mardi 2 juillet 2013

L'homme grec est la mesure de toute chose...















Ne dites pas à ma mère que je suis en Grèce: 
elle me croit dans le terroir de l'humanisme. 
Un humanisme désormais relégué au berceau. 
Car les valeurs de l’Antiquité 
ont irrémédiablement fait place 
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Nous sommes en 1990. 
Nestor Mayindombe quitte le Congo (Kinshasa) de ses origines avec armes et bagages. 
Et s’en vient s’installer en plein centre d’Athènes. 
Son épouse l’accompagne. 
Les trois premiers de leurs futurs quatre enfants aussi. 
Six, trois et moins d’un an(s) à ce stade. 
Parmi les premiers problèmes à résoudre, celui des permis de séjour. 
C’est cher. 
Et il faut les renouveler. 
Comptez, honoraires d’avocat et frais annexes compris, un montant global de 2.280 euros. 
Et ce tous les deux ans. 

Autant de démarches qui ne suffisent évidemment pas à donner accès à la nationalité grecque. 
En 2008, une autre procédure sera donc initiée en ce sens. 
Coût: six fois 1.500 euros. 
Sans parler, ici encore, des indispensables suppléments à prévoir. 

Atmosphère, atmosphère… 

Dur, dur pour un constructeur en bâtiment comme Nestor, qui exerce en fait comme ouvrier spécialisé dans le ferraillage pour la grosse société immobilière Actor
Le plus grave, cependant, est ailleurs. 
Car pour des migrants comme lui, l’atmosphère se fait chaque jour plus irrespirable. 
Le Premier ministre du moment, Antonis Samaras, n’a-t-il pas déclaré haut et fort que, dorénavant, la nationalité ne serait plus accordée à… aucun allochtone? 
Une posture révélatrice… 
Au pays de l’humanisme, seul l’autochtone a dorénavant droit de cité. 
Au point que l’étranger est montré du doigt. 
Et plus puisqu’hostilité… 
«On a toujours peur, confirme Nestor. 
Même des policiers. 
Qui, pour commencer, s'abstiennent de toute marque de considération à notre égard. 
Jamais un bonjour. 
Jamais un s'il vous plaît. 
Jamais un merci... » 
Victimisation? 
Certainement pas! 
Car, de fait, l’idéologie fétide d’Aube dorée percole tous azimuts. 
Y compris au sein des forces de l’ordre… 

La fétide bête qui monte, qui monte… 

Aube dorée a explosé sur la scène médiatique dans la foulée du succès engrangé aux élections législatives de juin 2012: 18 députés au Parlement grâce à 7% des suffrages exprimés. 
Simple mise en bouche? 
Aujourd’hui, en tout cas, les sondages accordent jusqu'à 13% d'intentions de vote à un parti virtuellement propulsé au troisième rang de la hiérarchie électorale grecque, derrière les conservateurs de Nouvelle Démocratie et la coalition de gauche Syriza
Aube dorée? 
Une formation qui, pour profiter au mieux de la vague on ne peut plus porteuse du mécontentement populaire, a préféré gommer sa filiation néonazie. 
Un leurre grossier: la ressemblance entre l’ancienne croix gammée et le nouveau double méandre est frappante, l’alphabet runique (1) des SS continue plus que jamais à être utilisé et le numéro 88 qui fait référence aux deux H (2) de «Heil Hitler» est toujours de sortie… 

