mercredi 17 août 2011

Post-libéralisme. Bien commun, le retour ?


L'humanisme,
pour bien
se décliner
au niveau
politique,
se doit
de travailler
à l’avènement
d’une économie
plus humaine.
Et de susciter
une interrogation
collective
sur ce qui est
digne d’estime.
Dixit
Laurent de Briey.
Après Marcel Gauchet
et Alain Touraine.




«L’humanisme démocratique a une réelle consistance philosophique s’il entend être l’expression dans le champ politique d’une volonté philosophique de dépasser le (…) libéralisme politique, tel qu’il s’est développé dans la philosophie politique contemporaine, notamment à la suite de la publication du livre de John Rawls, Théorie de la justice (1)(2)
Laurent de Briey (3) n’y va pas par quatre chemins.
Il veut aller au-delà du libéralisme.
C’est que le volet économique de ce courant de pensée semble difficilement se concevoir sans croissance économique.
Or celle-ci ne fait pas le bonheur.
Pas plus qu’elle ne garantit l’épanouissement de la personne.
Car si elle contribue à la production et la répartition de ressources sans cesse plus importantes, elle s’accompagne aussi d’une transformation des valeurs sociales.
«Le capitalisme contemporain s’appuie sur un hédonisme matérialiste, privilégiant la jouissance immédiate de biens de consommation, écrit le philosophe belge.
Cette transformation correspond à une mutation, aujourd’hui accomplie, d’un capitalisme de production, centré sur la création de biens répondant à une demande préexistante et liée, initialement au moins, à la satisfaction des besoins fondamentaux, vers un capitalisme de consommation, centré sur la création d’une demande pour les biens produits. (…)
Une économie de consommation est ainsi une économie du désir, et non plus du besoin.
Tandis que la satisfaction des besoins vise la préservation d’une existence finie et dès lors limitée, le désir naît de l’écart entre la finitude humaine et notre aspiration à l’infini.
» (4)
En découle nécessairement une société de frustration.
Il convient donc de travailler à l’avènement d’une économie plus humaine.
Un objectif qui ne pourra pas se concrétiser sans la (re)création préalable d’un espace public au sein duquel la collectivité puisse s’interroger sur ce qu’elle juge digne d’estime.

Démocratie libérale: la rançon du succès

Ces propos ne laissent pas d'interpeller.
Ils s'inscrivent d'ailleurs dans le prolongement d'autres réflexions.
Celles d'un Alain Touraine (5), pour qui «la société n'existe plus» (6).
Ou celles d'un Marcel Gauchet (7)...
«Notre nouveau problème est de savoir comment permettre à une société d'individus de se gouverner alors qu'elle ne sait même plus qu'elle est une société, explique ainsi le philosophe français.
Ce n'est pas simple avec des citoyens pour lesquels la démocratie est très populaire principalement parce qu'elle ne leur demande rien et surtout pas de penser à la chose publique.
Le problème de la démocratie aujourd'hui est inscrit dans sa réussite.
Car ce qui la rend populaire est en même temps ce qui l'empêche de fonctionner.
Nous en sommes arrivés à un stade où nous tournons le dos au véritable esprit de la démocratie, qui est la décision en commun.
De ce fait, nous nous enfonçons dans la paralysie.
Nos régimes sont incapables, par exemple, d'affronter la crise écologique ou le problème quotidien posé par une économie que nous ne maîtrisons plus.
La démocratie vit une crise d'impuissance engendrée par son succès.
» (8)(9)

(A suivre)

Christophe Engels

(1) Rawls John, Théorie de la justice, Seuil, coll. La couleur des idées, Paris, 1987. Voir aussi, sur ce blog, les messages «Libéralisme. Liberté, égalité, austérité.», «Libéralisme. Rock and Rawls.», «Libéralisme. Rawls: l’individu en personne?», «Libéralisme. Rawls, l'équilibriste.» et «Libéralisme. Equilibre instable...».
(2) Briey Laurent de, Le sens du politique. Essai sur l’humanisme démocratique, introduction, Mardaga, Wavre, 2009.
(3) Directeur du Centre d’études politiques, économiques et sociales (CEPESS), proche de ce parti politique de Belgique francophone qu'est le Centre Démocrate Humaniste. Auquel, rappelons le pour autant que de besoin, ni ce blog ni son initiateur ne sont liés de près ou de loin.
(4) Briey Laurent de, Le sens du politique. Essai sur l’humanisme démocratique, Mardaga, Wavre, 2009.
(5) Sociologue français, Alain Touraine est directeur d'études de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), à Paris.
(6) Voir, par exemple, Touraine Alain, Après la crise, Seuil, coll. La couleur des idées, Paris, 2010.
(7) Historien et philosophe, cofondateur et rédacteur en chef de la revue Le Débat, Marcel Gauchet a notamment écrit Le Désenchantement du Monde et de L'Avènement de la démocratie, dont il est question ici du troisième volume: A l'épreuve des totalitarismes, 1914-1974, Gallimard, Paris, 2010.
(8) Gauchet Marcel, Les nouveaux défis de la démocratie, in Le Nouvel Observateur, n°2398, du 21 au 27 octobre 2010, p.56.
(9) Ce message est inspiré de la première partie du texte: Engels Christophe, Le projet post-libéral., in Perso, Regards personnalistes, n°18, mai 2009, p.16.

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