mercredi 11 septembre 2013

Evasion fiscale. Le hold-up du siècle


 Elle s'appelle Ugland House.
Elle se situe aux îles Caïmans. 
Et elle accueille... 18.000 entreprises!
Le tout sur quatre étages.
Ceux du cabinet d'avocat Maples and Calder. 
Voyage au vertigineux pays de l'évasion fiscale.
Remarquablement décodée, 
pour Arte,
par le journaliste français Xavier Harel... 
 
Imaginez un monde dans lequel vous pourriez choisir de payer ou non des impôts tout en continuant à bénéficier de services publics de qualité (santé, éducation, sécurité, transport...) rémunérés par les autres. 
Ce monde existe.
C'est... le nôtre!

Circulez, ' y a rien à voir !

Aujourd'hui, les multinationales peuvent dégager des milliards d'euros de bénéfice et ne pas se fendre d'un seul euro d'impôt. 
De même que des riches contribuables ont tout loisir de dissimuler leurs fortunes à l'abri du secret bancaire suisse ou dans des trusts domiciliés à Jersey. 
L'évasion fiscale a pris de telles proportions qu'elle menace aujourd'hui la stabilité de nos États.
Entre vingt mille et trente mille milliards de dollars sont ainsi dissimulés dans les paradis fiscaux.
Soit l'équivalent des deux tiers de la dette mondiale...


Silence, on pille... 

C'est pour nous faire découvrir l'industrie de l'évasion fiscale que Xavier Harel, journaliste et auteur de La grande évasion: le scandale des paradis fiscaux, nous emmène aux îles Caïmans, dans le Delaware aux États-Unis, à Jersey, en Suisse ou encore au Royaume-Uni.
Il démonte avec humour les savoureux montages de Colgate, Amazon ou Total pour ne pas payer d'impôt. 
Il dénonce aussi le rôle des grands cabinets de conseil comme KPMG, Ernst and Young ou Price Water House Cooper dans ce pillage de nos richesses. 
Il révèle enfin au grand jour l'incroyable cynisme des banques comme UBS ou BNP qui ont été renflouées avec de l'argent public mais continuent d'offrir à leurs clients fortunés des solutions pour frauder le fisc. 

Le prix de la gratuité...

Pourtant, l'évasion fiscale a un prix. 
En Grèce, Xavier Harel nous montre comment un pays européen a basculé dans la faillite en raison de son incapacité à lever l'impôt. Faillite qui nous menace tous si rien n'est fait pour mettre un terme à ces incroyables privilèges dont jouissent aujourd'hui les grandes entreprises et les riches fraudeurs. (1)

(1) Le reportage en question sera rediffusé le mardi 24 septembre à 8h55 sur Arte (après première diffusion le 10 septembre, à 20h50).



Boycotter les paradis fiscaux  

> utiliser le levier de la commande publique 

Un rapport du Parlement européen estime que la fuite vers les paradis fiscaux provoque chaque année un manque à gagner fiscal de l’ordre de 1 à 1,5% du PIB pour chaque État membre. 
En France, c’est chaque année une perte de 20 à 30 milliards d’euros. 
Au-delà des beaux discours, aucune action sérieuse n’est engagée aujourd’hui pour les lutter contre les paradis fiscaux. 
Le 4 novembre 2011, à l'issue du Sommet du G20, Nicolas Sarkozy prenait à témoin l'opinion publique mondiale et affirmait «ne plus vouloir des paradis fiscaux». 
Il promettait de les «mettre au ban de la communauté internationale».
Le Panama était un des pays nommés dans ce discours très vigoureux mais deux semaines plus tard, le président du Panama déclarait en sortant de l'Élysée que le président français l’avait assuré que la convention signée entre la France et le Panama pour «éviter les doubles impositions» serait ratifiée par le Parlement français d'ici la fin 2011… 
Et quand un journaliste (1) s’inquiète de ce double discours, un conseiller lui répond que...
«Le président de la République s'exprimait à Cannes comme président du G20.
Il ne s'agissait en aucun cas d'une déclaration à titre national.» 
Vu la gravité de la crise des finances publiques, ce double discours n’est plus acceptable. Plutôt que d’imposer aux peuples des plans d’austérité qui aggravent la crise, l’Etat doit déclarer la guerre aux paradis fiscaux: 
> en rendant obligatoire la transparence des comptes des entreprises: toutes les entreprises doivent rendre des comptes sur leur activité pays par pays et déclarer l’existence de filiales dans des paradis fiscaux ou des centres off shore;
> en boycottant les entreprises ayant des filiales dans ces paradis fiscaux: l’État et l’ensemble des collectivités locales (régions, départements, communes et communautés de communes…) ne doivent plus accorder aucun marché public à une entreprise (banques, entreprise de travaux publics, fournisseurs de systèmes informatiques…) qui a des filiales dans des paradis fiscaux et qui échappe ainsi aux impôts qui financent l’école, la santé, la police ou les retraites;
> en mettant fin à la pratique de l'optimisation fiscale des groupes internationaux via les prix de transfert. 
Il faut transposer au niveau européen l'apportionment existant aux Etats-Unis, qui oblige chaque entreprise trans-étatique à déclarer sa masse salariale, son chiffre d'affaire et ses investissements Etat par Etat. 
Son niveau d'imposition est alors calculé en fonction de ces trois paramètres et non plus du seul profit déclaré, lequel est systématiquement transféré dans les zones fiscalement intéressantes. 

