vendredi 18 mai 2018

Broken is beautiful





















«La beauté de ce qui vieillit 

et se décompose,
une beauté qui s'est étiolée,
voilà ce qui m'attire.
»
Ainsi parle Showzi Tsukamoto.

Qui excelle dans le kintsugi,
cet art japonais consistant 
à insuffler une seconde vie 
aux poteries cassées.
Philosophie sous-jacente:
puisque brisures et cicatrices 
font partie de notre passé,
il n'y a pas à en avoir honte,
encore moins à les dissimuler.
Car rien n'est beau
qui ne soit forcément abîmé.
Et l'être humain 
ne fait pas exception à la règle.
Les blessures 
et les processus de guérison? 
Ils sont portions constitutives 
de notre histoire.
Mieux: 
ils contribuent à nous définir. 





















«Le monde brise tout un chacun 
et par la suite, 
certains sont forts 
aux endroits brisés.»  
Ernest Hemingway





«Les choses se délitent avec le temps et arrivent à leur fin. 
Dès qu'il y a une cicatrice, peignez-la avec de l'or et dites-vous...
"
Regarde
ma cicatrice: elle n'est pas belle?"»
Du haut de ses 72 printemps, Showzi Tsukamoto pratique l'art japonais qui se donne vocation à sublimer ces objets fissurés que la plupart d'entre nous se laisseraient plutôt aller à camoufler ou à jeter.
«La philosophie du kintsugi est basée sur le wabi-sabi, explique celui qui s'adonne à cette discipline depuis 45 ans.
Soit une esthétique japonaise qui fait du processus allant de la naissance jusqu'à la décomposition le critère du beau.»

Esprit, es-tu là?

Chaque pièce requiert un mois de travail.
Mais le kintsugi, ce n'est pas qu'un savoir faire manuel.
C'est aussi un état d'esprit. 
«Quand un samouraï avait été blessé par sabre, loin de chercher à dissimuler sa cicatrice, il l'arborait fièrement. 
Cet esprit samouraï est au coeur du kintsugi.»
L'art du kintsugi va donc bien au-delà d'une activité réparatrice de poterie.
«Un jour, une cliente s'est présentée.
Elle avait survécu au tsunami de 2011 et sa maison avait été complètement détruite.
La seule chose qu'elle avait sauvée, c'est sa propre vie.
Elle est revenue sur son ancien lieu de résidence et a déterré du sol une assiette ébréchée.
Le kintsugi a érigé celle-ci en ultime incarnation de sa vie d'avant...»

Guerre et paix

Showzi compare le kintsugi à la paix.
Elle aussi, dit-il, commence par une cassure.
«La guerre est un acte de destruction et la paix n'existe pas par elle-même.
On blesse et on se blesse.
Ce n'est qu'au moment où les blessures en arrivent à guérir que peut advenir la paix.
Et que quelque chose de neuf et de beau finit par renaître.
Il n'en va pas différemment du kintsugi.»

Réparer l'invisible

Y a-t-il une recette à la réussite d'un objet kintsugi?
«L'essentiel, c'est d'aplatir et de lisser la base.
Ensuite seulement vient la dorure.
Donc, la partie que l'on recouvre est fondamentale.
Il s'agit de bien s'en rendre compte.
Car ce constat permet au gens de réaliser ce qu'est vraiment la guérison d'une blessure.
Réparer l'invisible est incroyablement important.»

Le murmure de la blessure

Ainsi soit le kintsugi.
Un objet, bien sûr.
Mais -tendez bien l'oreille- un objet qui murmure...
«Ton histoire est dans tes blessures.
Elles sont la preuve que tu as vécu.
Alors, au lieu des les regarder d'un oeil négatif, regarde les positivement.»
Vous avez entendu?
Mais oui, c'est incroyable!
On jurerait reconnaître la voix du vieux Tsukamoto... (1)



(1) Ce message s'inspire plus que largement de la vidéo de AJ+: «Kintsugi, l'art japonais de réparer des poteries


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