vendredi 27 mai 2016

«Pute du djihad !»















Elle a posté une vidéo sur internet.
Humaniste.
Solidaire.
Antiraciste.
Une sorte de déclaration d'amour.
Qui a suscité une pluie de... «commentaires».
Un monde change.













«Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai jamais eu besoin de courage pour porter mes valeurs.
Je n'ai même jamais senti le besoin de les exprimer dans mon travail d'artiste, tellement je les sentais partagées par le plus grand nombre.
Je suis née blanche, blonde, les yeux bleus.
J'ai grandi dans un village.
Bonne famille.
Bonne élève.
Baptisée.
Je n'ai jamais été un outrage pour personne.
Je me suis longtemps vécue comme un pur consensus.
A l'école primaire, je me souviens avoir collé des stickers "Touche pas à mon pote!" sur mes protège-cahier.
L'antiracisme m'a été transmis comme une évidence.
L'égalité entre les êtres humains comme une vérité.
On nous l'a enseigné.
D'autres théories avaient préexisté.
Elles avaient mené à des massacres, des guerres, des tortures.
Aujourd'hui, on savait.
Les scientifiques l'avaient démontré.
Et parce que l'on savait, cela n'arriverait plus.
Il y a deux mois, j'ai posté une vidéo sur ma ville d'adoption: Roubaix.
Une déclaration d'amour, comme certains l'ont appelée.
Et une pluie de commentaires...»

. «Pute du djihad!»

. «S'il n'y avait qu'une seule race, tout le monde serait semblable.
Il n'y aurait plus de différence.»

. «Quand la France sera un Etat islamique, tu ne pourras plus vivre ta vie de bobo.»

. «J'espère qu'une chose: c'est qu'une guerre civile éclate en France pour qu'on puisse régler tous nos comptes.» 

. «Une nation, c'est un peuple homogène ayant en commun la langue, l'histoire, la culture, la race... vivant sur un même territoire.»

. «On rasera cette ville sous les bombes après en avoir exfiltré les derniers Français non reniés.»

. «Vidéo tellement ridicule que j'ai envie de te coller une sérieuse baffe dans la gueule.
Si cette France te fait tant mouiller, va donc habiter en HLM à Trappes ou dans les quartiers nord de Marseille.»

. «Déjà soumise, elle se lance dans la collaboration.»

. «Les bobos sont atteints de sida mental.
La place de ces gens est à l'asile.»

. «Le métissage avec l'Africain n'est pas bénéfique pour l'Européen qui reviendrait 200.000 ans en arrière.» (1)

Lyne K.


(1) Ce texte est extrait d'un court métrage réalisé par Lyne K. pour le concours «Infracourt»de France 2 sur le thème «Sauf votre respect».



mardi 24 mai 2016

Près des yeux, près du coeur



Afra la Syrienne et Hania la Polonaise (photo ci-dessus).
Karim le Syrien et Randy l'Allemand. 
Grazyna la Polonaise et Fatima la Somalienne. 
Musa le Syrien et Annabelle la Belge. 
Mariam la Syrienne et Lee le Britannique.
Samira la Syrienne et Sanuta la Polonaise...
Autant de binômes.
Très temporaires parfois. 
Appelés à perdurer  dans certains cas.
Les yeux dans les yeux toujours.
Car, explique le psychologue Arthur Aron, 
«Quatre minutes d'échange visuel, 
il n'y a pas mieux pour rapprocher deux êtres.»


Elle: «Etes-vous arrivé récemment à Berlin?»
Lui: «Oui. 
Il y a huit mois.»
Elle: «Et êtes-vous seul ici, ou avec votre famille?»
Lui: «Seul.
Parfois, la vie est belle.
Parfois, elle ne l'est pas...»
Cet échange, poignant, est tiré d'une campagne à l'avenant.
La dernière en date de Amnesty International
Dont, le message de conclusion, outre les convaincus (d'avance), interpellera tout qui consentira à baisser la garde idéologique...
«L'année dernière, plus d'un million de réfugiés sont arrivés en Europe.
Comme n'importe qui, ils ont leur propre histoire à raconter.
Regardez au-delà les frontières.»



mardi 3 mai 2016

Burkina Faso. Balai citoyen vs politiciens poussiéreux



Du balai, 
les 
politiciens 
qui 
s'accrochent
à leur poste!
Au 

Burkina 
Faso,
ils doivent 
désormais 
composer. 
Avec un homme 
qui connaît la chanson.
Et avec un mouvement d'envergure,
qui entend emmener 

dans son sillage 
tous les Burkinabè.
Soit dix-huit millions 
de citoyens.
Et des poussières...


























