samedi 2 février 2013

Politique. Ah, là là ! Que d'émotions...



Raison ou passion?
Esprit ou vie?
Pour Michel Maffesoli (1)
ce type de dichotomie
est désormais dépassé.
Place, aujourd'hui,
à un «penser passionné»!
Et à un agir du même ordre...

Michel Maffesoli

La dichotomie raison/passion, esprit/vie n’est plus de mise.  
Désormais, c’est bien un penser passionné qui tend à prévaloir. 
D’où la nécessité de mettre en œuvre un agir du même ordre. 
J’ai montré en quoi, dans ce qui pouvait paraître désordonné, voire éruptif, Nicolas Sarkozy a été un «président post-moderne». 
Je persiste et signe, l’alliance quelque peu contre-nature de l’extrême-gauche à l’extrême- droite, en passant par un centre mou et une social-démocratie d’un autre âge, a, pour un temps, bloqué en France le processus qu’il avait amorcé. 
Mais en mettant l’accent sur une ambiance émotionnelle, en privilégiant l’horizontalité du «grand frère», en désacralisant la fonction, en montrant que la Culture classique pouvait être contrebalancée par des cultures plurielles, et tout à l’avenant, ce président atypique, ce «prince de sang mêlé», était en parfaite congruence avec le temps.

La part des sens

Certes, la normalité-normativité des affidés de l’ENA et de leur complices syndicaux semble revenir en force, mais la vague de fond est inéluctable.
Elle est incontestable dans tous les pays, laboratoires de la postmodernité, donc la France, à plus ou moins longue échéance, n’y échappera pas: on ne pourra plus gérer la chose publique avec la simple raison, les sens y auront leur part.

Atmosphère, atmosphère...

Pascal, un peu à contre-courant de son temps, avait bien pressenti une telle entièreté lorsqu’il déclare: « […] c’est sur ces connaissances du cœur et de l’instinct qu’il faut que la raison s’appuie et fonde tout son discours» (Pensées, par. 101). 
Une telle raison sensible caractérise bien l’atmosphère mentale du moment. 
Le politique ne pourra pas en faire l’économie, au risque de se couper, entièrement, de l’évolution générale du moment.

Evolution progressiste ou révolution progressive?

Peut-être vaudrait-il mieux dire de la «révolution» induite par l’époque. 
J’entends, en son sens étymologique («revolvere»), souligner ce qui «revient». 
Un retour en amont. 
Contre le simple progressisme, la «progressivité» des choses impliquant l’importance de la tradition et l’enracinement dans les us et coutumes communautaires que l’on avait cru dépasser. 
C’est en stigmatisant, sottement, et sous l’influence de certains de ses conseillers «républicanistes», le «communautarisme» que le Président Sarkozy a échoué tout près du but. 
Dans le même ordre d’idées, c’est la nostalgie de la «valeur travail» qui lui a fait perdre de vue le changement sociétal dont, par d’autres aspects, il se faisait l’écho. (2)(3)

(A suivre)

Michel Maffesoli 

(1) Membre de l’Institut universitaire de France et professeur à la Sorbonne, directeur du Centre d’études sur l’actuel et le quotidien (Paris-V), Michel Maffesoli est l’auteur, entre autres, de La Part du diable (Flammarion, 2002), du Réenchantement du monde (La Table ronde, 2007) et de Homo eroticus, des communions émotionnelles (CNRS Éditions, 2012).
(2) Ce message est extrait d'un document de 24 pages qui nous a été envoyé par  Michel Maffesoli sous l'intitulé L'Opéra-Bouffe du Politique. Nous le publions ici avec l'accord explicite de l'auteur et par parties. Avec, aussi, tous nos remerciements. Et en précisant que les titre, chapeau et intertitres sont de la rédaction.
(3) Pour suivre (sous réserve d’éventuelles modifications de dernière minute) :
. «Politique. Le tout de l'existence.» (Michel Maffesoli), 
. «Politique. Les mots pour le dire.» (Michel Maffesoli),
. «Politique. Formes formantes ou formes formules.» (Michel Maffesoli),
. «Politique. Utopia lex, sed lex.» (Michel Maffesoli),
. «Politique. Enracinement dynamique.» (Michel Maffesoli),
. «Le politique sera populaire ou ne sera pas... Pessimisme de l'intelligence, optimisme de la volonté.» (Michel Maffesoli),
. «Politique. Le sens de l'ordinaire.» (Michel Maffesoli)... 


Le serpent et la colombe
«La politique dit: soyez prudents comme les serpents; 
la morale y ajoute la restriction: et sans fausseté comme les colombes.»
Kant Emmanuel, Vers la paix perpétuelle, GF, Flammarion, 1795, p.110.

 

1 commentaire:

  1. "C’est en stigmatisant, sottement, et sous l’influence de certains de ses conseillers «républicanistes», le «communautarisme» que le Président Sarkozy a échoué tout près du but."
    ==> non c'est pour cette raison qu'il n'a pas essuyé une défaite plus radicale ! Sarkozy est un illusionniste post-moderne :) Normal puisque le post-modernisme est d'ESSENCE illusioniste !

    Après celle Michel Maffesolli, peut-être nous offrirez-vous une présentation de l'oeuvre de Pierre Legendre ... histoire de revenir un peu sur terre et de contempler une autre composante du réel dont est aussi tissé le relationnel humain :)

    Rappelons par ailleurs que Michel Maffesolli fut directeur de la thèse que l'astrologue Elysabeth Tessier consacra en avril 2001 à la "Situation épistémologique de l'astrologie à travers
    l'ambivalence fascination/rejet dans les sociétés postmodernes" ...
    ==> http://www.homme-moderne.org/societe/socio/teissier/index.html

    Pour conclure je dirais qu'il faut savoir raison garder et prendre garde au chant des sirènes ... sans lendemain.

    NB. je n'ai rien contre Michel maffesolli que je trouve plutôt sympathique. Mais je considère que ses thèses pour intéressantes qu'elles soient ne doivent pas prendre valeur prédictive par un biais performatif si post-moderniste ! Plus triviallement, il ne faut pas se convaincre que la réalité collera à nos désirs si nous affirmons péremptoirement qu'il ne peut pas en être autrement ... Ce procédé relève de l'incantation magique prescriptive et (re)normative ! Ce discours est très séduisant car atypique et exotique, et renvoie un écho satisfaisant aux aspirations ONTOLOGIQUES légitimes des individus et des populations. Libérées de leurs carcans ancestraux par une mutation technico-idéologique à l'oeuvre depuis le tournant des années 90 et la fin de l'histoire. Mais rien ne permet de dire que le prolifération à laquelle nous assistons correspondent à une quelconque état de vérité sociale. Pour l'instant, il convient de l'observer davantage comme une poussée anarchique dont il faudra tenir compte effectivement pour la canaliser en une nouvelle organisation sociale. Plus souple que la précédente mais pas pour autant placée sous le signe de la passion et de la fin des dichotomies. Davantage que d'un penser passionné ne convient-il pas de parler de pensée-émotion qu'il conviendrait d'intégrer dans une nouvelle façon d'être à soi et au monde ...

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