Heil, Nikos… 

Autant de signes qui ne trompent pas. 
L'inspiration continue à puiser aux sources du nauséabond «Mein Kampf» de Adolf Hitler ou des sulfureux écrits de Léon Degrelle. 
Aube dorée s’inscrit en effet sans le moindre ambiguïté dans la ligne directe de l’effroyable idéologie dont était déjà porteur le journal qui lui donna son nom. 
Son financement, partiellement assuré par des entrepreneurs sympathisants, semble l’être aussi par des partis frères européens (3)
Et son président Nikos Michaloliakos ne s’est jamais départi des options qui étaient déjà siennes du temps où il militait pour le «Parti du 4 août», ouvertement néonazi. 
Il n’empêche: le ravalement de façade officiel suffit à faire illusion. 
Et permet de séduire la masse vertigineuse des électeurs anti-systèmes. 
Il est vrai que Aube dorée a su y faire pour redorer son image à grands coups d'initiatives à valeur humaine ajoutée: mise à disposition de nourriture, distribution de médicaments, création d’une banque du sang… 
Opportuniste mise en scène avant tout destinée aux médias? 
Les avis sont partagés. 
Reste que cet investissement social ne paraît pas atteindre l’efficacité des autres opérations du même type, mises en place par l’Eglise ou les organisations de gauche. 
Reste aussi et surtout qu'il s’adresse exclusivement aux Grecs de souche. 
Car autant les références au néonazisme sont dorénavant camouflées ou mises en sourdine, autant les thèmes chers au national-populisme sont plus assumés que jamais. 
Vive le peuple hellénique! 
Vive le leader Michaloliakos! 
Et sus à l’ennemi! 
L’ennemi désigné. 
L’ennemi tout trouvé. 
L’ennemi étranger… 

Qui veut la fin veut les moyens ! 

Là où les nazis allemands s’en prenaient jadis aux Juifs et assimilés, leurs «disciples» grecs s’attaquent donc désormais aux immigrés. 
En organisant des chasses à l’homme. 
En saccageant des vitrines. 
En recourant à l’arme fatale des effractions de domiciles privés. 

L’objectif ultime? 
«Les» renvoyer chez eux, évidemment. 
Et s’empresser, carrément, de disposer des… mines antipersonnel (!) aux frontières pour prévenir tout danger de récidive en termes de «nuisances» clandestines
Car après tout, qui veut la fin veut les moyens. 
N'est-ce pas, Madaaame...  

Dans un tel climat, comment s’étonner de la multiplication des dégâts collatéraux? 
Toutes dénoncées qu’elles soient par le commissaire européen et par les associations en charge des Droits de l’homme, les affaires de crimes racistes et/ou xénophobes prolifèrent sans surprise. 
Et ce d’autant plus inexorablement qu’elles sont relayées par des groupements autoproclamés «comités de défenses de quartier» et «indépendants de toute affiliation partisane»… 

Mais que fait la police ? 

Avec le corollaire dénoncé, en juillet 2012, par un rapport d’Amnesty international: «une violence policière systémique et bénéficiant d’une grande impunité». 
Les adeptes de la brutalité raciste en uniforme peuvent donc s’en donner à cœur-joie. 
En retardant effrontément le moment d’appeler un avocat. 
En s'accordant ainsi le loisir d'agresser moralement et/ou physiquement. 
En allant même, dans certains cas, jusqu'à torturer. 
Le tout dans la plus parfaite impunité. 
Et sans même s’interdire, parfois, de se réclamer explicitement d’Aube dorée
Au vu et au su de collègues complaisants, voire complices. 

