lundi 30 janvier 2017

Les nouveaux électeurs du F.N. soumis à la tentation Je vous salue Marine, pleine de France...






A quoi ressemblent donc 
ces citoyens 
qui choisissent 
de délaisser 
les partis traditionnels?
Quelles sont 
leurs motivations?
Où vont leurs espérances?
Autant de questions
incontournables.
Posées par le Français 
Olivier Toscer
dans son excellent documentaire,
A voir absolument 
par les temps 
qui courrent.

















 


«Pour moi, déposer dans l'urne un bulletin du Front National a relevé du vrai cas de conscience.
Mais je ne voyais pas d'autre issue.
»

Erick, chirurgien esthétique de son état, a franchi le pas en 2012.
Il n'en pouvait plus d'attendre qu'un homme politique réponde enfin à ses espoirs.
Ceux portant sur le redressement d'une France dont il estime qu'elle n'en finit pas de prendre eau de toute part.
«Pour moi, le coup de grâce, ça a été Nicolas Sarkozy.
J'y ai vraiment cru.
Je me suis dit...
"
Voilà!

Cette personne-là me semble taillée pour le rôle.
Pour bousculer les choses.
Pour avancer.
Pour aller vers la France du XXIe siècle."

Mais quand il est arrivé au pouvoir, on n'a rien vu venir.
Tout juste s'est-il passé deux ou trois petites choses en début de quinquennat, qui n'ont d'ailleurs pas mené bien loin.
Et puis, pschiiit!
C'était fini!
On est retombé dans le roulement habituel. 

Ce n'était pas pour ça que j'avais voté pour lui, personnellement...» 
Erick ne s'est jamais vraiment remis de cette ultime désillusion.
De cette politique de l'autruche mâtinée de pensée positive.
«Je suis énervé d'avoir à constater que personne ne nous parle franchement.
Personne ne reconnaît jamais que la France se porte mal.
Aucun dirigeant.

Le seul qui s'y soit risqué, c'est Monsieur Fillon, à un moment donné, quand il a déclaré qu'en tant que Premier ministre, il était à la tête d'un Etat en situation de faillite.
Voilà, c'est le seul.
Avant que tout le monde ne s'empresse de lui taper dessus.
On l'a donc rapidement étouffé.
Et la parenthèse s'est aussitôt refermée.
»


Le karcher, on l'attend toujours!

Isolé, ce témoignage?
Loin de là.
«Il correspond assez fortement à ce que nous avons pu constater, nous aussi, dans un certain nombre d'entretiens que nous avons eu l'occasion de mener ces dernières années auprès de différents publics, confirme le sondeur Jérôme Fourquet.
Je vais le résumer d'une formule, que je reprends de la bouche même de plusieurs électeurs...
"
Il nous avait promis le karcher.
On a eu le pistolet
à eau."»
Sarko a donc déçu.

Hollande aussi. 
Avec l'affaire Cahuzac en guise de très amère cerise sur le gâteau.
Un ministre du Budget qui a nié.
Qui a persisté.
Qui s'est offusqué. 
Avant de s'incliner face à l'évidence...
Oui, il avait bien menti!

Oui, il avait bien ouvert un compte à l'étranger!
Oui, il avait bien fraudé le fisc! 
«Et ce sont ces mêmes gens de gauche qui nous disent qu'ils sont les gentils et que ceux du F.N. sont les méchants, s'étrangle Edel le rappeur. 
Moi, je n'exclus plus de voter pour Marine Le Pen en 2017!
Histoire de faire barrage au P.S.!
D'autant plus que le F.N. au pouvoir, c'est ce qui permettra le changement.
Avec ce parti, ça va bouger.
Ca va bouger!

Il y a des choses qui vont bouger!!
Forcé!!!
Obligé!!!!
Et puis, je pense que si on veut retrouver une gauche fidèle à ses valeurs, il faut que ses représentants se mangent une bonne baffe...
»


Derrière l'identité française, l'auberge espagnole

Du côté des gars de la Marine, on n'en demandait pas tant. 
Car on capitalise sur le ressentiment.
Quitte à faire feu de tous bois.
«Le Front National, c'est une vaste auberge espagnole, avance l'historien Nicolas Lebourg.
Les gens n'ont plus le rapport à la politique qui existait durant la société industrielle.
En ce temps-là, la politique ne se concevait que par blocs monolitiques.
Vous étiez gauliste, vous aviez une vision du monde, il y avait un programme.
Vous étiez communiste, vous aviez une vision du monde, il y avait un programme...
Un bloc, deux blocs, trois blocs...
Aujourd'hui, on fait son marché.
Oui, on fait son marché et on prend ce qu'on veut.
Et l'extrême droite est tout à fait à la pointe de ce phénomène.
»
 