Ici au Burkina Faso, son nom d'état civil ne dit rien à personne.
Son nom d'artiste en revanche...
«Serge Bambara»?
Qui c'est, ça?
Ah, ouiiii!
«Smockey».
Le «Smockey»!
Avec sa double casquette...


Dr Rapper...

«Smockey», c'est d'abord un rappeur. 

Un premier album, «Epitaphe», en 2001.
Le lancement d'un label aussi, «Amazon», qui produit des artistes underground.
Puis, un autre album en 2010, «CCP» (Cravate, Costard et Pourriture), qui assoit une identité musicale alliant rythmes traditionnel et modernes.
Les textes?
Aussi engagés que celui qui les porte.
La preuve par la multitude de conférences-débats auxquelles il participe activement dans tout le pays, y compris au fin fond des hameaux les plus reculés.
L'homme chante, bien sûr.
Mais pas seulement.
Il parle.
Il répond.
Il rétorque.
Et dans les bons jours, il met les rieurs de son côté.

«En fait, nos concerts sont de véritables meetings, estime l'intéressé
On fait venir beaucoup de monde là où les gens ne se dérangent pas pour des conférences.
L'art est donc un vecteur absolument fondamental.
D'autant qu'il est un catalyseur de non-violence.
»

... and Mister Sweeper

Car «Smockey», c'est aussi un activiste.
Au point d'en arriver, courant 2013, à mettre un mouvement sur les fonts baptismaux.
Place au «Balai citoyen»!
Créé avec l'animateur radio et chanteur reggae «Sam's K Le Jah».
Sus donc, plus que jamais, à la poussière trouvée sous le tapis de tous ces politiciens qui tendent à s'incruster au pouvoir!
Sus, également, à la saleté éthique du «J'y suis, j'y reste»!
Face aux intentions de modifications constitutionnelles, les deux hommes mobilisent tous azimuts. 
C'est l'ouverture de la chasse.
La chasse aux... «Cibal».
Soit des «citoyens balayeurs».
Ceux-là mêmes qui, en octobre 2014, auront raison des velléités de prolongation d'un président Blaise Campaoré, pourtant au pouvoir depuis vingt-sept ans.
«S'organiser, c'est gagner.
On se réunit au moins une fois par semaine.
On est représentés partout dans le pays et à l'étranger.
On a des "
ambassades Cibal".
On arrive à s'autofinancer au quotidien (ventes de t-shirts, cotisations, recours à la bonne volonté qui se traduit par des prestations gratuites...)
Là où on a besoin d'aides, c'est pour des opérations spéciales, ponctuelles.
»

Opération Sentinelle

«Smockey» donne l'impression de n'être pas un homme d'argent.
Un peu comme s'il s'en méfiait.
Comme s'il en redoutait les effets néfastes.
Comme s'il voyait moins en lui un potentiel de construction qu'un danger de destruction. 

«Si vous prenez l'homme le plus honnête du monde et que vous le mettez à côté d'un trésor, il finira toujours, à un moment ou à un autre, par se servir.
C'est normal.
C'est la nature humaine.
Voilà pourquoi il faut des sentinelles.
A nous, donc, d'exercer ce rôle.
Sans oublier, dans le même temps, de veiller à préparer l'avenir en donnant aux jeunes l'envie de s'impliquer en politique.
»
La politique, cependant, c'est un peu comme le cholestérol.
Il y a la bonne et il y a la mauvaise.
D'où la nécessité de soutenir la première tout en combattant la seconde.
La politique qui porte la noble cause du citoyen lambda, c'est oui!
Mais celle qui exalte les ambitions de puissance individuelle ou corporatiste, c'est non!
Non, non et non!
«
Pour commencer, il faut bannir une fois pour toutes l'usage des titres ronflants et autres appellations à rallonge!
Ce sont les politiciens qui sont nos serviteurs.
Pas l'inverse...
»

Viva la post-révolucion!