Petits arrangements entre amis… 

Pas surprenant, dans ces conditions, que, quand il s’agit de faire face à des manifestants, les «agents de la paix» soient réputés s’attaquer plus mollement aux fascistes qu’à leurs opposants. 
Une complaisance qui ne fait jamais que refléter les dérives du quotidien... 
«Un de mes amis d’enfance a un jour choisi d’embrasser la profession de policier, se souvient Panos, le fils aîné de la famille Mayindombe. 
La conséquence ne s’est pas fait attendre: il a préféré prendre ses distances avec moi. 
Par peur des difficultés qu’auraient pu occasionner le prolongement de notre relation amicale.» 
Comme son prénom l’indique, Panos a fait œuvre d’intégration. 
Non content de parler un grec parfait, il s’est adonné corps et âme à un sport collectif devenu passion: le basket. 
Au point de réussir à se faire un nom dans une équipe locale de très bon niveau. 
On a même évoqué un moment, la possibilité de le voir monter en première division. 
Avant de déchanter: pas question d’y accéder sans papiers ad hoc
«Tous ceux qui en sont dépourvus subissent le même sort, déplore l’intéressé. 
Ils sont éliminés petit à petit…» 
Ils s’exposent également à des brimades régulières. 
Celles-là mêmes qu’ont si bien connues les Mayindombe: griffes dans la carrosserie de la voiture familiale, pneus crevés (les quatre à la fois)… 
Et surtout réception de lettres anonymes. 
«Je me souviens encore du libellé du dernier "conseil d’ami" qui m’a été adressé, soupire le jeune homme.  
Je l’ai trouvé dans l’armoire de mon vestiaire: "Va-t-en, l’étranger!".» 
Le genre de message dont on préférerait évidemment éviter de faire son ordinaire. 
Et qui révèle bien le climat ambiant… 
«Je redoute de fréquenter des amis, confie Panos. 
Et eux-mêmes craignent d'être vus en ma compagnie.  
Idem pour mes équipiers. 
Quant à ma (désormais ex-) compagne, elle en a eu assez des pressions en tous genres. 
Elle a très mal vécu, par exemple, le fait de trouver sur Facebook un message la sommant de s’interroger sur le fait d’avoir un petit ami à la peau noire…» 

Vos papiers ! 

Le constat est amer: dans ce pays exsangue qu'est devenue la Grèce contemporaine, l’atmosphère a viré à la franche déréliction. 
«Aucun étranger ne se risque plus à quitter la maison à la nuit tombée, renchérit Nestor. 
Trop dangereux. 
Et devant un feu rouge, je suis en permanence sur le qui-vive. 
Il faut dire que ma fille a été victime d’un car-jacking
Un malfrat, en lui arrachant son sac, lui a démis l’épaule. 
Et, cerise sur le gâteau, quand elle est arrivée à l’hôpital, on a exigé ses papiers en guise de condition préalable à la délivrance du moindre soin.» 
Cas isolé? 
Certainement pas… 
«Victime d’un accident, un homme a un jour perdu connaissance devant moi. 
Un policier est arrivé. 
Il a attendu que l'intéressé reprenne ses esprits pour pouvoir lui demander... s’il avait son permis de séjour!» 

Ne pas remettre à demain 
ce qu'on peut bastonner le jour même

C’est qu’un venin se distille un peu partout dans la société. 
Celui qui préside au succès d’Aube dorée
Qui n’y va pas avec le dos de la cuillère. 
Et annonce clairement la couleur… 
«Si vous ne quittez pas la Grèce de votre propre initiative, c’est nous qui vous forcerons à partir...» 
Tant qu'à faire, d'ailleurs, pourquoi remettre à demain ce qu’on peut faire le jour même? 

C'est ainsi que, pour célébrer la commémoration de son saint patron, un activiste notoire du parti, George Germenis, n'a pas hésité à s'offrir une «descente au village». 
Au programme: une bonne petite séance de tabassage. 
Histoire de fêter ça… 

Même topo à Kipseli, le Matonge athénien, où il arrive à des policiers de s’inviter dans la chaumière de l’un ou l’autre sans-papier. 
Un peu de bastonnade pour le plaisir. 
Et retour à la case prison. 

Racisme ? Quel racisme ? 

La récurrence de ce type d'événements n'a pas empêché Nouvelle démocratie, le parti du Premier ministre, de geler le projet de loi antiracisme qui avait été proposé par le détenteur du portefeuille de la Justice. 
Sous la pression internationale, la formation conservatrice a bien fini par y aller d'une contre-proposition. 
Mais, entre-temps, le contenu initial avait été largement vidé de sa substance. 
A la plus grande colère du ministre en question et de sa petite structure de gauche démocratique, Dimar, qui n'allaient d'ailleurs pas tarder à quitter le gouvernement. 

