jeudi 8 août 2013

Pauvreté. Etat d'urgence



Un très beau reportage.
Qui nous mène du côté de l'Espagne d'en-bas.
De la France défavorisée.
De l'Allemagne sacrifiée.
Coup d'oeil dans les coulisses de l'Europe.
Celles des jeunes laissés-pour-compte...

«C'est mieux de faire ses courses au supermarché.
Bien mieux.
Mais quand tu n'as pas d'argent, c'est mieux qu'on te donne à manger....» (1)
A sept ans, Coraina a déjà tout compris.
Compris qu'au mieux, elle se nourrira grâce aux paniers du Secours populaire.
Compris qu'elle continuera encore longtemps à s'habiller chez Emmaus.
Compris qu'elle n'est pas près de recevoir des bonbons.

Culture: route barrée

La petite Catalane fait partie de ces bambins qui se sentent systématiquement un peu à part.
Pas vraiment dans la misère.
Mais toujours légèrement à l'écart de leurs camarades de classe.
La faute, en l'occurrence, à la situation précaire de maman. 
Une Barcelonaise qui rame.
Qui galère. 
Qui ne parvient pas à nouer les deux bouts. 
Sa fille en subit-elle les conséquences?
Oui, bien sûr.
Et pas seulement sur le plan matériel...
«Il m'apparaît assez flagrant que la pauvreté est une barrière qui osbstrue le chemin de la culture, explique Rachel Garcia, professeur au collège Pythéas de Marseille.
Les enfants concernés n'ont pas les moyens d'accéder aux livres, aux voyages, aux sorties, au théâtre, aux concerts qu'ils aiment...
Du coup, ils n'arrivent pas à imaginer des possibles, des horizons différents.» (1)

No future

Mais petit chérubin deviendra grand.
Assez grand pour réaliser qu'il se situe dans une impasse.
Et pour sonner l'heure de l'indignation...
«Ces jeunes se révoltent et remettent en question à la fois l'appareil scolaire qui les a éliminés ou disqualifiés, le système professionnel qui ne leur offre aucune perspective et tout l'univers qui accompagne les grandes institutions de la politique, analyse le sociologue français Serge Paugam (2)
Donc, ils vont plutôt essayer de chercher leur identité à travers des modèles contre-culturels.
Raison pour laquelle on voit clairement apparaître, y compris dans le langage, une production culturelle qui leur est propre.
Une production qu'ils essayent de faire valoir à travers des expressions de mécontentement.
Et qui se traduit par des actes de violence.
» (1)
«Ce sont en partie des émeutes de protestation sans but précis, renchérit son collègue allemand Michael Hartman (3). 
Mais si toute une jeunesse se retrouve privée de perspective, il faut bel et bien parler de bombe à retardement.» (9)
«La société s'est mise en situation d'urgence, abonde le politologue espagnol, Ricard Goma i Carmona (4)
Voire au bord de l'explosion...» (1)
Et Paugam de conclure...
«Si les jeunes d'aujourd'hui n'ont pas d'avenir en Europe, cela veut tout simplement dire que l'Europe n'a pas d'avenir.
Qu'elle est un continent voué à connaître les affres de la dégringolade.
Tant au niveau économique que sous l'angle social...» (1)

C.E. 

(1) Extrait du reportage: Picaretta Lourdes, La fabrique des pauvres, SWR/Arte, 2012. 
(2) Ecole des Hautes Etudes de Sciences Sociales (EHESS, à Paris). 
(3) Université de Darmstadt.
(4) Institut d'Etudes Politiques, Université de Barcelone.