samedi 10 juillet 2010

Alternative économique. L’appel du large.

En marge des secteurs
privé et public,
un «tiers secteur» économique
rassemble
toutes les organisations alternatives
qui entendent répondre
à un intérêt mutuel ou général.
L’appel du large, donc.

Voire du grand large…


Si le «tiers secteur» peut se définir en creux via les différences qu’il affiche par rapport aux domaines privé et public (1), il peut aussi s’appréhender en positif.
Sous cet angle, il rassemble à la fois des entités économiques qui poursuivent l'intérêt de leurs membres et d’autres qui offrent des services à une collectivité (encore) plus large.
Les premières sont des organisations d'intérêt mutuel, que l'on retrouve comme élément fondateur de la conception francophone du troisième secteur.
Les secondes sont des organisations d'intérêt général, qui constituent le noyau dur du tiers-secteur nord-américain.

Pas seulement l’économie sociale…

Si l’économie sociale trouve bel et bien sa place dans le tiers secteur, elle ne se confond pas pour autant avec lui. Car elle n’en est pas l’unique composante. Elle (2) recouvre en effet les associations (associations de fait, associations sans but lucratif, fondations ou mutualités) et les sociétés (qu’elles soient coopératives ou à finalité sociale) (3). Or ces catégories d’organisation ne suffisent pas à cerner toute la réalité du tiers secteur. Sans même revenir sur le cas spécifique du business social qui a déjà été abordé dans ces colonnes (4), on pense en particulier à trois notions qui ne se fondent pas dans ce double moule: le secteur non-profit, le domaine non-marchand et l’entreprise sociale.

Non-profit : associations only !

Intraduisible en français mais souvent rapproché des concepts associatif et sans but lucratif, le secteur non-profit rassemble les entités qui répondent aux cinq critères suivants (5):
. ce sont des organisations, c'est-à-dire qu'elles ont une existence institutionnelle;
. elles ne distribuent pas de profits à leurs membres ou à leurs administrateurs;
. elles sont privées, séparées institutionnellement de l'Etat;
. elles sont indépendantes dans la mesure où elles ont leurs propres règles et instances de décision;
. enfin, elles font l’objet d’une libre adhésion et sont capables de mobiliser des ressources volontaires sous la forme de dons ou de bénévolat.
L’approche non-profit partage donc de nombreux points communs avec le concept d'économie sociale. Comme lui, elle est issue du courant du tiers secteur. Et comme lui, elle se positionne à la fois en dehors du secteur privé capitaliste et à l’extérieur du secteur public.
Toutefois, les deux notions ne se confondent pas.
«Il subsiste en effet une différence, explique l'économiste Sybille Mertens, directrice de recherches au Centre d'économie sociale de l'Université de Liège. En insistant sur la contrainte de non-distribution et sur l'indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics, le concept de secteur non profit exclut de sa compréhension du troisième secteur les sociétés de type coopératif qui redistribuent généralement une part de leurs excédents à leurs membres et les mutuelles lorsque, comme c'est le cas en Belgique, la plus grosse partie de leurs activités s'inscrit dans le cadre d'un régime national obligatoire de sécurité sociale contrôlé par l'Etat. Le secteur nonprofit, tel que défini dans le projet John Hopkins (6), se confond donc avec la composante associative de l'économie sociale.» (7)

Non-marchand : «plus de public, moins de marchand !» (8)

«Le secteur non marchand rassemble les organisations animées d’une finalité non capitaliste et qui cherchent à valoriser leur production autrement que par la vente à un prix couvrant le coût de production», explique Sybille Mertens (9).
Il se distingue de l'économie sociale sur deux plans.
. Tout d'abord, il intègre des organisations de la sphère publique.
. Ensuite, il exclut les entités appartenant à l'économie sociale qui produisent des biens et services individuels et dont les ressources proviennent quasi-exclusivement de la vente sur le marché.

Entreprises sociales : fibre sociale et goût du risque.

Les entreprises sociales sont des organisations qui, d’une part, accordent beaucoup d'importance à la préservation de leur autonomie et, d’autre part, prennent des risques économiques dans la conduite de leurs activités.
Elles se caractérisent de trois manières:
. elles naissent à l'initiative de groupes de citoyens;
. elles poursuivent explicitement un objectif de service à la collectivité;
. elles mettent des limites à l'intérêt matériel de leurs investisseurs. (10)
«Leur nature "sociale" apparaît à trois niveaux, explique Sybille Mertens.
. Premièrement, elles poursuivent une finalité sociale et socialisent – au moins en partie – les surplus issus de la production (en développant les activités ou en les affectant à d'autres personnes que celles qui contrôlent et dirigent l'organisation).
. Deuxièmement, elles mobilisent – même très partiellement – des ressources non marchandes (subsides, dons, cotisations, bénévolat) afin de poursuivre leur finalité sociale.
. Enfin, elles peuvent être caractérisées par une dynamique participative: leurs membres participent activement à la gestion et au contrôle de l'organisation. Cette participation se fait sur une base démocratique car le pouvoir de chacun n'est pas lié proportionnellement à ses apports en capital.
» (11)(12)

Christophe Engels

(1) Voir le précédent message de ce blog: «Alternative économique. C'est trop injuste...»
(2) Dans son acception belge francophone en tout cas.
(3) Pour plus de détails, voir «Business social. Business as unusual.», prochainement sur ce blog.
(4) Voir, en particulier, le 43e message de ce blog : «Economie sociale. Valeur humaine ajoutée».
(5) Selon Salamon, L.M. et Anheier, H.K., United States in Salamon, L.M. et Anheier, H.K. (eds) Defining the Nonprofit Sector, a Cross-national Analysis, The Johns Hopkins Sector Series, Baltimore, pp. 280-319; repris par Mertens Sybille, Définir l'économie sociale, Les cahiers de la Chaire Cera, Volume 2, p.23.
(6) Pour plus de détails, voir Mertens Sybille, Définir l'économie sociale, Les cahiers de la Chaire Cera, Volume 2, pp.23-24.
(7) Mertens Sybille, ibidem, pp. 23-24.
(8) Cette sous-section s’inspire de l'approche développée dans Marée, M., Mertens, S. [2002], Contours et statistiques du non-marchand en Belgique, Centre d'Economie Sociale, Presses universitaires de Liège et reprise dans Mertens Sybille, ibidem, p.24-25.
(9) Mertens Sybille, ibidem, p.25.
(10) D’après Defourny, J. et Nyssens, M., repris par Mertens Sybille, ibidem, p.26.
(11) Mertens Sybille, ibidem, pp.26-27.
(12) Pour suivre :
. Economie sociale. Rencontre du troisième type.
.
Economie sociale. Business as unusual.
. Economie sociale. Du social au sociétal.
. ...

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