Wandifa, le Gambien.
Ragip, le Kosovar.
Autant
d'exemples
d'immigrés
qui ont finalement
été expulsés.
Non
qu'ils aient omis d'user,
sinon d'abuser
de
toutes les procédures
Mais
ils ont dû
se résoudre
à l'inéluctable.
Déboutés,
ils ont été éconduits.
Retour
au pays, donc.
Mais
retour forcé.
Wandifa,
le retour...
En
Gambie.
Où
il a été hébergé dans la maison de son oncle.
Et
où il subit les récurrentes remontrances de sa tante...
«Ce
n'est pas facile, répète-t-elle
avec une lancinante obstination.
Tu
dois nous aider.
La
nourriture est chère.
Et
il faut que les enfants aillent à l'école.
Quand
tu étais en Suisse, tu contribuais à alléger notre fardeau.
Mais
depuis que tu es revenu, tout est difficile.
J'aimerais
que tu retournes là-bas.
C'est
ce que nous voulons.
Tu
dois nous débarrasser de cette souffrance...» (2)
«La
Suisse, retournes-y!»
Quelle différence
avec Ragip!
Qui
-paradoxe- se voit, lui, reprocher amèrement d'avoir... déserté
son pays d'origine!
«A
l'époque, mon père me demandait de rentrer au Kosovo, se
souvient celui qui se retrouve cantonné dans le rôle-oh,
combien!- ingrat du fils indigne.
Mais
je refusais.
Car
j'aimais la Suisse.
Je
voulais y rester.
Au
bout du compte, je me suis pourtant fait expulser tout nu.
C'est
comme ça...» (1)
Le
retour au bercail s'annonçait difficile.
Il
l'a été, en effet...
«Quand
je suis revenu, mon père m'a dit:
"Bon !
Je te prête une chambre.
Mais
tu ne le mérites pas.
Tu
n'as pas bâti quoi que ce soit au Kosovo.
Tu
n'a pas gagné ta vie.
Tu
n'as rien fait.
Construis-toi
une maison.
Puisque
tu as été en Suisse, tu dois en être capable.
Ou
alors tu n'as qu'à retourner là-bas."
C'est
comme ça...» (2)
«Je
deviens dingue!»
Fatalisme?
Oui.
Désabusé.
Et
tout en contraste avec la révolte intérieure de Dia.
Qui,
provisoirement séparé de son épouse, s'est laissé aller à oublier
de renouveler sa carte B dans les temps.
Et
qui a donc été renvoyé vers le Sénégal.
«Quelle
erreur!
Elle
m'a fait perdre les enfants et le travail qui étaient miens, à
Lausanne.
Et
elle m'a contraint à rallier Dakar.
Où
j'ai découvert que la maison familiale n'était pas seulement
désertée de mes parents, décédés entre-temps.
Elle
était aussi complètement inondée.
Tout
à fait inhabitable.
J'ai
donc dû aller dormir ailleurs.
A
la plage tout d'abord.
Puis
chez ma soeur.
Qui
continue à ignorer ce qui m'est arrivé.
Au
même titre que tout mon entourage.
Car
je n'ai osé raconter mon histoire à quiconque.
Evidemment
certains se doutent de ce qui s'est passé, mais personne ne sait
rien.» (2)
L'homme
est littéralement ravagé.
«La
pression est terrible.
Tout
est mélangé dans ma tête.
Chaque
fois que j'ai ma fille au téléphone, je me rends compte qu'elle ne
comprend rien...
"Tu reviens quand, papa?"
"Tu reviens quand, papa?"
"Tu
es parti pour faire de la musique?"
Ca
me rend dingue!
Ma
famille, ce n'est pas ici!!
C'est
en Suisse !!!
L'homme
n'habite nulle part si ce n'est là où est sa famille!!!!
Là
où est sa vie!!!!!
Là
où il peut travailler !!!!!!
Ma
dignité, c'est en Suisse!!!!!!!»
(1)
Dia
a sorti son mouchoir.
Il
s'éponge les yeux.
«Je
deviens fou...» (2)(3)
(A
suivre)
Christophe Engels
(d'après un remarquable document
de l'excellent réalisateur suisse Fernand Malgar)(2)
(1) Rivière noire, Bate Longe. Ou l'histoire d'un coeur qui, après avoir trop battu pour quelqu'un, ne veut plus rien savoir. «Il bat loin, loin. Il bat loin, loin...»
(2) Malgar Fernand, Le monde est comme ça, Climage (avec Arte, RTS, SSR, SRG), https://www.youtube.com/watch?v=9vL1PgyL0lk
(2) Malgar Fernand, Le monde est comme ça, Climage (avec Arte, RTS, SSR, SRG), https://www.youtube.com/watch?v=9vL1PgyL0lk
(3)
Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
.
la suite d'une série de messages consacrés à l'immigration,
.
des analyses sur la social-démocratie et l'écologie politique
(après le libéralisme
ainsi que l'humanisme
démocratique qui, pour rappel, ont d'ores et déjà été
abordés).
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