2015.
«Smockey» sort son cinquième album.
Son titre: «Pré'volution».
Soit une fusion des termes «Prémonition», «Révolution» et «Evolution».
L'opus, dont la plupart des titres ont été enregistrés deux ou trois ans avant les événements insurrectionnels d'octobre 2014, a des accents prémonitoires.

Il proclame le besoin urgent d'une «post-révolution».
Pour achever le processus de libération du peuple...



Christophe Engels


(1) Ce message s'inspire largement d'une soirée/discussion («Nouvelles mobilisations citoyennes en Afrique: Y'en a marre, Balai citoyen, Filimbi») organisée le lundi 11 avril 2016 à l'Université Libre de Bruxelles (ULB) par le professeur Marie-Soleil Frère et animée par elle ainsi que par Olivier Rogez (Radio France International), en présence du Sénégalais Aliou Sané («Y'en a marre»), du Burkinabé Smockey («Balai citoyen»), du Congolais Floribert Anzuluni («Filimbi») et du Tchadien Didier Lahaye, dit Croquemort Iyina»). 


vendredi 22 avril 2016

«Filimbi». Kabila veut lui couper le sifflet






Eux,
le président 
Kabila
leur 
peut-être
coupé le sifflet.
Mais pas
aux 
mouvements
citoyens
qu'ils 
incarnent.
Eux? 
Fred Bauma 
et Yves 
Makwambala
(portraits 
ci-contre).
Leurs 
mouve-
ments?
«Lucha» 
et «Filimbi».






















Le respect de l’alternance démocratique, sinon rien!
Tel est le leitmotiv des nouvelles mobilisations citoyennes qui émergent en Afrique.
«Y'en a marre» au Sénégal
«Balai citoyen» au Burkina Faso.
«Iyina» au Tchad.
«Ras le bol» au Congo-Brazzaville. 
D'autres encore. 
Comme «Filimbi» et «Lucha». 
Qui paient un tribut particulièrement lourd à une cause sociétale.
Celle de la République Démocratique du Congo (RDC)...

L'arbitr... aire siffle la fin de la récréation

Retour en mars 2015.
Le 15 exactement.
A l’est de Kinshasa, dans le quartier de Masina, l'opération «Filimbi» («coup de sifflet» en swahili) est officiellement lancée.
Au programme: des échanges sur le thème de la bonne gouvernance.
Premier pas, espère-t-on, sur le chemin d'un projet plus vaste, consistant à sensibiliser la jeunesse à la dynamique de l’engagement citoyen.
Une conférence de presse est également prévue, autorisations à l'appui.
Elle tourne pourtant court.
Car rapidement, les forces de l’ordre entrent en action.
Et procèdent à de multiples arrestations dans l'assistance.
Activistes congolais, journalistes étrangers et locaux, simples passants, diplomate américain: tout y passe.
Au point qu'une quarantaine de personnes se retrouvent embarquées vers le siège de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR).
Trois Sénégalais du mouvement «Y’en a marre» sont du nombre, de même qu'un représentant burkinabé du «Balai citoyen».
Accusés de préparer des «actes de violence», ces quatre hommes se retrouveront expulsés du pays trois jours plus tard. 
Les autres?
Pour la plupart, ils seront libérés au compte-goutte.
Mais pas Fred Bauma, représentant du mouvement «Lucha» (LUtte pour le CHAngement, basé à Goma).
Ni Yves Makwambala, membre de «Filimbi».
Qui, tous deux, demeurent sous les verrous treize mois plus tard.

