samedi 18 octobre 2014

Immigration. Les lendemains de la veille




























Le statut 
de réfugié?
Un grand 
réconfort.
Un énorme 
soulagement.
Une joie 
indicible.
Mais pas 
un coup 
de baguette 
magique.
Car tout 
reste à faire 
dans 
ce nouveau 
pays...


Pour le demandeur d'asile, le «oui» est perçu comme une reconnaissance.
Il a aussi, le plus souvent, une valeur organisatrice autant que structurante.
«Si les variations des réactions entre les réfugiés restent importantes et que l'on ne peut pas généraliser trop rapidement cette hypothèse, ce statut semble contribuer à réparer les dommages internes du sujet, croit pouvoir constater la psychologue et psychanalyste française Elise Pestre (1).
Celui qui était mis au ban de l'Etat, expulsable, et qui se sentait "réduit au néant", parviendra enfin à retrouver une place de sujet politique, responsable, et à quitter sa place d'objet (de la "machinerie juridique et administrative", du corps médical, du bourreau, etc.).» (2)

Les lendemains qui déchantent

Reste qu'autant la réponse positive provoque souvent dans un premier temps un sentiment d'euphorie, autant elle ouvre la porte d'un nouveau chapitre.
Un chapitre du grand livre de la réalité.
Qui n'a pas grand chose à voir avec le conte de fée.
A l'intéressé, désormais, de décider.
Et de... réussir!
«Obtenir "le" statut, c'est un peu comme acquérir la nationalité, se souvient ce Rwando-Congolais devenu Belge qu'est le posé Aimé.
Avant le jour J, ce seul et unique objectif monopolisait mon esprit.
Dans ma tête, c'était l'échéance absolue.
Celle à laquelle je me consacrais pleinement.
Celle qui retenait toute mon attention.
Celle sur laquelle je me focalisais.
Quand j'ai reçu la bonne nouvelle, le soulagement et la joie ont été à la hauteur de l'investissement consenti.
Monumental.
Phénoménal.
Faramineux.
Mais assez vite, je suis passé à une autre étape.
Je me suis rendu compte qu'il y avait encore beaucoup de pain sur la planche...»
Car tout reste à faire dans ce nouveau pays.
Où il va notamment falloir trouver un emploi...
Le réfugié est dorénavant placé face à ses responsabilités.
C'est la fin des illusions.
La fin, aussi, de certains fantasmes qui lui sont liés.
Non, le nouveau statut ne suffit pas à rendre heureux!
Non, il ne rend pas intrinsèquement différent!
Non, les banques ne feront pas crédit par bonté d'âme!
«De mon côté, j'ai rencontré des problèmes parce que mon patron avait cru bon de me déclarer sans m'en avertir, confie, dans un grand éclat de rire, ce Belge d'origine rwandaise qu'est Théodore.
Ce qui m'a valu pas mal de soucis avec l'administration fiscale.
Non pas que j'aie voulu tricher.
Mais à l'époque, je ne maîtrisais pas encore les arcanes du système.
M'échappait encore une partie substantielle de ce qui aurait sans doute fait office d'évidence à un habitué du plat pays.
Ceci dit, l'expérience est vite entrée.
Par exemple, j'ai appris à ne plus céder aux fallacieuses exigences de tous ces avocats qui se faisaient rémunérer pour des services dont ils se gardaient bien de préciser qu'ils étaient censés les rendre pro deo...»

Reconstruction

Place, donc, à une nouvelle réalité.
Et sans doute à une forme plus ou moins marquée de désillusion.
Celle qui découle, au mieux, de la confirmation ou, au pire, de la découverte que l'obtention des papiers tant attendus ne s'apparente pas à un coup de baguette magique. 
«Lorsque les effets du trauma et de l'exil ont été particulièrement destructeurs, s'il n'y a pas de travail de métaphorisation par le truchement d'un tiers (avec un psychothérapeute notamment), l'obtention des "papiers" ne solutionnera pas la problématique de celui qui est en grande souffrance.» (3)
Pour le réfugié, la reconnaissance par l'Etat des persécutions dont il a été la victime ne fait donc pas office de recette miracle.
Elle ne suffit pas à régler sur un mode féerique les difficultés liées à un vécu chaotique ou à des traumas.
N'empêche...
La réponse positive à une demande d'asile résonne un peu à la manière d'un «je te crois».
Et n'en participe donc que d'autant plus substantiellement à une reconstruction politique et subjective.
De quoi aider considérablement à tourner la page.
A sortir d'une attente aussi inconfortable que douloureuse.
Et à refaire le plein d'énergie...
«J'ai finalement repris des études universitaires, raconte fièrement cette vieille connaissance de Elçin (4).
Le défi n'était pas mince, pour moi, de m'y coller en français.
Mais comme le diplôme obtenu dans mon pays d'origine n'était pas reconnu en Europe, je me suis lancé.
Et aujourd'hui, je peux me targuer d'avoir réussi ma première année! 
Croyez-moi: ce n'est qu'un début...» (5)


(A suivre)

Christophe Engels


(1) Elise Pestre est maîtresse de conférences à l'Université Paris-Diderot et chercheure au centre de recherches Psyhanalyse, Médecine et Société.
(2) Pestre Elise, La vie psychique des réfugiés, Payot et Rivages, coll. Petite bibliothèque Payot, Paris, 2010-2014, pp.186-187 
(3) Pestre Elise, idem, pp.195-196. 
(4) Voir message précédent.
(5) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute): 
. la suite d'une série de messages consacrés à l'immigration, 
. des analyses sur la social-démocratie et l'écologie politique (après le libéralisme ainsi que l'humanisme démocratique qui, pour rappel,
ont d'ores et déjà été abordés). 


1 commentaire:

  1. La modulation des allocations familiales entre défense du principe d’universalité et défense de positions acquises.

    http://ouvertures.over-blog.com/2014/10/la-modulation-des-allocations-familiales-entre-defense-du-principe-d-universalite-et-defense-de-positions-acquises.html

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