Tout profit pour Aube dorée qui, dans les sondages, persiste à caracoler au troisième rang de la hiérarchie partisane. 
Et n'en finit pas de poursuivre, encore et toujours, son irrésistible ascension. 

Les lendemains de la veille 

La désillusion se lit dans le regard de Nestor… 
«Oui, c’est vraiment décevant. 
Après tout, nous les allochtones, n’avons-nous pas contribué à faire vivre ce pays? 
Nous n'en recueillons pourtant que haine et répulsion. 
Encore certains d'entre nous ont-ils la chance de pouvoir passer inaperçus tant qu’ils n'ouvrent pas la bouche. 
Ce n'est même pas notre cas à nous, les Africains, dont l'extranéité apparaît au premier regard. 
Ce qui contribue sans doute à expliquer qu'on ne voit jamais aucun de nous porter une blouse de médecin, s’installer derrière le volant d’un autobus ou conduire un taxi. 
Nous sommes même refusés d’accueil dans les bureaux officiels.» 
Pas de doute, donc. 
La stratégie nationaliste ne paye pas que sur le plan électoral... 
«Aucun étranger ne vient plus s’établir en Grèce. 
Et bon nombre de ceux qui y résidaient plient bagage. 
Comme nous...» 
Chez les Mayindombe, en effet, le verbe «travailler» se conjugue depuis peu au passé.
Et pas par choix, évidemment.
D'autant que l’argent est venu à manquer. 
«Récemment, on a coupé l’eau à la maison. 
Nous n'avons plus d'alternative. 
Il nous faut trouver une porte de sortie. 
D'où mon déplacement en Belgique. 
Où j'essaye de préparer le terrain à ma famille.
Ce n'est pas facile.
J'en sais quelque chose, moi qui ai d'ores et déjà trouvé un boulot..., sans pouvoir en profiter car il est conditionné au précieux sésame d'un permis de travail dont je ne dispose pas!
Comment m'en sortir dans ces conditions?
Je dois pourtant mettre les miens à l'abri. 
Car franchement, j’ai peur. 
Peur, surtout, pour mes enfants. 
Hier encore, ma fille s'est fait agresser à Athènes par deux sympathisantes d'Aude dorée.
Qui lui ont annoncé leur intention... de jeter son cadavre aux chiens!» 
Et Nestor, déconfit, de tendre l’ultime souvenir conservé de cette contrée dont on a peine à croire qu’elle ait pu, en son temps, servir de berceau à l’humanisme. 
Une lettre anonyme. 
«Quand vas-tu quitter la Grèce?» interroge-t-elle, menaçante… 

Christophe Engels 

(1) La plus ancienne écriture germanique. 
(2) Huitième lettre de l’alphabet. 
(3) Si l’on en croit un enquêteur du crû qui s’est penché sur la question. 


5 commentaires:

  1. Et la vôtre, elle ressemble à quoi ? Les familles contemporaines bougent, se séparent, s’additionnent, se reforment. Mobile, la famille n’est peut-être plus synonyme d’« ensemble pour la vie », et se redéfinit souvent autour des enfants, qui sont dans certains cas les derniers liens indéfectibles. Elle doit être le lieu de l’épanouissement, et est trop souvent celui de l’appauvrissement. Voyage dans les nouvelles constellations familiales occidentales d’aujourd’hui…

    http://www.imagine-magazine.com/lire/spip.php?rubrique112

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  2. Le grand public ne savait rien du Rwanda avant le massacre de 800.000 personnes. Aujourd’hui c'est pareil en Birmanie où le destin du peuple Rohingya, attaqué en toute impunité par des foules en furie, ne tient qu'à un fil. Le président birman peut mettre fin à cette violence -- il lui suffit d'approuver un plan pour les protéger et leur accorder la pleine citoyenneté. Faisons appel aux dirigeants européens pour qu'ils le poussent à protéger les Rohingya lors de la visite du président birman en Europe, et empêchons un nouveau Rwanda:
    https://secure.avaaz.org/fr/burma_the_next_rwanda_loc/?bSowrdb&v=26554

