dimanche 27 avril 2014

Courants de pensée et modes de vie émergents (30) Mutant. La singularité en personne












Moins (égo)individualiste 
que (philosophiquement) 
Individualiste, 
le «mutant»
Qui s'individualise moins 
qu'il ne... s' «individue»!
La singularité 
en personne...


Le mutant se voit et entend vivre dans un monde (philosophiquement) Individualiste (1).  
S'agit-il pour autant de considérer qu'il tendrait à ramener l'évolution sociale de ces derniers siècles à un processus de repli sur soi et/ou à une propension à se dégager de ses appartenances propres?
Absolument pas!
Car ce dont il est question ici, c'est d'un autre phénomène.
Qui tient moins de ce type d'individualisation que d'un autre.
Que Jacques Ion (2), pour éviter toute ambiguïté, préfère qualifier d'«individuation».
Soit un principe renvoyant moins à la cupidité qu'à la curiosité.

Et moins à l'ego qu'à la singularité. 
Celle-là même qui fait de l'Individu une entité spécifique.
Unique.
Différente de toute autre. 

Individuation, le retour

L'ancien directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (C.N.R.S.) ne se contente pas de parler d'individuation.
Il évoque l'émergence récente d'une seconde phase de ce processus. 
«La première symbolisée par les Lumières, avait conduit à définir un individu abstrait et universel.
La seconde tend à valoriser les êtres dans leur particularité plutôt que dans leurs rôles et dans leurs statuts.» (3)
C'est que nous vivons de plus en plus dans des sociétés qui se pensent comme composées d'Individus, à la différence des sociétés dites «holistes», qui s'appréhendent avant tout comme la somme organisée de collectifs et dans lesquelles le tout prime sur les composantes. (4)
«L'individu singulier est conduit à penser ses propres pratiques dans le cours même de l'action, précise le sociologue hexagonal.
Charles Taylor, tout comme Ulrich Beck qui parle d'"individualisme réflexif", font de la réflexivité la caractéristique même de l'individu contemporain.
Ce dernier est soumis à un travail permanent de construction de sens.
L'élaboration de soi suppose un questionnement incessant, qui était hier l'apanage des élites intellectuelles et des artistes. 
La réflexivité identitaire contraint tout un chacun à penser ses propres pratiques et  à les intégrer dans une visée de réalisation de soi.» (5)
Ce degré supplémentaire dans le processus d'individuation doit-il être appréhendé comme une sorte d'autolibération de l'individu?
Non. 
«L'individu contemporain demeure le produit des institutions, même si ces dernières se transforment et précisément se restructurent partiellement autour de la notion de personne.» (6)

Etre, de plus en plus, une personne...

«Nul ne conteste aujourd'hui le caractère obligatoire de la règle qui nous ordonne d'être et d'être, de plus en plus, une personne», écrivait déjà Emile  Durkheim. (7)
Ion en rajoute une couche...
«Le développement de l'individuation ne signifie absolument pas un retrait sur soi.
Bien au contraire, puisque l'identité personnelle ne peut se construire que dans la relation à l'autre.
» (
8)
Voilà qui rappellera quelque chose à tous ceux qui, de près ou de loin, s'abreuvent aux sources du personnalisme.
Qui refuse la séparation autant que la fusion.
Qui dit non à l’indépendance du «Après moi le déluge»!
Mais non, tout autant, à la dépendance!
Celle d’une gauche dévoyée, qui tendrait soit à me déresponsabiliser radicalement par rapport à l’Etat soit à me mettre complètement à sa merci.
Ou alors celle d’une droite cynique, qui me livrerait sans le moindre garde-fou à la vindicte anarchique et impitoyable du marché.

Mutant et personne: même combat... intérieur !

Personne et mutant, même combat?
Oui.
Même combat... intérieur!
Et même apport constitutif de l'interdépendance.
Car ce qui les fonde tous deux, c’est moins le moi, l’Etat ou le marché que l’authenticité d’une relation qui «nous invite à sortir de ces comportements utilitaires qui font la froideur de l’individualisme marchand.» (9)(10)


(A suivre)

Christophe Engels


(1) Nous ne revenons pas à ce stade sur la différence, que nous proposions dans les deux derniers messages, entre individualisme de l'ego et Individualisme philosophique.
(2) Le sociologue français Jacques Ion a écrit de nombreux ouvrages sur l'engagement et le miltantisme. 
(3) Ion Jacques, S'engager dans une société d'individus, coll. Individu et société, Armand Colin, Paris, Paris, 2012, pp.77-78.
(4) Cfr. Ion Jacques,  idem, pp.75-76. 
(5) Ion Jacques, idem, pp.83-84. 
(6) Ion Jacques, idem, p.77. 
(7) Cité in Ion Jacques, idem, 2012, p.77.
(8) Ion Jacques, idem, p.94. 
(9) Les lecteurs les plus attentifs et assidus reconnaîtront peut-être ces dernières lignes, étroitement inspirées du tout premier message de ce Projet relationnel. 
(10) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute): 
. la suite d'une série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de vie émergents,
. (d'ici plusieurs semaines,) des analyses sur la social-démocratie, l'écologie politique, l'immigration...


