«It ’s the flexibility, stupid!»
Combien de fois
les
Européens
auront-ils entendu
leurs collègues américains
que la
persistance
du chômage en Europe
était liée
à l’absence de flexibilité
du marché de l’emploi?
Pour le Chief economist
Evariste Lefeuvre,
il semble néanmoins
que la dernière récession
ait porté un coup fatal
aux vertus du «tout flexible».
Evariste Lefeuvre (1)
«Alors que de nombreuses voix continuent de s’élever pour critiquer le degré de protection excessif des salariés français ou encore le rôle démesuré des syndicats au regard du pourcentage de salariés qu’ils représentent, l’Amérique découvre le côté obscur de la flexibilité excessive du marché du travail.
Il est vrai que la France se caractérise par un marché du travail d’insiders: en phase de reprise, et à la différence de plusieurs de ses voisins, les salaires augmentent bien avant que le taux de chômage n'ait atteint son point bas du précédent cycle.
Dit autrement, l’évolution du salaire réel (le pouvoir d’achat) est déconnectée du positionnement cyclique de l’économie.
Le mode de négociation salariale consiste à privilégier les actifs, et non les chômeurs ou les jeunes (qui ne sont pas aidés non plus par la nature des contrats de travail qui sont proposés).
L’Accord national interprofessionnel (ANI), qui déplace le curseur des salaires à l’emploi, pourrait être une première dans l’inflexion de ces défaillances structurelles.
Mais ses effets seront longs à se manifester.
De leur côté, les Etats-Unis ont toujours vanté les mérites de la flexibilité: licenciements peu contraints, réévaluations salariales, durée limitée des prestations chômage, mobilité entre emplois...
Elle faisait partie des clefs du succès économique, avec une influence notable sur le mode de pensée des grandes institutions internationales. Les faits leur ont donné raison jusqu’aux années 1990 avec un fort taux d’emploi, un chômage structurellement faible et un nombre d’heures travaillées par an parmi les plus élevés au monde.
Même si ces chiffres masquaient une paupérisation inquiétante de la classe moyenne (inégalités, réduction de la couverture sociale offerte par les employeurs...), la flexibilité est longtemps restée au cœur du "succès" américain.
Elle s’est d’ailleurs considérablement accentuée au cours des deux dernières crises économique.
Mais d’une manière asymétrique.
(...)
L’illusion de la flexibilité est fondée sur ce que les économistes appellent les équilibres multiples.
En phase de plein emploi (Etats-Unis entre 1950 et 1990), la flexibilité permet d’améliorer l’efficacité du marché du travail.
En revanche, lorsque des chocs majeurs frappent l’économie, à l’instar de ce qui s’est vu aux Etats-Unis depuis environ 25 ans, cette flexibilité doit être nuancée, révisée, accompagnée d’une modification du cadre institutionnel mais aussi de la conduite des politiques économiques contra-cycliques.» (2)
Evariste Lefeuvre (1)
(1) Evariste Lefeuvre est Chief economist Amériques, Natixis New York, auteur de La Renaissance américaine, Editions Léo Scheer, Paris, 2012.
(2) Ce message ne reprend que partiellement un texte plus complet: Lefeuvre Evariste, Flexibilité du travail: une désillusion américaine, Le Monde.fr/Blogs, 13 novembre 2013.
(3) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
. «Réduction du temps de travail: l'heure a sonné!»,
. «Ecarts de rémunération. Abus de liens sociaux»,
. une série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les mouvements sociaux en général, puis sur les courants de pensée et modes de vie émergents en particulier,
. ...
(3) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
. «Réduction du temps de travail: l'heure a sonné!»,
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