jeudi 17 novembre 2011

Occupy Wall Street. Bon sens ne peut-il pas mentir ?












La spontanéité
et la bonne volonté
peuvent-elles suffire
face à Wall Street... ?
Suffire à combler les déficits d'imagination actuels ?
Suffire à produire les idées qui permettront
de sortir de l'impasse du moment ?
Suffire à créer le monde de demain ?
Certainement pas, répond Gilbert Boss
(1)...

«Une image d'Épinal de la révolution nous présente le peuple descendu dans les rues pour prendre le pouvoir, doué subitement d'une intelligence extraordinaire, capable des plus grandes et pertinentes inventions, grâce à l'élan spontané de la révolte.
En réalité, l'expérience n'a jamais rien montré de tel.»

Spontanéité bien préparée

«Les révolutions qui ont réussi, au moins pour un temps, comme la révolution française ou la révolution soviétique, étaient préparées par une évolution antérieure des idées, ainsi qu'encadrées par des meneurs et des chefs qui n'en étaient pas dépourvus et qui n'avaient pas besoin d'attendre l'élan spontané des foules pour savoir en quelle direction se lancer.
Qui a travaillé les idées sait bien qu'elles ne naissent pas à l'improviste du simple échauffement des esprits, mais qu'elles requièrent une attention et un traitement long et minutieux à l'écart de l'agitation et de l'urgence immédiate.
La multitude peut se laisser séduire par des idées relativement nouvelles lorsque la situation exige évidemment le changement.
Mais il faut que ces idées soient déjà élaborées et non seulement présentes, mais déjà un peu ambiantes, dans des minorités au moins, qui puissent y être sensibles et les répercuter.
Bref, l'indignation seule reste insuffisante.
Car si les indignés actuels sont largement réduits à clamer leur indignation, c'est surtout parce que les idées qui pourraient susciter des revendications précises et conduire à une modification effective du système actuel, manquent.»

Critique... et autocritique

«Que reste-t-il à faire, après avoir cumulé indignation sur indignation?
Il faut trouver le moyen de faire travailler ce capital d'indignation, non plus pour produire seulement encore plus d'indignation, ce qui ne servirait qu'à faire étouffer les indignés trop indignés, mais pour produire autre chose d'apte à faire évoluer concrètement la situation.
Il faut les inventer, certes, mais d'abord retrouver toutes celles qui restent enfouies sous les discours vides des traîtres, politiciens, journalistes et intellectuels.
Et qui peut s'y mettre?
Tout le monde sans doute, dans une certaine mesure.
Mais les idées ne se trouvent pas comme les champignons, comme on aimerait le croire ou le faire croire.
Et d'ailleurs certaines peuvent être aussi dangereuses que ceux-ci.
Il est bon que chacun cherche à penser davantage par lui-même, à exercer autant que possible ses capacités critiques face à tous les discours trompeurs qui prévalent partout.
Il est bon que, autant que possible, il envisage tout avec cet œil critique, ses propres attitudes y compris.»

Ce travail, difficile entre tous...

«Mais, aussi souhaitable soit-il que cette capacité se répande très largement, on aurait tort de croire que les idées soient des réalités inoffensives, aptes à être apprivoisées facilement, révélant au premier coup d'œil leur structure.
Il faut de l'exercice pour les saisir, pour les analyser, pour les évaluer, pour les modifier, pour former de nouveaux concepts.
Si l'indignation ne débouche pas sur ce travail, difficile entre tous, elle aura été vaine, quelle que soit la durée de l'occupation de Wall Street pour la manifester.» (2)3)(4)

Gilbert Boss

(1) Professeur de philosophie à l'Université Laval, Gilbert Boss est également Président de la Société Philosophique de Québec et codirecteur des Éditions du Grand Midi.
(2) Hors titre, chapeau et intertitres qui sont de la rédaction, ce message est extrait de Boss Gilbert, Pourquoi occuper Wall Street?, 2011, disponible sur www.gboss.ca.
(3) Sur les Indignés, voir aussi Engels Christophe, Une journée d'Yvan... l'indigné. L'épisode bruxellois: projet ou utopie?, étude dirigée, supervisée et mise en page par le Siréas (Service International de Recherche, d'Education et d'Action Sociale, à Bruxelles), octobre 2011.
(4) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés

. à l’Approche Centrée sur la Personne (d'après Carl Rogers, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à l'empathie (avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme (par Vincent Triest,...)....

2 commentaires:

  1. L'indignation ne vaut pas idées à elle seule mais elle est probablement l'un des creusets utiles à leur fermentation. S'y jouent des prises de conscience et de par la médiatisation à laquelle elle donne lieu, elle fait passer un courant dans la société qui est susceptible d'en faire bouger les lignes. Ca crée de la dynamique collective qui impacte nécessairement la sphère des idées ...

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  2. Merci, Pascal, pour cette remarquable intervention, qui me semble insister fort opportunément sur le "côté jardin" des Indignés et à laquelle je ne peux que souscrire.

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