mardi 16 septembre 2014

Immigration. Des souvenirs... interdits de séjour


«Rejeté.»
Si la sanction 
tant redoutée
frappe 
un si grand nombre 
de demandeurs d'asile,
c'est souvent au motif 
que les persécutions alléguées
seraient «improbables», 
voire «falsifiées».
Le constat, impitoyable, 
n'est pourtant 
pas toujours avéré.
En cause, notamment:
un phénomène psychique
qui fait le cauchemar 
des réfugiés...
et les affaires 
des comptables 
de l'immigration!


Nous sommes en 2003.
Anna, une Rwandaise de 23 ans, consulte dans le cadre de la réouverture de son dossier à l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA).
Mais sa mémoire lui joue des tours...

Des trous dans la tête

«C'est horrible, confie la jeune rescapée de l'effroyable boucherie qui, depuis 1994, hante la mémoire collective du Pays des Mille Collines.
J'ai comme des trous dans la tête.
J'ai oublié plein de choses.» (1)
Des souvenirs lui manquent.
D'autres ne s'agencent pas entre eux.
Certains, même, semblent contredits par les faits.
Autant de dysfonctionnements qui empêchent le développement d'un récit construit. 
«L'accès à certains événements était psychiquement oblitéré et Anna ne parvenait pas à les penser, explique la psychologue et psychanalyste française Elise Pestre (2).
Ce devoir de vérité requis par les administrations suscitait chez elle un intense effort de rassemblement mémoriel alors que justement la défaillance de la mémoire avait opéré son travail de protection à l'égard du psychisme attaqué par l'expérience traumatique.
Et là se situait bien le coeur de la problématique rencontrée par nombre de demandeurs d'asile: comment se remémorer les éléments "immémorables" dans l'urgence d'un impératif qui exige une véridicité absolue?
L'emprise traumatique, en verrouillant l'accès à certaines scènes, ne rend-t-elle pas forcément lacunaire, fragmentée, loin de l'exhaustivité et finalement vouée à l'échec la mise en récit requise par les autorités décisionnelles?» (3)
Après un choc de ce type, en effet, certains effacements sont parfois nécessaires pour survivre. 
Du coup, des souvenirs se font à la fois inorganisés et intolérables.
Les voici donc... «interdits de séjour», selon la jolie expression du regretté philosophe français Paul Ricoeur.

Cette mémoire qui me persécute...

Circonstance aggravante: ces déficiences alternent fréquemment avec des... «excès mnésiques» ou «hypermnésies».
Le sujet, alors, se «sursouvient » de certains moments de sa vie.
Au point de se sentir persécuté par sa mémoire. 
«Le réfugié est envahi psychiquement par ce passé, confirme Pestre.
Un passé irreprésentable qui ne laisse plus d'espace à sa mémoire immédiate ni à d'autres types de pensée.» (4)

Souvenirs tronqués et chimères trompeuses

Autre symptôme de ce contexte traumatique: une chronologie des événements fragilisée, sinon altérée.
«Je n'arrive pas à oublier le passé, laisse échapper Anna.
Mais je n'arrive pas à en parler non plus.» (5)
Et la mémoire de se voir modifiée avec le temps.
Car d'une part, certaines données s'évaporent.
Et d'autre part, les nouvelles informations engrangées a posteriori le sont de façon très spécifique... 
«La trace traumatique (...) devient un élément résolument "attracteur" pour les traces connexes qui rappellent l'événement vécu en raison du caractère imprévisible et violent qu'il a généré.» (6)
D'où le phénomène de faux souvenirs  évoqué par ce spécialiste de la «résilience» (7) qu'est Boris Cyrulnik (8).
Qui fait aussi référence à ce qu'il appelle des «chimères».
Soit des «monstres qui organisent notre mémoire et qui, à l’instar des chimères de la mythologie, sont des compositions imaginaires dont tous les éléments sont vrais.» (9)
«Pour nous tous, la représentation de soi est chimérique, explicite le Toulonnais.
Nous composons des chimères, des arrangements de vrais souvenirs, pour en faire une représentation dans notre théâtre intime.
Le film que nous projetons dans notre monde psychique est l’aboutissement de notre histoire et de nos relations.
Quand nous sommes heureux, nous allons chercher dans notre mémoire quelques fragments de vérité que nous assemblons pour donner cohérence au bien-être que nous ressentons, alors qu’en cas de malheur, ce sont d’autres morceaux de vérité qui donneront cohérence à notre souffrance.» (9)
De là la difficulté rencontrée par nombre de réfugiés quand il s'agit de témoigner factuellement de leur passé.
Pas vrai, Anna...? (10)

