses ne sont pas distribuées équitablement.» 
. Mais aussi à nous-mêmes.
Car «chacun veut garder ses privilèges, sans penser aux autres, alors que beaucoup se battent pour survivre.»
D’un côté, donc, une récession économique qui confine à l’impasse structurelle.
De l’autre, un étiolement de nos valeurs humaines, familiales et même religieuses.
Qui ouvre un boulevard au renforcement de la prédominance de celles portées par notre société de consommation. 
Un boulevard à deux bandes…
. A l’échelon individuel d’une part, «les gens sont obnubilés par ce qu’ils possèdent et ne s’attardent plus sur ce qu’ils sont ou ce en quoi ils ont foi.
Du fait du capitalisme, les biens matériels sont érigés au rang de valeur.»
. Au niveau collectif d’autre part, on croit pouvoir constater «l’effondrement de la solidarité, l’évolution inquiétante de la culture actuelle vers une culture de la cupidité.
Aujourd’hui, la société n’est que concurrence. (...)
Pourtant, ce n’est pas la cupidité, mais bien la prospérité qui est une condition au bonheur.
Et une société égalitaire pour tous y contribue.» 

Excès de l’individualisme: 
effet pervers 

Une société égalitaire?
Un objectif dont le principe de la sécurité sociale tend sans doute à rapprocher.
Aussi précieux soit-il, ce système n’en dévoile pas moins un effet pervers.
Au quotidien, il sert en effet d’alibi à l’indifférence égocentrique et aux agissements égoïstes.
Si bien que «de plus en plus de personnes ont l’impression qu’au final, chacun se retrouve seul face à ses problèmes.»
Car l’individualisme philosophique s’est vertigineusement altéré.
Le but, désormais, est moins d’agir par que pour soi-même.
A tel point que la responsabilité personnelle tombe souvent dans le travers d’un double dérapage.
. Celui du chacun pour soi tout d’abord.
. Celui de la tyrannie de l’excellence ensuite.
Celle-là même qui s'avère si fréquemment avoir bon dos pour justifier l'injustifiable.
Derrière les «restructurations», l'opportunisme, parfois, voire le règlement de compte.
Derrière les mesures d'austérité, une nécessité économique, peut-être, mais aussi, trop souvent, un certain état d'esprit.
Ressenti comme paternaliste.
Et accusateur...    
«Si vous êtes pauvres, c’est considéré comme si c’était votre propre faute.»
Excès?
Abus?
Outrance? 
Indubitablement.
Sans pour autant qu’on se sente en mesure de desserrer le frein.
«Je vois le manque de souplesse de l’Ouest et un certain cynisme (…): nous sommes rigides et difficiles à manier.»
Faut-il aller jusqu’à envisager de réinterpréter les acquis sociaux?
Oui.
A condition qu’il ne soit pas question de les déconstruire.
A condition, donc, de faire appel à toutes les ressources d’une indispensable créativité. 
A condition, aussi, de ne jamais perdre de vue le «besoin de repenser la société.»
Un challenge difficile s’il en est.
Car au contraire des jeunes sociétés qui ont une propension à aller de l’avant, des sociétés aussi anciennes que la nôtre ont une fâcheuse tendance à se tenir sur la défensive. 

Combattre les outrances du matérialisme: 
esprit, es-tu là ? 

A l’heure où les aspirations et désirs individuels paraissent de plus en plus avoir pris le pas sur l’intérêt public, le besoin se fait tout particulièrement sentir de porter attention à la spiritualité, fût-elle laïque, et à la recherche de sens. 
«Le défi de la société au sens large est de ne pas oublier l’humain.
Un être humain est à la fois un corps physique et spirituel.»
Il s’agit donc de combattre l’omnipotence du matérialisme et de l’individualisme.
Mais aussi de mettre à mal les prétentions à l’exclusivité du rationalisme.
Sans compter le «court-termisme»…
«Nous nous concentrons sur les plaisirs à court terme et oublions le long terme.» 
Non, donc, à l’obsession de l’immédiateté!
Non à la dictature de l’urgence!
Non aussi -on y revient- au paternalisme!
Notamment dans le secteur de l’ «assistance».
«Ce dont les gens en recherche ont besoin, c’est d’un contexte dans lequel ils peuvent douter, chercher ensemble et trouver un soutien.»
Les médias, en la matière, devraient jouer un rôle.
Ce qu’ils ne font pas.
Ou pas suffisamment.
Eux qui peuvent par exemple «véhiculer des images fausses et produire en aval du racisme et de la discrimination.»
Eux qui tendent à faire leurs choux gras des «opinions extrêmes.»
Eux qui, pense-t-on, renoncent à la mission qu’ils devraient s’assigner dans une société multiculturelle, à savoir «présenter une opposition au populisme et à l’idéologie d’extrême-droite.» 