La raison du plus fort

Juin 2015.
Une trentaine de militants d'Afrique noire se réunissent à Ouagadougou (Burkina Faso) pour le festival «Ciné Droit Libre».
«Quand la jeunesse se met debout...!»: tel est le thème de cet événement culturel.
Qui s'achèvera sur la signature d'une déclaration, dite «de Ouagadougou».
Soit une feuille de route commune appelée à déboucher sur la création d’une plateforme panafricaine des mouvements citoyens. 
Si le texte prévoit les modalités d'une mutualisation des stratégies et des moyens, il revendique d'abord et avant tout la libération de deux activistes détenus en RDC.
En vain, jusqu'à ce jour.
Accusés d'«atteinte à la sûreté de l’État», les deux Congolais n'en finissent pas de croupir dans la prison de Makala.
Malgré les dénonciations des quelques 200 organisations de défense des Droits de l'homme qui fustigeront une atteinte à la liberté d’expression.
Malgré les préoccupations du directeur du bureau des Nations unies pour les droits de l'homme au Congo, José Maria Aranaz, qui parlera d'«arrestations arbitraires».
Malgré le rapport de parlementaires congolais qui conclut à l'absence de preuve sur le caractère terroriste du collectif au sifflet.
Malgré les prises de position du Parlement européen en faveur d'une libération immédiate et sans conditions des deux activistes...

Les Congolais parlent aux Congolais...


Tel n'est heureusement pas le cas de cinq fondateurs de «Filimbi».

Qui, eux, sont passés entre les mailles du filet. 
Au prix de la clandestinité.
Puis, pour trois d'entre eux, de l'évacuation.
Un avion de l’ONU les a en effet exfiltrés.
Vers la France.
Et vers cette ancienne puissance coloniale qu'est la Belgique.
Où résident désormais le chargé de la communication Franck Otete et le coordonnateur Floribert Anzuluni.
Qui estiment, plus que jamais, que les autorités de Kinshasa ont choisi le mauvais chemin.
«Il est clair que la population montre des signes de radicalisation.
C’est l'une des raisons qui nous incitent à penser qu’il est important de canaliser la jeunesse en lui offrant un espace de débat et des outils d’expression non violents.»
Joseph Kabila n'est manifestement pas sur la même longueur d'onde.
Chat échaudé, il est vrai, craint l'eau froide...
Les 19 et 20 janvier 2015, en effet, des manifestations avaient dégénéré en pillages.
Et vingt-sept morts avaient été (officiellement) déplorés dans la foulée de ces protestations contre un projet de loi dont on redoutait qu'en prévoyant la mise sur pied d'un recensement de la population avant la présidentielle de 2016, il n'annonce en fait la remise aux calendes grecques de l'échéance électorale prévue par la constitution.
«Cette action spontanée était en fait l’expression d’une grande frustration, non encadrée. 
D'où ces débordements que le gouvernement s’est permis de réprimer.
Attention, cependant, aux conclusions hâtives!
Un cas n'est pas l'autre.
Il est plus compliqué d’étouffer une voix comme le nôtre, qui est plus jeune et plus organisée.»
Par rapport aux précédentes initiatives, la particularité d'un mouvement comme «Filimbi», c'est qu’il est porté par la jeunesse.
En tout cas par une certaine jeunesse.
«Une jeunesse issue de la classe moyenne.
Une jeunesse instruite.
Une jeunesse qui a décidé de jouer un rôle citoyen en vue d’améliorer la situation.
Ce qui a effrayé les autorités, c'est clairement notre profil de jeunes cadres éduqués.»


Bankable Floribert

Anzuluni, par exemple, a rejoint la RDC après obtention, à Montréal, d'un diplôme universitaire en sciences politiques.
Ce qui lui a permis (2006) de mettre le pied à l'étrier d'une carrière dans le secteur bancaire.
Devenu Directeur des Risques de «Ecobank RDC» (2011), il a participé, avec une dizaine d'autres «jeunes cadres dynamiques», à la création de «Génération Congo» (2014), un think-tank centré sur les questions de l'émergence et du développement socio-économique de la RDC.
Désormais en exil, l'homme coordonne la plateforme «Front Citoyen 2016», qui se donne pour vocation de défendre la constitution.
Mais il poursuit aussi l'animation de «Filimbi».
Qui se définit comme un collectif citoyen non partisan.
Et qui puise ses forces vives aux sources des milieux activistes, artistes et entrepreneuriaux autant que dans le vivier des organisations de jeunes (souvent venus des milieux associatifs et/ou universitaires).

