mercredi 31 juillet 2013

Pauvreté. Qui veut gagner de la considération ?


s’observe, 
c’est vrai.
Elle se discute, 
bien sûr.
Elle se pense, 
certes.
Mais auparavant,  
elle s'écoute.
Et surtout, 
elle se vit.
De l’intérieur…









«Il y a 
une chose 
plus triste 
à perdre 
que la vie,
c'est 
la raison 
de vivre;
plus triste 
que de perdre 
ses biens,
c'est 
de perdre 
son espérance.»
(Paul Claudel)



La pauvreté, chacun a sa manière d’en parler.
L’homme de science académique rappellera qu’il a été convenu au niveau international d’un indicateur qui ramène le risque de pauvreté au fait de ne pas disposer d’un revenu équivalent à 60% de la moyenne de la population.
Le médecin, lui, renverra au stress qu’il définira comme une montée d’adrénaline et de cortisol, cette hormone qui contribue à augmenter la pulsion cardiaque, à accumuler le glucose et à dérégler le corps, et ce non pas pendant les deux ou trois minutes prévues par Dame Nature, mais durant tout ou longue partie de la vie.
Le sociologue, de son côté, confirmera que la «problématique» en question condamne à une mort plus rapide, mentionnera une différence d’espérance de vie avoisinant les dix ans entre citadins selon qu’ils aient fréquenté les bas ou les beaux quartiers, puis embrayera sur les lacunes qui, côté cour, hypothèquent le bon fonctionnement de nos sociétés: moins de qualité de vie pour plus de problèmes sociaux, de malades, de criminalité ou de conflits.
Le psychologue?
Il évoquera les conséquences de l’isolement, de l’anxiété et du mépris: perte de confiance en soi, estime de soi dans les talons…
Quant au politicien, il aura recours à une belle tirade sur l’absolue nécessité de combattre un fléau dont les coûts sont beaucoup plus lourds que ceux qu’on pourrait investir pour le combattre.

Vu de l'intérieur

Autant de considérations avérées, certes, mais extrêmement fragmentaires.
Car elles n’appréhendent pas la pauvreté sous cet angle existentiel qui, loin de se construire sur le socle de l’ «objectivable», déborde largement sur le subjectif.
Sur le vécu.
Sur le ressenti.

Le ressenti?
Oui.
Celui, d’abord, exprimé par les intéressés eux-mêmes dès lors que se présente l’oreille attentive d’une personne de confiance.
Celui, aussi, décrit par les bénévoles et les travailleurs sociaux.
Qui ont fréquenté leurs «ouailles».
Qui ont échangé avec elles.
Qui, surtout, les ont écoutées.
Histoire de se nourrir d’une  indispensable et authentique expérience de terrain.
La pauvreté, alors, accède à une toute autre réalité.
Infiniment plus complexe.
S’agit-il de ne pas avoir assez mangé?
D’avoir, encore et toujours, à lutter contre la faim… sans, pour autant, que, dans le même temps,  les autres problèmes ne soient jamais mis en veilleuse?
Oui, trop souvent.
Mais pas seulement…
«Je ne lis plus, confiera l’un de ces accidentés de l’existence.  
Pas plus que je n’écris. 
J’en suis devenu incapable.
Je suis trop déprimé.»
«Je refuse qu’on m’enferme dans ma situation du moment, se rebiffera l’autre.  
Certains disent: "Regarde! Il est en dépression. Il n’est plus capable de rien faire"
Non, non! 
Quelquefois, tu as besoin d’un petit coup de main pour pouvoir passer le cap!»
«Le moment de prendre contact avec un centre d'aide sociale est vraiment difficile à franchir, se souviendra un troisième
On a l’impression d’être tombé tout en bas de l’échelle. 
D’avoir touché le fond.»
Et un quatrième de pointer ce qui relève à ses yeux de la circonstance aggravante:
«Quand tu fréquentes un service social, tu sens au plus profond de tes tripes que le temps qui t'est consacré reste toujours réduit à la portion congrue.
C'est terrible!

