les limites
d'une «éthique
de reliance»
en recourant
à une «éthique
de la reliance».
Histoire
de construire
cette éthique
sur le couple
conceptuel
«reliance/
déliance».
Telle est la suggestion
du psycho-
sociologue
Marcel
Bolle de Bal...
Marcel Bolle de Bal (1)
En réaction contre une «éthique de reliance»
trop univoque, et partant paradoxalement équivoque, il convient de tracer les
grandes lignes de ce que pourrait être une «éthique de la reliance»
prenant en compte le caractère duel, dialogique et parfois paradoxal du couple
conceptuel «reliance/déliance».
La question à trancher peut être formulée ainsi: quels problèmes éthiques soulève –sur les plans intellectuels, moral et politique– le recours au concept de reliance, qu’il s’agisse d’interprétation scientifique ou d’intervention systémique… étant entendu qu’il est bien difficile de séparer ces différents plans étroitement liés?
La question à trancher peut être formulée ainsi: quels problèmes éthiques soulève –sur les plans intellectuels, moral et politique– le recours au concept de reliance, qu’il s’agisse d’interprétation scientifique ou d’intervention systémique… étant entendu qu’il est bien difficile de séparer ces différents plans étroitement liés?
Réfléchissons
donc à partir de trois pistes, parmi beaucoup d’autres possibles...
Première piste.
De la reliance comme réalité duelle et dialogique
De la reliance comme réalité duelle et dialogique
La reliance est une réalité «duelle»:
elle inclut, génère –ou suppose– toujours de la déliance.
Son unité est une unité «duelle» portant en elle son contraire complémentaire: la déliance.
Son unité est une unité «duelle» portant en elle son contraire complémentaire: la déliance.
En cela elle est aussi une réalité «dialogique» au sens où l’entend
Edgar Morin: «l’association complexe (complémentaire, concurrente,
antagoniste) d’instances nécessaires à l’existence, au développement d’un
phénomène organisé» (2), «l’unité
symbiotique de deux logiques qui se nourrissent l’une l’autre, se
concurrencent, se parasitent mutuellement, s’opposent et se combattent à mort» (3).
Réalité duelle et dialogique, la reliance ne peut être dissociée de la déliance, son double antagoniste et complice: à elles
deux, elles forment un couple soumis à des logiques différentes et
complémentaires, toutes deux nécessaires à l’existence de la vie psychique,
sociale et culturelle, mais aussi à la pratique cognitive de la pensée complexe.
Politiquement, intellectuellement et éthiquement,
c’est l’ensemble conceptuel complexe reliance/déliance qu’il convient de
toujours prendre en considération.
Deuxième piste.
La reliance/déliance, paradigme éthique de l’hyper-modernité?
La reliance/déliance, paradigme éthique de l’hyper-modernité?
Selon d’aucuns (Michel Maffesoli notamment), à une
modernité construite sur la raison et la déliance serait sur le point de
succéder une «post-modernité» valorisant au contraire les aspirations de
reliance.
En d’autres termes, le paradigme de déliance scientifique et sociale,
typique de la modernité, serait invité à céder la place au paradigme «post-moderne» de reliance.
Personnellement, je préfère parler d’«hyper-modernité»
plutôt que de post-modernité: cette dernière expression laisse entendre,
en effet, qu’il existerait un «après» de la modernité, différent et distinct
d’elle.
Or ceci me paraît éminemment contestable, car plus que jamais la
modernité et sa logique de déliance sont à l’œuvre.
Il n’y a pas réellement une
post-modernité supposant la fin de la modernité, mais une modernité poursuivant
son développement dialectique, dialogique: en son sein les excès des
reliances techniques génèrent la quête de reliances humaines, les déliances
scientifiques appellent un travail de reliance interdisciplinaire.
C’est pourquoi
je préfère parler d’«hyper-modernité», terme construit sur le même modèle
que ceux d’«hyper-complexité» développé par Edgar Morin (4) et d’entreprise
hyper-moderne avancé par Max Pages (5), pour décrire
des réalités en gestation au sein même de la modernité, et de sa culture fondée
sur une logique de déliance.
En considération du caractère «duel» tant du complexe
conceptuel reliance/déliance, que de la notion d’hyper-modernité, j’ai envie
d’avancer – de façon un peu caricaturale, je le concède –l’idée que, au sein
de cette dernière, un double paradigme est à l’œuvre: celui de la
reliance pour l’«hyper», celui de la déliance pour la «modernité» toujours
active.
Le paradigme éthique de l’hyper-modernité serait donc celui du couple «reliance/déliance».
Le paradigme éthique de l’hyper-modernité serait donc celui du couple «reliance/déliance».
Troisième piste.
La reliance, paradigme du secteur quaternaire
La reliance, paradigme du secteur quaternaire
Voici une quarantaine d’années, une thèse optimiste
connaissait son heure de gloire: celle de Jean Fourastié sur le progrès
technique, économique et social, promu au titre de «Grand espoir du 20e
siècle» (6): elle
était fondée sur sa théorie des trois secteurs c’est-à-dire, en gros, le
primaire (l’agriculture), le secondaire (l’industrie) et le tertiaire (les
services).
