mercredi 4 mai 2011

Vers un Revenu de Transition Economique (R.T.E.). A bon entendeur…


Christian Arnsperger (1)
l'affirme
haut et fort:
ce qui manque
aujourd’hui,
ce n’est pas tant
une volonté
de changement
profond
du côté des citoyens
qu'un soutien politique réel aux initiatives radicales.
A bon entendeur… (2)


Christian Arnsperger



Obnubilés par les sirènes d’un «capitalisme vert» qui permettrait de poursuivre le (green) business as usual, nos décideurs s’arc-boutent sur les enjeux budgétaires de court terme, la relance des investissements privés, le plan Marshall «2 point vert» (3) (et les arcanes d’une «politique énergétique» bien difficile à saisir).
Ce qui reste dormant sous la surface, étouffé par les urgences du moment, c’est le vaste chantier de la transition économique –notre transition économique vers le post-capitalisme.

Prise d’otage

Nous sommes pris en otage, collectivement, par une logique du profit grâce à laquelle nos employeurs nous paient des salaires et notre Etat social-démocrate finance nos services publics.
Les engrenages «profit-emploi» et «profit-Etat» sont profondément inscrits dans notre social-démocratie.
Le capitalisme est intrinsèquement gaspilleur non seulement de ressources naturelles, mais de ressources humaines: surconsommation creuse, démotivation au travail, perte de sens, dépression, voire suicide.
La prétendue «efficacité» de notre modèle de production et de croissance s’accompagne d’une inefficacité profonde, non seulement écologiquement mais aussi humainement.

Dépression coupable

Embaucher un salarié, l’utiliser à fond, puis le remplacer ou le remiser (3) avec la complicité plus ou moins explicite des pouvoirs publics), cela peut coûter cher aux entreprises comme à l’Etat, mais il y a moyen de transférer la charge sur le salarié lui-même: il peut être rendu responsable de sa propre santé, de sa propre performance, de sa propre disponibilité.
On peut lui faire comprendre que sa dépression est une question de responsabilité personnelle.
On peut engager des avocats pour démontrer que son suicide ne peut être imputé à l’entreprise.
Le ressort secret de la croissance capitaliste réside dans cette extrême fragilité et «remplaçabilité» de la ressource humaine. 
C’est ce qui permet de rendre les gens productifs.
Qui plus est, une fois passée de l’autre côté de la barrière dans son rôle d’acheteur, la ressource humaine doit également être rendue «consommative», afin de soutenir la croissance productiviste par une croissance consumériste.

Au-delà des formules creuses…

Un capitalisme vert va-t-il remédier à ces mécanismes simplement parce qu’on produira des éoliennes, des sacs en maïs ou des moteurs à cogénération?
Tant que l’enjeu sera la rentabilité maximale, donc le travail productif et le «loisir consommatif», nous ne sortirons pas de la logique ambiante.
Il n’est pas plus joyeux d’être exploité pour des éoliennes ou des chemises en lin biologique que pour des voitures diesel ou des trainings en synthétique.
Raison principale du malentendu: le capitalisme vert insiste sur la centralité des ressources naturelles et de l’environnement, mais nettement moins (ou pas du tout) sur l’écologie humaine.
Quand ses défenseurs nous disent que, par ailleurs, il faut se débarrasser de la mentalité du «toujours plus» pour aller vers le «toujours mieux», ils semblent oublier de nous dire comment nous allons nous y prendre, au sein d’une logique capitaliste mondialisée où, précisément, «toujours mieux» coïncide avec «toujours plus».

Jeu de dupes

Non, décidément, l’aménagement intérieur du mobilier social-capitaliste par partenariat public-privé entre les entreprises, les syndicats et les pouvoirs publics nous fait tourner en rond.
Le dialogue social est certes un indispensable garde-fou, et les luttes syndicales n’ont pas perdu de leur actualité.
Mais tout cela manque singulièrement de vision, et d’une saine radicalité.
Les partis en place (qu’ils soient dans la majorité ou dans l’opposition) font encore recette, mais c’est sur fond d’un essoufflement croissant.

Trahison de l’opulence

Les citoyens, eux, sont de plus en plus nombreux à le sentir, et à se déplacer en douce vers des mouvements politiques et culturels nouveaux, comme l'objection de croissance, la simplicité volontaire (4), les villes et communes en transition, les coopératives ou les écovillages, les systèmes d'échange locaux (5), les monnaies alternatives (6).
Non qu’ils soient tous des «anarchos» prêts à tout faire sauter, loin de là.
Ils travaillent d’ailleurs souvent eux-mêmes comme salariés, voire comme managers.
Simplement, ils prennent conscience de ce qu’Ivan Illich, Jean-Pierre Dupuy et d’autres ont appelé, dès les années 1970, la «trahison de l’opulence».
Ils voient que les promesses de sens de la vie que le capitalisme productiviste et consumériste nous a proposées n’ont pas été tenues.
Ils se décident à devenir des militants existentiels.