«L'ouvrier déclassé du bassin minier du Pas de Calais n'a rien à voir avec -je caricature- le retraité relativement aisé de Fréjus, reprend Jérôme Fourquet.  
Ce qui fait tenir ensemble tout ce petit monde, ce ne sont pas les intérêts de classe
C'est le regard qui est porté sur la France.

C'est la menace qui est perçue en provenance des phénomènes migratoires.
C'est la dénonciation d'un certain nombre d'élites mondialisées.
»


Passe ton chemin, étranger...

L'essentiel, c'est, en quelque sorte, de faire front face à l'ennemi.
A commencer par celui venu de l'étranger.
«L'immigré a peut-être quand-même une part de responsabilité dans le fait qu'il ne veut pas vraiment s'adapter à un certain nombre de choses, considère Laurent, ce fonctionnaire qui a vu couler beaucoup d'eau sous les ponts depuis l'époque où il militait chez... S.O.S. Racisme.
Ceci dit, je ne me considère pas du tout comme raciste, hein!
On dit souvent qu'au
Front National, on est des racistes.
Ce n'est pas ça du tout!
»

L'idée de racisme, il est vrai, a bien évolué. 
 «Il a changé d'habit, explicite la politologue Nonna Mayer.
Ce qui ne veut pas dire qu'on n'a pas peur de l'autre et qu'on ne le rejette pas. 
Simplement, on va le présenter non plus comme inférieur mais comme différent. 
Comme trop différent.
Et le résultat concret est le même.
Peut-être le propos est-il moins insultant.
Mais on en reste au rejet sur la base de valeurs qui ne seraient pas partagées.»

Populiste, toi-même!

Il n'empêche.
La diabolisation systématique du Front National n'opère plus sur ses électeurs.
La preuve par la réaction de ceux-ci quand on les confronte aux mises en garde proférées par un Manuel Vals ou par un Nicolas Sarkozy.
«Vals veut faire peur, ironise l'un.
Mais c'est lui qui fait peur.
C'est lui qui va apporter la guerre civile en France.» 
«C'est quasiment une insulte, s'énerve l'autre.
Presque indécent!
» 

«Quand j'écoute Sarko, j'ai l'impression d'entendre un comédien, s'amuse un troisième.
Ou plutôt un clown!» 
«Je pense qu'il est très mal placé pour nous donner des leçons de morale», s'emporte un quatrième.
«Il essaie de défendre son beefsteak, assène une cinquième.
Mais lui, il a fait quoi?
»


Soeur France, ne vois-tu rien venir?

Reste un constat.
Plus souvent qu'à son tour, l'électeur du Front National le devient en désepoir de cause.
Par dépit.
Par déception.
Par colère.
Ainsi, Valérie, la restauratrice calaisienne... 
«Moi, Marine Lepen, c'est par défaut!»
Et d'assurer qu'elle pourrait se rabattre sur Jean-Luc Mélenchon. 
Là où un autre n'est pas très loin de se laisser tenter par Emmanuel Macron.
Et un autre encore par François Fillon.
De quoi, peut-être, s'interroger sur l'imminence du danger. 
Certes, la «fille indigne» de Jean-Marie a d'ores et déjà réussi à capitaliser sur le désarroi de ces innombrables Français qui ont perdu tous leurs repères.
Mais le jou
r venu, seront-ils prêts à basculer dans l'inconnu? 

La question, à ce stade, reste posée.
Comme elle le restait avant l'accession à la présidence de Donald Trump...



(1) Toscer Olivier, La tentation FN. Les électeurs de Marine Le Pen, Antipode et France Télévision, Paris, 2016.



jeudi 26 janvier 2017

Rejoignons notre envoyé spécial à la Maison Blanche, Donald Trump...






























