Le
statut
de réfugié?
Un
grand
réconfort.
réconfort.
Un
énorme
soulagement.
soulagement.
Une
joie
indicible.
indicible.
Mais
pas
un coup
de baguette
magique.
un coup
de baguette
magique.
Pour
le demandeur d'asile, le «oui» est perçu comme une
reconnaissance.
Il
a aussi, le plus souvent, une valeur organisatrice autant que
structurante.
«Si
les variations des réactions entre les réfugiés restent
importantes et que l'on ne peut pas généraliser trop rapidement
cette hypothèse, ce statut semble contribuer à réparer les
dommages internes du sujet, croit pouvoir constater la
psychologue et psychanalyste française Elise Pestre (1).
Celui
qui était mis au ban de l'Etat, expulsable, et qui se sentait
"réduit au néant",
parviendra enfin à retrouver une place de sujet politique,
responsable, et à quitter sa place d'objet (de la "machinerie
juridique et administrative", du corps médical, du
bourreau, etc.).» (2)
Les
lendemains qui déchantent
Reste
qu'autant la réponse positive provoque souvent dans un premier temps
un sentiment d'euphorie, autant elle ouvre la porte d'un nouveau
chapitre.
Un
chapitre du grand livre de la réalité.
Qui
n'a pas grand chose à voir avec le conte de fée.
A
l'intéressé, désormais, de décider.
Et
de... réussir!
«Obtenir
"le" statut, c'est un peu comme acquérir la nationalité,
se souvient ce Rwando-Congolais devenu Belge qu'est le posé Aimé.
Avant
le jour J, ce seul et unique objectif monopolisait mon esprit.
Dans
ma tête, c'était l'échéance absolue.
Celle
à laquelle je me consacrais pleinement.
Celle
qui retenait toute mon attention.
Celle
sur laquelle je me focalisais.
Quand
j'ai reçu la bonne nouvelle, le soulagement et la joie ont été à
la hauteur de l'investissement consenti.
Monumental.
Phénoménal.
Faramineux.
Mais
assez vite, je suis passé à une autre étape.
Je
me suis rendu compte qu'il y avait encore beaucoup de pain sur la
planche...»
Car
tout reste à faire dans ce nouveau pays.
Où
il va notamment falloir trouver un emploi...
Le
réfugié est dorénavant placé
face à ses responsabilités.
C'est
la fin des illusions.
La
fin, aussi, de certains fantasmes qui lui sont liés.
Non,
le nouveau statut ne suffit pas à rendre heureux!
Non,
il ne rend pas intrinsèquement différent!
Non,
les banques ne feront pas crédit par bonté d'âme!
«De mon côté, j'ai rencontré des problèmes parce que mon patron avait cru bon de me déclarer sans m'en avertir,
confie, dans un grand éclat de rire, ce Belge d'origine rwandaise qu'est Théodore.
Ce
qui m'a valu pas mal de soucis avec l'administration fiscale.
Non
pas que j'aie voulu tricher.
Mais
à l'époque, je ne maîtrisais pas encore les arcanes du système.
M'échappait
encore une partie substantielle de ce qui aurait sans doute fait
office d'évidence à un habitué du plat pays.
Ceci
dit, l'expérience est vite entrée.
Par
exemple, j'ai appris à ne plus céder aux fallacieuses exigences de
tous ces avocats qui se faisaient rémunérer pour des services dont
ils se gardaient bien de préciser qu'ils étaient censés les rendre pro deo...»
Reconstruction
Place,
donc, à une nouvelle réalité.
Et
sans doute à une forme plus ou moins marquée de désillusion.
Celle
qui découle, au mieux, de la confirmation ou, au pire, de la
découverte que l'obtention des papiers tant attendus ne s'apparente
pas à un coup de baguette magique.
«Lorsque
les effets du trauma et de l'exil ont été particulièrement
destructeurs, s'il n'y a pas de travail de métaphorisation par le
truchement d'un tiers (avec un psychothérapeute notamment),
l'obtention des "papiers"
ne solutionnera pas la problématique de celui qui est en grande
souffrance.» (3)
Pour
le réfugié, la reconnaissance par l'Etat des persécutions dont il
a été la victime ne fait donc pas office de recette miracle.
Elle
ne suffit pas à régler sur un mode féerique les difficultés liées
à un vécu chaotique ou à des traumas.
N'empêche...
La
réponse positive à une demande d'asile résonne un peu à la
manière d'un «je te crois».
Et
n'en participe donc que d'autant plus substantiellement à une
reconstruction politique et subjective.
De
quoi aider considérablement à
tourner la page.
A
sortir d'une attente aussi inconfortable que douloureuse.
Et
à refaire le plein d'énergie...
«J'ai
finalement repris des études universitaires, raconte fièrement cette vieille connaissance de Elçin (4).
Le
défi n'était pas mince, pour moi, de m'y coller en français.
Mais
comme le diplôme obtenu dans mon pays d'origine n'était pas reconnu
en Europe, je me suis lancé.
Et
aujourd'hui, je peux me targuer d'avoir réussi ma première année!
Croyez-moi:
ce n'est qu'un début...» (5)
(A suivre)
Christophe Engels
(1) Elise Pestre est maîtresse de conférences à l'Université Paris-Diderot et chercheure au centre de recherches Psyhanalyse, Médecine et Société.
(2) Pestre Elise, La vie psychique des réfugiés, Payot et Rivages, coll. Petite bibliothèque Payot, Paris, 2010-2014, pp.186-187
(3) Pestre Elise, idem, pp.195-196.
(4) Voir message précédent.
(5) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
. la suite d'une série de messages consacrés à l'immigration,
. des analyses sur la social-démocratie et l'écologie politique (après le libéralisme ainsi que l'humanisme démocratique qui, pour rappel,
(2) Pestre Elise, La vie psychique des réfugiés, Payot et Rivages, coll. Petite bibliothèque Payot, Paris, 2010-2014, pp.186-187
(3) Pestre Elise, idem, pp.195-196.
(4) Voir message précédent.
(5) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
. la suite d'une série de messages consacrés à l'immigration,
. des analyses sur la social-démocratie et l'écologie politique (après le libéralisme ainsi que l'humanisme démocratique qui, pour rappel,
ont d'ores et déjà été
abordés).
La modulation des allocations familiales entre défense du principe d’universalité et défense de positions acquises.
RépondreSupprimerhttp://ouvertures.over-blog.com/2014/10/la-modulation-des-allocations-familiales-entre-defense-du-principe-d-universalite-et-defense-de-positions-acquises.html