Et d'ailleurs, je crois que beaucoup de travailleurs sociaux en souffrent eux-mêmes.»
«C’est un peu humiliant, ajoutera sobrement un cinquième
D’autant que l’espoir finit par s’étioler.  
Au début, tu te dis que tu finiras bien par t’en sortir. 
Et puis, tu constates que plus tu avances en âge, moins on veut t’engager. 
Et un moment vient où tu en arrives à penser qu’il ne sert décidément plus à rien de chercher. 
Alors, tu abdiques. 
A moins que tu ne te rabattes sur le bénévolat. 
Pour aider. 
Pour reprendre confiance en toi. 
Pour rencontrer des gens.»

«Et toi, qu’en penses-tu ?»

Comment, dans ces conditions, ne pas comprendre qu’une connaissance de la pauvreté ne peut sérieusement se concevoir sans être élaborée avec les personnes directement concernées?
Sous peine de déboucher sur une «réalité» tronquée et incomplète.
Et de devenir source de violence. (1)

(A suivre)

Christophe Engels

(1) Suite à quelques difficultés personnelles, l'animateur de ce blog a pris la liberté de postposer la publication des messages (Front National de Marine Le Pen, Mouvement Cinq Etoiles de Beppe Grillo....) qui auraient dû suivre ceux déjà parus sur le populisme. Avec toutes mes excuses.  




Sécuriser les précaires 

Dans chacun de nos pays, chaque mois, des dizaines de milliers d’hommes et de femmes arrivent en fin de droit et basculent dans une très grande précarité. 
Vu la gravité de la crise et le peu d’espoir d’un retour rapide au plein-emploi, il est urgent de prolonger l’indemnisation des chômeurs et d’améliorer leur accompagnement et leur accès à la formation. 
Pour éviter que le chômage ne soit synonyme de précarité, de pauvreté ou de déqualification, il faut regarder ce qui se fait au Danemark en matière de sécurité et d’accompagnement des salariés au chômage. 
La plupart des salariés qui perdent leur emploi peuvent conserver 90% de leur revenu pendant quatre ans, dès lors qu’ils sont bien en recherche d’emploi ou en formation. 
Prolonger l’indemnisation des salarié(e)s au chômage, c’est une des premières mesures qu’a prises Roosevelt en 1933. 
C’est aussi une des premières mesures prises par Churchill quand il devient Premier Ministre. C’est une mesure de bon sens, qui peut, en France, être adoptée en quelques jours (2)
Les salariés sont plus de 90 % des actifs mais il est évident qu’il faut aussi améliorer l’indemnisation des artisans ou des patrons de PME qui font faillite et se retrouvent parfois dans des difficultés plus grandes encore que les salariés sans emploi. 
Au-delà de cette mesure d’urgence, un débat doit s’engager sur l’unification et la simplification de l’ensemble des dispositifs de couverture sociale (3) dans la perspective de créer un véritable bouclier social. 

(1) La version belge de cette proposition sera proposée en encadré du prochain message.
(2) Le plan de rigueur annoncé fin août 2011 par François Fillon était définitivement adopté le 8 septembre suivant. Le Sénat a "voté conforme" le texte adopté la veille par l’Assemblée nationale. Pourquoi faut-il des années pour faire voter certaines réformes de Justice sociale alors qu’un Plan de rigueur peut être voté en quelques jours? 
(3) Voir en particulier la proposition d’Allocation Universelle du Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise qui regroupe plus de 4.000 chefs d’entreprises. Pour lutter contre l’extrême pauvreté, le CJD propose une allocation de 400 euros par mois pour les adultes (200 pour les mineurs) versés sans aucune condition, de la naissance à la mort, et financée par un prélèvement progressif sur l’ensemble des revenus.