(1) La Tribune, 25 novembre 2011.



Démanteler les paradis fiscaux et mettre fin au secret bancaire 
en utilisant le levier des commandes publiques, 
l’obligation de transparence 
et l’échange automatique d’information 

La fuite vers les paradis fiscaux provoque chaque année un manque à gagner fiscal de l’ordre de 1 à 1,5% du PIB pour chaque État membre de l’Union européenne. 
En Belgique, c’est chaque année une perte de 5 à 6 milliards d’euros. 
Aujourd’hui, au-delà des beaux discours, aucune action sérieuse n’est engagée pour lutter contre les paradis fiscaux. 
Plutôt que d’imposer aux peuples des plans d’austérité qui aggravent la crise, les gouvernements doivent déclarer la guerre aux paradis fiscaux En rendant obligatoire la transparence des comptes des firmes transnationales: toutes les entreprises doivent publier leurs activités pays par pays (investissements, profits, impôts) et déclarer l’existence de filiales dans des paradis fiscaux ou des centres offshore. 
Une telle mesure permettrait de mettre fin à la pratique de l’optimisation fiscale des firmes transnationales via les prix de transfert entre filiales d’un même groupe, qui représentent la majeure partie de l’évasion fiscale dans le monde. 
En boycottant les entreprises ayant des filiales dans les paradis fiscaux: l’État et l’ensemble des pouvoirs locaux (régions, communautés, provinces, communes et intercommunales…) ne doivent plus accorder aucun marché public à une entreprise (banques, entreprise de travaux publics, fournisseurs de systèmes informatiques…) qui a des filiales dans des paradis fiscaux et qui échappe ainsi aux impôts qui financent l’école, la santé, la police ou les retraites. 
En démantelant les paradis fiscaux par l’instauration d’un système multilatéral d’échange automatique d’informations fiscales: un tel système impliquerait que les administrations fiscales seraient automatiquement informées de l’ouverture d’un compte dans un pays tiers et éradiquerait dès lors l’évasion fiscale et les paradis fiscaux. 
La Belgique, qui représente elle-même un paradis fiscal financier, est responsable de l’évasion fiscale qui grève les budgets des Etats membres voisins de l’Union européenne. 
En effet, les différents mécanismes, tels que les intérêts notionnels, l’absence de taxation des plus-values boursières et des grosses fortunes, favorisent l’évasion fiscale. 
Ces points sont abordés dans la proposition 3: «Mettre fin au sabotage fiscal». 
En outre, le régime du précompte mobilier libératoire rend non seulement impossible toute taxation progressive, mais empêche également d’estimer précisément la distribution des revenus, puisque l’identité des bénéficiaires n’est jamais transmise à l’administration fiscale. 
A l’échelle internationale, malgré l’annonce du G20 de mars 2009 de mettre fin au secret bancaire, il s’est limité à publier une liste noire et grise de paradis fiscaux et d’exiger qu’ils négocient douze accords bilatéraux d’échange d’information à la demande pour sortir de la liste. 
Les révélations de l’Offshore Leaks ont toutefois semblé raviver la volonté politique internationale pour enrayer l’évasion fiscale: les Etats-Unis ont adopté une loi (FACTA) qui entrera en vigueur en 2014 et qui imposera à toutes les institutions financières dans le monde de communiquer les informations concernant les résidents américains, tandis que plusieurs pays de l’UE ont plaidé en faveur d’un «FACTA européen».