mercredi 14 septembre 2016

Nuit debout. Divergence des luttes?







































C'était en 2011.
Projet relationnel se penchait
sur les cas des Indignés.
Et mettait le doigt
sur plusieurs difficultés,
dans le fond et dans la forme.
Indignation aussi confuse
qu'hétérogène et disparate.
Engagement trop réactif
et trop peu défini,
tant dans son intensité
que dans son objet.
Pour faire bref,
la nébuleuse s'agrégeait 

davantage dans le rejet que dans le projet.
Et péchait, du coup, par manque de colonne vertébrale.
Cinq ans plus tard,
Nuit debout
allait-il tirer les leçons
de ce (relatif)
constat d'échec?
A lire Gazette debout (1),
il semble bien que non...




«Après bientôt six mois à observer le phénomène Nuit Debout et ses satellites, certaines problématiques majeures ressortent clairement. 
Où faut-il aller? 
Comment les décisions sont-elles prises? 
On retrouve aussi un sujet récurrent: celui des multiples désaccords qui s’expriment au sein des discussions et qui tournent parfois au déchirement. 
Les affrontements peuvent prendre le dessus et donnent de malheureux résultats. 
Il y a des irréconciliables à Nuit Debout, les débats n’y sont que plus passionnés.

Ces sujets de désaccords sont nombreux. 
Certains restent persuadés que ces mésententes sont uniquement politiques, mais il existe aussi des querelles de pouvoir, des affaires personnelles et des préjugés naturels qui alimentent certains conflits. 
Il faut aussi parler des lourdes responsabilités de celles et ceux qui prennent position, des responsabilités qui les amènent à l’épuisement, ou à l’explosion.

Il y a d’abord un courant anarchiste à Nuit Debout qui trouve tout le plaisir d’exprimer sa liberté d’expression, sa liberté d’inventer un nouveau modèle et sa liberté de désobéir dans la dignité. 
Il faut que notre monde ait pris bien des restrictions pour que quelques amoureux de la liberté soient contraints à se réunir sur les places publiques pour retrouver un souffle. 
Les anarchistes sont les premiers à avoir compris les mécanismes politiques et humains à Nuit Debout, et cela dès les premiers mois.

On trouve ensuite un courant humaniste, dont je fais partie, qui affirme sa volonté de «laisser faire le mouvement social» dans le sens de l’acceptation des revendications des uns et des autres, dans la continuité d’une philosophie ancrée dans le réel. 
Lorsque des milliers de citoyens se réunissent sur les places publiques pour s’entendre, c’est qu’il y a bien un problème à identifier. 
On croise de nombreux intellectuels à Nuit Debout qui comprennent la force du mouvement à élever la conscience générale, celle qui libère des fausses certitudes et des soumissions. 
Ce mouvement de construction de la pensée politique est nécessaire à notre quotidien. 
C’est en Nuit Debout qu’est apparu un nouveau sens de la liberté, un savoir tout particulier qui amène chacune et chacun à l’émancipation.

S’est également attaché à Nuit debout un mouvement «patriote», qui ressent dans cette impulsion des perspectives pour la France contraires à celles de la tyrannie et des programmes autoritaires.
Aujourd’hui la démocratie est asphyxiée, les patriotes ont vu un intérêt général à la réoxygéner. 
Un tabou s’est imposé au fil des mois sur la dimension nationale du mouvement, avec une certaine hantise du drapeau français et de l’héritage républicain; c’est ce qui a rendu une part non méprisable des participantes et des participants silencieux. 
En s’ouvrant, on constate que la dimension locale est fréquemment mise de côté au profit d’une ambition plus large. 
Ce courant démocrate reste assez ancré dans le mouvement, avec l’idée qu’il y aurait en Nuit debout l’avenir du pays dans ce qu’il a de plus constructif.

Nuit Debout est très majoritairement traversée par un discours anticapitaliste, mais celui-ci reste très mesuré, presque effacé. 
Un vrai mouvement anticapitaliste amène des décisions majeures, et une remise en question de l’exhibition capitaliste. 
On pourrait envisager un véritable combat contre l’exaltation du capitalisme tant celle-ci entrave les libertés. 
Ceux qui ne prêtent pas allégeance au culte populaire du capital deviennent immédiatement les ennemis de la nation. 
Dans une époque où la laïcité contraint à pratiquer ses cultes chez soi, les utopies capitalistes ne devraient pas être répandues en lieu public; Nuit Debout reste cependant très discrète sur ce terrain-là, se positionnant plus aisément contre le gouvernement en place ou pour des réformes du code du travail.

Il existe enfin une autre tendance, celle des participantes et participants qui ne croient absolument pas en la capacité de Nuit Debout à proposer un nouveau modèle de société. 
Il y a celles et ceux qui considèrent que Nuit Debout est un simple terrain de jeu
Ce sont des individus qui n’adhèrent pas au message politique, mais ils ont trouvé dans ce mouvement ce qu’ils n’ont pas trouvé ailleurs: un lieu commun où s’intégrer enfin. 
Ils n’ont pas conscience des enjeux, ils les ignorent, mais savent qu’ils trouveront là ce dont ils ont besoin pour vivre. 
Leur présence est sincère, c’est le désir de participer à ce qu’il se passe aujourd’hui.

Récemment, des propositions ont été faites pour dépasser les désaccords. 
Nous ne pourrons pas échapper aux questions les plus préoccupantes. 
À la Nuit debout de Paris, une Commission médiation s’est créée mercredi dernier, le 7 septembre, afin d’anticiper les conflits. 
D’autres ont proposé de créer un organe décisionnaire qui oblige chacune et chacun à accepter un consensus. 
Tout bouge, rien n’est immobile. 
Les débats reprennent à Nuit Debout, et nous ne sommes pas sûrs de ce qui en ressortira demain.» (2)


Alan Tréard 
pour la Gazette debout (1)


(1) Gazette debout est le journal indépendant de Nuit debout.
(2) Le message ci-dessus est repris intégralement de Tréard Alan, Confrontations à Nuit debout, in Gazette debout, 13 septembre 2016. 




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