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  3. Football : un printemps révolutionnaire sur le rocher ? (*)

    L’accession en Ligue 1 du club de football professionnel de l’AS Monaco (ASM) soulève les passions en ce printemps 2013. Pas tant celles des supporters du club de la principauté que celles des instances dirigeantes du football français.

    Tout commence à l’automne 2012, lorsque le club monégasque prend la tête du championnat de France de Ligue 2. La perspective d’une remontée dans la division supérieure apparaît alors qu’est discutée la "taxe Hollande" d’imposer dans une tranche de 75% la part des revenus supérieure au million d’euros (on sait depuis en France ce qu’il est advenu de cette disposition fiscale promise durant la campagne à la présidence de la République et largement retoquée par une décision du Conseil constitutionnel). C’est dans ce contexte que Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais et vice-président de la Ligue de Football Professionnel (LFP), s’exprime dans Le Figaro du 29 novembre 2012 : « Il est temps de remettre en cause des avantages dépassés… À l'heure où le fair-play financier veut baisser les inégalités de fonds propres entre clubs européens, la même équité devrait s'appliquer sur le plan fiscal. » C’est donc ça ! L’inégalité des joueurs face à l’impôt sur le revenu. Mais est-ce le véritable objectif ?

    Au plein milieu de l’hiver le Conseil d’administration de la LFP du 24 janvier voit les clubs exiger des changements et propose de modifier son règlement intérieur. Révélé par le journal L’Équipe (15 mars 2013), le procès-verbal de cette réunion affirme « qu’il est impératif, pour l’équité des Championnats professionnels français, que l’ensemble des clubs participants soient soumis au même régime fiscal et social ; constate que pour atteindre cet objectif, il convient de préciser dans les règlements de la LFP que la société commerciale de tout club jouant dans les Championnats professionnels français doit avoir son siège de direction effective en France et demande qu’un projet de délibération en ce sens soit proposé à un prochain conseil d’administration. »

    Au printemps 2013, l’État français dit vouloir imposer de la même manière les clubs de football que toute autre société commerciale. Alors que plusieurs présidents de clubs professionnels menacent d’un recours en Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) à Luxembourg, la LFP fait le forcing, tout en annulant au dernier moment l’audition des dirigeants de l’ASM, pour que le club transfert son siège social en France d’ici juin 2014. Évidemment le club dit chercher « toutes les actions et recours dès réception de la notification officielle de la LFP » (communiqué du 22 mars 2013). Cela sera le cas notamment au regard des accords bilatéraux qui lient la France et la Principauté (des aménagements ayant été faits récemment pour permettre une adhésion de la Principauté de Monaco comme État membre du Conseil de l’Europe). Début mai, « M. Le Graët, agissant pour le compte de la FFF et de la LFP, a réclamé au club monégasque une somme de 200 millions d'Euros pour mettre fin au conflit actuel sans avoir à délocaliser son siège en France afin d’évoluer dans le championnat français » (communiqué du 5 mai 2013). Cela est inacceptable pour le club du rocher et son actionnaire principal, un milliardaire russe, qui depuis la fin du présent championnat a investi des sommes considérables pour la saison prochaine.

    ./...

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  4. ./...