Triiit !

Créé et dirigé par des jeunes pour les jeunes, le mouvement au sifflet est dédié à la promotion de la participation citoyenne de la jeunesse congolaise et repose sur l'implication bénévole de ses membres.
«Nous avons souhaité mener une action non violente et non partisane de sensibilisation à l’engagement citoyen
, explique l'intéressé. 
L’objectif est double...
D'abord, nous voulons offrir un espace d’expression et de débat à tous les jeunes qui partagent notre vision du Congo.
Ensuite, nous espérons aider à leur structuration.
Nous sommes partis du constat que l’environnement démocratique et économique en RDC n’est pas assez stable pour le développement du pays.
Et nous avons fini par en tirer la conclusion qui nous semblait devoir en découler: le problème ne renvoie pas seulement à des individus, mais au système politique tout entier.
»
Le collectif s'est structuré au travers de deux associations, légalement constituées et localisées à Kinshasa.
Dans un premier temps, «Jeunesse pour une nouvelle société» (JNS) s’est focalisée sur un travail de terrain.
Deux années d'effort qui ont permis d'identifier des groupes de jeunes et de créer un début de réseau.
Ensuite s'est créé un «Forum national de la jeunesse pour l’excellence» (FNJE).
C'est-à-dire une association qui prend en charge les événements de «Filimbi» et qui fonctionne désormais de façon décentralisée, via des cellules disséminées un peu partout dans le pays.
Une dynamique porteuse, donc.
Et pour cause...

«L'actuelle génération n'accepte plus les excès du pouvoir. 
Elle voit les choses différemment. 
Grâce, notamment, à la montée en puissance des nouvelles technologies.» 

«Faire avec ce qu'on a»

Place, donc, à l'avenir.
«Pour l'heure, nous parons au plus pressé.
C'est pourquoi nous nous concentrons sur l'alternance.
Mais il faut aussi veiller à préparer une nouvelle classe politique.
Aujourd'hui, 90% de l'économie du Congo est détenue par des réseaux mafieux.
L'heure est donc moins que jamais à l'expectative!
Ceux qui pensent comme nous qu'il faudrait pouvoir compter au plus vite sur une autre classe politique devraient nous aider, dès aujourd'hui, à travailler à son émergence.
En attendant, on ne peut faire qu'avec ce qu'on a.
»
Une ultime phrase qui acquiert une résonance toute particulière quand elle est prononcée par un homme qui désormais ne peut que vivre loin de son pays et loin des siens.
«J’assume, confiait-il il y a quelques mois dans le journal "Le Congolais".
Car je reste convaincu que mon engagement démocratique en faveur de l’amélioration des conditions de vie de la majorité des citoyens, à travers notamment l’implication de la jeunesse majoritaire, est juste.
Lumumba disait "
le Congo est un grand pays, il mérite de nous de la grandeur", ce qui implique donc un certain niveau de sacrifices au profit du bien commun.
Cela fait partie du long chemin vers la démocratie auquel je souscris.
Il est grand temps de mettre fin au système de prédation qui se matérialise par un pillage systématique des ressources communes par une minorité de citoyens, en étroite complicité avec des "
forces" extérieures, au détriment de la majorité des citoyens, et ce depuis plus de 50 ans.
Un système porté par des leaderships politiques égoïstes et sans scrupules, ayant des ramifications dans toutes les couches de notre société (société civile, secteur économique, administration, intellectuels...).
Le Congo est notre copropriété, il nous appartient à tous, par conséquent nous y avons tous des Droits (liés aux Devoirs) que personne ne peut nous enlever.
Les ressources du Congo doivent donc bénéficier à tous.
J’exhorte les dirigeants congolais à cesser toute forme de répression et/ou intimidation car nous ne sommes que l’émanation d’une nouvelle génération ayant des aspirations fortes et qui ne tolère plus l’Injustice.
Quand la Jeunesse se met debout…, elle ne détruit pas.
Elle bâtit un monde meilleur…
» (1)(2)