Réprimander les médias
et monter le public
contre eux.
Limiter l'accès à ceux-ci.
Les menacer.
Et les court-circuiter 
afin de s'adresser  
directement au public.
Pour l'Américain 
Robert Reich (photo du dessus),
pas de doute... 
Donald Trump a recours 
à ces quatre méthodes.
Bien connues des historiens 
pour servir aux tyrans 
et aux démagogues 
dans leur combat 
contre l'indépendance 
et la liberté de la presse... 



«La presse figurera sans doute 
parmi les premières victimes du trumpisme. 
Aucune loi n’exige 
de l’administration présidentielle 
qu’elle diffuse des communiqués quotidiens 
ou garantisse l’accès des médias à la Maison-Blanche. 
Beaucoup de journalistes 
pourraient bientôt se trouver confrontés 
au dilemme que connaissent bien 
ceux et celles d’entre nous 
qui ont travaillé sous des régimes autocratiques: 
rentrer dans le rang ou rester à la porte, 
aucune solution n’étant meilleure que l’autre 
(même s’il existe une réponse 
qui est meilleure que l’autre), 
car le journalisme est un métier difficile, 
voire impossible, 
sans accès à l’information. 
La presse d’investigation 
va voir son pouvoir s’étioler. 
Le monde va entrer dans une période trouble.» 
(Masha Gessen, 



«Dans l'Histoire, les tyrans ont eu recours à un assortiment de quatre techniques pour contrôler les médias.
D'ores et déjà, Donald Trump utilise la totalité de ce pannel...

1. Réprimander les médias et monter le public contre eux.

Trump assène que les journalistes sont "malhonnêtes" ou "dégoûtants" quand il ne les qualifie pas de "rebuts".
Et lorsqu'il est pris en flagrand délit de mensonge, il retourne l'accusation sur les médias.
Il les accuse de "ne faire rire personne", pointe du doigt leur supposée "partialité" et les qualifie de "pathétiques".

2. Limiter l'accès aux médias.

Il refuse de voyager avec les journalistes et même de leur communiquer certaines informations.

3. Menacer les médias.

Il menace de traduire en justice pour diffamation un New York Times pointé du doigt pour avoir consacré un article au cas de deux femmes qui accusent notre homme de leur avoir fait subir des attouchements inappropriés durant des années.
Et suite à un autre article portant sur sa déclaration de revenus pour 1995, il parle de réviser la loi sur la diffamation de façon à ce que des articles "intentionnellement négatifs", "horribles" et "faux" puissent faire l'objet d'une plainte en justice et ainsi permettre au plaignant "de gagner beaucoup d'argent".

4. Court-circuiter les médias et s'adresser directement au public.

Trump tweete des vidéos controversées et diffuse largement tout ce qui renforcera sa capacité de mentir directement à son public en toute impunité. 
De la sorte, il court-circuite les médias mondiaux.
Ceux-là mêmes qui jouent un rôle d'intermédiaire entre les puissances publiques et le public.
Et qui, ce faisant, tendent à responsabiliser les puissances publiques en corrigeant leurs manquements, en leur posant les bonnes questions, en rapportant sans complaisance leurs agissements et en creusant derrière les apparences. 
Trump cherche à éliminer ces intermédiaires.


Réprimander les médias et monter le public contre eux?
Limiter l'accès à ceux-ci?
Les menacer?
Les court-circuiter pour s'adresser directement au public? 
Dans une perspective historique, ces quatre techniques sont bien connues pour avoir été utilisées par les démagogues afin de rogner l'indépendance et la liberté de la presse.
Donald Trump semble en train d'emprunter exactement le même chemin.»



Robert Reich



(1) Robert B. Reich enseigne la Politique publique à l'Université de Californie (Berkeley). Il est aussi Senior Fellow au Blum Center for Developing Economies. Il a par ailleurs occupé le poste de Secrétaire au Travail sous l'administration Clinton.






mardi 24 janvier 2017

Ma maison, cette gueule de requin






















Qui quitterait sa maison 

si elle n'était devenue gueule de requin?
Qui pousserait ses enfants sur un bateau
si l'eau n'était plus sûre que la terre ferme?
Personne ne veut ramper sous un grillage.
Personne ne veut être battu.
Personne ne veut être pris en pitié.
Hurle tout en chuchotements Warsan Shire.
Somalienne d'origine.
Poétesse par vocation.
Immigrée par la force des choses.



















