dimanche 10 février 2013

Politique. Les mots pour le dire

Un principe générateur 
de vivre-ensemble 
n'est jamais éternel,
explique Michel Maffesoli (1)
A l'échelle de l'Histoire, 
il  finit toujours 
par s'effacer 
devant un autre,
non moins puissant. 
Mais dans l’intervalle, 
les mots manquent...

Michel Maffesoli

Acceptera-t-on de reconnaître que la vérité est tributaire de son temps? 
Notre nombrilisme ne rend pas la chose aisée. 
Et pourtant. 
Lorsqu’on regarde sur la longue durée les histoires humaines, on voit bien en quoi un principe générateur du vivre-ensemble est appelé à perdre de sa force pour laisser place à un autre principe non moins puissant. 
Mais dans l’entre-deux on continue à faire usage de mots, d’idées, d’institutions n’étant plus en phase avec le temps. 
Ce n’est, toujours, que «post festum» que l’on trouve mots et actions en congruence avec ce qui est vécu.

Les lendemains de la veille

Pour décrire ces moments de vacuité, on peut reprendre la formule de Mallarmé: une «monnaie usée». 
Monnaie qui, à certains moments, passe de main en main, dans l’absolu silence de la pensée.
Peut-être est-ce cela la langue de bois. 
On pastiche ce qui fut, en un moment fondateur, mais qui, n’ayant plus le dynamisme de la jeunesse, s’est alourdi et a pris de la mauvaise graisse. 
Par exemple, les fameuses «valeurs républicaines». 
On ne sait plus trop ce que c’est sinon que l’on psalmodie, jusqu’à plus soif, ce qu’elles sont censées représenter. 
Elles sont devenues une idéologie: le républicanisme permettant de stigmatiser ce qui ne rentre plus dans son moule quelque peu décati.

Libres penseurs: ni libres ni penseurs

Pareil pour la laïcité qui était la spécificité de ceux qui n’étaient pas des «clercs»: dans les monastères, les frères «lai». 
Mais ce caractère laïc est devenu «laïcisme», et l’esprit-prêtre a pris le dessus. 
Il n’est pas plus fanatique que ceux qui défendent, bec et ongle, la non-intrusion du religieux dans la sphère publique. 
Ils se proclament «libres penseurs» et, comme le disait ironiquement Nietzsche, sont tout sauf libres ou penseurs! 
Esprits asservis à un préjugé idéologique, la plupart d’un âge certain, ils s’emploient à occuper leur retraite en des combats d’arrière-garde à l’utilité des plus douteuses.

Nouveaux contrats sociaux: en retard d'une guerre

Il en est de même pour les «nouveaux contrats sociaux» qui, ici ou là, fleurissent dans les discours des meetings politiques, ou dans les joutes télévisées, où les protagonistes d’un camp ou de l’autre, essaient de prouver qu’ils sont résolument «modernes». 
C’est bien là où le bât blesse! 
En se revendiquant comme tels, ils ne se rendent pas compte qu’ils sont en retard d’une guerre, et que leurs arguments fleurent bon son XIXème siècle. 
Siècle, certes, attachant, mais, décidément, daté.

(A suivre)

Michel Maffesoli 


(1) Membre de l’Institut universitaire de France et professeur à la Sorbonne, directeur du Centre d’études sur l’actuel et le quotidien (Paris-V), Michel Maffesoli est l’auteur, entre autres, de La Part du diable (Flammarion, 2002), du Réenchantement du monde (La Table ronde, 2007) et de Homo eroticus, des communions émotionnelles (CNRS Éditions, 2012).
(2) Ce message est extrait d'un document de 24 pages qui nous a été envoyé par  Michel Maffesoli sous l'intitulé L'Opéra-Bouffe du Politique. Nous le publions ici avec l'accord explicite de l'auteur et par parties. Avec, aussi, tous nos remerciements. Et en précisant que les titre, chapeau et intertitre sont de la rédaction.
(3) Pour suivre (sous réserve d’éventuelles modifications de dernière minute) :
. «Politique. Formes formantes ou formes formules.» (Michel Maffesoli),
. «Politique. Utopia lex, sed lex.» (Michel Maffesoli),
. «Politique. Enracinement dynamique.» (Michel Maffesoli),
. «Le politique sera populaire ou ne sera pas... Pessimisme de l'intelligence, optimisme de la volonté.» (Michel Maffesoli),
. «Politique. Le sens de l'ordinaire.» (Michel Maffesoli)... 

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