dimanche 4 août 2013

Pauvreté. L'autre face de la petite pièce...


Allemagne, 
Suisse, 
Etats-Unis, 
Canada
France
Italie,  
Grèce
pays 
du Maghreb... 
Même combat 
contre 
la pauvreté?
Pas vraiment!
N'empêche... 
Partout, ils sont innombrables 
à vouloir gagner des millions
Et très peu à y arriver.
De moins en moins, même, 
à vivre confortablement. 
Et de plus en plus 
à peiner 
pour nouer les deux bouts. 
Matériellement et au-delà...


Trop souvent, le phénomène de la pauvreté est décrit en terme de pénurie matérielle: insuffisance de nourriture, déficit de revenus, manque de logement… 
C’est oublier l’autre face de la (petite) pièce. 
Immatérielle, celle-là. 
La privation enferme en effet dans la course à la survie. 
En condamnant à ne plus s’occuper que de l’immédiat. 
En interdisant de se projeter dans le futur. 
En privant d’espérance. 
Car demain tout sera à recommencer. 
Et le jour suivant. 
Et encore le jour suivant… 
Une telle insécurité ne va pas sans conséquences redoutables. 
On pense par exemple au risque d’éclatement familial. 
Ou alors au danger de se retrouver sous le joug de l’exploitation. 
Celle-là même qui renforce encore la négation des capacités. 

Malheureux, les pauvres...

C’est le règne de l’humiliation et de l’exclusion. 
Dont la victime, se sentant rejetée dans sa dignité de personne, en arrive à se réfugier dans le silence. 
«Pour être catalogué comme pauvre dans un pays riche, il n’est pas nécessaire de mourir de faim ou d’avoir à peine de quoi survivre, précise le politologue allemand Christoph Butterwegge (1)
Il suffit de ne pas pouvoir rester dans la course. 
D’être défavorisé dans de nombreux domaines, comme le logement, le voisinage, l’école, la santé, la culture…
Bref de ne pas avoir la même place que les autres dans la société.» (2)
«Même si le revenu disponible pour vivre est plus élevé en France et dans les contrées favorisées, y compris pour les moins bien lotis, il reste qu’on n’est pas regardé de la même façon selon que l’on fasse partie des nantis ou des démunis, ajoute le sociologue français Serge Paugam (3)
Le mot "pauvreté" n’a donc pas le même sens dans nos pays. 
Mais je pense que la réalité qu'il recouvre reste plus stigmatisée que jamais.» (4)

«Arrête de te victimiser!» 

Car le plus dur à vivre dans la misère, c’est souvent la violence du mépris. 
Quotidienne et insupportable pour tout qui la subit, elle est pourtant invisible aux autres. 
Ceux qui la commettent. 
Et ceux qui s’abstiennent d’y réagir. 
Au point de voir se banaliser des mots qui tuent: «cas social», «mauvaise mère», «incapable», «bon à rien»… 
Et une deuxième couche de violence de venir se superposer à celle de la misère: celle des fausses interprétations attribuées aux réactions, pourtant humaines, des personnes en situation d’extrême pauvreté. 
«Leurs pleurs et leurs cris sont considérés comme une manipulation. 
Leur colère et leur désaccord comme une agression. 
Même leur silence est incompris.» (5) 

La misère en personne 

Tel est l’interpellant constat dressé par ATD Quart Monde (6)
Qui, pour y faire face, préconise trois pistes de solutions. 
L’écoute. 
Encore l’écoute. 
Et toujours l’écoute. 
Car pour les personnes en difficulté de vie, poser d'initiative le choix d’une rupture du silence est par trop risqué. 
Elles savent qu’une telle décision pourrait se retourner contre elles. 
Aux institutions publiques et aux observateurs neutres, donc, de faire le premier pas. 
De rétablir le dialogue. 
De créer les conditions pour en finir avec toutes ces violences. 
De ne pas déconsidérer l’expérience de terrain par rapport aux autres types de connaissance. 
De faire de l’ «apprenant» un co-créateur de savoir… 

