mercredi 10 mars 2010

Moi, simplicitaire…


Son niveau d’études est élevé. Il est plus souvent qu'à son tour considéré comme un peu marginal par son entourage. Il regarde, en effet, avec un certain malaise l’incarnation du tout au matérialisme et à l'individualisme que véhicule notre société. Et s’il se sent riche, c’est en capital… culturel et en ressources… sociales. Son nom? «Simplicitaire»...

«Simplicitaire».
Un néologisme venu du Québec.
Et qui signifie «adepte de la simplicité volontaire».
Mais qui est-il exactement?
A quoi ressemble-t-il donc?
Et quel est son profil? (1)
Présentation...

Priorités alternatives

Les choix de vie du simplicitaire renvoient le plus souvent à un cocktail de motivations diverses :
. un souci environnemental,
. une quête de sens et de spiritualité,
. un besoin de justice sociale,
. des préoccupations portant sur sa propre manière de consommer,
. des problèmes d’argent ou d’endettement,
. des ennuis de santé, du stress ou de l’épuisement. (2)
 «La simplicité volontaire passe par cette rupture qu’est la prise de conscience» précise Emeline De Bouver (3).
«Pour rentrer dans une telle démarche, il faut vivre dans un certain mal-être et avoir envie que cela change» renchérit le président des amis de la Terre, Ezio Gandin. (4)
A partir de là, cependant, la convergence d’approche n’est plus nécessairement parfaite entre compagnons de route simplicitaires.
L’attente, par exemple, n’est pas toujours la même par rapport à la manière d’équilibrer témoignage, réflexion et action. «Certains sont même critiques de la manière dont se traduit parfois l’engagement au sein d’associations : on ne quitte pas une certaine forme de consommation si ce sont toujours les mêmes qui font la formation.» (5)

L’altermondialiste, ce cousin éloigné…

Le simplicitaire, pourtant, n’est pas contestataire dans l’âme.
Là se situe d’ailleurs peut-être sa principale divergence avec les alter-mondialistes.
«Ces activistes s’insurgent contre les politiques néolibérales», écrit Emeline De Bouver.
Pour eux, «un autre monde est possible dans lequel les individus et les collectivités peuvent participer aux décisions qui affectent leur avenir et celui de la planète. (…)
La simplicité volontaire pourrait entrer dans ce mouvement très vaste. 
En effet, ses actions sont locales tout en reposant sur une logique globale. Et elles sont aussi pragmatiques, concrètes et directes. 
En revanche, dans la simplicité volontaire, le côté militant (au sens d’une entrée en lutte sociale) du mouvement altermondialiste est très peu présent, voire entièrement absent. (…)  
La simplicité volontaire part de l’idée selon laquelle il faut commencer par se développer soi-même avant de pouvoir agir sur le collectivité. (…)
La volonté n’est pas du tout d’imposer un mode de vie, mais plutôt d’arriver (…) à montrer aux autres une des voies possibles à suivre.» (5)

Le créatif culturel ? Un frère pour moi…

Ainsi, si le simplicitaire cherche autant que l’alter-mondialiste à s’épanouir dans un système qui ne lui correspond pas, il ne ressent pas, lui, le besoin de tout changer et de recréer la société selon d’autres principes.
Il préfère, a priori, se replier sur lui-même ou dans une communauté réduite qui partage ses idées. Une option qui le rapproche du créatif culturel. Qu’il retrouve fréquemment dans les mouvements Slow (6), RESs (Réseaux d’Echange des Savoirs), SELs (Systèmes d’Echanges Locaux), GACs (Groupements d’Achats Communs)… Et dont il épouse étroitement les valeurs intérieures, féminines, solidaires et écologiques. «Comme les simplicitaires, il importe aux créatifs culturels de faire correspondre les actes de leur vie quotidienne avec leur conception du monde et leurs valeurs personnelles.» (5)
Fort bien.
Mais alors, quelle différence?
Se situerait-elle dans l’accentuation encore plus manifeste que fait porter la simplicité volontaire sur le minimalisme?
Ou alors dans le rapport entre raison et émotion, le simplicitaire accordant autant de poids aux deux termes de l’équation alors que le cœur du créatif culturel balancerait plus volontiers vers le cerveau gauche et l’intuition?
A moins que cette ultime spécificité ne vaille pas au-delà de la petite Belgique francophone?
Autant d’imprécisions qui trouveraient sans doute avantage à être approfondies. Même si elles ne doivent pas faire oublier l’essentiel : «80% des créatifs culturels sont partisans de la simplicité volontaire». (7)
Simplicitaires et créatifs culturels, même combat... intérieur!

Christophe Engels (d'après Emeline De Bouver)

(1) Il existe une abondante littérature sur le sujet. Mais nous nous sommes plus spécialement penché sur un ouvrage en particulier (sur lequel, d’ailleurs, nous reviendrons), celui de Emeline De Bouver: De Bouver Emeline, Moins de biens, plus de liens. La simplicité volontaire. Un nouvel engagement social, Couleur Livres, Charleroi, 2008.
(2) Les quatre premières de ces «portes d’entrée», présentées par ordre d’importance, sont reprises à Emeline De Bouver (ibidem) qui, pour les deux autres, se réfère à Dominique Boisvert (Dominique Boisvert, L’ABC de la simplicité volontaire, Ecosociété, Montréal, 2005, p. 29).
(3) Licenciée en sciences politiques, la jeune habitante d’Ottignies s’est fendue d’un travail de fin d’études sur la déclinaison belge de ce mouvement, auquel elle adhère d’ailleurs elle-même. Elle prépare aujourd’hui un doctorat à la Chaire Hoover d’éthique économique, sociale et politique de l’UCL.
(4) Entretien avec Ezio Gandin, in De Bouver Emeline, Moins de biens, plus de liens. La simplicité volontaire. Un nouvel engagement social, Couleur Livres, Charleroi, 2008, p. 20.
(5) De Bouver Emeline, Moins de biens, plus de liens. La simplicité volontaire. Un nouvel engagement social, Couleur Livres, Charleroi, 2008.
(6) La nébuleuse des mouvements Slow propose un nouveau rapport au temps (Take back your time,…) et, parfois, à la nourriture (Slow Food).
(7) Ruwet André, Magazine-réseau pour créatifs culturels, in Imagine magazine, février 2003.

2 commentaires:

  1. C'est vrai que la différence entre simplicité volontaire et créativité culturelle n'est pas si évidente.
    P.d.C.

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  2. Créatif culturel : c'est une traduction littérale de l'anglais qui n'est pas claire. Je préfère : créateur de culture.

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