(A suivre)

Christophe Engels


(1) Pestre Elise, La vie psychique des réfugiés, Payot et Rivages, coll. Petite bibliothèque Payot, Paris, 2010-2014, p.16.
(2) Elise Pestre est maîtresse de conférences à l'Université Paris-Diderot et chercheure au centre de recherches Psychanalyse, Médecine et Société 
(3) Pestre Elise, ibidem, pp.19-20.
(4) Pestre Elise, ibidem, p.85. 
(5) Pestre Elise, ibidem, pp.86-87. 
(6) Pestre Elise, ibidem, pp.87-88. 
(7) Tiré d'un terme utilisé en physique pour parler de la capacité d'un matériau à retrouver son état initial après avoir été soumis à un impact, la notion de résilience a été récupérée par la psychologie pour désigner un phénomène qui consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l'événement traumatique pour prendre ses distances avec la dépression et se reconstruire. 
(8) Né en 1937, Boris Cyrulnik est neurologue, psychiatre, éthologue et psychanalyste. Responsable d'un groupe de recherche en éthologie clinique à l'hôpital de Toulon et professeur d'éthologie humaine à l'Université du Sud-Toulon-Var, il est surtout connu pour avoir développé le concept de «résilience», soit le processus qui permet de renaître d'une grande souffrance. 
(9) Cyrulnik Boris, Boris Cyrulnik raconte pour réparer les blessures de la mémoire, L'Orient littéraire, n°97, 2014-07 (propos recueillis par Georgia Makhlouf), http://www.lorientlitteraire.com/article_details.php?cid=6&nid=4057
(10) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute): 
. la suite d'une série de messages consacrés à l'immigration,
. des analyses sur la social-démocratie et l'écologie politique (après le libéralisme ainsi que l'humanisme démocratique qui, pour rappel, ont d'ores et déjà été abordés). 

 

6 commentaires:

  1. Nous voyons se multiplier sur cette toile des échanges et beaucoup de sites de conseils , de réflexions, de prise de positions, de réseaux et tout cela reste de plus en plus virtuel et figé .
    Cette multiplication entretenue par bon nombres de sites marchands (qui rapportent gros comme facebook.. entre ami-e-s ? ) donne l' illusion fortement trompeuse d'une prise de conscience de nos contemporains à travers des initiatives d' entraides marginales au local alors que nous vivons dans une société de consommation dont la gouvernance éloigne de plus en plus les "gens de peu " des points et des lieux de débats (salles payantes, interdiction de certains lieux publics , places, marchés ...)
    Nous assistons tous les jours à la multiplications d'initiatives sur la toile (monnaies locales complémentaires, revenu inconditionnel d'existence , création d'emploi dans la récupération du trop fabriqué...) par ailleurs se développe une forme d'écologie d'une écologie inquiète avant tout de ne plus avoir de quoi s'éclairer et qui s'intéresse de moins en moins à notre environnement et à la préservation de la souveraineté alimentaire pour les générations futures : c'est bien dans nos pays riches que nous aurons FAIM après avoir gaspillé nos véritables richesses faute d'avoir su réfléchir à comment bien vivre ensemble la où nous avons les pieds posés.
    Nos travaux de recherche depuis 10 ans nous encouragent à vous proposer d'établir un "lien" direct dans vos villages, villes et quartiers (ceci en toutes indépendance) en initiant des Universités du Pas de Côté.
    OPDLM / MRIE
    universite_du_pas_de_cote@orange.fr

    PS Nous recherchons pour organiser les premières rencontres du pas de coté du 17au 25 juin 2015 , village , ville qui voudrait bien avec votre aide nous accuellir .

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  2. Belgique


    L’été fut meurtrier, l’automne naissant ne vaut pas mieux, partout la violence - guerrière, économique, symbolique - l’emporte sur le dialogue et la négociation. Lourde planète et tentation de désespérance car en bien des lieux, les conflits actuels surgissent et se nourrissent de revendications culturelles.