«Personne ne quitte sa maison
à moins que sa maison ne soit devenue gueule de requin.
Tu ne cours vers la frontière
que lorsque toute la ville court également.
Avec tes voisins qui courent plus vite que toi. 
Le garçon avec qui tu es allée à l'école, 
qui t'a embrassée, éblouie, 
une fois derrière la vieille usine, 
porte une arme plus grande que son corps. 
Tu pars de chez toi 
quand ta maison ne te permet plus de rester. 
Tu ne quittes pas ta maison si ta maison ne te chasse pas. 
Du feu sous tes pieds. 
Du sang chaud dans ton ventre. 
C'est quelque chose que tu n'aurais jamais pensé faire.
Jusqu'à ce que la lame soit sur ton cou. 
Et même alors, tu portes encore l'hymne national dans ta voix 
quand tu déchires ton passeport dans les toilettes d'un aéroport 
en sanglotant à chaque bouchée de papier. 
Pour bien comprendre que tu ne reviendras jamais en arrière, 
il faut que tu comprennes 
que personne ne pousse ses enfants sur un bateau 
à moins que l'eau ne soit plus sûre que la terre-ferme. 
Personne ne se brûle le bout des doigts 
sous des trains, 
entre des wagons. 
Personne ne passe des jours et des nuits dans l'estomac d'un camion 
en se nourrissant de papier-joumal 
à moins que les kilomètres parcourus 
soient plus qu'un voyage. 
Personne ne rampe sous un grillage. 
Personne ne veut être battu, 
pris en pitié. 
Personne ne choisit les camps de réfugiés 
ou la prison 
si ce n'est parce que la prison est plus sûre 
qu'une ville en feu 
et qu'un maton 
dans la nuit 
vaut mieux que toute une cargaison 
d'hommes qui ressemblent à ton père. 
Personne ne vivrait ça. 
Personne ne le supporterait. 
Personne n'a la peau assez tannée. 
Rentrez chez vous, 
les noirs 
les réfugiés, 
les sales immigrés, 
les demandeurs d'asile. 
Qui sucent le sang de notre pays. 
Ils sentent "bizarre". 
Sauvage. 
Ils ont fait n'importe quoi chez eux 
et maintenant, 
ils veulent faire pareil ici. 
Comment les mots, 
les sales regards 
peuvent-ils te glisser sur le dos? 
Peut-être parce que leur souffle est plus doux 
qu'un membre arraché. 
Ou parce que ces mots sont plus tendres 
que quatorze hommes 
entre tes jambes. 
Ou que ces insultes sont plus faciles 
à digérer 
qu'un os 
de ton corps d'enfant 
en miettes. 
Je veux rentrer chez moi. 
Mais ma maison est comme la gueule d'un requin. 
Ma maison, c'est le baril d'un pistolet. 
Et personne ne quitte sa maison.
A moins que ta maison ne te chasse vers le rivage. 
A moins que ta maison ne dise 
à tes jambes de courir plus vite. 
De laisser tes habits derrière toi. 
De ramper à travers le désert. 
De traverser les océans. 
Noyé. 
Sauvé. 
Avoir faim. 
Mendier. 
Oublier sa fierté. 
Ta survie est plus importante. 
Personne ne quitte sa maison, 
jusqu'à ce que ta maison soit cette petite voix dans ton oreille, 
qui te dit: 
"Pars!
Pars d'ici tout de suite!
Je ne sais pas ce que je suis devenue. 
Mais je sais que n'importe où, 
ce sera plus sûr qu'ici.»





(1) Traduction libre de Shire Warsan, Home, The Salt Book of Younger Poets, Salt, 2011.


mardi 17 janvier 2017

Renaissants, mutants, convivialistes, tisserands... Nom, nom et nom!
















«Mutants», 
«Convivialistes», 
«Tisserands», 
«Emergents»...
Autant de vocables 
pour nommer 
les dissidents 
de cette société 
outrancièrement  
-Qui a dit «trumpeusement»?- 
narcissique 
et excessivement
matérialiste 
qui est la nôtre.
Une multiplicité révélatrice 
de l'intensité des efforts 
qui restent à consentir 
par ceux que 
l'intéressante enquête 
«Noir, Jaune, Blues» 
qualifie désormais 
de «Renaissants».