Combattre les excès de l’individualisme: 
des valeurs à promouvoir 

L’individualisme a un prix.
Celui du déficit de connaissance.
Celui de l’absence de dialogue.
Celui de l’intolérance.
Celui, même, du malentendu. 
Il s’agit donc de proposer des solutions pour combler ces manquements.
- Première d’entre elles: un retour à la connaissance et au dialogue, comme facilitateurs de compréhension mutuelle.
«La connaissance de l’autre par des sources d’information médiatiques d’une part, et le dialogue avec l’autre en personne d’autre part, apparaissent comme différentes façons de (…) favoriser la compréhension mutuelle.» 
- Deuxième solution suggérée: un respect qui dépasse la simple tolérance.
Celui-là se distinguant de celle-ci par le fait qu’il englobe la compréhension de l’autre.
Et plus si affinités…  
«Certains  donnent une connotation encore plus active à la notion de respect en promouvant non seulement l’acceptation mais aussi la valorisation de la différence et la prise de mesures pour favoriser son expression.»
- Troisième solution: la citoyenneté, envisagée, selon les cas, comme
. «contribution positive et consciente de chacun à la société (…) non plus comme un choix, mais comme un devoir»,
. «établissement d’une relation réciproque entre la société et l’individu»,
. «contribution des individus et des communautés au bien-être général, capable de rejaillir à son tour sur le bien-être personnel»,
. «effort devant être soutenu à long terme pour en cueillir les fruits»,
. «gestion équitable de la liberté de chacun»,
. «devoir de contribuer à la société avec les talents et les idées que l’on possède.»
- Quatrième solution, enfin: la responsabilisation personnelle et collective.

Chacun pour tous, tous pour chacun

Faut-il,  au lieu de séparer, faciliter l’entente?
Oui, ici encore.
Mais d'une certaine façon...
«La plupart des répondants apprécient la promotion de "l’unité dans la différence" et, par là, (…) une tolérance davantage active.»   
Reste que la volonté de dialogue et de collaboration n’est pas nécessairement motivée en premier lieu par une simple aspiration à se connaître pour mieux se comprendre et mieux vivre ensemble.
Elle peut émaner plutôt «d’une préoccupation partagée (…) de pouvoir intervenir plus efficacement dans ces évolutions jugées inquiétantes.»
Une motivation qui n’est pas à l’abri d’un danger.
Celui de la récupération purement individualiste.
Dont il convient de se prémunir.
Par exemple en promouvant «l’esprit critique dans l’éducation, afin d’être à même d’interpréter les discours démagogiques.»
 

Deux mille quatorze fois plutôt qu'une... (2)

Christophe Engels

(1) Face2faith, Convictions et croyances face aux défis sociétaux. Une campagne d’écoute en Belgique, 2013, http://www.face2faith.eu/PDF/F2F_campagne_ecoute_FR.pdf. Tous les extraits repris dans ce message sont tirés des pages 118 à 140 (Chapitre 3. La perception des défis sociétaux) et 141 à 168 (Chapitre 4. Comment relever les défis sociétaux: suggestions et idéaux des répondants).  
(2) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute): la suite d'une série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de voie émergents.









«Il y a là la peinture des oiseaux, l'envergure, 
      qui luttent contre le vent.
Il y a là les bordures, les distances, ton allure, 
      quand tu marches juste devant.
Il y a là les fissures, fermées les serrures, 
      comme envolés les cerfs-volants.
Il y a là la littérature, le manque d'élan, 
      l'inertie, le mouvement. 

      Parfois on regarde les choses telles qu'elles sont
            en se demandant "pourquoi?"...
      Parfois on les regarde telles qu'elles pourraient être
            en se disant "pourquoi pas?"...

           Il y a là là là, si l'on prenait le temps, 
                si l'on prenait le temps.
           Il y a là la littérature, le manque d'élan, 
                l'inertie, le mouvement.

                Parfois on regarde les choses telles qu'elles sont
                      en se demandant "pourquoi?"...
                Parfois on les regarde telles qu'elles pourraient être
                      en se disant "pourquoi pas?"...