    Culture et Démocratie ? Oui plus que jamais !

    Pour affirmer, sans idéalisme candide, que l’expérience et l’action culturelles conçues dans l’ouverture, la curiosité et l’invention peuvent faire bouger les lignes, ici et ailleurs. Pour infléchir les mouvements de repli et pour forcer la dynamique démocratique.

    Nous clôturerons l’année de notre vingtième anniversaire le 28 novembre prochain par une journée intitulée « Culture et démocratie, questionner les évidences ».

    Bloquez cette date et venez nombreux !

    Sabine de Ville, présidente de Culture et Démocratie
    http://www.cultureetdemocratie.be/lettre/view/74

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  3. Belgique


    Au sommaire: « Les vacances autrement »


    Pour son premier numéro de la rentrée, Alors, on change ! a suivi 4 acteurs de changement pendant leurs vacances…


    Vous pensez déjà à vos prochaines vacances ? Alors On Change ! va vous inspirer !

    Cet été nos équipes (Canal C, TV Lux, No Télé et la RTBF) sont sorties des sentiers battus grâce à 4 belles rencontres.


    Pour Frédéric, découvrir le monde, c’est sur 2 roues ou rien ! Il en est tellement convaincu qu’après avoir emmené ses amis aux 4 coins d’Europe, c’est sa fille de 5 ans, Clémentine, qu’il a initiée, cet été, aux joies des vacances à vélo.

    C’est au Guatemala que Mélissa, 23 ans, a choisi de passer son été. Encadrée par l’ONG d’éducation au développement Quinoa, elle est allée vivre au sein des communautés locales et soutenir leur projet d’émancipation.

    C’est dans son domaine Saint Roch à Couvin que Philippe accueille des vacanciers pas comme les autres En échange du gite et du couvert, il les met à contribution et les initie à la gestion durable qu’il fait de son patrimoine. C’est ce qu’on appelle le woofing.

    Jean-François est architecte de formation mais s’est découvert une passion pour une forme de voyage centré sur les relations humaines. Et c’est ce qu’il propose à ses clients de partager, à travers le monde et …en Belgique quand ils frappent à la porte d’Emotion Planet, son agence de voyage.


    Retrouvez Alors, on change ! sur La Deux le samedi 20/9 à 18h55’ mais aussi sur votre télé locale (No Télé, Télé MB, Canal Zoom, Canal C, TV Lux et Télé Vesdre)


    www.rtbf.be/alorsonchange
    alorsonchange@rtbf.be
    0(032)2 / 737 46 01

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  4. Belgium


    Occupy Brussels StreamTeam on Livestream.


    - A retrospective of the indignados/indignés/occupy movement in Belgium. The idea of this channel of is to showcase and go back in time and archive all actions, assemblies, activities from the social movement in Belgium.

    -The cities covered are Antwerp,Gent, Liège, Namur, Bruxelles, Charleroi, Mechelen, Leuven for now because we where not able to find content or memories from what hapened in other belgian cities since the 15th of October 2011 till today.

    - Another part of the channel is to cover past actions from social movements in Belgium, mainly actions against the closed centers, climate camps, no border camp, field liberation movement, undocumented people actions and struggles.

    - There is also a Documentary folder with documentaries about nuclear, food, permaculture, finance, debt, fukushima etc...

    - Documentaries on the Occupy Movement, Documentaries on the 15M movement and much more. If you have any contribution to send feel free to use the Suggest button on the menu and it will copied back to the TV channel.

    Missing translation of this text in Nederlands and French.
    Occupy BXL Media's insight:

    http://www.livestream.com/occupybe


    More information about grassroots struggles in Belgium, Europe & Worldwide http://www.indignez-vous.be

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  5. Roosevelt.Be appelle à participer aux marches contre le dérèglement climatique.

    Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, Ban Ki-moon, a invité les dirigeants mondiaux – représentants des gouvernements, du monde de la finance, des entreprises et de la société civile – au Sommet sur le climat qui se tiendra le 23 septembre prochain à New-York, pour donner un nouvel élan à la lutte contre les changements climatiques. Il leur a demandé d’y annoncer des mesures audacieuses visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à mobiliser les volontés politiques en vue de parvenir à un accord significatif à Paris en 2015.