Militants existentiels

Nous entrons dans une ère citoyenne toute neuve, celle où chercheront à émerger des initiatives post-capitalistes: entreprises coopératives orientées vers la décroissance des profits destructeurs et vers des modes de production démocratiques, écovillages adossés à des agriculteurs bio, communautés locales en quête d’autosuffisance économique, habitats groupés tournés vers la lutte «en acte» contre le consumérisme, quartiers alternatifs destinés à vivre avec des «circuits courts», etc.
Il s’agit de les accompagner, de les financer, de les encourager et de les amplifier, non de les récupérer ou de les mettre sous tutelle.
Il faut notamment repenser radicalement nos politiques de soutien de revenu: un revenu de transition économique (RTE) -sorte de crédit social ou dividende monétaire de transition-, incluant soins de santé et pension, permettrait à ceux qui y aspirent de se déconnecter de la logique dominante et de construire sur le long terme des exemples de vie alternative. 
Cela protégerait autant que possible ces initiatives contre la concurrence déloyale de la logique capitaliste, féroce réductrice de coûts et gaspilleuse d’humains.

Signal fort

N’est-il pas temps d’exiger bruyamment la mise en place – en face des ministères de l’Economie et des Finances – d’un véritable ministère de la transition économique, doté d’une puissance budgétaire équivalente et chargé de financer (par le RTE et par divers subsides), de coordonner et d’accompagner ces initiatives citoyennes économiquement novatrices?
Ce ne serait certes qu’un petit pas, vu la tendance actuelle de nos élus (belges comme européens) à vouloir étouffer la radicalité citoyenne sous un Green New Deal mi-figue mi-raisin.
Mais ce serait déjà un signal fort envers une population qui attend davantage que des réaménagements de la croissance capitaliste.
Et ce serait un moyen de rendre visible une orientation vers un changement plus profond – une orientation sur laquelle on ne pourrait plus revenir en arrière, même si on l’embrasse au départ avec tiédeur.
Viendra un jour où les ministres de la transition économique pourront se rendre compte que de plus en plus de mouvements politiques et culturels sont derrière eux, et où ils oseront le pas qui fait encore si peur aujourd’hui à nos décideurs, vers un post-capitalisme déjà en gestation parmi tant de leurs électeurs. (2)(7)


Christian Arnsperger


(1) Christian Arnsperger est docteur en sciences économiques, chercheur au Fonds national belge de la recherche scientifique (FNRS) et professeur à l'Université Catholique de Louvain (rattaché à la Chaire Hoover d'éthique économique et sociale). Il a notamment écrit Critique de l'existence capitaliste. Pour une éthique existentielle de l'économie, Cerf, Paris, 2005 et Ethique de l’existence post-capitaliste. Pour un militantisme existentiel, Cerf, Paris, 2009. Il publie deux blogs, l’un en français («Transitions»), l’autre en anglais («Eco-transitions»). Il a déjà été à «l'honneur» de cinq messages sur «Projet relationnel», les 19 février, 1er mars, 2 novembre et 17 décembre 2010, ainsi que le 30 avril 2011.
(2) Ce message est repris d’une Carte blanche de Christian Arnsperger, parue dans Le Soir du 28 octobre 2009, et que nous nous permettons de reproduire ici faute de pouvoir encore y accéder, aujourd'hui, sur le site du quotidien bruxellois. Les titre, chapeau et intertitres sont de la rédaction.
(3) Plan de relance initié par les autorités politiques de Wallonie.
(4) Voir, sur ce blog, les messages publiés à ce sujet en mars 2010.
(5) Voir, sur ce blog, les messages publiés à ce sujet en mars et avril 2011.
(6) Voir, sur ce blog, les messages publiés à ce sujet en mars et avril 2011.
(7) Pour suivre (sous réserve d'éventuelles modifications de dernière minute): des messages consacrés
. à une critique de l’existence capitaliste et à une éthique existentielle de l’économie (d'après Christian Arnsperger),
. au post-capitalisme (d'après Christian Arnsperger),
. au post-libéralisme (par ou d'après Laurent de Briey),
. à une présentation de la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du bonheur par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du sens de la vie par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à l’Approche Centrée sur la Personne (d'après Carl Rogers, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme...


3 commentaires:

  1. AMBIANCES QUOTIDIENNES 12 MAI
    Mesdames, Messieurs,

    le CeaQ vous invite à la prochaine rencontre du cycle de séminaire "Ambiances Quotidiennes" avec Christine BAUER: De la construction de la notoriété, stratégie et art des paradoxes communicationnels.

    MCF en communication à l'IUT d'EVry, Christine Bauer nous présentera son travail sur la construction de la notoriété à partir du cas du designer Philippe Stark.

    Jeudi 12 mai à 17h30 Salle des thèses E637 Escalier P, 1er étage, Université Sorbonne, 17 rue de la sorbonne, 75005 Paris.