C'est le sociologue Benoît Scheuer qui nous a (re)mis la puce à l'oreille.
Dans une récente radioscopie des Belges francophones (1), il ne se contente pas d'avancer, comme bien d'autres avant lui, qu'il serait désormais plus pertinent de dépasser la traditionnelle distinction gauche/droite. 
L'homme va plus loin en proposant et en appliquant une solution de rechange.
A savoir l'adoption d'une nouvelle grille d'analyse, construite autour de deux axes...
Coté vertical: un binôme système/antisystème.
Et côté horizontal: une dichotomie ouverture/fermeture (par rapport aux métissages culturels, religieux et politiques). 
Apparaît alors un tableau sur lequel on peut situer quatre grandes familles d'individus, chacune d'elles incarnant une vision du monde particulière...
. La première, celle des «Ambivalents» (en l'occurrence, 24% de la population), se caractérise par des opinions peu tranchées qui la situent au centre de l'échiquier (2).
. La deuxième, celle des «Traditionalistes» (25%), ne remet pas en cause un système auquel elle reste attachée mais penche pour une forme de repli (3)
. La troisième, celle des «Abandonnés» (26%), tend à se distancier de la précédente par sa tendance à rejeter le système tout en s'en rapprochant par sa propension à privilégier la fermeture (4).
. Reste un quatrième groupe (25%) qui, pour marquer son désaccord avec le système, n'en appelle pas moins, lui, à l'ouverture: ce sont les «Renaissants».

Bienvenue au club!

On remarquera, dans ce schéma, que le positionnement qui consisterait à se montrer favorable à la fois au système et à l'ouverture... n'attire tout simplement personne! 
On observera également que la seule et unique catégorie qui se prononce résolument pour l'ouverture, c'est la dernière. 
Soit celle qui nous intéresse tout particulièrement.
Car les Renaissants ressemblent fort à  ce que, dans ces colonnes, nous avons eu l'occasion de désigner à plusieurs reprises comme des «créa... cteurs de changement».

Enchanté! Moi, c'est Renaissant... 

Ainsi, les Renaissants seraient à la fois «antisystème» et ouverts. 
«Antisystème», donc, car méfiants envers des institutions de plus en plus délégitimées, et conscients d'avoir à composer avec l'écheveau des dominations exercées sur le monde par les pouvoirs politiques, économiques et financiers. 
Ouverts, aussi, puisqu'habités, entre autres, par la conviction que l'immigration est source d'enrichissement personnel.
Ce qui, au-delà de cette problématique particulière, témoigne d'un état d'esprit globalement inclusif.
D'autres diront: «reliant» (Marcel Bolle de Bal, Edgar Morin...).
Ou «symbiotique» (Abdennour Bidar...).
Voire «tisseur de liens» féconds car créatifs et épanouissants pour toutes les parties prenantes (le même Bidar, notamment) .

Le changement, c'est Renaissant!

Exit la facticité de la récréation?
Place à la fertilité de la recréation?
Vivre, serait-ce créer et entretenir des relations fructueuses?  
Le Renaissant, en tout cas, le pense.
Lui qui se refuse à la fermeture.
Et aussi à la fatalité. 
Car, rapporte Scheuer, ce profil est porteur de «l'idée que l'on n'est pas condamné à subir et qu'on peut changer les choses, qu'on peut avoir une capacité d'agir», même si cette influence s'avère bien souvent «limitée au niveau local».
Le Renaissant, alors, serait-il révolutionnaire?
Non plus. 
Ou s'il l'est, c'est -comme dirait le journaliste, homme de presse et essayiste français Jean-François Kahn- dans l'acception copernicienne du terme. 
Au sens où il s'agirait de réorganiser notre perception du système à partir d'une nouvelle centralité (5)
Et -ajouterons-nous- de faire changer les trajectoires mentales en misant sur la force d'attraction de quelques défricheurs, pionniers ou autres «guerriers mystiques». 
Ceux-là mêmes qui entendent s'extraire du sempiternel «métro-boulot-dodo»
Et qui veulent (re)trouver du sens. 
Comment?
En agissant pour faire bouger les choses.
En s'impliquant pour faire changer le monde.
En contribuant à faire évoluer les mentalités.

Mais attention!
Pas à n'importe quel prix... 
Non! 
En douceur.
Sans coup d'éclat.
Et sans compter sur des politiciens considérés comme inaptes à se hisser à la hauteur des enjeux.
Le changement, du coup, ne peut venir que des citoyens. 

Qui plus est, autant que possible, activistes plutôt que militants (6)
Histoire de ne pas opposer les gens. 