2 commentaires:

  1. Les temps sont durs pour les artistes. Des conditions de plus en plus drastiques (voire opaques) pour accéder à leur «statut» leur sont imposées, type de contrat de travail ne correspondant pas à la réalité de leur métier d’artiste, menaces d’expulsion du chômage.

    Nous relayons cette inquiétude en l’inscrivant toutefois dans une vision plus large. Le sort des artistes n’est-il pas similaire à celui de bien d’autres personnes : jeunes diplômés à la recherche d’un emploi, travailleurs intérimaires, allocataires sociaux, chômeurs de longue durée?

    Dans un contexte de régression sociale généralisée, que des mesures assurant une relative sécurité financière aux artistes professionnels soient abolies, voilà qui semble dorénavant conforme au cours «normal» des choses. Ce qui reste de l’Etat-Providence disparaît progressivement. Inexorablement ?

    Face aux logiques d’austérité, l’Etat capitule et, en quelque sorte, se retire. Partout. Mais s’il n’est plus celui qui organise la solidarité, qui corrige les inégalités, qui soutient « la création », à qui reviennent ces tâches ? S’il se travestit, s’il tend à n’être plus que le fondé de pouvoir du Marché Mondial, s’il n’est plus chose publique, s’il n’est plus un outil au service du plus grand nombre et perd de sa légitimité, il est peut-être temps que soit proclamé, en s’inspirant de l’article 35 de la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1793, que l’Etat, c’est nous!

    Il devient donc urgent d’inventer, localement, ponctuellement, de nouveaux possibles politiques, de nouveaux dispositifs de solidarité, de nouvelles manières de concrétiser l’égalité. Les artistes bougent. Par des happenings, des pétitions, ils font preuve d’une belle créativité pour espérer recouvrer leurs acquis. Sans grand succès jusqu’ici. Ils devront bientôt, à l’évidence, élargir le front et redoubler d’énergie pour construire, avec tous ceux qui partagent une destinée commune à la leur, ces nouveaux possibles, ces nouvelles façons de vivre ensemble, cette démocratie, cette Chose Publique aujourd’hui en ruine ?

    BDR
    Coordinateur de Culture & Démocratie
    http://www.cultureetdemocratie.be/lettre/view/72


    * La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793 énonce en son article 35 : «Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.»

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  2. INTERPELLONS LES CANDIDATS AUX ELECTIONS EUROPEENNES

    Après la mobilisation des associations autour des élections municipales, nous appelons les associations et les collectifs à se mobiliser pour interpeller les candidats aux élections européennes et leur demander fermement de promouvoir une autre politique associative au niveau européen.

    En France, 80 % des lois votées sont des transpositions de décisions européennes. En particulier la réglementation européenne influe fortement sur la marchandisation des actions associatives, l'utilisation croissante des appels d'offres au détriment des subventions et largement sur une vision utilitariste de l'action associative, alors que l'essentiel de leur valeur ajoutée est faite de développement humain, de participation à la vie de la cité, de renforcement du lien social et d'épanouissement des personnes.

    Il est donc essentiel que les associations s'impliquent dans la campagne des européennes pour poser des questions qui engagent leur avenir.

    Nous proposons deux outils aux associations afin de leur permettre de questionner les candidats et éventuellement d'agir au niveau européen, en apportant pour ce faire un certain nombre d'éclairages afin de comprendre pourquoi les associations sont concernées par la construction européenne...

    . Un bref texte précisant le rôle et fonctionnement du parlement et son élection puis proposant 3 niveaux de questions pouvant être soumis aux candidats: TEXTE CAC et Parlement Européen (http://www.associations-citoyennes.net/wp-content/uploads/2014/04/3p-associations-et-parlement-europ-avril-2014.pdf)

    . Un fascicule plus complet (en version A5) permettant de préciser en quoi les associations sont concernées par la construction européenne et quelles sont les capacités d'agir des députés européens -en distinguant trois niveaux d'intervention-.

    La question est aussi de cerner quelles sont les possibilités et les capacités des associations à s'organiser et à agir au niveau européen auprès des institutions (Parlement, Conseil, Commission et Cour de justice).

    Comme les institutions européennes demeurent largement méconnues de la plupart de nos concitoyens (tout comme les associations des instances européennes) leur histoire et leur rôle sont ici rapidemement repris : GUIDE POUR QUESTIONNER LES CANDIDATS AU PARLEMENT EUROPEEN (http://www.nondisparitionassociations.net/?p=2173)

    www.associations-citoyennes.net et www.nondisparitionassociations.net

    Contact: Isabelle Boyer au 0(033)7 70 98 78 56, contact@associations-citoyennes.net

    CAC: Chez Peuple et Culture, 108 rue Saint-Maur 75011 Paris

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