Ce dernier était censé absorber tous les excédents de main-d’œuvre
libérés par l’introduction du progrès technique dans les deux premiers.
Un
élément postérieur est intervenu, que n’avaient pas prévu les scientifiques
d’alors: les «nouvelles technologies» (informatique, télématique,
bureautique, etc.) ont envahi à leur tour le secteur des services (la grande
distribution, les administrations).
Demeure toutefois hors de leur emprise un
secteur que, dans le prolongement des thèses de Fourastié, je baptiserais
volontiers «secteur quaternaire»: un secteur principalement
non-marchand qui prend en charge les personnes en difficultés (handicapés,
malades, vieillards, exclus de tous ordres) ou simplement en besoin
d’encadrement (jeunes, vacanciers, etc.), s’efforce de recréer des liens
sociaux pour ceux qui souffrent d’une rupture ou d’une carence de ces liens, à
la suite de diverses logiques personnelles et sociales.
Bref un secteur qui
place au centre de ses activités la «reliance sociale», la réparation des
déliances subies, la mise en oeuvre de reliances désirées.
C'est en ce sens que
la reliance peut apparaître au coeur éthique des projets et des systèmes de
valeurs de ce secteur quaternaire.
La place et le temps manquent pour développer ces différents points.
Je préfère clore ici ces quelques réflexions par un clin d'oeil «complexe» et
complice reliant prose scientifique et poésie littéraire, sociologie et
mythologie, logos et «muthos».
N’est-ce pas, en prime, une
façon de relier, réunir, réconcilier les points de vue cousins de Morin le
sociologue poète («il y a un affirmation humaine du vivre qui
est dans la poésie, la reliance et l’amour» p. 37) et de Maffesoli le
baroque effervescent ( «il y a dans l’imaginaire et le
présentéisme ambiants une impulsion vitaliste alliant le matériel et le
spirituel… ce qu’on peut appeler la reliance imaginale» pp. 41 et 47),
le chantre de la reliance poétique et celui de la reliance esthétique?
Chantres tous deux échappant à la seule gangue sociologique,
«reliés» surtout par leur commune ouverture –au moins
implicite– à la philosophie et à la psychosociologie. (7)(8)
(A suivre)
Marcel Bolle De Bal
(1)
Le (psycho)sociologue belge Marcel Bolle de Bal est professeur émérite
de l'Université Libre de Bruxelles et président d'honneur de
l'Association Internationale des Sociologues de Langue Française. Il a
été consultant social (durant de nombreuses années), conseiller communal
à Linkebeek, en périphérie bruxelloise (1965-1973, 1989-2000), lauréat
du Prix Maurice van der Rest (1965). Il a signé plus de 200 articles et
une vingtaine d'ouvrages, parmi lesquels...
.
Les doubles jeux de la participation. Rémunération, performance et
culture, Presses Interuniversitaires Européennes, Bruxelles, 1990;
.
Wegimont ou le château des relations humaines. Une expérience de
formation psychosociologique à la gestion , Presses Interuniversitaires
Européennes, Bruxelles, 1998;
. Les Adieux d'un sociologue heureux. Traces d'un passage, Paris, l'Harmattan, 1999;
. Le Sportif et le Sociologue. Sport, Individu et Société, (avec Dominique Vésir), Paris, l'Harmattan, 2001;
.
Surréaliste et paradoxale Belgique. Mémoires politiques d'un sociologue
engagé, immigré chez soi et malgré soi, Paris, l'Harmattan, 2003;
. Un sociologue dans la cité. Chroniques sur le Vif et propos Express, Paris, l'Harmattan, 2004;
. Le travail, une valeur à réhabiliter. Cinq écrits sociologiques et philosophiques inédits, Bruxelles, Labor, 2005;
. Au-delà de Dieu. Profession de foi d'un athée lucide et serein, Bruxelles,Ed. Luc Pire, 2007;
. Le croyant et le mécréant. Sens, reliances, transcendances" (avec Vincent Hanssens), Bierges, Ed. Mols, 2008.
(5) Max Pagès, Michel Bonetti, Vincent de Gaulejac, Daniel Descendre, L’Emprise
de l’organisation, Paris, PUF, 1979, pp. 17 et ss.
(7) Le contenu de ce message nous a été envoyé par l'auteur, que nous
remercions. La fin du texte original suivra. Les titre et chapeau sont de la rédaction.
(8) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à la reliance (par Marcel Bolle de Bal),
. à la sociologie existentielle (par Marcel Bolle de Bal),
. à l'anthropologie philosophique (par Christophe Engels),
. au personnalisme (par Vincent Triest, Marcel Bolle de Bal, Christophe Engels...).
. au personnalisme (par Vincent Triest, Marcel Bolle de Bal, Christophe Engels...).
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