    Très cordialement,

    Le CeaQ

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  2. INVITATION

    Arts Nomades, Culture et Démocratie et le Citi (Centre International pour le Théâtre Itinérant),

    ont le plaisir de vous inviter à une journée de rencontre professionnelle, dans le cadre des Rencontres des Théâtres Itinérants, accueillies par le festival « Sortilèges, rue & vous ! »



    « Itinérance : un nouveau souffle dans la diffusion »

    Théâtres Itinérants et nouveaux territoires



    Le vendredi 3 juin 2011, de 9h30 à 17h00

    Au village itinérant, sur l’Esplanade d’Ath



    Les théâtres itinérants, en Belgique comme en Europe, évoluent et insufflent de nouvelles logiques de diffusion dans l’ensemble du spectacle vivant. En marge des festivals, d’autres espaces de rencontre avec le public se créent. Mais beaucoup de troupes de théâtres itinérants sont encore dépendantes des seuls festivals. Dépendance par rapport à quand et où ces troupes se produiront, mais également par rapport à ce que ces troupes produisent… Or l’itinérance, parce qu’elle a créé ses propres outils, possède des atouts en tant que telle et peut s’affranchir de la logique événementielle comme seule possibilité d’épanouissement. Elle s’appuie sur du structurel, mais par sa souplesse et sa mobilité, elle propose d’autres modèles qui complète une diffusion classique. De nombreuses compagnies seront présentes pour faire part de leur expérience.



    De par leur mode de vie, les troupes des théâtres itinérants vont à la rencontre des populations, les mobilisent, et créent des espaces alternatifs. Elles s’imprègnent des lieux où elles montent leurs tentes et garent leurs roulottes. Non, elle n’est pas synonyme de court-terme, même si son temps d’implantation est limité. Grâce à leur pratique et leur expérience, elles atteignent les objectifs principaux définis dans les politiques culturelles et d’aménagement du territoire de la communauté française, mais cela ne leur est pas reconnu…



    Cette journée de rencontre s’adresse à toutes les personnes qui s’interrogent sur l’itinérance, sa philosophie et ses pratiques ou qui tout simplement veulent découvrir un nouvel outil de diffusion. Elle s’adresse aux diffuseurs qui voudraient élargir leur réseau, diversifier et enrichir leurs habitudes de programmation. Enfin, elle concerne les décideurs politiques en charge des matières culturelles (échevin de la Culture, cabinets, ministres, administrations) qui devraient encourager l’itinérance dans le paysage de la Communauté française, et plus largement au niveau européen. ./...

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  3. ./...
    Programme de la journée de rencontre organisée par Arts Nomades, Culture et Démocratie et le Citi (Centre International pour le Théâtre Itinérant).


    09h30 : Accueil

    10h00-10h30 : Mots d’introductions du modérateur de la journée, Paul Biot (Fondateur du Mouvement du Théâtre Action) ainsi que des organisateurs : France Everard (Cie Arts Nomades), François Colombo (Président du Citi) et Christelle Brüll (Coordinatrice de Culture et Démocratie)

    10h30-11h00 : « L’Itinérance, une définition subjective de l’itinérance » par Pierrot Heitz (Rideau Attelé) et Raphaël Faure (Théâtre des Chemins), tous deux administrateurs de Cies itinérantes, et membres actifs du Citi.

    11h00-11h15 : « L’Itinérance : enjeux de la diffusion » – Anne Gonon (chargée des études et de la recherche à Hors Les Murs, journaliste et auteur)

    11h15-11h30 : Pause café

    11h30-12h40 : « Accueillir l’Itinérance : regards croisés » - Choix entre deux ateliers :

    L’un animé par Nadège Albaret (Centre Culturel de Berchem-Sainte-Agathe) et Claude Fafchamps (Cie Arsenic).

    L’autre par Déborah Giovagnoli (Centre Culturel de l’Eden), Nathalie Dubois (directrice et chargée des projets de partenariat à la bibliothèque provinciale de l'Université du Travail), et France Everard (Cie Arts Nomades).

    12h40-13h00 : Mise en commun des ateliers

    13h00-14h00 : Lunch concocté par l’Artisane Culinaire…











    (suite du programme de la journée)



    14h00-16h15 : « Alternatives et mise en pratique »

    - Gaspar Leclere (Cie Les Baladins du Miroir) : Mode d’emploi de l’Itinérance

    - Jacques Remacle (Cie Les Nouveaux Disparus) : Travail de réseau et Arts Forains : histoire de pratiques

    - Claude Véron (Président de Jeunes Talents Cirque Europe Association) : La diffusion de l’itinérance à l’échelon européen

    - Marc David (AMACCA : Association pour le Maintien des Alternatives en matière de Culture et de Création Artistique) : Un réseau secondaire de financement

    - Andreas Christou (Président de la FAR - Fédération des Arts de la Rue, du Cirque et des Arts Forains) : Enjeux politiques

    16h15-16h30 : Pause

    16h30-17h00 : Conclusions, perspectives - Anne Gonon et Paul Biot.

    18h00 : Festivité de clôture du festival…



    Informations pratiques :

    Un PAF de 15 euros est demandé aux participants pour la participation à la journée (sont inclus le repas de midi et les boissons pendant les pauses). La somme est à verser sur le compte d’Arts Nomades : 751-2012385-63. En communication, précisez votre nom et la date du 3 juin 2011. L’inscription ne sera prise en compte qu’une fois le paiement effectué et le talon réponse reçu.

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