                    Il y a là les mystères, le silence ou la mer 
                          qui luttent contre le temps.
                    Il y a là les bordures, les distances, ton allure, 
                          quand tu marches juste devant.
                    Il y a là les murmures, un soupir, l'aventure, 
                          comme envolés les cerfs-volants.
                    Il y a là la littérature, le manque d'élan, 
                          l'inertie, le mouvement.

                        Parfois on regarde les choses telles qu'elles sont
                              en se demandant "pourquoi?"...
                        Parfois on les regarde, telles qu'elles pourraient être, 
                              en se disant "pourquoi pas?"...

                            Parfois on regarde les choses telles qu'elles sont
                                  en se demandant "pourquoi?"...
                            Parfois on les regarde telles qu'elles pourraient être

                                  en se disant "pourquoi pas?»... (1)                                 

(1) Paradis Vanessa (interprète) et Roussel Gaëtan (auteur), Il y a, Barclay, 2009.


samedi 28 décembre 2013

Courants de pensée et modes de vie émergents (4). L'exemple confus des indignés



Positivement tirés à quatre épingles, 
les mouvements sociaux ?
Non.
Plutôt confus.
Hétérogènes et disparates même.
Réactifs aussi.
Ainsi qu'indéfinis, dans leur intensité et dans leur objet.
Illustration par l'exemple.
Celui des indignés... 

Les indignés se sentent prisonniers d'un système. 
D'où l'absence d'un horizon digne de ce nom. 
L'impression d’un «no future». 
Et l'expression d’un courroux. 
Un «ras-le-bol» donc. 
Dont la double caractéristique renvoie, d'une part, à la confusion et, d'autre part, à l'hétérogénéité...

On demande colonne vertébrale...

Indignation, oui. 
Mais indignation globale. 
Qui porte sur... un peu tout! 
Et qui s'appuie sur une posture de refus généralisé et d'accusation tous azimuts.
«L’indignation et la colère de ces contestataires sont tournées contre le “système” dans son ensemble, écrit le quotidien allemand Die Zeit à propos des indignados.
. Contre les politiques et contre les partis,
. contre les syndicats, qui défendent leurs acquis et dont les chômeurs, surtout les jeunes privés d’avenir, estiment qu’ils ne les représentent pas,
. contre les banques et leur influence sur la politique,
. contre les hypothèques toujours plus énormes et qui contribuent à assombrir les perspectives,
. contre la précarité de l’emploi,
. contre la pression salariale sur les moins qualifiés,
. contre la catastrophe de l’enseignement espagnol,
. contre le gouffre qui se creuse entre les riches et les pauvres
. et, motif essentiel, contre la corruption, notoire à tous les niveaux de l’administration.
Ceux qui se rassemblent sur les places publiques dans tout le pays ont un ennemi commun: la démocratie des partis et la classe politique qui l’incarne. 
Dans les sondages, cette dernière arrive en troisième position, derrière le chômage et l’économie, avant l’immigration et le terrorisme, sur la liste des plus grandes inquiétudes des citoyens. (...)
Tous méprisent les politiques: ils ne se soucieraient, selon eux, que de la lutte pour le pouvoir – une fin en soi qui ne s’appuie sur aucun projet.»(1) 
Dans la ligne de mire des indignés, donc, une multitude de cibles allant de la démocratie au capitalisme en passant par le politique («toutes formes de gouvernement», «les institutions que nous n'aurons pas créées nous-mêmes»...), le système parlementaire («irréversiblement malade»), le marché, «les puissances qui détruisent la Terre, les communautés qui restent et les droits sociaux»...  (2)(3)(4)

(A suivre)

Christophe Engels


(1)  Perger Werner, Un signal pour toute l'Europe démocratique, in Die Zeit du 26/05/2011.
(2) Les passages entre guillemets de ce paragraphe sont extraits de divers textes indignés. Voir www.fr-fr.facebook.com/indignezvous.be et http://fr-fr.facebook.com/indignezvous.be.
(3) Ce message est extrait de l'analyse Une journée d'Ivan... l'indigné. L'épisode bruxellois: projet ou utopie?, n°2011/07, 2011, Analyses et études Siréas, pp.13-14.  Avec l'aimable autorisation de Mauro Sbolgi, éditeur responsable de la parution originale.
(4) Pour suivre:  outre les voeux de Projet relationnel, d'autres messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de vie émergents.