    A nous, citoyens responsables, de faire entendre aux dirigeants politiques notre exigence d’actions urgentes, pour que l’humanité ait une chance de survie sur notre planète.
    En effet, d’une part toutes les études scientifiques récentes montrent que le dérèglement climatique est plus rapide et a des conséquences plus graves qu’annoncées, il y a 5 ou 10 ans. L’augmentation du nombre et de l’intensité des événements climatiques extrêmes telles les multiples inondations près de chez nous, les sécheresses catastrophiques en Californie, les tornades, etc.. le prouvent.

    D’autre part, les intérêts à court terme défendus notamment par les puissants lobbys pétroliers ont jusqu’à présent empêchés les gouvernements d’agir efficacement. Ces lobbys financent les climato-sceptiques qui sèment le doute sur l’urgence de la situation.

    Pour mettre une pression massive sur les dirigeants politiques à agir pour mettre le monde à l’abri des ravages du changement climatique, des centaines de milliers de personnes dans le monde entier prendront possession des rues juste quelques jours avant la réunion.

    2081 marches sont déjà organisées de par le monde les 20 et 21 Septembre. (...)

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  6. Face aux restrictions budgétaires, le monde associatif se réunit pour une journée d’échanges et de mobilisation


    D’ici 2017, les restrictions budgétaires et la réforme territoriale se traduiront, pour les associations, par une perte de financements publics cumulée de 29 milliards d'euros. Ces coupes claires menacent plus de 265 000 emplois et constituent une destruction sans précédent du tissu associatif.

    Cette remise en cause du modèle social et de la démocratie est inacceptable.

    Le 9 septembre 2014, 40 réseaux nationaux se sont rassemblés pour analyser la situation et décider des actions à mener ensemble. Ils appellent, avec le Collectif des associations citoyennes(CAC), à participer à une rencontre afin de tracer l’avenir des associations :

    « Les associations face à leur avenir »

    Comment agir pour que les associations citoyennes puissent pleinement développer leur rôle au service de la société face à la remise en cause de notre modèle social qui s’accélère ?



    Cette journée aura lieu :

    vendredi 3 octobre 2014 de 9h30 à 17h00

    à l’AGECA : 177 Rue de Charonne - 75011 Paris (plan d’accès)

    participation : 10 euros (déjeuner inclus)à régler sur place



    A titre d'information voici les 1ers réseaux nationaux qui participent à la démarche : ACEPP (association des collectifs enfants, parents, professionnels) ; Appel des Appels ; Arc en Ciel Théâtre réseau national ; ATTAC ; CAC (collectif des associations citoyennes) ; CIDEFE (centre de formation des élus progressistes et républicains) ; CNLAPS (comité national de liaison des associations de préventions spécialisées) ; CNLRQ (comité national de liaison des régies de quartier) ; CRID (centre de recherche et d'info pour le développt) ; DAL (droit au logement) ; Fédération des Centres sociaux de Paris ; FEDELIMA (fédération des musiques actuelles) ; Fédération Initiatives des Femmes Africaines France et d'Europe ; Fondation Copernic ; Fondation Sciences citoyennes ; France Terre d'Asile ; FRAAP (fédération des réseaux et associations d'artistes plasticiens) ; ICEM - pédagogie Freinet ; La Vie Nouvelle ; Le Refuge association nationale ; MNCP (mouvement national des chômeurs et précaires) ; MRAP (mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) ; MRJC (mouvement rural de la jeunesse chrétienne) ; MRES (maison régionale de l'environnement et des solidarités, Lille) ; OPALE (accompagnement des asso culturelles) ; Peuple et Culture ; RECIT (réseau des écoles citoyennes) UFISC (union fédérative des structures culturelles) ; UNADEL (Union national des acteurs et des structures de développement local) ...


    Contact :
    Isabelle Boyer
    contact@associations-citoyennes.net
    Tél. : 0(033)7 70 98 78 56



    Collectif des associations citoyennes 108 rue Saint-Maur - 75011 Paris

    www.associations-citoyennes.net facebook.com/collectif.associations.citoyennes

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