Christophe Engels


(1) Ce message s'inspire largement d'une soirée/discussion («Nouvelles mobilisations citoyennes en Afrique: Y'en a marre, Balai citoyen, Filimbi») organisée le lundi 11 avril 2016 à l'Université Libre de Bruxelles (ULB) par le professeur Marie-Soleil Frère et animée par elle ainsi que par Olivier Rogez (Radio France International), en présence du Sénégalais Aliou Sané («Y'en a marre»), du Burkinabé SmockeyBalai citoyen»), du Congolais Floribert Anzuluni («Filimbi») et du Tchadien Didier Lahaye, dit CroquemortIyina»). 
(2) Sur le sujet, on lira aussi, par exemple, Rimondi Laurène, RDC: Filimbi, la nouvelle génération de citoyens qui ébranle le pouvoir, GRIP, Bruxelles, 17 août 2015.



mardi 12 avril 2016

Oyez, citoyens. Ces Indignés venus d'Afrique...







Eux aussi refusent le fatalisme.
Eux aussi se démarquent 

des partis politiques et des syndicats.
Eux aussi initient 

de nouvelles mobilisations citoyennes.
Eux, les Africains.
Congolais de «Filimbi».
Burkinabè du «Balai citoyen».
Tchadiens de «Iyina»...
Ou, pour commencer, 

Sénégalais de «Y' en a marre».


















Aliou Sané est journaliste.
Il a travaillé comme reporter au «Quotidien» de Dakar et à la «Radiodiffusion Télévision nationale Sénégalaise» (RTS) avant de se consacrer à la communication du programme panafricain de l'ONG «ENDA Tiers Monde»
Mais, avec Fadel Barro et d'autres, il est surtout connu comme cofondateur d'un collectif.
Apparu il y a quelques années au pays de la «teranga» (hospitalité en wolof)...

Non !

Nous sommes en 2011.
Au Sénégal, la vie est chère.
Les coupures d'électricité se succèdent.
Et les scandales financiers se multiplient.
La «crise» est là.
Et bien là.
D'autant que le système de gouvernance installé et entretenu à la tête de l'Etat n'en finit pas de rester fondé sur le népotisme.
Bonjour le clientélisme politique!
Bonjour la corruption!
Bonjour l'impunité!

«Y' en a marre!», entend-t-on de plus en plus souvent dans les entrailles des quartiers, villes et villages du pays
Un sentiment de «ras le bol» dans lequel Aliou Sané se retrouve pleinement. 
Sans, cependant, qu'il ne soit question pour lui de se contenter de maugréer.
Loin de là.
Joignant le geste à la parole, le jeune homme s'associe à l'un ou l'autre confrère et à quelques artistes engagés.
Histoire de dire «Non!»...

Jamais deux sans... droit !  

Le collectif «Y'en a marre» est né.
«Au lieu de suivre ceux qui brûlaient des pneus et cassaient ce qui leur tombait sous la main, nous avons décidé d'opter pour une stratégie plus constructive, se souvient Sané.
Nous nous sommes fixés d'autres objectifs. 
Notamment celui d'inciter les jeunes à aller chercher leur carte d'électeur.»
La dynamique s'incarne rapidement en un cadre d'expression.
Celui d'une nouvelle citoyenneté.
Qui promeut l'émergence d'un
«Nouveau Type de Sénégalais».
N.T.S. pour les intimes.
Soit quelqu'un qui s'adresse à l'Etat, aux acteurs politiques et à l'ensemble des acteurs sociaux afin de revendiquer la construction d'une société de justice, d'équité, de droit, de paix et de progrès pour tous.
Regroupant toutes les franges de la jeunesse sénégalaise, le mouvement sera l'un des principaux acteurs de l'alternance démocratique.
Celle-là même qui surviendra en mars 2012 quand la
«bande à Aliou» s'opposera farouchement à la violation de la Constitution par un président initialement décidé à briguer un troisième mandat.
Le Sieur Abdoulaye Wade devra déchanter.
«Nous nous sommes beaucoup battus, sourit le... héros de cette histoire!
Et nous avons gagné.
Grâce à notre investissement humain, bien sûr.
Mais aussi grâce aux SMS
(textos).
Pour nous, Internet a joué un rôle beaucoup plus modeste: trop de nos concitoyens n'y avaient pas encore accès.
»

«Filimbi», «Balai citoyen», «Iyina» 
et les autres...

