mardi 28 mai 2013

Populisme. Un pour tous...

Vive le peuple, 
bien sûr!
Mais vive, 
surtout, 
celui que 
je désigne 
comme 
son unique 
fer de lance.
C'est-à-dire... moi!
Moi, le 
populiste... 

On peut ramener l’univers du populisme à un schéma simple, sinon simpliste, construit sur une dichotomie entre «bon» peuple et «mauvais» ennemi du peuple. 
D’où la formule d’un historien comme Pierre Rosanvallon (1) qui parle d’«exaltation de l’un et de l’homogène (…) construit dans un rejet de l’autre.»(2)
Telle est, en effet, la toile de fond d’un tableau dont un habile meneur d’hommes cherchera à se profiler comme acteur central en se présentant comme avocat des intérêts bafoués d’une prétendue «majorité silencieuse» et en nourrissant les stéréotypes préexistants sur l’ennemi d’en face. 
Des stéréotypes dont, de son côté, le politologue autrichien Werner Bauer (3) explique qu’ils «accréditent une indignation permanente et permettent de resserrer les liens entre le leader charismatique et le "peuple".»(4)… 

«Le peuple, c’est moi!» 

Au sens strict en effet, le populisme contemporain ne semble pas se concevoir sans la présence d’un «homme providentiel». 
Celui-là même dont Deramaix considère qu’il «se définit comme un "médiateur actif" au service d'un compromis social permettant d'assurer à l'Etat une légitimité minimale» (5)
Les principales spécificités de cet opportuniste personnage? 
● Il recourt, rappelons le, aux artifices de la communication de masse.  (6)
● Il rejette l’expertise. 
● Il propose des (soi-disant) solutions alternatives 
. qui en appellent à un présumé bon sens populaire et à une prétendue simplicité, 
. qui sont le plus souvent «vendues» comme étant immédiatement applicables. 
● Il invoque le peuple sans s’en tenir partie constitutive. 
● Et il utilise les inquiétudes populaires pour stigmatiser l’un ou l’autre «ennemi du peuple» (7)
Ne peut-on pas concevoir un populisme sans chef charismatique? 
«Peu imaginable, répond le politologue italien Marco Tarchi (8)
Le peuple a besoin d’avoir son ventriloque pour parler d’une seule voix.» (9)
«Si je devais, sous la torture, donner une définition du populisme, je dirais que c’est l’union d’un chef charismatique et d’un mouvement où prévaut l’élément irrationnel, renchérit son compatriote historien Luciano Canfora (10)
L’un et l’autre vont généralement de pair, parce qu’un chef désigne un ennemi. 
Le national-socialisme, par exemple, a déchargé sur les Juifs toutes les frustrations prolétaires.»  (11)

(A suivre) 

Christophe Engels 

(1) Le Français Pierre Rosanvallon est professeur au Collège de France, où il occupe la chaire d'Histoire moderne et contemporaine du politique, et directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes de Sciences Sociales (EHESS). Il a notamment publié La contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance (Seuil, Paris, 2006). 
[2) Rosanvallon Pierre, Penser le populisme, www.laviedesidees.fr/Penser-le-populisme.html, p.5. 
[3) L’Autrichien Werner T. Bauer est chercheur à la Österreichische Gesellschaft für Politikberatung und Politikentwicklung (Société autrichienne de conseil et de développement politiques) de Vienne. 
[4) Bauer Werner, Populisme de droite en Europe: phénomène passager ou transition vers un courant politique dominant?, http://library.fes.de/pdf-files/bueros/paris/08105.pdf
[5) Deramaix Patrice, Le peuple contre la démocratie : le populisme, décembre 2002, http://membres.multimania.fr/patderam/textes/populisme.htm.
(6) «La partie visible du charisme populiste est le discours, commente Alexandre Dorma. Ce n’est pas le contenu qui rend populiste un discours, mais l’utilisation de la parole d’une manière transversale, afin de toucher toutes les couches de la population.» (Dorma Alexandre, op. cit.). 
(7) On verra plus loin que, selon les cas, peuvent être fustigés tout ou partie d’une pluralité de cibles allant de l’élite (économique et/ou politique) à l’immigration en passant par la mondialisation, l’intégration européenne… 
(8) Le politologue italien Marco Tarchi est professeur à l'université de Florence. Il est également considéré comme le chef de file de la «Nouvelle Droite» («Nuova Destra») transalpine qui entend questionner toutes les idées de droite .
(9) Tarchi Marco, Le populisme est-il notre avenir? Un mal qui contamine tous les partis, in Il Sole-24 Ore du 21 octobre 2010 (propos recueillis par Daniele Bellasio). 
(10) L’historien italien Luciano Canfora est professeur de philologie grecque et latine à l’université de Bari. 
(11) Canfora Luciano, Le populisme est-il notre avenir? Un mal qui contamine tous les partis, op. cit.


2 commentaires:

  1. Dans votre esprit, un mouvement comme le FN français est il populiste?
    Si oui, comment défendre nos valeurs occidentales et nos préférences nationales légitimes ?
    BàV.

    Jacques-Patrice

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  2. Dans mon esprit, la réponse est "oui".
    Mais je tenterai d'apporter une réponse spécifique, nuancée et argumentée à cette question dans la foulée des considérations générales que je développe actuellement sur le populisme.
    Merci de votre intérêt.

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