    Pourquoi tant de hâte ? Faut-il y voir une pression politique unilatérale ? S’agit-il d’une simple application d’une règle de justice et d’égalité fiscale, qui mettrait fin à une concurrence déloyale au sein des championnats de France de football ? Et si les véritables raisons étaient ailleurs ? Et si le conflit pouvait de fait servir les intérêts à courte vue des autres clubs face à la façade de l’égalité fiscale et sociale ? Il est possible de faire une hypothèse. Si un recours est déposé devant la CUEJ, cette dernière ne pourrait que réaffirmer un principe du droit communautaire, à savoir la liberté d’établissement des sièges sociaux d’entreprises commerciales sur le territoire de l’Union européenne. La conséquence d’un tel rappel du droit est immédiate et va ébranler le football européen de la même manière qu’avec l’arrêt Bosman il y a quelques années, concernant le nombre de joueurs étrangers dans un même club et libéralisant le "marché" des transferts. Les sociétés commerciales des clubs de football, et par ricochet de tout autre club professionnel à objet sportif, s’installeront dans les États de l’Union européenne fiscalement les plus favorables. Le lien entre les associations sportives – justifiant l’inscription d’un club dans un championnat national – et les sociétés anonymes à objet sportif – gestionnaires de la seule activité professionnelle et commerciale – va un peu plus se disjoindre. Les instances sportives européennes vont avoir du travail pour justifier leur exception "culturelle" au regard du droit commun des entreprises.

    Cet exemple montre une nouvelle fois que le marché unique, comme la zone de libre échange avec la libre circulation des biens et des personnes, butte sur la question sociale – par un dumping qui ne dit pas son nom – et l’harmonisation fiscale mettant les États membres en concurrence les uns avec les autres sur un territoire commun. Si cet exemple touche une pratique sportive professionnelle, des cas similaires existent dans bien d’autres domaines d’activité. Le projet européen d’union économique et politique ne pourra progresser qu’avec une harmonisation fiscale et sociale au plan européen, et ne pourra gagner le cœur des européens que si l’alignement se fait par le haut. Les populations ne comprendraient pas que cela puisse se faire sur les politiques les moins favorables socialement. Telle est l’équation. Hélas, le calendrier pour la résoudre n’est pas encore fixé.


    Marc Feix, Chargé de cours, Université de Strasbourg
    Editorial à la lettre du CEERER de juillet-août 2013
    http://ethique-alsace.unistra.fr/uploads/media/65_Lettre_CEERE_Juillet-aout_2013.pdf


    (*) A propos du football lui-même on peut approfondir la réflexion éthique avec Denis Müller, Le football, ses dieux et ses démons, Genève, Labor et Fides, 2009.

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  5. Quinoa fait son cinéma… Et en débat!


    Après le succès de ‘La domination masculine‘ de Patrick Jean, Quinoa remet le couvert et vous invite à la projection-débat du documentaire « Solutions locales pour désordre global » de Coline Serreau.

    « Les films d’alertes et catastrophistes ont été tournés, ils ont eu leur utilité, mais maintenant il faut montrer qu’il existe des solutions, faire entendre les réflexions des paysans, des philosophes et économistes qui, tout en expliquant pourquoi notre modèle de société s’est embourbé dans la crise écologique, financière et politique que nous connaissons, inventent et expérimentent des alternatives.- Coline Serreau »

    Ce ciné-débat sera donc consacré à la thématique agriculture avec un accent particulier sur les dynamiques alternatives existant en la matière (jardins collectifs, groupes d’achat solidaires, etc.). Au menu de la soirée : un apéro convivial selon le principe l’auberge espagnole (apportez tapas et boissons), la projection du film, un débat et l’échange d’alternatives en matière d’alimentation, de soutien aux agriculteurs, etc.

    Une fois n’est pas coutume, en soutien à notre partenaire guatémaltèque, une petite boîte sera présente pour recueillir un éventuel soutien financier de votre part.

    Envie de partager un moment ludique dans un cadre convivial? A vos agendas, rejoignez-nous le 19 juillet de 18h30 à 22h à Mundo-b au 26 rue d’Edimbourg 1050 Bruxelles.

    http://www.quinoa.be/quinoa-fait-son-cinema-et-en-debat

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