mardi 23 mars 2010

Créatifs culturels. Théorie de l'évolution...


Thierry Verhelst s’intéresse de très près aux cultures et aux spiritualités contemporaines. Qui plus est depuis longtemps. Inutile de préciser que le phénomène des Créatifs Culturels n'a pas échappé à cet anthropologue averti. Qui y voit le signe d’une évolution sociétale incontestable. A ne pas idéaliser, certes. Mais à ne surtout pas sous-estimer...

Thierry Verhelst (1)(2)


Ce qui est remarquable dans le phénomène des «créatifs culturels» américains et européens (3), c’est que les media et les politiques ne le captent pas, tant ils sont pénétrés de la conviction que la modernité est la seule manière d’être au monde. L’ancien système ne comprend pas et ne voit rien, dirait-on. Les haut-parleurs de cet ordre, à commencer par l’université et les media, diffusent généralement les valeurs courantes.
Ce qui est plus significatif encore, c’est que les intéressés eux-mêmes s’estiment marginaux et isolés. Interrogés sur le nombre de gens qui partagent leurs valeurs, les «créatifs culturels» se sous-estiment et évaluent à 5% de la population ceux qui pensent et se comportent comme eux.

Action !

Aujourd’hui donc, les «créatifs culturels» sont un fait incontournable. Certes, il convient de ne pas se leurrer au sujet des chiffres américains et européens rapportés ici (3). Il s’agit peut-être, chez certains, plus d’intentions que de changement de comportement réel. Le problème réside dans le passage à l’acte. Admettons donc de revoir à la baisse ces pourcentages impressionnants. Mais ne sous-estimons pas le rôle novateur des minorités. Gardons à l’esprit cette remarque de l’anthropologue Margaret Mead : «Ne remettez jamais en question la capacité d’un petit groupe à changer la situation. Rien d’autre n’y est jamais parvenu.»

Idéal simplifié?

Il ne faut pas non plus idéaliser l’évolution en cours.
Tout d’abord, cette évolution, même si elle est positive, ne nous conduit pas à une société idéale car elle laisse entier le problème du mal en l’homme. Ce n’est pas un paradis sur terre qui se prépare! L’expérience dramatique des messianismes staliniens et hitlériens nous met en garde contre une telle illusion.
Ensuite, il convient d’observer que certaines enquêtes qui révèlent l’avènement de ces nouvelles valeurs font état chez ceux qui les proclament, d’une allergie au politique. Cela pose question.
Où peut aboutir cette allergie au politique, par ailleurs bien compréhensible? L’hostilité au politique ne s’adresse-t-elle qu’aux palinodies vaniteuses et aux slogans superficiels qui trop souvent déparent la politique politicienne? Ou faut-il craindre une démobilisation qui frôlerait le cocooning individualiste.
Un regard plus optimiste verra dans cette désaffection une version originale de la politique de la chaise vide: le système souffre à la longue d’un tel déficit démocratique qu’il en perd sa légitimité.
Si une grande masse de gens sortent du système, dira-t-on, celui-ci ne pourra survivre à terme faute de légitimité. Peut-être… mais nous n’en sommes pas là. Et les partis populistes et d’extrême droite guettent toutes les occasions de détruire la démocratie. Il faut se garder de renforcer le discours néolibéral en dépouillant encore le politique de son rôle dans la société. Il demeure plus que jamais essentiel de s’engager politiquement en ces temps sinistres du «tout-au-marché». L’apport des «créatifs culturels» à un nouveau paradigme culturel, et l’événement concret de celui-ci sont liés indissociablement à l’effacement du néolibéralisme et au dépassement du capitalisme moderniste (3). Pour ce faire, le rôle du politique reste crucial. Il nous faudra d’autres maires tels celui d’Antinopolis, et puis d’autres mahatma Gandi, d’autres Nelson Mandela, d’autres Vaclav Havel pour intéresser les citoyens, et susciter en chacun ce qu’il y a de plus noble.

Thierry Verhelst


(1) Docteur en droit, Thierry Verhelst est anthropologue juridique, consultant, enseignant dans plusieurs universités, responsable d’ONG et prêtre orthodoxe.
(2) Cette analyse est extraite du dernier et remarquable ouvrage de Thierry Verhelst: Des racines pour l’avenir. Cultures et spiritualités dans un monde en feu, L’Harmattan, Paris, 2008. Les titre, chapeau et intertitres sont de la rédaction.
(3) Voir le précédent message de ce blog.

1 commentaire:

  1. Bonjour Christophe, tu es toujours aussi actif et créatif.
    Merci et bonne chance.

    Thierry Verhelst


    "Lorsque l’on privilégie la dimension spirituelle dans sa vie, on développe un sentiment d’appartenance avec toute l’humanité. On est alors en mesure de briser ces frontières fragiles que sont les castes, les croyances, les religions, les nationalités, et cela nous amène à devenir conscients que la vie est présente en toute chose. Ce n’est qu’en élevant ainsi nos consciences que les guerres pourront être arrêtées".
    Sri Ravi Shankar

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