front populaire
et autre syndicat
paysan?
A la fin des années
1960 en tout cas,
place aux nouveaux mouvements sociaux
et à leurs espaces
d'autonomie!
Qui prennent leurs distances par rapport au passé.
Et qui se démarquent dans le présent.
En attendant mieux...
Les courants de
pensée et modes de vie émergents (C.P.M.V.E.) mobilisent et revendiquent.
Ils sont des
vecteurs d'actions collectives mis au service d'une cause.
Ils peuvent donc
être considérés comme des mouvements sociaux.
Mais pas n'importe
lesquels.
. D'abord, ils
prennent leurs distances par rapport au passé.
Au tri sélectif de
l'Histoire, ces illustres ancêtres des XIXe et XXe siècles qui fonctionnaient
comme si leur orientation relevait de dogmes révélés. (2)
. Ensuite, ils se
démarquent dans le présent.
Ils sont de ceux
qui, loin de se contenter de résister au changement, le convoquent.
Au rebut de la
paresse intellectuelle, le rangement forcé de l'événement dans les tiroirs familiers du
moment.
L'ancien et le
nouveau
Rien de très nouveau
sous le soleil?
Dès la fin des
années 1960 en tout cas, les «nouveaux mouvements sociaux» (N.M.S.) (1) avaient pris un certain recul par
rapport à ces mouvements anciens qu'étaient, par exemples, le syndicalisme et
le front ouvrier.
Ils s'étaient en
effet refusés explicitement aux phénomènes de centralisation et de
hiérarchisation adoptés par ces syndicats ou ces partis dont la légitimité
avait déjà commencé à s'affaiblir.
Une valorisation
de l'autonomie qui avait contribué à réorienter drastiquement les stratégies
d'action.
Tel est à tout le
moins l'avis du sociologue français Erik Neveu.
Pour qui il
s'agissait moins, désormais, «de défier l'Etat ou de s'en emparer que de
construire contre lui des espaces d'autonomie.» (3)
Exit, donc, le
modèle ouvrier!
«Les nouvelles
mobilisations ne s'autodéfinissaient plus comme expression de classes, de
catégories socioprofessionnelles, estime le professeur de Sciences Po
Rennes.
Se définir
comme musulman, hispanophone, homosexuel ou antillais appartenir aux "Amis
de la Terre", tout cela renvoie à d'autres principes identitaires.» (3)
Beau travail...
Ce renouvellement
des mouvements sociaux fonctionnait donc comme un révélateur: celui d'un «après»
des rassemblement ouvrier, front populaire et autre syndicat paysan.
Et il entraînait
dans son sillage une remise en cause des fondements mêmes des courants d'étude
y afférents.
Accusé,
dorénavant, l'«objectivisme» qui faisait fonctionner l'expérience vécue
les émotions, les motivations des agents mobilisés comme une vaste boîte noire
que l'analyste se refusait à ouvrir.
Contesté, aussi,
le «stratégisme» qui réduisait le rapport à l'action des individus
impliqués à des calculs de rentabilité, voire à des tactiques de
bataille.
«La réflexion
sur les nouveaux mouvements sociaux vient réhabiliter (...) le rôle des
croyances, du sentiment de l'injustice, de la conviction du bien-fondé de la
protestation.» (3)
... mais peut
mieux faire !
Une évolution
féconde, sans doute.
Mais qui n'allait
pas empêcher, par ailleurs, les N.M.S. de faire à leur tour l'objet de
critiques
vigoureuses.
Trois travers
seraient particulièrement pointés du doigt...
. D'abord, une
fascination pour l'objet d'étude et une impatience à théoriser l'immédiat qui
déboucheraient parfois sur une célébration complice de la nouveauté.
. Ensuite, une
surestimation de l'importance et de la durabilité de certaines formes de
mobilisation.
. Enfin, une
complexité des rapports noués par les chercheurs avec leur objet.
«Les chercheurs
se saisissent des discours des acteurs pour les interpréter, tandis que les
acteurs s'emparent eux-mêmes des travaux savants à des fins de compréhension
et/ou de légitimation.
La circularité
des discours qui en résultent peut être ambiguë.» (4)(5)
(A suivre)
Christophe
Engels
(1)
Cfr., sur ce blog, le message «Actu. Trois ans plus tard».
(2)
Bensayag M. et Sztulwarck D., Du contre-pouvoir, La Découverte et Syros, 2002.
(3) Neveu Erik, Sociologie des mouvements sociaux, La Découverte, Paris,
2011, p.62.
(4) Neveu Erik, idem, pp.66-67.
(5) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute): la suite d'une
série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de voie émergents.