Richesse de la pauvreté… 

Car le pauvre a sa part de… richesse. 
De richesse humaine… 
«Bien souvent, ce ne sont pas les riches qui aident les nécessiteux, explique un Québécois qui a accepté de se plonger dans l’indigence pendant quelques mois pour les besoins de l'extraordinaire émission Naufragés des villes (7)
Ceux qui n’ont rien vont quand même trouver les moyens d’aider un voisin encore plus mal loti. 
La pauvreté, c’est aussi une question d’attitude. 
Ceux qui y sont plongés aident différemment. 
Et mieux… 
Plus concrètement. 
Sans juger. 
Sans poser de questions. 
En laissant plus de places aux autres. 
De quoi faire de moi, aujourd’hui, quelqu’un de plus sensible à la misère que je côtoie au quotidien. 
Au point qu’avec le recul, je me félicite d’avoir pu vivre une telle expérience.» (8) 
Et de conclure, le regard braqué sur ce monde qui fut provisoirement le sien… 
«J’ai un morceau de mon amitié de vie qui est ici.» (9) 

Christophe Engels 

(1) Institut d’études politiques, université de Cologne. 
(2) Extrait du reportage: Picaretta Lourdes, La fabrique des pauvres, SWR/Arte, 2012. 
(3) Ecole des Hautes Etudes de Sciences Sociales (EHESS, à Paris). 
(4) Extrait du reportage: Picaretta Lourdes, La fabrique des pauvres, SWR/Arte, 2012.
(5) Mouvement international ATD Quart Monde, La misère est violence, Rompre le silence, Chercher la paix, Un projet de recherche-action participative sur les relations entre misère, violence et paix, Dossiers et documents nº 20 Mouvement international ATD Quart Monde, 2012, édition révisée en février 2013. 
(6) Idem
(7) St-Onge Marc, Naufragés des villes, Radio Canada, 2010 (diffusé sur  RDI et, dans la série Cousinades, sur TV5 Monde). 
(8) Idem
(9) Idem.



Sécuriser les précaires 
  
Créer un bouclier social

Dans chacun de nos pays, chaque mois, des dizaines de milliers d’hommes et de femmes perdent leur emploi et basculent dans une très grande précarité. 
Vu la gravité de la crise et le peu d’espoir d’un retour rapide au plein-emploi, les mesures de dégressivité prises récemment pour l’indemnisation des chômeurs aggravent encore considérablement leur situation. 
De plus, les emplois auxquels ils peuvent accéder, souvent peu rémunérés, à temps partiel et précaires ne leur permettent pas d’échapper à la pauvreté.

Pour éviter que le chômage ne soit synonyme de précarité, de pauvreté ou de déqualification, il faut regarder ce qui se fait au Danemark en matière de sécurité et d’accompagnement des salariés au chômage. 
La plupart des salariés qui perdent leur emploi peuvent conserver 90 % de leur revenu pendant 4 ans, dès lors qu’ils sont bien en recherche d’emploi ou en formation.

A l’inverse des mesures de dégressivité, prolonger l’indemnisation des salarié(e)s au chômage, c’est une des premières mesures qu’a prises Roosevelt en 1933. 
C’est aussi une des premières mesures prises par Churchill quand il devient Premier Ministre.

Les salariés sont près de 90 % des actifs mais il est évident qu’il faut aussi améliorer l’indemnisation des artisans et des petits indépendants qui sont souvent des salariés sans protection et se retrouvent parfois dans des difficultés plus grandes encore que les salariés sans emploi. 
Il faut ainsi revoir en Belgique le système actuel de plafonnement des cotisations des indépendants qui est dégressif et non-solidaire.
Au-delà de cette mesure d’urgence, un débat doit s’engager sur l’unification et la simplification de l’ensemble des dispositifs de couverture sociale dans la perspective de créer un véritable bouclier social.

En aucun cas il ne faut accepter d’opposer l’emploi à la qualité de l’emploi.