Discrétion assurée


Avec les Renaissants, nous touchons au coeur de ce 
Projet relationnel.
A savoir les porteurs de courants de pensée et mode de vie émergents.
Et plus précisément, au sein de cet 
assortiment un peu hétéroclite, ceux qui en constituent le noyau dur et que nous avons dénommés «Mutants».
«Renaissants»«Emergents», «Mutants», «Convivialistes»«Tisse-rands» (7)... ?
Qu'importe, en un sens, la terminologie.
Encore que l'occasion soit bonne pour regretter que tous ces dissidents d'une société appréhendée comme outrancièrement matérialiste et excessivement narcissique -des Créatifs culturels aux «insomniaques» de Nuit debout en passant par les Simplicitaires, les Indignés et tous ceux, innombrables, qui ont vocation à être placés sous la loupe de ce blog- ne parviennent pas à se mettre d'accord sur un vocable fédérateur.
Une lacune révélatrice de l'intensité des efforts qui restent à consentir...
«A partir de leur colonne vertébrale de valeurs, les Renaissants sont capables de résister à tous les discours populistes identitaires, mais la structure qui leur permettrait de refonder la société n'a toujours pas émergé, précise Scheuer.
Il faut tenter de faire éclore ce nouvel acteur en montrant comment il fonctionne en termes de valeurs et de projets.»
En attendant, on retrouve chez ces Renaissants des caractéristiques que connaissent bien ceux qui se sont intéressés au phénomène des Créatifs culturels.
«Pour le moment, ils sont sous les radars et attentistes.
Ils sont plutôt dans le repli sur leur communauté mais développent des valeurs bien différentes du rejet ou de la haine...
Et si les médias parlent peu d'eux, ces derniers ne s'en plaignent pas: ils ne cherchent pas le pouvoir.»
Discrétion assurée?
Oui.
Et peut-être même un peu trop...
Nom de nom!


Christophe Engels



(1) Cette enquête, qui a sondé 4.700 Belges francophones sur de grands thèmes actuels, avait été commandée par la fondation Ceci n'est pas une crise avant d'être réalisée par l'institut de sondage Survey and Action, puis relayée par la Radio Télévision Belge Francophone ainsi que par le quotidien de référence Le Soir: Scheuer Benoît, Noir Jaune Blues, Louvain-la-Neuve, 2017. 
(2) Très représentés chez les jeunes de moins de 35 ans, les «ambivalents» revendiquent une approche toute en nuances. Les opinions tranchées, très peu pour ceux qui, d'un autre côté, ne parviennent pas toujours à déjouer les pièges de la contradiction. Autre caractéristique de ce groupe: la dynamique de ses membres peut les porter à basculer à tout moment vers une autre famille. En contexte d'attentats à répétition ou de crise économique par exemples.      
(3) Parfois catholiques pratiquants, souvent défenseurs de la civilisation occidentale chrétienne, les «traditionalistes» sont ancrés dans le système par un patrimoine économique relativement ou franchement confortable. Conséquences: un intérêt marqué pour la défense de la culture et des principes de nos sociétés contre les dangers de l'islamisation, assorti d'une relative indifférence aux problèmes susceptibles d'être posés par les excès de la globalisation ou par l'accroissement des inégalités sociales.     
(4) De plus en plus présents à mesure que l'on descend dans l'échelle sociale, les «abandonnés» sont également de plus en plus nombreux globalement. Se sentant dépossédés de tout, laissés pour compte de l'Etat providence et en manque de reconnaissance sociale, ils s'inscrivent résolument dans le clan de ceux qui ont l'impression d'être aussi oubliés par les élites économiques, politiques ou financières que sacrifiés sur les autels de l'immigration, de l'islamisation et de la globalisation. Avec, à la clé, une demande de préférence nationale, de rétablissement des frontières et de... pouvoir fort. De là, une perméabilité à ces idéologies populistes qui promettent de les prendre en charge tout en leur fournissant une lecture simpliste de la société.   
(5) Cfr. Kahn Jean-François, Réflexion sur mon échec (Entretiens avec Françoise Siri), éditions de l'Aube, Paris, 2016, p.78.
(6) C'est en tout cas que nous entendons et lisons à gauche et à droite, quelques années après l'avoir écrit ici-même.
(7) On reviendra prochainement, dans ces colonnes, sur l'approche proposée par Abdennour Bidar.