vendredi 22 juillet 2011

Libéralisme. Rawls, l’équilibriste.

Le voile d’ignorance
et la position originelle (1)
ne constituent que des composantes
de la démarche éthique
proposée par John Rawls.
Car si la première
de ces deux notions
est un instrument
au service de la deuxième (1),
cette dernière…
fait à son tour office de moyen!
Une nouvelle étape, donc,
vers une fin bien déterminée
qui relève d'une conception
de l’éthique bien définie.
Celle de «l’équilibre réfléchi»…

Les raisonnements sous voile d’ignorance et l'idée de position originelle avancés par John Rawls (2) prétendent-ils fournir aux principes de justice un fondement rationnel absolu?
Non, assure Philippe Van Parijs (3): «Ils servent simplement à nous guider dans le choix des principes susceptibles de nous faire atteindre notre équilibre réfléchi.» (4)

Top modèle

«Equilibre réfléchi».
Tel est le nom dont l’auteur de «Théorie de la justice» affuble la méthode rationnelle qu’il suggère d’utiliser pour établir de manière fiable certains principes.
Le philosophe, en effet, se propose de prendre la connaissance scientifique comme modèle d’objectivité pour l’éthique.
A quelles conditions, se demande-t-il, peut-on espérer établir à ce niveau une connaissance dont l’objectivité serait similaire à celle de la logique?
Question fondamentale dont la réponse serait à chercher dans la rationalité d’une procédure…

Oui à la rigueur, non à la rigidité!

La «recette» de l’équilibre réfléchi repose sur un double présupposé:
. celui d’une certaine rationalité de nos jugements,
. celui d’un désir de parvenir à les élaborer sans faire appel à une autorité extérieure.
C’est que la démarche en question articule les procédures de décision autour de deux exigences:
. la cohérence,
. l’ouverture à la révision.
Oui à la rigueur, donc!
Mais non à la rigidité!
Il s’agit en fait de rechercher un équilibre en faisant appel à un processus réflexif impliquant à la fois nos principes généraux (ou nos théories) et nos jugements intuitifs sur des cas particuliers.
L’équilibre réfléchi consiste en effet «à tenter de formuler des principes généraux quant à ce que nous devons faire, individuellement et collectivement, et à confronter les implications de ces principes à nos jugements moraux bien réfléchis, dans les circonstances (réelles ou hypothétiques) les plus diverses, explique Van Parijs.
Au cas où apparaît un conflit avec un jugement suffisamment ferme pour que nous ne soyons pas prêts à y renoncer, il nous faut rejeter le principe que nous avions cru pouvoir formuler, ou à tout le moins le réviser de manière à éliminer le conflit en question.» (5)

Jugements bien pesés

L’équilibre réfléchi permet de la sorte d’établir des «jugements bien pesés».
Soit, écrit Rawls, ceux qui sont émis «lorsque nous paraissons posséder la capacité, la possibilité et le désir d’émettre un jugement correct.» (6)
Jugement correct?
Oui.
C'est-à-dire jugement juste et vrai...
. Juste en cette matière collective qu’est le politique.
. Et vrai sur ce plan singulier qui réfère au domaine cognitif.
La justice, en effet, apparaît chez le philosophe américain comme la vertu des institutions, tandis que la vérité est présentée comme la vertu des systèmes de pensée. (7)(8)

(A suivre)

Christophe Engels

(1) Voir, sur ce blog, les messages «Libéralisme. Liberté, égalité, austérité.», «Libéralisme. Rock and Rawls.» et «Libéralisme. Rawls: l’individu en personne?».
(2) Pour rappel (voir messages précédents de ce blog), le philosophe américain John Rawls, né en 1921 et disparu en 2002, a passé l’essentiel de sa carrière à Harvard. Il a notamment écrit A Theory of Justice, Harvard University Press, Cambridge, 1972. Traduction française: Théorie de la justice, Seuil, coll. Points, Paris, 1987.
(3) Universités de Louvain et de Harvard.
(4) Arnsperger Christian et Van Parijs Philippe, Ethique économique et sociale, La Découverte, coll. Repères, Paris, 2000, p.66.
(5) Arnsperger Christian et Van Parijs Philippe, ibidem, pp.9-10.
(6) Rawls John, La Justice comme équité, La Découverte, Paris, 2003, p.53.
(7) Voir, par exemple, Nurock Vanessa, Rawls. Pour une démocratie juste, Michalon, coll. Le bien commun, Paris, 2008, p.52.
(8) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. au libéralisme (d'après Laurent de Briey...),
. au post-libéralisme (d'après et par Laurent de Briey),
. à une présentation de la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du bonheur par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du sens de la vie par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à l’Approche Centrée sur la Personne (d'après Carl Rogers, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme...

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