Tel est le premier fait d'arme de «Y' en a marre».
Une instance qui en rappelle d'autres:
«Filimbi» (sifflet) en République Démocratique du Congo, «Balai citoyen» au Burkina Faso, «Iyina» au Tchad, «Ras le bol» au Congo Brazzaville...
Autant d'entités que l'on pourrait peut-être, en première approche, présenter comme des ateliers d'échanges.
Mais qui traduisent, en fait, bien davantage...
«On peut parler de mouvements citoyens, explique notre interlocuteur. 
Voire de mouvements sociaux.
Mais de grâce, qu'on nous épargne toute allusion à la "
société civile"!
Une expression qui, chez nous, a été complètement galvaudée par les pouvoirs en place.
Ceux-ci la teintent d'une coloration de neutralité que nous abhorrons.
Car nous considérons qu'il faut pouvoir prendre position.
Qu'il faut faire le choix de dire "
non!"»
«Non!», sans doute.
Mais pas seulement.
La preuve par un manifeste lancé, e
n mars 2011, à destination du «Nouveau Type de Sénégalais»
Puis par les «cellules Y' en a marre» mises sur pied un peu partout.
«Nous voulons nous ériger en sentinelles à travers tout le pays.
Pour veiller, bien sûr.
Mais aussi pour mobiliser.
Pour former.

Ou encore pour inciter à conjuguer les efforts des uns et des autres.
Nous espérons ainsi contribuer à créer de la richesse.
»


Des petits sous, encore des petits sous...


Les objectifs, certes, sont ambitieux.
Mais les moyens financiers sont infiniment plus limités.
«Pour l'essentiel, nous nous débrouillons avec les moyens du bord.
Tout juste bénéficions-nous en de très rares occasions de l'une ou l'autre aide ponctuelle. 

Ainsi, Oxfam nous a octroyés un soutien pour une opération de formation qui doit durer deux ans.
Et pour que les choses soient tout à fait claires et incontestables, nous avons confié notre gestion à une association spécialisée.
Ce qui n'empêche pas le système de chercher à nous salir.
On essaye de nous discréditer en faisant croire que nous sommes corrompus.
Que nous sommes soutenus par des puissances étrangères.
Par George Soros.
Et même par... des lobbies homosexuels!
L'imagination de nos détracteurs est sans limites.
Et d'autant moins fondée que je ne cache pas mes préférences en la matière: il faut, 
autant que faire se peut, cesser d'en appeler à l'étranger pour régler nos problèmes intérieurs.»

La petite bête qui monte, qui monte, qui monte...

Aliou et les siens, il est vrai, peuvent parfois compter sur des alliés inattendus... 

«Un jour, nous nous sommes fait arrêter à Mbake.
Quand nous nous sommes retrouvés en garde à vue, nous avons eu l'occasion de discuter avec les policiers.
Qui en ont profité pour nous demander pourquoi nous ne nous occupions jamais de... leurs problèmes!
»
«Y'en a marre»?
Une bête noire pour le pouvoir.
Petite bête, peut-être.
Mais petite bête qui monte, qui monte, qui monte... (1)
 


Christophe Engels


(1) Ce message s'inspire largement d'une soirée/discussion («Nouvelles mobilisations citoyennes en Afrique: Y'en a marre, Balai citoyen, Filimbi»organisée le lundi 11 avril 2016 à l'Université Libre de Bruxelles (ULB) par le professeur Marie-Soleil Frère et animée par elle ainsi que par Olivier Rogez (Radio France International), en présence du Sénégalais Aliou Sané («Y'en a marre»), du Burkinabé Smockey («Balai citoyen»), du Congolais Floribert Anzuluni («Filimbi») et du Tchadien Didier Lahaye, dit Croquemort («Iyina»).