samedi 10 avril 2010

Altermondialisme. Feu ce... très cher capitalisme !















La caractéristique première du capitalisme ? Il mise d’abord et avant tout sur l’accumulation illimitée du capital. Tel est l’avis de l’altermondialiste américain Immanuel Wallerstein. Qui ajoute que les possibilités d’une telle accumulation ont atteint leurs limites. Et annonce la fin imminente de ce... très cher système économique !

Immanuel Wallerstein (1)


Au sein du capitalisme, tout producteur supporte trois coûts principaux: il doit
. rémunérer son personnel,
. acheter sa matière première,
. payer les impôts prélevés par les structures étatiques.
Or, ces coûts ayant grimpé régulièrement tout au long de l’histoire du système en question et encore davantage au cours des cinquante dernières années, ils ont désormais atteint des niveaux excessifs au regard des possibilités du marché. Désormais, ils commencent en effet à tirer les prix de vente au-delà de ce que le consommateur est prêt à débourser.
Prenons l’exemple de la main d’œuvre. Le petit personnel se syndicalisant toujours davantage, l’employeur a réagi en allant voir ailleurs. Mais il s’est retrouvé confronté à un autre problème: celui des cadres. Dont le nombre et la rémunération ont considérablement augmenté. Les actionnaires ont-ils tenté de contrer ces dynamiques ? Pas du tout. Ils ont au contraire laissé faire. Car leur pouvoir au sein de l’entreprise est extrêmement limité. Ils ne ramassent que les miettes…

Noir, impairs et… impasse !

Cet exemple ne fait qu’illustrer un constat beaucoup plus global. Celui d’une triple impasse…
. D’abord, un processus arrive en fin de course, qui consiste à aller chercher toujours plus loin du travail moins coûteux.
. Ensuite, un phénomène de fuite en avant est en train de s'épuiser, qui consiste à «externaliser» les coûts sociaux et environnementaux de la production en abandonnant à la collectivité les coûts liés aux infrastructures collectives et à la gestion des déchets. Avec, d’ailleurs, tous les effets pervers de ce mode de fonctionnement: pollution, épuisement des ressources naturelles...
. Enfin, la démocratisation de la société a débouché sur une série de droits acquis et autres avantages sociaux (santé, éducation, retraite…) auxquels plus personne n’entend renoncer.
Au bout du compte, le système a pris trop de distance avec son point d’équilibre, finissant ainsi par perdre la stabilité qui tendait toujours à l’orienter dans le sens du déterminisme et à limiter ses excès.
Il a bien tenté, dans un premier temps, de redresser la barre en recourant au libre arbitre d’un libéralisme radical pour s'affranchir au maximum des entraves de la régulation. Mais ce palliatif a vite révélé toutes ses limites. Il n’a pas réussi à empêcher les coûts de poursuivre leur irrésistible ascension vers de mortifères sommets. Et le constat de se dresser devant nous, accablant: la courte période néolibérale qui est en train de s’achever a failli à sa tâche. L’inversion de tendance qu’elle a générée s’est révélée aussi provisoire qu’imparfaite. Donc insuffisante…

Pour le meilleur ou pour le pire… ?

Voilà pourquoi, de nos jours, les opposants au capitalisme ne sont plus les seuls à chercher une solution de rechange.
A l’intérieur même du clan de ses défenseurs, les plus intelligents ont compris l’enjeu de la crise actuelle: le rythme d’accumulation envisageable a fléchi au point que leur participation au système ne se justifie plus.
D’où leur propre quête d’alternative.
La seule différence entre les candidats «issus de l’opposition» et leurs adversaires de la «majorité sortante», c’est que les premiers désirent un système de remplacement plus démocratique et égalitaire, alors que les seconds souhaitent poursuivre sur le chemin d’une hiérarchie et d’une inégalité susceptibles de leur conserver les privilèges du passé.
C’est en ce sens, et en ce sens-là seulement, que la messe n’est pas encore dite.
Par rapport au monde qui vit actuellement ses ultimes instants, celui qui adviendra peut aussi bien se révéler plus perméable aux dérives de l’exploitation et de la violence que plus en phase avec les revendications progressistes et égalitaires. (2)(3)

Immanuel Wallerstein


(1) L’Américain Immanuel Wallerstein est historien, sociologue et économiste. Il a enseigné à l’Université Columbia (New York), à l’Université McGill (Montréal) et à l’Université de Birmingham (New York). Il travaille aujourd’hui pour l’Université de Yale et pour la Maison des Sciences de l’Homme (Paris). Il a notamment écrit Comprendre le monde. Introduction à l’analyse des systèmes-monde, La Découverte, Flammarion, Paris, 2006.
(2) Suite et fin du compte-rendu de la conférence donnée par Immanuel Wallerstein, le 4 mars 2010, à l’Université Libre de Bruxelles, dans le cadre du cycle «Cultures d’Europe». En cas d’intérêt, on se référera utilement à l’interview préalablement accordé par l’intéressé au quotidien Le Soir pour parution le même jour («Le système capitaliste est en phase terminale», Forum, p.16).
(3) Pour suivre (sous réserve d'éventuels changements de dernière minute) :
. «Economie. Décroissance au petit déjeuner…» (Christophe Engels),
. «Economie. Changement de cap.» (Isabelle Cassiers),
. «Economie. Le tri de la croissance.» (Isabelle Cassiers),
. «Economie. Ce qui compte et ce que l'on compte.» (Isabelle Cassiers et Géraldine Thiry),
. «Economie. Dégrippons la boussole!» (Isabelle Cassiers)...

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